Chapitre 46

PDV Lyra

Je redoute d'ouvrir les yeux. Pourtant, je sens son corps qui s'éveille, je sens que le jour a déjà pointé le bout de son nez. Il est grand temps de se lever. Mais j'ai une peur incompréhensible qui naît en moi. Ou peut-être qu'au final, je ne la comprends que trop bien. Je crains que tout ne soit qu'un rêve. Merveilleux, certes, mais je ne veux pas me rendre compte que tout cela n'était que des songes. J'ai bien trop apprécié pour pouvoir l'accepter. Et je ne saurais pas comment le regarder en face, si je découvrais que je rêvais de l'embrasser sans que la situation ne se soit vraiment réalisée.

J'ai aimé plus que de raison tous les contacts que nous avons échangé. Je ne devrais pas m'en surprendre, puisque tout ce qui concerne Lester de près ou de loin trouve un intérêt à mes yeux. Un intérêt que je ne saisis pas bien, mais qui est là, puissant, bien trop pour que je ne puisse y résister. J'en veux plus. Comme un drogué avec sa came. Ça aussi, ça me fait peur. Car j'ai la sensation d'accorder une importance telle à cet homme, que je lui donne toutes les clés pour me détruire. Si il partait ? Dans quel état je resterais ?

C'est sûrement stupide, de penser ainsi pour un garçon que je connais depuis quelques semaines seulement. Et pourtant, il a déjà pris une telle place dans ma vie, au point que je crains de ne l'en voir disparaître. C'est insensé, c'est une énigme, que je n'ai pas forcément le cœur à résoudre. Car mon cœur ne se concentre que sur une chose, lui. Et mon esprit semble être d'accord, pour une fois. Lester et la musique sont bien les seules choses sur lesquelles ils parviennent à s'accorder.

Je sais que je vais devoir arrêter de me plonger dans cet oreiller pour retarder le moment quand un pouce vient caresser ma joue. Je suis persuadée qu'il sait que je suis éveillée. Et qu'il attend seulement que je pose les yeux sur ses lèvres pour me lancer une de ses piques destinées à me faire rougir. Il en a toujours une en réserve. Et le pire, c'est que ça ne me dérange pas. Car son regard se met à briller d'une façon particulière quand il me regarde me mettre dans cet état. Un éclat que j'aime voir ressortir dans ses yeux.

Et quand mes pupilles se plantent dans les siennes, j'ai l'impression que tous mes doutes s'envolent. Il n'en reste plus aucun. Oui, nous nous sommes embrassés. Je n'ai rien imaginé de toutes les sensations qui m'ont assaillies. Il n'a pas besoin de mots pour me le prouver. Mon être tout entier me le hurle. Et il me cri aussi qu'il veut recommencer. Parce que c'était bon. Comme nager dans un océan de bonheur. Exactement comme quand je jouais...

Il me scrute, m'analyse. Voit-il ce à quoi je pense ? Ou bien cherche-t-il seulement à savoir si il reste des failles, des résidus de ce qui a pu se passer avec ce type, hier ?

Je crois connaître la réponse quand son pouce passe distraitement sur mes lèvres alors qu'il me fixe toujours. Et pour la première fois, je crois pouvoir affirmer avec certitude ce qui lui passe par la tête. Lui aussi, il en veut encore.

Est-ce humain, de vouloir à ce point partager sa salive avec une autre personne ? Car dit ainsi, cela ne fait pas rêver. Et pourtant, pour y avoir goûté, je peux dire sans trop de risque que c'est fabuleux. Avec lui, en tout cas. Et je n'ai pas franchement envie de tester avec d'autres pour faire la comparaison. Mon petit doigt me souffle qu'on ne me laisserait pas faire, de toute façon.

Son doigt reste sur mes lèvres plus que de raison, mais je n'ai pas envie qu'il le retire. Ou peut-être bien que je voudrais qu'il le remplace par autre chose. Et il semble le comprendre, car un sourire craquant apparaît sur son visage. Encore un de ces rictus moqueurs qui me font tant succomber, et aujourd'hui ne fait pas exception.

- Il y a quelque chose que tu veux, petit ovni ?

Ai-je le courage de le dire ? Sûrement pas. Et mon visage doit lui prouver car il semble satisfait. Je l'avais dit, qu'il me ferait rougir dès la première parole. On dirait presque un défi pour lui. Et je le laisse volontiers gagner pour voir ce visage si près du mien me regarder ainsi.

Timidement, dans un geste qui me surprend presque, mon doigt vient pointer ses lèvres, et il laisse échapper un rire. Je voudrais l'entendre. Savoir quel timbre il a, si je l'imagine de la bonne façon. J'essaye de ne pas me laisser miner en constatant que je ne pourrais jamais le savoir. Mais son corps si près du mien parvient à me faire mettre de côté cette idée plutôt rapidement.

- Je n'ai pas bien compris.

Oh que si, il a très bien saisi, mais il cherche à me taquiner. Il aime ça, peut-être un peu trop, mais encore une fois, je ne déteste pas ce jeu, bien au contraire. Alors que je pince mes lèvres, mon poing vient frapper doucement son épaule, ce qui ne fait qu'augmenter son sourire. Un sourire que je sais réservé à peu de monde. Un sourire qu'il affiche bien souvent avec moi, et dont j'ai presque envie de me vanter.

Son pouce quitte ma bouche et vient glisser dans mon cou, avant que sa main ne s'y pose à plat, et rapproche un peu mon visage du sien.

- D'accord, d'accord.

Il ne retire pas le rictus de ses lèvres avant de se pencher sur les miennes, avec douceur. Elles se collent ensemble, et dans mon ventre, cela explose. Un feu d'artifice, comme ce qu'on nous vend dans les films. Un feu qui se répète chaque fois qu'il m'embrasse. Et que je veux sentir éclater encore, et encore. C'est trop bon. C'est salvateur, presque rédempteur. Tout s'oublie, les soucis de la vie, les éléments importants comme minimes sont relégués au second plan. C'est une bulle qui m'entoure, qui me transporte. Je vole, je plane, comme un camé, après une bonne dose d'héroïne. Lester est mon dealer et ses baisers sont ma drogue. Je suis addict, en seulement quelques baisers, en seulement une journée. Ou peut-être bien que cela fait longtemps que j'ai succombé.

Dans mon esprit, je me demande presque à quel moment notre relation a prit un tel tournant. Quand exactement sommes-nous passés de deux jeunes obligés à travailler ensemble qui s'engueulent à la moindre questions, à dormir ensemble et nous embrasser de cette façon ? C'est comme si je n'avais pas vu passer la transition. Et pourtant, je ne regrette pas d'en être arrivée là.

Mais où en suis-je exactement ? Qu'est-ce que cela signifie tout ça ? Ça a l'air si simple dans les romans. Un baiser, et ils vécurent heureux. Mais dans la vraie vie, ça donne quoi ? La signification est-elle la même ? Je suis restée coincée dans cette vision fantastique que m'offre la fiction. Celle où s'embrasser scelle une relation. Il est fort possible que les choses ne fonctionnent plus de cette façon.

Ai-je envie de mettre une étiquette sur ce que nous partageons ? Oui et non. Mais je sais qu'être sans réponse est loin de me suffire. Car si je parviens à ne pas penser aux autres de mes interrogations, celle-ci est bien trop importante pour que je puisse la mettre de côté. J'ai besoin de savoir. Peu importe si la réponse est douloureuse.

Il semble sentir mon trouble, et ses sourcils se froncent. A quoi ressemble mon visage, maintenant ? Je n'en sais rien, mais dans tous les cas, Lester lit en moi comme dans un livre ouvert. Il garde le silence un moment, me laissant sûrement l'opportunité d'exprimer mes doutes. Mais je ne la saisis pas. Je n'en ai pas le courage. J'attends seulement qu'il se décide à m'interroger.

- Qu'est-ce qui te passe par la tête ?

Je mets un moment à le formuler. Je ne sais pas comment dire ça. Mais je sais que je parviens pas à soutenir son regard quand je finis par me lancer. Alors je fixe seulement ses lèvres, pour avoir sa réponse, en tentant de camoufler ma gêne.

- Tu... enfin nous... tu vois quoi, on s'est... plusieurs fois. Alors ?

La phrase est incomplète. Mais étrangement, je sais qu'il saisit tout. De toute façon, j'ai l'impression de n'avoir aucun secret pour lui. L'attente alors qu'il tarde à me répondre fait battre mon cœur vite. Très vite.

- Qu'est-ce que nous sommes ? Est-ce que nous sommes un couple, c'est ta question ?

Je joue avec la couette entre mes draps et me contente de hocher la tête pour toute réponse. Bon dieu, je me dis qu'au final, je n'aurais rien dû dire. Et si il me disait que cela ne compte pas, comment je le prendrais ? Mal, assurément. Parce que ça compte, pour moi. Et en même temps, j'ai du mal à croire qu'il pourrait me faire ça. Ce n'est pas un enfant de cœur, je le sais. Il est rude, avec les autres. Mais pas avec moi. Et j'ose croire que ce privilège ne va pas me filer entre les doigts.

- Si ce terme veut dire qu'aucun mec ne peut te toucher, je suppose que oui.

Je rougis violemment et lui envoie un tape dans le bras alors que je vois sur son visage qu'il est fier de son effet. Je finis par marmonner que lui non plus ne pourra pas être touché par des filles, et j'avoue que cette information me satisfait, ce qui me gêne un peu de moi-même.

Son visage finit par redevenir sérieux, ce qui me stresse un peu, et j'ai presque l'impression que le rêve se transforme en cauchemar alors qu'il parle.

- On devrait... garder ça pour nous.

Alors c'est ça que je suis au final ? Un secret ? Un tas d'idées noires se mettent à tourner dans ma tête, et aucune n'est plus agréable que la suivante. Je me sens presque idiote d'y avoir crue ne serait-ce qu'un instant. Un type comme lui, avec une fille comme moi ? Je suis la sourde de service, l'ovni. Il est le rockeur populaire et adulé. On ne voit ça que les livres. La réalité est tout autre. Et dans celle-ci, il y a le regard des autres. Pourtant, je le pensais différent. Je pensais justement que ma différence ne le gênait pas.

Je n'ai pas le temps de penser plus qu'une pichenette sur le front me fait sursauter et reposer mon regard sur lui. Je ne peux rien dire, rien faire, qu'il m'oblige à fixer ses lèvres.

- Idiote, à quoi tu penses exactement ? Je te jure, tu n'as pas intérêt à imaginer une seule seconde de plus que j'ai honte, ou tout autre chose.

Je fouille dans son regard à la recherche d'une quelconque information supplémentaire, mais ne trouve qu'une chose : de la sincérité.

- Alors pourquoi ?

J'ai peur de poser la question. Mais mon cœur me souffle qu'il ne risque pas d'être blessé par la réponse. Et il n'avait pas tort.

- Tu te rappelles ce qui s'est produit juste parce que je t'ai donné un t-shirt ? J'ai réglé ça, mais imagine un peu ce qui se passera si on débarque comme un couple. Je n'ai pas envie que tu te retrouves encore dans ce genre de situation. Alors je me dis qu'il vaut mieux garder ça pour l'instant. Tu peux en parler à Arc-en-ciel, aux personnes en qui tu as confiance.

Alors c'est ça... une protection. Mon cœur se met à battre la chamade et je souris comme une idiote, alors qu'il finit par me tirer du lit en me narguant qu'on va vraiment finir en retard.

Moi je reste sur mon petit nuage, pendant le petit déjeuner, sous la douche, jusqu'à devant la porte de sa chambre, quelques minutes avant de partir. Il me devance et son dos m'apparaît, carré et rassurant.

Ma main bouge d'elle-même, et vient attraper le pull qu'il a enfilé, ce qui le fait se retourner vers moi. Il me regarde sans rien dire, attendant que je me décide à expliquer pourquoi je l'ai arrêté. Je ne me reconnais pas, dans mes actions, mais je ne m'arrête pas pour autant. Je me hisse sur la pointe des pieds et pose mes lèvres sur les siennes. Il me laisse faire, pour un baiser qui ne dure qu'un instant, sûrement trop peu pour que cela ne soit suffisant, alors à peine mes lèvres ont-elles quitté les siennes que je les plaque une deuxième fois. Et je dois me faire violence pour me séparer définitivement de lui.

- C'était pour tenir toute la journée.

Son sourire pourrait me liquéfier sur place, tant il en dit long. Il se contente de sortir de la pièce, mais je lis dans ses yeux tant de choses que mes joues finissent cramoisies.

Et elles ne changent pas de couleur durant tout le trajet, si bien que la première chose que Talia me dit en me voyant, c'est que je dois avoir la fièvre. Et puis elle pose le regard sur Lester, qui affiche un sourire moqueur, et semble faire le rapprochement entre mon état et le sien.

Je décide de remettre à plus tard la grande révélation, et l'entraîne à travers les couloirs si tôt la cloche sonnée, pour qu'elle n'ait pas le temps d'en demander plus. Sauvée par le gong, comme on dit.

Je finis assisse à ma place, la main soutenant mon visage, sans pouvoir retenir mes yeux de voguer sur lui. J'espère ne pas être trop voyante. Mais je ne parviens pas à m'en empêcher. J'ai l'impression d'être une enfant devant sa friandise préférée. La comparaison n'est peut-être pas si idiote que cela, et mes dents viennent mordiller ma lèvre inférieure alors que le souvenir des siennes si trouve encore.

Son regard se plante dans le mien.

Il passe sur mon visage.

S'arrête sur ma bouche.

Je le vois se saisir de son smartphone.

Taper un message.

Mon téléphone vibre.

Et mon cœur explose.

« Tes dents sont à la place de mes lèvres. »

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Lester est le bonbon de Lyra. Un bonbon qui pique un peu, mais qui est fondant à l'intérieur x)

Est-ce qu'on ne rêve pas nous aussi d'une histoire aussi cute ? x)

Allez, à vendredi pour le prochain !

Kiss :*

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