Chapitre 43

PDV Lyra

- Vous êtes sûres de ne pas vouloir venir avec nous. Alllllezzz !

Carter nous fait des yeux de biche, en serrant ses mains ensemble, dans un signe de prière évident. Il me tire un rire, et à côté de moi, Talia fond littéralement. Je crois qu'elle pourrait bien accéder à sa requête, si il continu à faire cette tête. Profitant de notre mercredi après-midi de libre, cette dernière a décidé qu'il était temps que nous fassions « du shopping », activité qui selon elle, est la base de toute amitié. « Il faut absolument qu'on aille dans les magasins. Je te sortirais une jupe orange fluo des rayons, que tu trouveras hideuse, et que j'adorerais. Puis tu choisiras un chemisier élégant, que je critiquerais pour son manque de couleur. La base, de ne pas être d'accord ». Il faut dire qu'entre elle et moi, le diction « les opposés s'attirent » prend tout son sens. Son style lui va bien, mais jamais je ne porterais le même pantalon violet qu'elle aborde aujourd'hui.

Et Carter tente depuis de longues minutes de nous convaincre d'abandonner l'idée, et de les accompagner en répétition. Pour dire les choses clairement, passer l'après-midi à regarder Lester jouer ne me dérangerait pas plus que cela. Mais j'ai envie de développer ma relation avec mon amie, et ce n'est pas en restant scotchée devant lui que je vais y parvenir. C'est d'ailleurs lui qui vient à notre rescousse, avant que Talia ne finisse par craquer devant son idole.

- Tu vas arrêter ? Laisse-les dont !

- Tu vas peut-être me dire que tu ne veux pas avoir notre belle-sœur sous les yeux tout l'après-midi ?

Il lève les yeux au ciel, envoyant son pied dans le derrière de son ami.

- Si elle est là, tu vas passer ton temps à discuter et faire des réflexion. Déjà que c'est un calvaire de te mettre au travail. Et arrête de l'appeler comme ça.

- Mais quel rabat-joie. Il se tourne vers moi. Comment tu fais pour le supporter ?

Je ris encore, devant cette scène de chamaillerie presque quotidienne. Carter se met à bouder, comprenant visiblement que nous sommes bien décidées à aller passer un moment toutes les deux. Talia se dirige vers la porte et m'attend alors que j'enfile une veste. Lester s'approche alors de moi, et tandis qu'il passe sa main sur le col de ma veste pour la remettre, s'adresse à moi.

- Au moindre soucis, tu m'appelles.

- D'accord.

J'ai cette sensation d'être protégée, depuis que je suis près de lui, et j'aime ça. Encore maintenant, il trouve les mots pour me rassurer, alors même que je n'avais pas l'impression d'être stressée. Pourtant, je dois l'admettre, être loin de lui me fait quelque chose, parce que c'est seulement à ses côtés que j'ai réussi à être apaisée, dernièrement.

Nous quittons l'appartement toutes les deux et nous dirigeons vers le centre-ville, qui n'est pas très loin. Je découvre pour la première fois toute cette partie de la ville. J'ai rarement fait du shopping, depuis que je suis arrivée ici. Alors à part le centre commercial dans lequel mes parents m'ont régulièrement traînée, je n'ai pas vu grand-chose, et certainement pas ces petites rues remplies de boutiques en tout genre. C'est plutôt sympa. Avant de commencer, elle me propose de nous asseoir dans un café pour manger une gourmandise, et en voyant la devanture, je suis incapable de dire non.

- Comment ça se passe, chez le groupe ?

Je me mets à sourire sans le vouloir, en ne pensant qu'à une chose : je dors avec Lester.

Elle me regarde en souriant elle aussi, et je pose ses mains sous son menton.

- C'est vivant, là-bas. J'aime ça.

- Tu es tellement chanceuse.

Oui, je le suis. Je ne peux pas dire le contraire. Je vis chez le groupe en vogue du moment, dors avec le guitariste, qui prend soin de moi comme il ne le fait visiblement avec personne. Une constatation qui me fait rougir.

- Tu pensais à Lester là, pas vrai ?

Je place une main devant mon visage pour me cacher, comme si cela allait changer quelque chose. Quand je la retire, je la trouve entrain de rire.

- C'est étrange à dire mais... j'aime être avec lui.

- Pourquoi ça serait étrange ?

- On est... différent, lui et moi.

Elle lève les yeux au ciel comme si je disais une bêtise aussi grosse que le monde. Pourtant, je n'ai pas l'impression de me tromper. J'ai un jour fait partie du même monde que lui. Et encore. Mais maintenant, il y a un fossé entre nous. Le type canon qui joue dans un groupe et attire tout le monde, et la jeune fille sourde qui vit recluse sur elle-même depuis 5 ans. Talia a raison. On pourrait en faire un livre.

- Et depuis quand c'est un problème ? Si tout le monde était pareil, la vie serait d'un ennui ! C'est ça, qui rend la vie exceptionnelle. Les Hommes sont des couleurs. Toutes les couleurs se rencontrent, se mélangent, et cela crée un monde fabuleux. Il faut cesser de vouloir ranger les couleurs entre elles, et voir toutes les opportunités fabuleuses que peut apporter le mélange.

Je lui offre un sourire. Oui, c'est une belle façon de voir les choses. Ça lui ressemble, de penser de cette façon. Et je me dis que cela doit être bien plus agréable de voir la vie ainsi. Je voudrais en être capable. Peut-être un jour...

- Est-ce que tu l'aimes ?

Je ne parviens pas à lui répondre tout de suite. Aimer ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Je n'en sais rien, la preuve étant que je n'ai pas réussi à en trouver une définition pour notre exposé. Alors dire que je l'aime, je n'en sais rien.

- Je ne sais pas. J'aime être avec lui. Parler avec lui. Même quand il me taquine, j'apprécie. Je ne pourrais pas te dire si je l'aime... mais je peux te dire que je n'ai pas envie de retrouver une vie où il n'est pas.

- C'est déjà très bien de pouvoir le dire, tu sais.

Nous continuons de discuter, un bon moment, avant qu'elle ne m'emmène dans un labyrinthe de boutiques. Si au début, je suis peu à l'aise, je finis par me prendre au jeu, devant sa bonne humeur.

Alors que je regarde une robe sur un mannequin, n'osant pas la prendre, elle arrive à côté de moi, un panier plein de tissus aux milles couleurs.

Elle passe ses yeux entre moi et le vêtement successivement avant d'en attraper un sur le portique à côté, et de me le fourrer dans les mains.

- Essaye là, au lieu de loucher dessus.

Je ris et me laisse entraîner dans les cabines. J'enfile la robe, et m'observe dans le miroir durant de longues minutes, avant d'oser sortir la tête de derrière le rideau. Talia est là et me regarde avec de grands yeux, alors que je ris en voyant la nouvelle tenue arc-en-ciel qu'elle s'est créée. J'imagine déjà la réflexion que va faire Lester en la voyant.

Elle s'avance d'un pas, et râle gentiment.

- Ah bah enfin ! Bon alors, fais voir !

Je pince mes lèvres avant d'ouvrir le rideau, peu sûre de moi.

- Je ne sais pas si ça me va vraiment...

- Tu rigoles ? Tu es splendide !

- Tu crois ?

- Regarde toi et oses me dire que tu ne te trouves pas jolie.

Au même moment, une vendeuse passe devant nous et me lance un sourire.

- Elle a raison, vous êtes absolument magnifique.

Je me sens rougir alors que je me tourne pour m'observer. A travers le miroir, je vois les lèvres de mon amie bouger, et je parviens à saisir ce qu'elle me dit, même si c'est plus compliqué.

- Si tu te demandes si Lester va aimer, la réponse est définitivement oui.

Je lâche un petit rire et me retourne vers elle.

- Je la prends alors ?

- Évidemment que tu la prends !

Après cette boutique, nous devons en faire encore une bonne dizaine, mais je ne trouve rien d'autre. Alors que nous avançons en direction de l'appartement, après une après-midi bien chargée, je repère un homme un peu à l'écart, qui se tient le ventre, plié en deux. Je fronce les sourcils un instant et l'observe, avant de me décider à m'approcher de lui. Talia me suit sans comprendre au début.

- Monsieur, tout va bien ?

Il ne semble pas me répondre, en tout cas, Talia secoue la tête pour me signifier qu'il reste silencieux. Je me penche alors vers lui pour tenter de voir son visage, et l'appelle une nouvelle fois. Il relève le visage vers moi et m'adresse un sourire tordu. Alors je comprends, de part sa posture, ses yeux et son odeur qu'il est tout simplement bourré.

- Jolie demoiselle.

Je n'ai le temps que de lire sur ses lèvres que déjà il s'avance et les pose violemment sur les miennes. Mon amie réagit avant moi et lui tape dessus avec son sac à main, faisant partir l'homme en arrière. Il s'appuie contre le mur, riant, bien trop saoul pour comprendre quoi que ce soit.

Moi je reste figée. Je ne sais pas comment réagir. C'est Talia qui attrape ma main et m'entraîne loin de lui, jusqu'à l'appartement, pour tout dire. C'est aussi elle qui me prend les clés prêtées par Lester pour ouvrir la porte et me fait entrer à l'intérieur. Elle se poste devant moi et pose ses mains sur mes bras. Je capte toute l'inquiétude dans son regard.

- Lyra, ça va ?

Oui, non, je ne sais pas. Je suis chamboulée. Évidemment, que cela m'atteint. Mais je n'arrive pas à le dire, alors je tente de faire bonne figure, et lui souris.

- Oui, oui ça va. C'est rien, il était bourré, c'est tout. Oh, tu as vu l'heure ? Tu as ton cours de danse.

- Je me fiche de mon cours, l'important c'est toi là. Tu es sûre que tout va bien ?

Non, je ne suis pas sûre, pourtant, durant les minutes qui suivent, je fais tout pour la persuader. Je ne suis pas sûre de réussir, mais je finis tout de même par la convaincre de me laisser. Pourtant au fond de moi, je n'ai pas envie d'être seule maintenant.

Elle finit par passer la porte et comme un automate, je me dirige vers la chambre. Je dois arrêter d'y penser. Ce n'est rien. Je dois passer au dessus.

J'essaye de trouver quelque chose à quoi me raccrocher pour ne pas me repasser la scène, et je finis par le trouver sur le mur. Je m'avance pour regarder les photos accrochées là. Parce qu'il y en a une qui n'y était pas ce matin. Celle de Lester et moi, que Carter a prise hier soir.

Nous nous regardons. Et j'ai presque l'impression de sentir l'intensité de son regard rien qu'à travers le cliché. Carter a du l'accrocher là, comme les autres. Pourtant j'aurai aimé que ce soit lui.

Mais si la photo parvient à me tirer un sourire, je n'arrive pas à concentrer mes pensées sur elle.

Elles reviennent sans cesse sur ce baiser. Mon premier. Donné par un type bourré dans la rue, sans mon consentement. Mon cœur bat et mon estomac me fait mal. J'ai cette impression qu'il m'a volé quelque chose. Quelque chose de précieux.

Je me retourne vers la porte de la chambre, tentant de me calmer. C'est juste un baiser. Je suis vivante. Je vais m'en remettre. J'ai beau me le répéter, la sensation ne part pas. Comme si j'étais salie, souillée.

Je sais ce qu'il s'est passé. Une agression sexuelle. C'est comme ça qu'on appelle ça. Mais j'ai du mal à me l'avouer. J'essaye encore de le nier, de me dire que ce n'est rien, malgré tout l'affliction que je ressens.

Et alors que je tente de me convaincre, sans y parvenir, la porte de la chambre s'ouvre à la volée. Je sursaute, et mes yeux tombent sur lui. Il se précipite vers moi, et il n'a besoin de rien dire pour que je comprenne qu'il sait tout. Talia a dû l'appeler.

Il se pose devant moi et place ses mains sur mes joues, en plongeant son regard dans le mien.

Je me sens bien et je me sens mal en même temps. Mais il est là. Et pour l'instant, c'est tout ce qui compte pour moi.  

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Un petit moment entre filles, parce que tous les chapitres ne peuvent pas être remplis de mignonneries x) A votre avis, quelle va être la réaction de Lester ? Il serait littéralement capable de retrouver ce type pour le frapper x) 

Je vous dis à mardi pour un prochain chapitre, 

Kiss :*

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