Chapitre 34
PDV Lyra
C'est gênant. Quoi que je ne saurais dire ce qui me fait le plus rougir : dormir sur lui, le regard des autres, ou bien la pique de Carter. Les trois ensemble forment un cocktail explosif qui joue sur ma santé mentale. Comment je me suis retrouvée dans cette position ? Suis-je tombée sur lui, ou bien m'a-t-il mise ainsi ? Non, il ne peut pas avoir fait ça. Je dois être tombée, et il n'a pas osé me virer. C'est plus logique de penser de cette manière.
Je ne sais pas comment agir. Dois-je m'excuser ? Fuir ? Répondre à Carter ? J'opte pour le fait de ne rien dire. C'est plus simple, malgré que leurs sourires joueurs soient gênants. C'est Lester, qui prend les choses en main en se levant. Malgré le fait qu'il soit de côté, je parviens à saisir ses paroles alors qu'il s'adresse à son meilleur ami.
- Arrête de la chercher.
Carter ne se départi pas de son sourire et place ses mains sur ses hanches. J'ai beau ne pas réellement le connaître, j'ai bien saisi le caractère de ce dernier. Son passe-temps préféré, embêter les autres, en particulier Lester. Il semble que ses réactions à lui soient les plus amusantes. Alors évidemment, il ne va pas abandonner maintenant.
- Pourquoi pas ? Oh, laisse-moi deviner, personne n'a le droit de l'embêter sauf toi ?
Je ne sais pas ce que Lester lui répond, car il se tourne et avance vers la cuisine, mais en voyant les yeux de Carter qui se lèvent au ciel, je parierais sur une réplique du genre « Tu fais chier », ou autre. Je me tourne vers mon partenaire de devoir, qui me regarde depuis la cuisine. Il me fait un signe de tête en me désignant la table, et je comprends qu'il veut que je m'assois. Alors j'avance vers la table, hésitant tout de même en voyant que personne ne me suit. Mon amie finit par me rejoindre, quand Carter la pousse vers moi.
- Tu ne vas pas rester debout, rejoins Lyra.
Il la fait s'asseoir en appuyant ses mains sur ses épaules, et je vois le sourire et les joues rougissantes de la jeune femme. Je suppose que toute cette situation lui paraît incroyable. Comment pourrait-elle réagir autrement ? Elle est assise à la table du petit déjeuner chez ses idoles. Il a y de quoi tomber dans les pommes.
Alors je ne vous explique pas à quel point ses yeux se mettent à briller quand le dernier des membres entre dans la pièce et que tout le monde s'assoit à table. Arthur se retrouve en face de moi, et je sens son regard qui se pose sur ma personne. Il ne dit rien, ne me regarde pas bizarrement non plus, mais c'est déstabilisant d'être observé de cette manière. Je me demande pourquoi il agit ainsi. Je finis par détourner le regard, afin d'essayer de ne pas rougir sous le sien.
Je regarde les boissons et aliments posés devant moi, sans oser tout d'abord me servir. C'est Sam qui me fout dans les mains la bouteille de jus d'orange sur laquelle je lorgne, avant de me proposer de la nourriture. Impossible pour moi de considérer un petit déjeuner comme tel sans un verre de jus d'orange. C'est mon incontournable. Pour le reste, je ne suis pas difficile, hormis le fait que je suis incapable de boire du café, ou de manger salé après avoir ouvert les yeux.
De là, je dois admettre que je me déconnecte de ce qui est en train de se produire. Mais je ne retiens pas un sourire, devant la vie qui entoure cette table. Il y a des rires, des clins d'œil, et tout semble si joyeux. Mais c'est trop rapide et en trop grand nombre pour que je parvienne à suivre. Je n'ai pas forcément envie de m'épuiser maintenant, alors je me contente de les observer. Cela suffit à me mettre de bonne humeur, autant que possible après ce qui a pu m'arriver la veille.
Je laisse Talia avec les garçons pour aller dans la chambre quelques minutes. Je me mets à regrouper mes affaires, bien consciente que nous ne pourrons pas éternellement rester ici. Mais je ne dirais pas non pour quelques instants supplémentaires... Ici, j'ai l'impression de parvenir à oublier. Hier soir. Ma sœur. Ma famille. Et tout ce qui ne va pas dans ma vie.
Je ne sais pas pourquoi. Mais si je devais trouver une raison, j'aurai tendance à dire que ce n'est pas le lieu. Mais sa présence. C'est difficile d'admettre qu'il pourrait avoir cet effet sur moi après seulement quelques semaines à se côtoyer pourtant, dire le contraire serait un mensonge éhonté.
Je m'éclipse dans la salle de bain pour revêtir mes vêtements. J'ai presque du mal à retirer ceux de Lester. J'aime porter ses vêtements... Et je ne veux pas comprendre pourquoi.
Ils sont trop grands, ils sont pour homme, mais ils sont à lui. Ça fait toute la différence.
Quand je sors, je m'arrête dans l'embrasure de la porte. Il est là, assis par terre devant son lit, et il me regarde. Sa guitare posée sur les genoux, et des feuilles gribouillées étalées au sol devant lui. Ces feuilles, je les reconnais. Et je comprends ce qu'il est en train de faire, alors je souris et m'avance vers lui. Je pose les vêtements qu'il m'a prêté sur le lit et m'assois en tailleurs en face. Il affiche son sourire en coin, celui qui me fait rougir, et commence à gratter les cordes de sa guitare.
Comme si il appuyait sur un interrupteur en moi, mon cerveau se met à imaginer la musique. Et mon corps à la ressentir. Je laisse mes doigts taper en rythme sur le parquet, pendant qu'il joue ce morceau que je l'ai aidé à composer en partie. Il s'arrête, quand les notes sur la feuille prennent fin, et pose son regard sur moi. Et il attend. Je lui fais un sourire timide en me penchant un avant, attrapant un stylo qu'il a laissé traîner. J'écris les notes qui me viennent en tête, et aussitôt, il les joue. Il sourit sans poser les yeux sur moi, et je souris aussi, contente qu'il aime ce que je viens de lui proposer. Je continue, et il joue alors que j'écris en même temps, et chantonne sans m'entendre. Les vibrations que je dégage de mon corps m'aident à me concentrer. Et j'en oublie presque son regard sur moi, bien que je sentes la chaleur de ses yeux sur mon épiderme.
Je tourne la tête vers la porte quand il relève subitement la sienne, et rougis comme une tomate quand je constate les 4 paires d'yeux qui nous regardent. Comme c'est gênant, lorsqu'ils affichent ce genre de sourire. Je ne sais pas ce que Lester leur dit, mais il doit leur demander ce qu'ils foutent, car Carter lui répond qu'ils ne pouvaient pas rester loin d'une scène aussi touchante.
Je sens l'homme à mes côtés râler plus que je ne le vois et l'entends. Comment puis-je être capable d'imaginer ses réactions ?
Ils finissent par nous annoncer que Carter va ramener Talia chez elle, et de là, elle affiche le plus grand sourire que je n'ai jamais vu. Avant de poser ses yeux sur moi, et de sembler revenir à la raison.
- C'est gentil, mais je vais rentrer avec Lyra.
- Lester va la ramener ne t'inquiète pas !
Je me mords la lèvre quand le chanteur lance cette phrase. Et si il ne voulait pas ? Et si cela l'emmerdait plus qu'autre chose ? Il a déjà fait beaucoup pour moi...
Je tourne doucement la tête vers lui et lui marmonne qu'il n'est pas obligé. Je peux prendre le bus. Je me perdrais sûrement, mais je finirais bien par rentrer.
Il secoue la tête comme si je disais n'importe quoi.
- Cart', ramène l'Arc-en-ciel.
Mon amie ouvre grand les yeux devant ce surnom, mais ne semble pas s'en offusquer, au contraire. J'imagine le rêve que c'est pour elle d'être nommé ainsi. Et puis Lester ne donne pas les surnoms méchamment. J'en sais quelque chose.
- Miss, on y va ?
Elle sautille sur place en le suivant, m'adressant un regard excité. Je lui rends un sourire et lui fais un signe de main, pour qu'elle comprenne que c'est bon.
Je me retrouve vite devant la moto de Lester, en bas, et il me tend son casque. Je fronce les sourcils, remarquant ce détail qui n'a pas dû me sauter aux yeux la dernière fois qu'il m'a fait monter sur cet engin, après la catastrophe du restaurant. Il n'a qu'un casque.
- Et toi ?
- Je n'en ai qu'un.
- Oui, mais je ne peux pas te prendre ton seul casque.
Il me lance un regard à moitié joueur et à moitié agacé.
- Tu veux ne pas en mettre peut-être ?
Je ne sais pas quoi lui répondre, surtout quand relève le coin de ses lèvres. Il me met le casque sur la tête et l'enfonce sans attendre aucune contestation de ma part. Je suppose que de toute façon, il ne me laissera pas avoir le dernier mot là-dessus. Alors je ne dis rien de plus et monte à sa suite. La trajet passe étrangement vite. Bien plus que lorsque je l'ai fait avec Carter. Peut-être parce que je n'ai pas envie de le quitter... j'ai peur de ce qui va me monter à la tête, quand j'aurai retrouvé la solitude de ma chambre.
Je mets un certain temps à descendre de la moto, alors même qu'il est garé devant chez moi. Il ne dit rien et me laisse faire. Sent-il que j'ai besoin de rester un peu plus à côté de lui ? Peut-être. Je finis par arrêter, consciente que je ne devrais pas trop lui en demander.
Je tente de retirer le casque, pour lui rendre, mais ne parviens pas à le passer hors de ma tête. Elle est si grosse que ça ?
Il lève les yeux au ciel, mais sourit tout de même. Je n'explique pas quelle couleur je prends encore. Il me le retire sans difficulté et ne fait pas de commentaires, ses yeux parlant pour lui.
D'une voix timide, je le remercie. Au fond, il mérite bien plus qu'un simple « merci ». Mais je ne pense pas qu'il veuille entendre un long discours, et je n'ai pas le courage d'en formuler un. Je suis persuadé qu'il sait ce que je pense. Et que cela lui suffit.
Il me fait un signe de tête et enfile le casque, mais ne démarre pas. J'attends quelques secondes, regardant autour de moi, avant de me décider à le questionner.
- Tu ne pars pas ?
Puisque je ne peux pas voir sa bouche, il me fait un signe de main en direction de la maison, et je saisis qu'il veut que je rentre d'abord. Je mordille ma lèvre et lui lance un salut avant de partir rapidement vers la porte, gênée. Pourquoi fait-il ce genre de chose ? Et pourquoi cela me met-il dans cet état ?
Je ferme la porte et ne vois pas ma mère, ni mon père. Ils doivent être sorti, et je dois dire que cela m'arrange. Je me dirige vers ma chambre, et mes yeux se posent presque instinctivement sur le t-shirt, toujours à sa place sur mon lit. Sans savoir quelle mouche me pique, je m'avance et le saisis entre mes doigts, pour le porter à mon nez. En fermant les yeux, j'ai l'impression d'être encore là-bas. Et je ne sais pas pourquoi, mon cœur se met à battre fortement.
Dire que je préférerais être encore chez eux, chez lui, est un euphémisme. Je ne me sens pas à l'aise, seule ici. Et cette pensée me rongera l'esprit toute la journée. En particulier quant au dîner, ma mère me questionne sur le concert. Je me force à lui dire que c'était super, et que j'ai apprécié être chez Talia. Mais je ne fais que penser à ce que j'ai ressenti, en les regardant, et à ce qui a pu se produire à cause de cela. Je sers les poings sous la table, me faisant violence pour ne pas craquer. Le visage d'Aria s'insuffle dans mon esprit, et c'est dur de rester concentrée.
Je mets fin au repas assez rapidement, prétextant être fatiguée de ma soirée. Ce n'est pas faux. Ce n'est pas toute la vérité non plus.
Je me presse à me mettre au lit, après avoir enfilé le haut de Lester. Note se colle contre moi, et je l'entoure de mes bras. J'ai l'impression que je dois me dépêcher de m'endormir pour arrêter de penser à ma sœur, et au fait qu'elle me manque affreusement. C'est une idée qui est probablement stupide, car mes cauchemars sont tout aussi douloureux. Je ne peux que le confirmer quand je passe sans nul doute l'une des nuits les plus difficile de ma vie. Et quand je finis par accepter que je ne pourrais pas fermer l'œil une seconde de plus, je finis par me lever.
Mon cœur me fait mal, tout comme mon esprit. Pas de fatigue. Quoi que si. L'un comme l'autre sont fatigués de revivre cette journée affreuse chaque fois que le sommeil me prend. N'ai-je pas assez donné ? J'ai tout perdu, il y a 5 ans. Tout ce qui constituait ma vie. Mon rêve, ma passion. L'ouïe, et ma sœur. Tout l'espoir que je plaçais dans la vie s'est envolé. Et encore maintenant, après tant d'année, je suis contrainte de le revivre. De l'endurer encore.
Je me change, retirant le t-shirt de Lester. J'aurai aimé qu'il suffise à détourner mon esprit de tout ça, mais je dois me rendre à l'évidence, seule sa présence en est capable. Et il n'est pas là.
Alors il n'y a rien ni personne qui m'empêcher de me faire du mal en le ressassant.
Je sors de ma chambre, et comme souvent, je me retrouve devant la porte d'Aria. Celle de cette chambre où elle n'a jamais mis les pieds. Où mes parents ont seulement recrée la pièce, comme si elle allait un jour s'y installer. Je n'ai jamais ouvert cette porte. Je ne suis jamais rentré dans cette pièce, peu importe le nombre de fois où comme maintenant, j'ai posé la main sur la poignée.
Pourtant, pour la première fois, je l'abaisse. Et j'ouvre la porte. Je fais quelques pas à l'intérieur, et la referme derrière moi.
Mes yeux passent partout, avant de se poser sur une photo, posée sur la table de chevet. Je m'avance pour la saisir entre mes doigts, et une larme roule sur ma joue. C'est nous. Elle avec sa guitare, moi avec mon violon. J'ai presque l'impression de redécouvrir son visage alors que chacun de ses traits est gravé dans mon esprit.
Je serre le petit cadre contre mon cœur, et me laisse tomber au sol.
Je laisse le désespoir m'envahir, et les larmes inondent mes joues. Pour la première fois, ce ne sont pas des larmes de colère, contre mes parents, contre la vie et le destin. Pour la première fois... je m'autorise à pleurer ma sœur.
-----------------------------------------------------------------------------
Vous voulez savoir ce qu'il s'est passé, il y a 5 ans ? Qu'est-ce qui a fait que Lyra a perdu l'ouïe ? Et Aria la vie ? Et bien... vous le saurez dans le prochain chapitre !
Alors je vous dis à vendredi,
Kiss :*
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top