Chapitre 3

PDV Lester

Le son strident du réveil me fait grincer des dents. J'envoie valser l'objet, me souciant bien peu de l'état dans lequel il ressortira. Je passe une main dans mes boucles en râlant. Une autre putain de journée dans ce putain de bahut qui commence. Dire que je n'ai pas le choix de me lever de ce minuscule lit duquel mes pieds dépassent pour y aller.

J'ouvre les yeux quand je sens un poids sur mon corps qui m'empêche de respirer. Rapidement, je vire mon meilleur ami, le faisant lourdement chuter au sol.

- Lester !

Je lui envoie mon oreiller. Je déteste qu'on m'appelle par mon prénom en entier. Tout le monde m'appelle Les' et c'est très bien comme ça. Mais cet idiot adore m'agacer.

- C'est dingue comme tu es de mauvais poil le matin.

- Quand tu es la première chose que je vois, il ne peut pas en être autrement.

Il me tire la langue avant de se relever. Vivre en colocation avec un bout en train comme lui n'est pas une mince affaire. Et encore, si il était le seul. Quatre mecs en colocation, c'est une horreur sans nom, surtout si vos colocataires sont comme les miens. Carter, l'abruti qui vient de me confondre avec un trampoline, aka le chieur de service, Sam, le bordélique et son cousin, Arthur, l'insomniaque. Donc je ne dors pas, je passe ma vie à ranger, et à supporter ces trois énergumènes.

- N'oublie pas que ce soir on doit être au Theater's à 20H.

- C'est pas moi l'idiot du groupe, pas besoin de me le rappeler.

J'évite le coussin qu'il me renvoi avant de sortir de la pièce. Je me lève en râlant et m'habille rapidement, sans prendre le temps de mettre de l'ordre dans ma tignasse. A l'exception de Carter et moi, personne n'est levé. Sam et Arthur ne sont plus au lycée, ils bossent de la maison et en profite pour des grasses matinées. Et malheureusement, Cart' n'étudie pas dans le même établissement que moi. Ses parents l'obligent à aller dans le privé, ce qui explique l'uniforme ridicule qu'il porte actuellement. C'était la condition pour qu'il puisse vivre ici. Les miens ont bien essayé le même chantage, mais je suis pas du genre à céder. Et puis ils sont bien content de pas m'avoir à la maison. Surtout ma belle-mère en fait. Mon père me laisse seulement faire tout ce que je veux. Je suppose qu'il préfère être tranquille.

J'avale un truc qui traîne sur la table et qui a l'air encore comestible, avant d'ouvrir la fenêtre et d'allumer une clope. Cart' secoue la tête en me voyant faire, mais il a abandonné depuis longtemps l'idée de me faire arrêter. Je tire une dernière latte avant d'attraper mon sac et de sortir en lui adressant un signe de la main.

Pour bien aller avec le blouson en cuir et l'allure rebelle, je monte sur ma moto. Je suis un cliché ? Peut-être un peu, mais sûrement moins qu'on le pense. Alors ouai, je vais arriver au lycée, on va très probablement me regarder, et aujourd'hui encore, ces pétasses superficielles vont sûrement essayer d'attirer mon attention. Ouai, je suis populaire, je crois. Mais non, je ne suis pas cliché. Je suis pas amis avec les sportifs, ni avec personne d'ailleurs. Je passe mon temps seul à fumer ou gratter les cordes d'une guitare. Je suis populaire et j'ai rien fais pour. Je continue à ne rien faire d'ailleurs. Et j'en ai rien à battre, comme j'en ai rien à battre de toutes ces filles. Je sors avec aucune, et j'en baise aucune. Contrairement à ce que dises toutes les rumeurs. Je me fous bien des filles. Pour casser un peu plus le cliché : je n'ai jamais couché avec personne. Alors les coups d'un soir, très peu pour moi.

Je démarre ma moto et file à travers les rues. J'ai pas une moto pour faire classe, mais parce qu'il n'y a rien de meilleure que cette sensation. Le vent qui vous englobe, la vitesse qui vous prend jusqu'au fond des tripes. De temps en temps en ligne droite, je mets un petit coup d'accélérateur supplémentaire pour savourer l'adrénaline. Le paysage qui défile à toute vitesse rend le tableau spectaculaire. Comment pourrait-on avoir les mêmes sensations, enfermé entre les parois d'une voiture ?

Malheureusement, j'arrive trop vite sur les lieux pour profiter réellement de cette sensation de plénitude et de liberté. Je me gare dans un coin, et comme je le pensais, les yeux se posent sur moi, et les messes basses commencent. Comme ils sont fatiguant. J'enlève mon casque et secoue la tête, comme si cela arranger le bazar désordonné de ma tignasse. Pas comme si j'en avais quelque chose à faire de toute façon.

Je m'avance vers l'intérieur en soufflant. En marchant, j'aperçois une fille qui reste plantée en plein milieu de l'allée, à observer le bâtiment comme si elle voyait un ovni. Je m'y attarde pas et avance vers l'intérieur. Après un détour par un distributeur, histoire de compléter la nourriture indéfinie que j'ai avalé ce matin, je vais poser mon casque.

Je croise à nouveau le fille ovni, on va l'appeler comme ça, puisque cette fois, c'est les couloirs qu'elle reluque. Elle a l'air complètement paumée. Une nouvelle au bout d'une semaine ou juste une débile ? Je n'en sais rien, et je n'en ai rien à faire. Loin de moi l'idée d'aller l'aider. Pas envie de paraître sympa et de ne pas avoir la paix après. Je me dirige vers la classe et la cloche sonne au moment même où j'entre dans la pièce.

Comme toujours, je m'assois au fond, et comme toujours, une des pimbêches de cette école se dirige vers moi. Elle me parle, mais sa voix criarde n'est pas autorisée à venir polluer mes oreilles. Elle va pour s'asseoir à côté de moi, alors je descends mon sac violemment sur la chaise histoire qu'elle comprenne. Heureusement, malgré le peu de neurones caractéristiques des pom-pom girls, elle saisit le message et retourne vers ses amies. Que voulez-vous, fallait bien un peu de cliché. Et bien les voilà les clichés, les pom-pom. Et les sportifs. Et tout le reste de ce bahut. Heureusement que cette année est la dernière, parce que cela en devient insupportable.

Un homme, environ la trentaine, entre dans la pièce. Voici venir notre premier cours de philo de cette dernière année. Le silence s'installe après quelques minutes et tous écoutent le nouvel enseignant se présenter. Moi, sans forcément me concentrer sur lui, j'entends d'une oreille.

- Bonjour à tous. Je suis Monsieur Tanvoy. Vous ne me connaissez pas, puisqu'il s'agit de ma première année ici. Et ma dernière également. En effet je mets un point d'honneur à changer chaque année d'établissement. Je pourrais vous expliquer pendant des heures mes raisons mais je pense que cela ne vous intéresse pas. Je suppose que peu d'entre vous sont des passionnés de philosophie, donc je vous demanderais de faire l'effort de rester éveillés, ou de bien faire semblant.

Un rictus à peine visible monte à mes lèvres. Il n'a pas l'air trop barbant, contrairement à celui de l'an passé.

Évidemment, comme si on se trouvait dans un film, on frappe à la porte. J'ai comme un pressentiment sur ce qui va suivre, et effectivement le dirlo entre, suivit de la fille ovni. Dis donc, comme c'est étrange. Notez l'ironie.

Le professeur la salue, tandis que celle-ci regarde ailleurs. Et elle ne lui répond pas. Cette « impolitesse » fait rire plusieurs personnes dans la salle, avant de le vieil homme qui dirige cet endroit leur demande de se taire.

- S'il-vous-plaît un peu de silence. Nous accueillons aujourd'hui une nouvelle élève, et elle suivra cette année auprès de vous.

Je regarde la fille ovni avec un peu d'attention, sans pour autant m'y attarder. Plutôt petite, cheveux bouclés et roux, tâches de rousseurs. Je suppose qu'elle est considérée comme mignonne. En tout cas, son visage n'est pas recouvert de 10 litres de peinture. C'est déjà un point à souligner, qui va sûrement l'empêcher de se faire apprécier de la plupart des filles ici.

Elle paraît gênée, comme si elle ne savait pas trop quoi faire. Elle a encore cet air perdu sur le visage, on penserait presque qu'elle n'avait jamais vu une salle de classe.

- Je vous présente donc Lyra, qui a une particularité. En effet votre nouvelle camarade est sourde à fort pourcentage. Autrement dit, elle ne vous entend pas, ou très peu. En revanche, elle est capable de lire sur les lèvres, et de parler, ce qui vous permettra de communiquer avec elle sans difficultés.

C'est donc cela. Je suppose que cela explique à la fois le vent au professeur et son air perdu. J'arrête d'écouter la suite du discours avec les banalité tels que « intégrez la bien » et autre, ainsi que les échanges entre le professeur et le directeur. Ce dernier quitte les lieux, et notre professeur reprend la parole, en se plaçant en face d'elle.

- Bien, alors bienvenue Lyra. Souhaites-tu dire un mot à tes camarades ?

Elle semble hésiter, pesant le pour et le contre. Elle finit par prendre la parole, d'une voix souvent inégale et peu hésitante. Elle alterne entre les aigus et les graves, et je me doute qu'il doit être difficile de parler sans s'entendre. C'est déjà assez fou qu'elle y parvienne.

- Bonjour. Je suis Lyra. J'espère que nous nous entendrons bien.

Elle même n'a pas forcément l'air convaincu, comme si elle doutait de parvenir à s'intégrer dans cet établissement. En même temps, quand on voit le QI moyen des personnes qui nous entourent, cela peut se comprendre.

- Alors il n'y a pas de places libres à l'avant, si tu veux pouvoir mieux voir mes lèvres pour suivre, nous pouvons demander à un de tes camarades de se déplacer.

Elle secoue la tête. Elle lui explique qu'elle a également à sa disposition un enregistreur, car il ne serait pas possible pour elle de noter tout en lisant sur ses lèvres. Je ne comprends pas bien comment elle pourrait ensuite écouter la bande son enregistrée, mais je suppose qu'elle a sa solution. Elle va ensuite s'installer au fond de la salle, sur la même rangée que moi.

C'est le moment que choisissent nos chères têtes blondes pour commencer leurs réflexions. De leurs voix criardes, elles s'amusent à se moquer de la façon de parler de la fille ovni. Celle-ci, bien qu'elle ne puisse les entendre, semble comprendre sans mal les rires accompagnés des regards qu'elles lui jettent.

Je l'observe du coin de l'œil, intrigué par sa réaction. Elle semble à la fois touchée, et en même temps, complètement insensible. S'attendait-elle à un tel accueil ? Ou bien sait-elle très bien cacher ce qu'elle ressent ? Elle n'a pas l'air de quelqu'un qui sache se fermer au monde. Plutôt d'une personne ... qui n'attend plus rien de celui-ci ?

C'est étrange et difficile à définir.

Elle pose son enregistreur sur la table et fais mine de rien, tandis que je continue à l'observer. Je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de comprendre ce qui lui passe par la tête, et je me doute qu'il ne me faudra pas longtemps pour capter.

Elle finit par tourner les yeux vers moi, comme si elle avait senti mon regard. Je fixe un instant ses yeux verts pour ensuite détourner le regard, décidant que j'ai eu suffisamment d'information. Durant le reste de l'heure, je ne fais plus attention à elle.

Non pas qu'elle m'ait intéressée. Mais sa façon de réagir m'a intrigué. Seulement, j'ai l'impression qu'il n'y a pas énormément à comprendre en fin de compte. Elle est seulement habituée à ce genre de remarque, ce genre de moqueries, même si celles-ci l'atteignent encore. D'où le mélange de tristesse et d'indifférence. Je suis presque sûr de moi, et pas assez intéressé par les autres pour chercher à en être sûr.

Elle ou n'importe qui d'autre dans cette école, je n'en ai pas grand-chose à faire. Je vais simplement continuer de faire ce que je fais toujours, à savoir être seul, et n'en avoir rien à faire des gens qui m'entourent ici.  

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Et voilà notre personnage masculin principal ! Comme je vous le disais, cliché à l'extérieur, mais pas du tout à l'intérieur. J'espère que vous apprécierais ce garçon que j'espère rendre un peu différent de ce que vous voyez d'ordinaire. 

Le défi n'est pas facile, une histoire sans aucun cliché. Mais comme je vous l'ai dis, ce n'est pas mon but, d'où la présence des filles exécrables. Mon but c'est de les utiliser pour les mettre à mal, donc, les démonter dans l'esprit du héros, c'est déjà un premier pas. Pour ces trois premiers chapitres le pari est-il réussi ? 

Je vous dis à vendredi pour la suite ! 

Kiss :*

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