Chapitre 29

PDV Lester

Ses joues rougissantes et ses yeux fuyants me donnent envie de la taquiner encore. Mais je me retiens. Parce que je ne veux pas gâcher ce moment. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé à cette problématique. Elle m'est apparue dans l'esprit alors que j'étais plongé dans son regard, et bien trop proche d'elle à mon goût. La discussion que nous avons eu m'est revenue en tête, et les mots se sont imposés à moi. Aimer dans un silence. Amour sourd. Elle a su compléter mes mots avec tant d'exactitude. Comment traiter ce sujet ? Je n'ai sais rien. Il faut dire que le thème de l'amour en général ne m'inspire pas grand-chose. Mais j'ai cette volonté, au fond de moi, de lui montrer qu'elle peut y prétendre malgré son handicap. Entendre n'est pas un élément indispensable pour aimer. Ou être aimé. C'est ce que je pense, peu importe combien j'ai du mal à me dire que l'amour existe. Il existe pour certain, il peut exister pour elle.

Je ne cherche pas à savoir pourquoi je veux lui prouver cela. Tout va dans la même direction : je n'aime pas qu'elle se dévalorise, pour une raison que j'ignore. Alors encore une fois, je fais les choses de façon à lui montrer et lui faire comprendre qu'elle n'est pas différente.

Je pensais qu'elle le prendrait mal. Mais son visage, au contraire, me prouve qu'elle aime. Elle aime cette idée, même si comme moi, elle a l'air paumée. Une problématique, c'est bien, encore faut-il y trouver des réponses. Et heureusement que nous avons plusieurs mois pour en trouver. Je pensais mettre toute mon énergie à finir vite cet exposé, pour ne plus avoir à copiner. Mais comme je l'ai dit moi-même dans cette putain de lettre... « amis ». Je ne sais pas où va me mener cette histoire, mais je n'ai pas retenu ma main quand elle a écrit cette phrase. Je veux en savoir plus sur elle, sans que je n'y trouve de logique. Tant pis, parfois, se laisser porter est la seule solution. C'est celle que je choisi pour l'instant. Et si je dois passer plusieurs mois avec cet Ovni... qu'il en soit ainsi. Cette idée ne me rebute plus comme au début.

Elle replonge ses yeux sur la feuille de note pour éviter les miens. Ses joues rougissantes, parsemées de tâches de rousseurs, ne décolorent pas. Mignonne. Mon esprit me souffle ce terme, et je préfère faire comme si je ne l'avais pas entendu. C'est plus simple que de me demander encore une fois pourquoi ce genre d'adjectif me vient quand je la regarde. Ou pourquoi j'ai cette envie irrépressible de la faire rosir encore un peu.

Elle se passe la langue sur les lèvres, en griffonnant quelques nouvelles notes. Se rend t-elle compte de ce geste, qu'elle fait en réfléchissant ? Moi, je le vois, et il me fait sourire. Elle est amusante quand dans une concentration extrême, elle fronce en même temps les sourcils. Certains diraient peut-être qu'elle fait une grimace, qu'elle en ressort laide. Moi je ne la trouve que plus intéressante, quand cette mimique vient se placer sur son visage. Je la trouve toujours intéressante.

Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me propose des notes. Encore moins à ce qu'elles collent avec tant de précision à ce que je veux exprimer dans cette chanson. C'était presque naturel : elle les écrit, je les joues, et puis nous complétons ensemble, modifiant ce qui ne va pas chez l'autre. Elle chantonnait, parfois. Comme maintenant. Elle se met à fredonner et complète avec un DO. Je souris en la regardant, incapable de m'en empêcher.

Elle est faîte pour la musique, d'une manière ou d'une autre. Elle ne joue peut-être plus... mais ce monde est le sien. Je voudrais qu'elle s'en rende compte. Mais je crois qu'elle n'est pas prête à cela. J'ai presque l'impression qu'aujourd'hui, elle redécouvre cet univers, dont elle est pourtant l'une des actrices. Elle a besoin de musique. Et cet air mélancolique qu'elle affiche parfois, quand elle pense que personne ne la regarde, je suis persuadé qu'il a un lien avec cela. La musique lui manque, parce qu'elle faisait partie intégrante de sa vie et de son âme. Quelque chose me souffle qu'elle a perdu bien plus que cela, et que sa surdité n'est pas la seule raison pour laquelle elle se persuade qu'elle n'a plus sa place dans ce monde de notes. Mais ça, je ne pense pas qu'il soit temps de le découvrir. Chaque chose en son temps.

La sonnerie finit par retentir, faisant éclater cette bulle dans laquelle nous nous trouvons depuis qu'elle est arrivée. J'ai presque envie de ne pas lui signifier qu'il faut y aller, pour rester là encore un peu. Elle a l'air bien, là, à imaginer cette mélodie. Elle a l'air à sa place, et je n'ai pas envie de l'en déloger.

Elle relève la tête vers moi, et encore une fois, ses joues roussissent en voyant que je la regarde, mais je n'arrête pas.

- Quoi ?

Je devrais lui dire. Je n'en ai pas envie. Mais je doute qu'elle apprécie que je la fasse sécher quand bien même elle aime ce qu'elle est entrain de faire. Parce qu'elle n'a pas besoin de le dire pour que je le comprenne.

- C'est l'heure.

Je suis presque déçu d'y mettre des mots, et je vois qu'elle aussi, cette sensation l'envahit, alors qu'elle baisse la tête.

- Oh...

Elle attrape son sac et le ferme, tandis que je range ma guitare et la prend sur mon épaule. J'ai finis avant elle de ranger mes affaires et sans comprendre pourquoi, je l'attends. Elle ne dit rien là-dessus, mais tente de me cacher son visage, ce qui me fait sourire, ayant très bien compris pourquoi.

Nous avançons côte à côte, dans les couloirs. Des chuchotements s'élèvent sur notre passage, étonnés de me voir en présence d'un autre humain dans cet école. Peut-être aussi parce qu'il s'agit d'elle. Je suppose qu'aucun d'eux n'a oublié l'incident du t-shirt. Je me surprends autant qu'eux. Je suis moins distant. Moins brusque que d'habitude avec elle. Nous entrons dans la salle de philo, et nous asseyons à nos places, tandis que son Arc-en-ciel d'amie nous regarde avec de grands yeux. Note vient se placer entre nous, et pose son museau sur ma cuisse.

Elle regarde son compagnon faire et relève les yeux vers moi.

- Je ne comprends pas pourquoi il t'aime autant.

Je me contente de hausser les épaules en la regardant caresser son chien. Encore une fois, un sourire monte sur ses lèvres. Pourquoi j'aime quand elle sourit ? Je déteste quand elle pleure ? Je secoue la tête, pour me remettre les idées en place, et elle relève les yeux vers moi, intriguée de mon geste. Je reprend la conversation pour éviter de lui dire ce que j'ai en tête.

- Je n'y peux rien si il me préfère à toi.

Elle lève les yeux au ciel dans un geste faussement désespéré, et je me surprends à trouver cette conversation, ou plutôt mini-conversation, naturelle. Comme ça nous est déjà arrivé, mais pas suffisamment de fois pour que cela ne m'interloque pas.

Le professeur nous indique qu'il va passer de groupe en groupe pour voir l'avancée de chacun. Notre avancée n'est pas franchement flagrante, quoi que, parvenir à échanger quelques mots est déjà énorme. Je pense que si on met bout à bout tout ce qui a pu se passer ces dernières semaines, nous avons fait des pas de géant, même si ça n'a pas grand-chose à voir avec cet exposé.

Puisqu'il commence par les bureau près de lui, il lui faut presque 40 minutes pour arriver à nous, pendant lesquelles nous n'avons pas fait grand-chose, je dois dire. Il s'assoit sur la table libre juste devant la notre et nous demande où nous en sommes.

Lyra se dandine sur sa chaise, pas très à l'aise, et j'ai presque envie de poser mes mains sur ses épaules pour qu'elle arrête de bouger. Pense-t-elle que le prof va la manger ? Non. Alors pourquoi est-elle mal à l'aise de cette façon ?

- Nous n'avons pas vraiment avancé...

Mr.Tanvoy lui fait un sourire.

- Pas besoin de stresser, Mademoiselle. Vous avez du temps devant vous. Vous n'êtes pas les seuls à n'avoir pas grand-chose.

Alors c'est donc ça. Elle est mal à l'aise que nous ayons si peu fait de choses. Si vous voulez mon avis, on en a fait beaucoup. On s'est pris la tête 3 fois, elle a dormi chez moi, nous avons eu une -voir deux- conversation, elle vient de m'aider à avancer dans ma chanson. Je trouve ça pas mal, surtout pour moi.

- Nous avons une problématique.

Il se tourne vers moi, presque surpris que je prenne la parole. Je le suis aussi, je dois dire, mais je lui réponds tout de même quand il me demande laquelle est-ce.

- "Peut-on aimer sans un bruit ?"

Il nous regard tour à tour et nous offre un sourire, narguant qu'au moins, nous avons comprit le principe d'exposé personnel.

- C'est excellent. J'ai bien fait de ne pas accepter votre requête Mademoiselle. Vous faîtes un bon binôme.

Il s'éloigne alors qu'elle se met à rougir, ce qui me fait sourire. J'y vois une nouvelle occasion de la taquiner, quelque chose que j'aime trop faire pour que ce ne soit normal. Même Carter, je ne le cherche pas autant. Il faut dire qu'il est bien moins mignon, quand il est gêné.

- Tu ne voulais pas de moi ?

Elle rougit encore plus violemment et je retiens un rire. Je savais qu'elle avait cherché à changer de binôme, et je ne lui en veux pas. Mais sa réaction, alors qu'elle bégaie pour se justifier, est à ne pas manquer. Elle finit par comprendre que je me moque d'elle, et lève son petit point pour me frapper gentiment l'épaule, en souriant.

Je reste bloqué un instant, tout comme elle, devant ce geste amical qui nous surprend tous les deux. Et si nous avons cette réaction, pour ma part en tout cas, c'est parce qu'encore une fois, cela paraît naturel. Et ça ne devrait pas l'être, pourtant, je ne parviens pas à regretter, ou à avoir envie qu'elle s'écarte. Alors je décide de ne pas chercher plus loin et sors mon livre de philo, pour commencer à me pencher sur cet exposé. Idée sûrement idiote quand on sait que dans une dizaine de minutes, ce cours prendra fin.

Je l'ai à peine ouvert que je me mets à râler, alors qu'elle me regarde sans comprendre. J'attrape la feuille qui est à l'intérieur et la lui tends.

« N'embête pas notre petite Lyra, homme des cavernes. Bisous belle-sœur. »

Elle se met à rire et je m'étonne à la regarder faire en souriant. Puis je lève les yeux au ciel en pestant contre ses idiots.

- Pourquoi mes amis sont de ton côté ?

- Je suis plus cool que toi.

En quelques sortes, elle me renvoie la pique que je lui ai lancé avec Note il y a quelques minutes, et cela m'amuse. Mais je suis étonné, aussi, qu'elle soit aussi décontractée avec moi. Elle semble l'être aussi, mais pour une raison que j'ignore -comme d'habitude- j'apprécie.

- C'est parce qu'ils te trouvent mignonne.

Elle me regarde sans rien dire, mais elle n'a pas besoin de le faire pour que je comprenne ce qui lui passe par la tête. Elle veut savoir si je la trouve mignonne, moi-aussi. Une réponse que je ne compte pas lui offrir, même si pour une fois, ça ne m'agace pas qu'une fille se demande ce que je pense d'elle. Je garde le silence jusqu'à ce qu'elle réplique.

- Tu es tout aussi mignonne ne t'inquiètes pas.

- Gamine.

Elle me fait un grand sourire, mais ne se départit pas de cette répartie nouvelle que j'apprécie.

- Ce n'était pas Ovni ?

Je lui fais un sourire narquois au moment où la sonnerie retentit et que je me lève. Avant de partir, je la regarde une dernière fois et savoure la teinte que prennent ses joues quand elle me regarde sourire de cette façon.

- A plus petit Ovni.

Je pars content de moi, et encore une fois, je ne me comprends pas.

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Alors on aime la relation Lyra/Lester qui se met en place ?

La suite vendredi. D'ici quelques semaines (2 ou 3), si je continue de bien prendre de l'avance sur l'écriture comme maintenant, on devrait augmenter le rythme de publication.

Kiss :*

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