Chapitre 27

PDV Lester

Mais quel con. Bordel, dire que je me sens idiot est bien trop faible. Pourquoi est-ce que je réagis de cette façon ? J'ai vu qu'elle ne voulait pas répondre. J'ai vu qu'elle était touchée par la question d'Arthur, pourtant j'ai insisté. Elle a raison. Nous ne devions rien chercher à savoir de l'autre. Alors je ne me comprends pas. Je ne vois pas pourquoi j'ai cherché à tout prix à le savoir, alors que je ne devrais en avoir rien à faire. En quoi cela me concerne ? Et en quoi suis-je légitime pour me mettre en colère contre elle ?

J'ai encore été trop loin, et cette fois-ci, je n'ai pas besoin de Carter pour m'en rendre compte. Son regard et la déception qu'il contenait m'a suffit. Pourquoi est-ce que je me comporte de cette façon avec elle ?

Je suis un connard. Ce n'est pas forcément quelque chose de nouveau. Mais pour la première fois, je le regrette presque. Je m'agace, d'avoir agi de cette façon. Je m'agace d'avoir vu la peine dans ses yeux quand elle m'a balancé ce surnom en pleine gueule. Qu'imagine-t-elle qu'il veut dire ? J'en ai ma petite idée. Mais je ne veux pas qu'elle le pense, pas qu'elle s'imagine que c'est ce que je pense d'elle. Je ne devrais rien en avoir à faire, qu'elle se m'éprenne. Mais c'est plus fort que moi. Je commence à m'habituer à être différent quand il s'agit d'elle. Cela ne veut pas dire que je l'accepte ou que je le comprends en revanche.

Elle est différente. Pas à cause de son handicap. Ni de ses yeux. Mais parce qu'elle parvient à me chambouler. A me faire avoir des réactions qui ne devraient pas être les miennes, qui ne me ressemblent pas. Pourtant, je ne la connais pas. Le temps passé avec elle ne peut pas être suffisant, et je ne veux pas la connaître. Alors pourquoi est-ce que je remarque ce qu'elle ressent ? Pourquoi j'accorde de l'importance à la question qu'a posé Arthur ? Pourquoi je l'ai ramenée ici, ait été gentil avec elle ? Je pourrais citer encore tant de choses qui ne vont pas avec moi depuis qu'elle a débarqué dans ce lycée et est devenue mon binôme pour ce putain d'exposé. Et ce n'est pas forcément pour me plaire.

J'ai instauré la règle du « on ne se connaît pas ». Pourtant je cherche à savoir des choses sur elle. Et j'ai presque envie d'en savoir plus. C'est incompréhensible, mais c'est plus fort que moi. Je vois savoir si elle a déjà fait de la musique. Je veux savoir pourquoi elle avait cet air sur le visage, hier, pourquoi je l'ai retrouvé en pleurs sous la pluie. Je ne devrais pas le vouloir. Jusqu'à maintenant, j'essayais de me persuader que je n'en avait rien à foutre. Mais je dois me rendre à l'évidence : c'est faux. C'est dur à accepter, parce que ça ne me ressemble pas. En même temps, aider les autres non plus. Tout comme faire attention à ce qu'ils ressentent, aimer les entendre rire, et vouloir enlever la tristesse de leur visage.

Je ne veux pas qu'elle se rabaisse, comme elle le fait souvent. Je ne veux pas qu'elle se sente différente, en tout cas pas de la façon dont elle le pense à présent. Je n'aime pas que les autres se moquent d'elle. J'aime la voir rougir. L'entendre rire. La taquiner jusqu'à ce que la gêne pointe dans ses yeux. J'aime la voir porter mon t-shirt en souriant.

Le visage qu'elle a eut, quand elle m'a balancé ce surnom que je lui donne, je peux définitivement dire que je ne l'aime pas. Je ne devrais pas faire attention à ce que j'aime ou non chez elle. Je ne devrais pas aimer quoi que ce soit. Et pourtant...

Mon visage se tourne vers mon oreiller. Je râle en le voyant recouvert de long cheveux roux, mais en même temps, un sourire monte sur mon visage. Ça aussi, je ne comprends pas. Pourquoi est-ce que je souris en pensant à elle, endormie dans mon lit ? C'est idiot. Ce n'est pas moi. Et je déteste ne pas comprendre les choses, ce qui arrive bien trop depuis qu'elle est là. Elle chamboule toute ma vie. Et le pire, c'est que je n'ai pas l'impression de le regretter.

Un visage passe pas la chambranle de la porte. Carter plonge son regard dans le mien. Il l'a ramené. J'aurai dû le faire, et ça m'agace de l'imaginer dans sa voiture. Ont-ils parlé ? De quoi ? Non, Lester, tu t'en fous. Voilà, il faut que je me dise que je m'en fiche. Mais je ne trompe personne, pas même moi.

Quel sort m'a jeté ce petit ovni ?

- Leçon de moral ou tu sais que tu es un con ?

Je lui grogne que je suis au courant et il sourit en passant la porte, rapidement suivi de Sam. Je suis étonné un instant de ne pas voir le troisième, avant que son cousin ne m'annonce qu'il s'est enfermé dans sa chambre, semblant chercher quelque chose. Je ne cherche pas à savoir quoi. Je n'ai jamais été du genre curieux. Avant elle.

Sam vient se jeter à côté de moi sur le lit et attrape mon coussin, le portant à son nez.

- Tiens, elle sent bon notre belle-sœur.

Je lui arrache le coussin des mains en le traitant d'idiot, avant de lui demander pourquoi il l'appelle ainsi, de toute manière. Il hausse les épaules en souriant, sans m'offrir de réponse. Je préfère ne pas insister. Eux et leurs délires bizarres...

- Je ne t'ai jamais vu perdre ton calme de cette manière. Enfin, entendu.

Je souffle, pas sûr de vouloir me rendre comme que ça aussi, ce n'est pas comme avant.

- Pourquoi tu voulais absolument savoir ?

- Je ne sais pas.

Et je ne sais toujours pas. Pourtant, j'ai encore envie d'avoir la réponse. Parce qu'au fond, je sens que c'est vrai. Je sens qu'elle est liée à la musique, sans jamais n'en avoir eu la preuve. Mais je me rappelle de cette discussion, que nous avons eu une fois. Sur la musique, et la beauté. Sur mon groupe et nos chansons. Elle n'est pas novice, elle n'est pas amatrice. Et je ne peux m'empêcher de l'imaginer avec un tas d'instrument entre les mains. Je voudrais savoir lequel.

- En tout cas, elle a du caractère. On ne dirai pas comme ça, elle fait toute chétive.

Je ne peux me retenir de lever les yeux au ciel. Bien sûr qu'elle a du caractère. On ne se serait pas pris la tête deux -trois maintenant- fois si ce n'était pas le cas. Mais pour le dévoiler, il faut forcer. Je semble exceller là-dedans.

- J'ai cru qu'elle allait t'en foutre une ! Ça aurait été excellent !

Je lance un regard noir à Carter alors que l'idiot à côté de moi éclate de rire. Ils redeviennent sérieux un instant alors que mon meilleur ami me demande ce que je compte faire par la suite.

- Tu vas t'excuser ?

Je hausse seulement les épaules. Je ne sais pas quoi lui répondre. Au fond de moi, j'ai cette envie inexpliquée de me faire pardonner. Mais je ne suis pas encore certain de la réaliser. Je dois y réfléchir, et pour l'instant, je n'ai pas les idées claires.

- Au moins, maintenant on sait qu'elle est vraiment mignonne.

Sam insiste sur le vraiment et me fait grincer des dents. Je lui laisse un regard qui ferait pâlir quiconque ne me connaît pas.

- Tu ne la touches pas.

Mais évidemment, il me connaît suffisamment pour ne pas me craindre. Ce n'est pas comme si j'étais capable de faire du mal aux trois énergumènes qui vivent avec moi. Et ils en abusent, parfois. Comme maintenant.

- Pourquoi, elle est à toi ?

Son sourire taquin m'exaspère. Non, elle n'est pas à moi. Mais il est hors de question qu'elle soit à lui. Déjà, ce n'est pas un objet, disons-le nous. Ensuite, Sam n'est pas un homme suffisamment sérieux pour pouvoir l'approcher. L'Ovni n'est pas du genre à vouloir jouer avec les garçons, à vouloir des coups d'un soir. Et Sam n'est pas le mec prêt à se poser. Il lui ferait du mal, et c'est hors de question. Elle a déjà suffisamment peu confiance en elle sur ce sujet. Et pourquoi je remarque tout ça, moi ?

- Ta gueule.

Il rit, me rétorquant que je n'ai pas d'arguments. Je n'ai pas envie de lui en donner. Il ne l'approche pas, et c'est tout. Pas besoin d'épiloguer. Carter l'arrête dans son délire en me lançant sur la présence de la jeune femme chez nous.

- Je croyais que tu ne la ramènerais jamais ici ?

- Ça n'arrivera plus.

Je voudrais l'affirmer, mais au fond, je ne suis pas convaincu. Il y a cette voix au fond de moi qui me souffle que ce n'était pas la dernière fois qu'elle finirait ici. Et ça ne me plaît pas. Pas plus que de voir que mes amis sont aussi peu sûrs de ma réponse que moi. Je ne voulais pas la voir dans cet endroit. Pas qu'elle les rencontre. Pas qu'elle s'immisce dans ma vie, tout simplement. Mais je l'ai emmené, de mon plein gré. Je l'ai laissé rester. Je lui ai donné mon lit, montré une partie de ma vie en la faisant entrer dans cet endroit. J'ai délibérément violé toutes les règles que je m'étais imposées.

Mes amis finissent par me laisser seul dans la pièce. Moi je reste assis là, toujours aussi énervé contre moi-même. Presque sans le contrôler, je saisis une feuille qui traîne là et un stylo. Et alors que je couche l'encre sur le papier, je m'agace de ce que je suis entrain de faire. Mais je le fais quand même, pour elle. Pour retirer une nouvelle fois cet air triste de son visage.


Quand le lundi matin arrive, je râle presque. J'ai passé mon dimanche à me prendre des réflexions de mes colocataires sur Lyra, penser à ce qu'elle dirait en voyant ce putain de mot que je regrette presque d'avoir écrit. J'ai aussi entendu son rire, alors qu'elle n'était pas là, et imaginé ses yeux particulier, quand je fermais les miens. Bref, encore une fois, j'ai fait un tas de choses que je n'aurais pas dû faire sans y trouver de raisons valables.

Seul dans la salle de musique, je gratte les cordes de ma guitare. Je suis toujours sur le même morceau, celui que je ne parviens pas à finir. Ça m'énerve presque autant que la façon dont je me comporte en ce moment.

Je l'entends arriver sans la voir. J'imagine déjà ses joues rouges, alors qu'elle avance visiblement doucement, comme si elle hésitait. Et je suis presque satisfait de les voir, quand son corps apparaît devant mes yeux. Je n'arrête pas de jouer en la regardant. Elle tient le petit papier dans sa main, et elle sourit. Je ne veux pas revenir sur ce que j'y ai écrit, et je crois qu'elle non plus. Mais je suis persuadé d'avoir fait mouche. Persuadé d'avoir réussi à retirer cette tristesse qu'il y avait en elle. Je suis étrangement satisfait. Elle s'assoit sur la marche devant moi, levant les yeux pour les poser sur mes doigts qui grattent les cordes.

Elle porte ses lentilles, mais malgré cela, j'imagine son œil bleu qu'elle cache. Et j'ai envie de le revoir, sans savoir pourquoi, sans vouloir le savoir d'ailleurs. Son regard se met à briller, alors qu'elle me regarde jouer. Et je n'ai pas besoin de la réponse à la question d'Arthur pour comprendre que le rapport qu'elle a à la musique est particulier. Parce qu'alors qu'elle regarde mes doigts, elle semble imaginer les notes qui s'échappent de l'instrument. Et ça, c'est bien la preuve qu'elle est une musicienne.

Je m'arrête de jouer quand je vois qu'elle s'apprête à parler. Elle m'étonne quand elle se décide à se confier.

- Je jouais du violon. C'était toute ma vie. Et puis j'ai perdu l'ouïe.

Une larme roule sur sa joue et je me surprends à vouloir m'avancer pour l'effacer. Elle le fait avant que mon corps n'ait réalisé ce souhait. Je voudrais savoir comment elle est devenue sourde. Mais je pense que ce n'est pas le bon moment pour poser la question. Mon regard reste posé sur elle en silence, et elle se met à rougir.

Et c'est plus fort que moi, quand je le vois comme ça, j'aime ça.  

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On dirait bien que Lyra chamboule Lester autant qu'il ne la chamboule elle...

Je vous dis à vendredi pour la suite, 

Kiss :*

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