Chapitre 24
PDV Lyra
Je suis en colère. Mais je suis triste, en même temps. Un pèle-mêle de sentiments se forment au creux de mon corps. Je ne sais pas quoi penser. Est-ce que j'ai bien fait de leur dire tout ça ? Ils ont dû être blessé. Mais en même temps, ils me blessent depuis longtemps, trop longtemps. Et simplement leur parler ne suffit pas à leur faire ouvrir les yeux. Au moins, cette fois, le message est passé. C'est sûrement une bonne chose. Ils ignorent ma douleur depuis tellement longtemps. Ils souffrent eux aussi, j'en suis bien consciente, mais ils ne peuvent pas m'imposer ainsi leur propre manière d'oublier. Parce que moi je ne suis pas capable d'oublier, ni de jouer à cette comédie. Si elle leur fait du bien, tant mieux pour eux. Mais qu'ils ne m'obligent pas à participer à tout ça. Ils ont peut-être perdu Aria. Mais moi je l'ai vu partir. Moi j'étais là. J'ai perdu ma sœur et une partie de moi. Alors je pense avoir le droit de choisir comment le vivre. Je pense qu'ils n'ont pas le droit de faire ce choix à ma place. Pourtant c'est ce qu'ils font depuis des années. Et je leurs en veux pour ça.
Mais le sentiment qui grandit en moi en ce moment, c'est la gêne. Et l'incompréhension, aussi. Lester... Lester a encore été gentil. Plus que gentil. J'ai su que c'était lui à l'instant même où deux mains ont posé un manteau sur mes épaules. Comment ai-je pu le reconnaître sans le voir ? Je ne sais pas. Mais ça a été une évidence. Et j'ai peur de ce que cela peut signifier, alors je décide de ne pas chercher plus loin.
Et puis il m'a ramené ici. Chez lui. C'est... étonnant. Je ne pensais pas un jour voir le lieu où il vit. Je pensais qu'il allait simplement me déposer chez moi. Alors je vous laisse imaginer ma surprise quand j'ai remarqué que la route qu'il prenait n'était pas celle de ma maison.
Mais mon soulagement, aussi. Je ne voulais pas y retourner. Pas me confronter maintenant à mes parents. J'ai besoin de penser à autre chose. Et peut-être qu'être ici me permettra de le faire. Mais combien de temps vais-je rester ? A-t-il prévu de me ramener, quand je sortirais de cette pièce ? Je n'en ai pas envie. Alors je fais durer le moment.
Je me regarde un instant dans la glace de salle de bain. Encore une fois, je porte quelque chose qui lui appartient. Et encore une fois, j'aime ça. Pourquoi est-ce que j'apprécie de me voir dans des habits bien trop grand pour moi ?
Pourquoi est-ce que j'aime qu'il m'ait trouvée, sur ce parking ? Qu'il ait prit mon poignet, qu'il ait entouré mes bras autour de lui ? Qu'il m'ait amenée ici, chez lui, au milieu de ses amis, dans son intimité ?
En somme, pourquoi fait-il attention à moi, ce qui n'est pas dans ses habitudes, et pourquoi est-ce que j'aime qu'il déroge à cette règle pour moi ?
Ce pull ci sent aussi bon que son t-shirt. Mes joues rougissent quand je me rends compte de ce que je viens de penser. Sérieusement, pourquoi je remarque son odeur ?
Rien ne va depuis que je l'ai rencontré. Cependant, je ne regrette rien, bizarrement. Il casse l'équilibre de ma vie, mais j'aime ce qu'il m'apporte de nouveau. Alors même que je ne saurais pas décrire exactement ce qu'il m'apporte.
Je finis par ouvrir la porte, et son regard su moi me déstabilise. Il me regarde de haut en bas, jugeant de ce à quoi je ressemble dans ses vêtements, et je me demande bien ce qui lui passe par la tête à ce moment là. Son regard revient bien vite dans le mien. Ils s'accrochent, encore, jusqu'à ce que mes yeux soient happés par une gouttelette d'eau qui tombe d'une des pointes de ses cheveux, pour disparaître sous son t-shirt. J'imagine malgré moi le corps qu'elle parcourt.
Je sens mes joues rougir violemment avant de secouer la tête pour me remettre les idées en place. Mais à quoi je pense moi ?
Il ne semble pas comprendre ce qui m'arrive, et fort heureusement d'ailleurs. Je devrais le remercier. Cela me semble une bonne idée. Il me couvre de la pluie à son propre détriment, il m'emmène ici, me prête des vêtements et sa douche. La moindre des choses est de lui faire comprendre que je lui suis reconnaissante.
Mais je n'ai le temps de rien dire que je vois ses lèvres bouger.
- Tu peux rester ici ce soir. Ta mère est au courant.
Je ne me demande pas comment elle sait, je le comprends très bien en voyant mon téléphone dans sa main. Rester ici... je suis à la fois soulagée de ne pas rentrer, mais aussi affreusement gênée. Dormir chez Lester ? Mon dieu, je n'imaginais déjà pas dormir chez Talia, alors là...
La porte qui s'ouvre violemment derrière lui me fait sursauter, alors que celui que je reconnais comme Carter s'avance en sautillant vers nous.
- Elle reste ? Trop bien !
Il a l'air vraiment heureux, à en juger par l'expression de son visage et les mouvements de danse qu'il effectue. Pourquoi l'est-il autant, alors qu'il ne me connaît pas ? Lester le regarde en secouant la tête et levant les yeux au ciel. C'est amusant. Ils ne sont pas tout similaires. On dirait le jour et la nuit, pour tout dire.
- Lyra, bienvenue dans notre humble demeure.
Il me fait une révérence et parvient à me tirer un petit sourire. Il est amusant, même si je ne parviens pas à me détendre encore totalement. C'est déjà beaucoup de réussir à m'acclimater à l'endroit où je me trouve, de parvenir à oublier ce qui me prend la tête depuis ce matin, et ce qui vient de se passer avec mes parents. Alors quand lui et Sam sont venus si rapidement vers moi, avec toutes leurs questions, je n'ai pu que me sentir intimidée. Heureusement, encore une fois, Lester m'a aidé. Quelque chose qu'il commence à faire de plus en plus souvent.
Je murmure un petit merci, premier mot que je prononce depuis que je suis ici. C'est déjà pas mal. Je ne sais pas trop quoi faire ou dire, quand Lester me fait signe pour que je regarde ses lèvres.
- Tu veux manger ?
Je ne voudrais pas abuser de son hospitalité, mais je dois bien avouer que je suis affamée. Je n'ai rien mangé au restaurant, puisque je suis partie rapidement, et mon trop plein d'émotion me donne une seule envie, manger.
Je me contente de hocher la tête et il me fait un signe de tête pour m'inviter à le suivre. Carter nous devance, toujours en sautillant. Il me rappelle un peu Talia, avec moins de couleurs. Pendant que Lester se dirige vers le frigo, je reste plantée debout, sans trop savoir quoi faire.
Sam s'avance vers moi, se penche pour être à ma hauteur, et me sourit. Je n'ose pas bouger, même si je ne suis pas tétanisée de peur. Pourquoi il me regarde ainsi ?
- On ne mange pas les jolies jeunes filles, tu sais ?
Il sourit de toutes ses dents alors que je me sens rougir. Vient-il de dire que je suis jolie ? Je vois qu'il se retourne vers Lester, qui a dû lui crier quelque chose, et il lui tire la langue, provoquant un nouveau mouvement d'exaspération de ce dernier. Qu'a-t-il bien pu dire ?
- Allez, viens t'asseoir, belle-sœur.
Je fronce les sourcils ne comprenant pas ce qu'il veut dire. J'ai sûrement mal lu ce qu'il vient de dire, alors je me laisse entraîner vers la table. Carter me tire une chaise, en exagérant le mouvement.
- Je vous en prie, Madame.
Un petit sourire m'échappe et les deux énergumènes s'assoient en face de moi. Je sursaute quand un bras passe à côté de ma tête, me frôlant, et dépose une assiette devant moi. Monsieur Cliché Parfois Adorable s'assoit à côté de moi, et je lui fais un signe de tête, lui laissant comprendre que je le remercie. Il ne dit rien et commence à manger sa propre assiette.
- Les', j'ai faim moi aussi !
Carter fait une moue que je dirais boudeuse, tandis que Lester ne relève même pas la tête vers lui.
- Tu bouges tes fesses et tu vas te servir.
- C'est comme ça que tu me traite ? Quel ingrat ! Je ne t'achèterais plus à manger !
Il ne paraît pas un instant sérieux, mais il exagère tellement dans ses réactions qu'il me donne envie de rire. Ils ont l'air gentils. J'ai beau ne pas forcément me sentir à ma place ici, les voir interagir de cette façon me détend un peu.
- C'est moi qui est payé tout ce qu'il y a dans ce frigo.
- Et bien je ne le mangerais plus !
- Libre à toi.
Carter affiche une moue outrée, qui parvient à me tirer un rire. Ce dernier et Sam me regardent, affichant un sourire, mais c'est le regard de Lester qui me sonde pendant que je ris qui me fait rougir. Pourquoi me regarde-t-il de cette façon ?
Je baisse la tête et continu mon plat, tandis que les deux bouts en train continuent de dire des âneries pendant tout le repas.
Ils me font du bien. Leur joie de vivre me permet de me détendre et d'oublier un peu ce qui m'arrive aujourd'hui. Je n'aurai pas pensé qu'ils étaient ainsi. Ils ont l'air si accessible, bien loin de l'idée qu'on se fait des membres d'un groupe avec cette notoriété.
Je ne peux retenir de bailler tandis que mes interlocuteurs m'ont laissée seule à table avec Lester. Celui le remarque, car il me propose d'aller dormir. Je hoche la tête un peu timidement, encore peu à l'aise avec l'idée de passer la nuit ici. Si ses fans l'apprennent, je vais recevoir autre chose que des boulettes de papier...
Il me fait signe de le suivre et nous avançons jusqu'à sa chambre. Il me montre du doigt son petit lit une personne -je me demande comment il rentre dedans- et m'annonce que je peux dormir là.
Je joue un peu avec mes doigts avant d'oser pour la première fois lui parler directement. Ça m'avait l'air beaucoup plus simple de discuter avec lui, quand nous étions chez moi dans une situation totalement différente.
- Et toi ?
- Je dormirais sur le canapé.
- Non, non, je peux dormir dans le salon ne...
Mais il ne me laisse pas finir. Il me répond avant de partir, ne me laissant pas le loisir de discuter.
- Tu dors dans le lit.
Je reste debout après qu'il ait fermé la porte pendant un long moment. Je n'ose pas vraiment m'installer, dans son lit, dans sa chambre. Alors j'observe un peu. La pièce n'est pas très grande, mais au moins, elle a sa propre salle de bain. C'est plutôt bien rangé. Une guitare traîne dans un coin, et les murs gris sont recouvert de quelques posters, au milieu de photo de leur groupe. Une attire mon attention. Sam se tient derrière celui que je reconnais comme Arthur, lui tirant la langue de dos, alors qu'en premier plan, Carter saute sur le dos d'un Lester, qui pour une fois, affiche un petit sourire. Le même que celui que j'ai pu voir, plusieurs fois. Même en photo, cette expression sur son visage me fait rougir. Je me demande si c'est lui qui l'a affichée. Ça ne lui ressemble pas trop de décorer ses murs. J'ai plus la sensation que Carter est passé par ici.
Après avoir à nouveau baillé, je décide qu'il est temps d'aller dormir. Même si j'ai encore du mal à me dire que je vais m'allonger dans le lit de Monsieur Cliché Sympathique.
Avant de m'installer, j'attrape mon sac et le nécessaire pour retirer ma lentille, que j'ai toujours sur moi. Il faudra que je pense à la remettre demain matin, avant que l'un des garçons ne remarque mes yeux particuliers. Que diraient-ils, si ils savaient qu'en plus d'être rousse, j'ai les yeux vairons ? Je n'ai pas l'impression qu'ils soient dans le jugement, mais je ne les connais pas assez pour m'avancer.
Je me glisse sous les draps presque au ralenti. C'est étrange de me dire que quelques heures avant, c'était lui qui était ici. Son odeur imprègne la pièce. Je me surprends à aimer ça. Et c'est en la laissant m'entourer que je ferme les yeux, laissant Morphée m'accueillir.
Aria lève les bras vers la foule en souriant de toutes ses dents. Qu'est-ce qu'elle est belle. J'aimerais lui ressembler un peu plus. J'entends le public lui répondre en hurlant, ce qui augmente encore le rictus sur son visage. J'aurais aimé rester parmi la foule, pour vraiment comprendre ce que cela fait de participer à un festival.
Les notes commencent. Elle gratte les cordes de sa guitare sans les regarder une seule fois. Mon corps balance d'avant en arrière, en rythme. Elle a toujours su composer des merveilles. Si entraînantes mais en même temps avec un si beau message. Elle regarde son public comme si elle l'invitait à jouer avec elle. C'est ce qu'ils font. Ils scandent les paroles du titre avec le chanteur, tandis qu'Aria joue tout en dansant. A elle seule, elle pourrait faire le show.
Elle se tourne un instant vers moi et me lance un sourire.
Mais son regard est vide. Noir. Qu'est-ce que... ? Je n'ai pas le temps de comprendre qu'un bruit assourdissant me parvient. Je plaque mes mains sur mes oreilles et me recroqueville au sol. Je sens mon corps trembler. Qu'est-ce qui m'arrive ?
Je relève les yeux. Aria s'élance vers moi. Que fait-elle ? Je ne sais pas. Mais je sais qu'il ne faut pas qu'elle vienne. Non, il ne faut pas. Je secoue la tête pour qu'elle fasse demi-tour. Je crie. Mais elle ne vient pas. Et puis tout recommence encore. La douleur revient. Ma vue se trouble encore. Et le cauchemar me hante encore.
Je me réveille en sursaut. Il me faut quelques minutes pour comprendre où je me trouve. Le restaurant, les parents, la dispute, Lester. Je suis chez Lester.
Je mets un moment à me calmer. Ma gorge est sèche. J'ai besoin de boire, alors je me lève et me dirige sur la pointe des pieds vers la cuisine. Je n'allume aucune lumière, me dirigeant à la seule lumière de la lune qui s'infiltre à travers les fenêtres de la pièce principale.
Il est la première chose que je vois. Étendu dans le canapé, les yeux fermés, à peine éclairée, il ressemble à l'une de ses figures que l'on trouve dans les grandes peintures. Magnifique.
Je ne peux m'empêcher de m'avancer à pas de loup vers lui, pour me placer devant son corps endormi. Je l'observe quelques instants, sans que je ne comprenne pourquoi.
Ma main s'avance et vient remettre en place une mèche de cheveux en travers de son visage, puis je remonte la couverture sur son corps.
Je me rends compte de ce que je suis entrain de faire, et vais rapidement attraper un verre d'eau avant de retourner précipitamment dans la chambre.
Mon cœur bat à toute vitesse.
Bordel, mais qu'est-ce qu'il m'arrive ?
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