Chapitre 21
PDV Lester
Je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi j'ai agi ainsi. Pourquoi je lui ai parlé aussi facilement déjà, mais aussi et surtout pourquoi j'ai cherché à la rassurer. Malgré moi, je voulais lui faire comprendre que son handicap n'était pas un frein à l'amour. Alors même que je ne crois pas forcément en ce sentiment. Malgré moi, je voulais retirer ce petit air malheureux sur son visage, alors qu'elle pensait être inintéressante. Malgré moi je voulais lui dire quelque chose qui lui remonterait le moral. Malgré moi, j'ai aimé l'entendre rire, laisser ce son mélodieux absolument parfait être joué à mes oreilles.
Cela ne veut pas dire que c'était faux. Je pense sincèrement que son handicap n'est pas un frein à ce que les autres s'intéressent à elle. Ce n'est pas parce qu'elle a rencontré quelques idiots dans sa vie qui ont peur de ce qui n'est pas comme eux que tout le monde doit être rangé dans le même sac.
Mais ce comportement ne va pas avec ma façon d'être. Rien ne va, depuis que je dois travailler avec elle, d'ailleurs. Je lui parle. Je m'excuse, je suis gentil, je lui donne mon t-shirt... Il y a beaucoup trop d'exemples, et ça commence à faire beaucoup pour moi. Je ne me comprends plus, parce que j'agis sans y réfléchir, et sans le regretter.
Et ça ce n'est pas moi. Je ne suis pas gentil, je ne suis pas prévenant. Jamais. Mais je le suis avec elle, je l'ai été plusieurs fois, et au fond, si je devais recommencer, je le ferais. C'est plus fort que moi, et je n'apprécie pas qu'une voix inconnue me dicte mes actions. Je n'apprécie pas de la trouver mignonne quand elle sourit, je n'apprécie pas d'aimer son rire et de vouloir l'entendre encore. Je n'apprécie pas d'avoir envie d'être la cause de ce rire.
J'essaye de comprendre, mais je ne trouve aucune raison logique. Alors je décide d'oublier, au moins pour ce soir, car j'en ai assez de passer mon temps à penser à elle. Parce que d'une manière ou d'une autre, si je ne suis pas entrain de jouer, je finis toujours par penser à cette fille. Ses réactions, son passée, nos disputes, mon comportement... il y a toujours quelque chose qui fait qu'elle me reste en mémoire. C'est agaçant.
Je pousse la porte de l'appartement et rentre, trouvant Sam et Carter dans le salon. Arthur est absent, et je ne cherche pas à en savoir plus, mais un élément retient mon attention. Ils sont silencieux. Et ils ne font rien. Carter est penché en avant, coude sur les genoux, les mains soutenant son visage. Sam est enfoncé dans le fauteuil, se pinçant l'arête du nez. Ils ont l'air soucieux, et ce n'est absolument pas dans leurs habitudes. Je m'avance vers eux, les sourcils froncés, tentant de comprendre ce qui ne va pas. Le WIFI ne marche plus ? La PS4 est morte ? Je ne vois pas ce qui pourrait y avoir de pire pour eux et les mettre dans cet état.
- Il se passe quoi ?
Cart' relève un œil vers moi, m'observant quelques instants sans rien dire. Il finit par bouger, et me tend son téléphone sans rien dire de plus. J'attrape l'objet, sans comprendre, et découvre qu'il me montre une page de fan. Pas n'importe laquelle, une page qu'on nomme entre nous les « extrémistes ». En sommes, des hystériques, qui sont folles de nous. Celles là, je ne les considère pas comme des fans. Je refuse d'être associé à ce genre de personne. Il y a une différence entre aimer un groupe, même beaucoup, et être complètement folles.
Je ne comprendrais jamais ces personnes. On ne parle pas d'une ado fan qui recouvre les murs de sa chambre de poster et passe son temps à acheter des goodies, on parle de femmes, parfois d'hommes, entre 16 et 30 ans, qui incitent à la haine, au harcèlement, au stalking, bref, à tout un tas de choses qui me rebutent profondément.
On a d'ailleurs une belle brochette de ces personnes au lycée. Ce sont les mêmes qui font chier l'Ovni à cause d'une tache. En fait, le harcèlement est leur dada. Notre groupe n'est qu'un prétexte de plus pour se sentir supérieur en dénigrant les autres. Que ce soit des fans moins extrêmes, des fans d'autres groupes ou toutes personnes qu'elles pourraient intimider.
Mais je ne comprends pas bien pourquoi il me montre ça. Je connais déjà ce problème, comme nous tous. C'est ainsi et il faut le supporter.
- Quoi ?
- Regarde le dernier article.
Ça m'agace qu'il ne me dise pas ce qu'il se passe mais je fais ce qu'il me demande. Je sens ma main se resserrer sur le téléphone quand je comprends.
- Et merde !
Je n'avais pas pensé à ça. Je n'avais pas pensé aux conséquences que pourrait avoir mon action. Bordel, quel idiot ! Comment ai-je pu omettre ça ! Je suis en colère. Autant parce que j'ai été idiot de ne pas y penser, qu'à cause de ce que je lis. Comment peuvent-ils être aussi odieux avec elle ? Elle n'y est pour rien. Elle s'en prend plein la tronche, comme si ce n'était pas déjà le cas dans sa vie.
J'ai envie de retrouver chacune de ces personnes et de leur faire bouffer leur téléphone, pour leur faire passer l'envie de poster ce genre de merde.
Je me laisse tomber sur le canapé à côté de Cart', ne sachant pas trop comment faire pour arrêter tout ça. En temps normal, je n'aurais rien fait. Je ne suis pas la justice, ce n'est pas à moi de régler ce genre de problème. Ces harceleurs ne sont pas vraiment nos fans, nous ne sommes qu'un prétexte à leur haine, alors je ne me sens pas vraiment coupable. Mais là... là je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de la protéger.
Sûrement parce que tout cela est de ma faute. Je préfère me dire ça que de me rajouter une raison de me poser des questions sur mon comportement avec elle.
Mes amis semblent avoir bien comprit que pour une fois, je n'allais pas rester les bras croisés.
- Comment tu comptes gérer ça ?
Je ne réponds pas à Sam, parce que j'en sais rien, pour le moment. Mais je vais trouver une solution, parce que je ne peux pas l'accepter.
- Quel bande de cons.
La phrase m'échappe, et je suis sûr qu'il capte toute l'étendue de ma colère. Est-ce qu'elle les a vu ? Est-ce qu'elle a lu toute cette merde qui se dit sur elle ? Je suis sûr que oui, ou bien que cela ne va pas tarder, à moins que je parvienne à agir vite. J'essaye d'imaginer comment elle a pu réagir, si elle les a vu. Ça me donne doublement envie de péter un câble.
- Au moins, on sait qu'elle est mignonne.
Je sais que Sam essaye de détendre l'atmosphère, mais là, je ne suis pas d'humeur.
- C'est pas le moment Sam.
- Ah tu ne déments pas !
Je souffle, ne faisant pas attention à sa réplique. Je me demande seulement comment mettre un terme à toute cette merde.
- Elle a été diffusée ailleurs ?
Carter secoue la tête.
- Non. Nos fans ne sont pas des folles, contrairement à eux. Beaucoup sont un peu jalouses mais pas méchantes. Certaines ont cherché à la défendre, mais c'est noyé dans la masse.
Bon. Une seule photo, c'est déjà plus facile à gérer. Les milliers de commentaires en revanche.
- Sam, y'a moyen de faire disparaître cette photo et les commentaires ?
- Contacter les personnes s'occupant du site. Si c'est nous, elles devraient tout supprimer.
- Tu peux t'en occuper ?
Il hoche la tête et attrape son ordinateur. Je sais que cela ne va pas suffire. Les administrateurs vont peut-être tout supprimer, mais la haine contre Lyra est déjà lancée. Les messes basses, les attaques au lycée... Tout ça m'inquiète autant que ce site.
Carter me regarde alors, et je le sens sérieux comme il l'est rarement.
- Fais gaffe à elle. Elle ne mérite pas de se prendre tout ça dans la gueule.
- Je sais.
J'en suis plus que conscient, même. Elle s'en prend déjà assez comme ça, elle n'a pas besoin de récolter des soucis supplémentaires à cause de moi.
La photographie aura disparue à notre demande quelques heures plus tard. Mais les forums restent pleins d'insultes et de haine. Tout le week-end, leurs nombres augmentent, malgré qu'il soit du fait d'un nombre restreint. Ils sont toujours plus violents, méchants, menaçants. Ils me donnent envie de vomir, ou de les frapper, au choix. Ces personnes sont abjectes. Elles me dégoûtent, et j'ai honte qu'elles utilisent le nom de Madness pour justifier leurs actes.
Quand le lundi arrive, les premières heures de la journée passent, et je vois bien que Lyra en prend plein la tête. Elle essaye de faire comme si de rien était, mais je l'ai suffisamment observé pour voir au-delà. Son arc-en-ciel d'amie essaye bien de la faire sourire, de renvoyer bouler ceux qui disent un mot de travers, mais c'est loin de suffire. Même Note qui grogne sur quiconque approche de trop près sa maîtresse, ne les arrête pas. Ils trouvent toujours un moyen de la blesser. Les commérages, les regards, les boulettes envoyées en classe... tout ça l'épuise, je le vois.
Pourtant, je n'agis pas. J'attends. Je ne sais pas pourquoi, mais j'attends, j'observe.
Observer, c'est ce que je me serais contenter de faire en temps normal. Mais rien n'est normal quand il s'agit d'elle, et ça m'agace. Je sais bien que je vais finir par agir, mais je ne sais pas encore comment, ni quand. Et ma propre action me fait peur à moi-même. J'ai peur de ce que je vais faire, de ce que je vais dire. Mais c'est plus fort que moi, car quand je la regarde être ainsi, je bouillonne. A bien des égards, je préfère la voir sourire.
Je n'ai qu'à regarder son regard éteint pour savoir qu'elle a lu les commentaires, qu'elle les a tous lu. C'est sûrement la pire chose à faire de ce genre de situation, mais je la comprends.
Elle ne me dit rien, quand elle arrive en philo et s'assoit à côté de moi. Elle pourrait me demander d'intervenir, parce qu'après tout, tout ça part de moi. Mais elle ne fait rien, ne dit rien, ne me regarde même pas, comme si cela allait aggraver son cas. C'est sûrement vrai.
Le manège continu. Je vois qu'elle est presque à bout, et une énième boulette vole, avant qu'une voix ne s'élève pour les faire cesser. Ce n'est pas la mienne, mais celle de Monsieur Tanvoy.
- Bon ça suffit ! Mais qu'est-ce que c'est que ça !
Je n'ai jamais vu ce professeur s'énerver, mais cela ne semble pas calmer les détraqueurs. Je ne sais pas exactement qui répond au professeur, car je concentre mon regard sur la rousse.
- Elle le mérite, c'est qu'une voleuse !
Alors que la masse suit celle qui vient de parler, la traitant de tous les noms, persuadés qu'elle m'a prit ce t-shirt sans mon consentement, je vois le masque de Lyra se fissurer. Cette fois-ci, c'est trop pour elle. Elle craque, mais avant que d'autres ne le remarquent, je fais claquer mon poing sur la table. Elle comme beaucoup sursaute, et les voix se taisent pour me regarder.
Je suis en colère, et je pense qu'ils l'entendent tous dans ma voix. Je sais à cet instant que mon regard, déjà bien foncé, est plus que noir.
- Je lui ai donné ce t-shirt. Maintenant, si quelqu'un a un problème avec ça, ou avec elle, venez le régler avec moi.
Tout le monde se la ferme, et ça me fait du bien, et cela fait aussi sûrement du bien à Lyra.
Une petite voix s'élève, venant d'une pom-pom girl.
- Ce n'est pas juste. Pourquoi on ne peut pas en avoir ?
Je plante mon regard sur elle et la fusille des yeux.
- Tu salirais le t-shirt et le groupe en le portant.
La réplique fait mouche, et plus personne n'ose l'ouvrir. Je me retiens de tourner les yeux vers la rousse, qui je sais me regarde. Du coin de l'œil, je parviens à capter ses joues rouges.
Encore une fois, je n'arrive pas à me comprendre. J'ai encore agi pour elle, à l'inverse de mes habitudes. J'ai encore cherché à la préserver, au contraire de mon caractère. Et cette fois, je l'ai fait de façon à ce que tout le monde le sache. Comme si j'affichais à tous que je la protégeais. Que la toucher c'était me toucher moi. Ce n'est pas le cas. Pourtant une petite voix au fond de moi me souffle le contraire. Je l'étouffe vite, mais une phrase tourne en boucle dans mon esprit, résumant bien ce que je pense à l'instant même :
« Putain, je me suis fait contaminer par l'Ovni ».
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Lester intervient pour protéger Lyra ! Et croyez moi, ce ne sera pas la dernière fois... mais les prochaines risquent de vous plaire ! ;)
Je vous dis à vendredi pour le prochain chapitre. Petite annonce, même si elle n'est pas officielle : après mes partiels, je souhaite publier un peu plus. 2 chapitres/semaines surement (ou plus), en fonction de mon rythme d'écriture. Evidemment c'est un projet qui dépendra de ma vie personnelle et professionnelle à ce moment là, c'est pour ça que je ne promets rien. Il y a tout de même de grandes chances que je publie plus rapidement. Je vous tiendrais au courant, évidemment.
Kiss :*
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