Chapitre 20

PDV Lyra

Je dois avouer que je ne comprends, et n'apprécie pas cette idée. Le physique n'a aucun rapport avec la musique. Ce sont deux choses qu'on ne peut, qu'on ne doit pas mettre en comparaison. Un chanteur, un musicien, le but n'est pas qu'il soit beau sur scène, parce que pour moi, la musique, ce n'est pas ça. C'est bien plus important que de se restreindre à une couleur de cheveux ou la forme d'un nez.

En tout cas ce n'est pas comme ça que je conçois les choses. Je ne veux pas écouter une chanson médiocre d'un type beau. Cela ne la rendra pas meilleure. Moi je veux des mélodies faite par des musiciens. Des vrais. Et les vrais musiciens se définissent par leur passion, rien de plus.

Dans ma branche, dans la classique, on se fichait bien que vous soyez mignon. On ne faisait attention qu'aux notes que vous produisiez, à leur justesse, leur intensité, et les émotions que vous faisiez parvenir au public en face de vous. Jamais à l'époque on ne m'a refusé l'accès à un concours à cause de mes yeux vairons. Pourtant, ce n'était pas considéré comme joli dans la société. Encore maintenant, mon iris bleu, je le cache sous une lentille marron. Jamais l'on m'a dit que mes cheveux étaient bien trop indisciplinés, bien trop vifs pour que je ne puisse aller sur scène.

Jamais une personne n'a été refusée sous un prétexte physique.

Alors qu'est-ce qui a changé ? Qu'est-ce qui fait que maintenant cela a tant d'importance, au point de terminer une carrière à peine entamée ? Je ne le comprends pas, et je ne veux pas le comprendre.

Monsieur Cliché n'a pas l'air d'accord non plus. Lui aussi semble trouvé cela aberrant, et c'est sûrement car il a un rapport à la musique similaire au mien. Ou à celui que j'avais.

Cette conversation, je l'apprécie, réellement même. Si au dépars, j'étais gênée qu'il ne voit mes dernières recherches -encore ouvertes depuis plusieurs jours- finalement, je me dis que c'est une bonne chose, vu ce que ça a engendré. Je ne pensais pas un jour discuter de la sorte avec quelqu'un, encore moins avec lui. Je suis presque déçue de voir ma mère entrer dans la pièce. Non, je le suis vraiment, car j'aurai aimé continuer ce qui me semblait à l'instant naturel, malgré la gêne du début. Je veux en savoir plus, j'ai encore des questions. Et surtout, j'ai l'impression que la musique est un sujet qui nous permet de communiquer sans que les choses ne partent mal.

Je râle pour la faire partir, mais ma mère est tenace.

- Ça ira merci.

- Vous travaillez bien ?

- Oui, tu nous laisses s'il-te-plaît ?

Elle ne fait pas mine de bouger, et pose ses yeux de fouine un peu partout pour essayer d'en savoir plus. Ma mère est envahissante. Elle l'a toujours plus ou moins été, mais tout c'est aggravé depuis mon accident. Pas qu'elle s'intéresse plus à moi qu'avant, ou qu'elle cherche plus à me couver. Elle reporte juste la partie d'attention que recevait Aria sur moi, m'en donnant ainsi 2 fois plus. 2 fois trop. La différence, c'est qu'avant, elle le faisait pour mon bien. Maintenant, c'est davantage pour le sien.

- Maman, tu sors ?

Je formule cela comme une question, mais ce n'en ai pas vraiment une. Je veux qu'elle sorte, car elle vient de briser un moment que j'appréciais, et que je ne suis pas forcément à l'aise avec elle depuis un bout de temps. Elle n'est plus vraiment la mère qu'elle était avant, et celle qu'elle est devenue... Je ne l'apprécie pas. Je n'en aime pas moins ma mère mais... c'est différent. Encore une chose dans ma vie qui a changé, et ça ne me plaît pas. 

Elle fait une petite moue avant de sortir, enfin, et je souffle presque de soulagement.

Je regarde Lester du coin de l'œil, mais celui-ci s'est plongé dans des recherches internet, je me remets donc à lire ce que j'ai entre les mains. Ça ne me passionnait déjà pas avant, mais c'est pire maintenant. Parce que j'ai envie de parler avec lui. De voir si nous pouvons continuer à communiquer aussi facilement qu'il y a quelques minutes. Je ne sais pas pourquoi... mais j'ai vraiment apprécié. Peut-être parce que je n'ai pas l'habitude de le faire. Je n'ai jamais été bavarde. Encore maintenant, je laisse Talia faire la quasi totalité des conversations. Mais je découvre que cela peut être agréable... comme les conversations que j'avais avec Aria, avant.

Je me mords la lèvre un instant en pesant le pour et le contre. Et puis je décide de me lancer, parce qu'après tout, je n'ai rien à perdre.

- C'est quoi pour toi l'amour ?

Il se retourne pour me regarder, et je vois qu'il est étonné. Que je relance la conversation, ou que je dérive sur ce sujet ? Après tout, c'est un peu le but de se retrouver ensemble, de parler de ça...

Il me scrute des yeux un instant, sans rien dire, avant de me répondre.

- Un bon sujet de chanson.

Je ne peux m'empêcher de rire, c'est plus fort que moi. Je ne sais pas trop à quoi ressemble mon rire maintenant, mais c'est plutôt son regard, et son sourire en coin qui m'arrête. Je sens mes joues rougir en regardant celui-ci. Il est... encore plus impressionnant, quand il sourit de cette manière.

Malgré moi, je me rends compte que je viens de faire une chose que je n'ai pas faite depuis des années, rire. Rire sincèrement, sans le contrôler, laisser la joie m'envahir durant un instant. Je parle d'un vrai moment de joie. Je me suis déjà sentie amusée, surtout depuis que Talia est dans ma vie... mais pas à ce point là. Ce point là, il n'avait plus été atteint depuis ce jour, il y a 5 ans. Pourtant, il n'a pas dit grand-chose, mais il a réussit. Je me demande comment.

Il finit par arrêter de sourire et me retourne alors la question, mais je ne sais pas trop quoi lui répondre. C'est un terme assez flou pour moi. Assez inaccessible aussi. Je pourrais détourner la question, éviter d'y répondre, mais je décide d'être honnête, de lui dire sincèrement ce que je pense.

- Je n'en sais rien. Ce n'est pas pour moi.

Il fronce légèrement les sourcils. C'est à peine perceptible, mais je le vois.

- Tu dis ça car tu te sens à part ?

Je me sens gênée, de la tournure que prend cette conversation. Elle dérive sur moi, mes pensées sur ma personne, des pensées peu alléchantes. Mais étrangement, j'ai envie de continuer. Parce que je sens qu'il n'a pas de mauvaises intentions. Sa question n'est pas là pour être blessante. Mais plutôt... pour comprendre ?

- Je le suis.

C'est ce que je pense. Du plus profond de moi. Je le pense parce que c'est ainsi que les autres me font me sentir depuis des années. Alors comment pourrais-je voir les choses autrement ?

- Je ne trouve pas.

Mon cœur fait un bon et je me retiens de rougir une nouvelle fois. C'est quelque chose que l'on ne m'a jamais dit. Ça me fait plaisir de l'entendre, même si cela ne suffira pas à me faire changer. C'est quand même... gentil ? Et ça me fait du bien. Mais je ne lui dis pas.

- Personne ne s'intéresse à une sourde.

En tout cas, en 5 ans, personne ne s'est jamais intéressé à moi autrement que pour se moquer. Alors je n'ai pas d'exemple qui me permettrait de penser le contraire. Je ne parle pas de Talia, mais bien de gens qui s'intéresseraient à ma personne... amoureusement.

- Ou tu ne leur permets pas de s'intéresser à toi ?

J'ai l'impression qu'il parle autant pour lui que pour moi. Mais je sais qu'il y a du vrai. Je n'ai pas forcément envie de laisser les gens s'approcher. Parce que j'ai peur de leurs intentions, alors je préfère ne pas prendre de risque. Alors oui, d'une certaine manière, il a raison, ou plutôt il n'a pas tord, mais je ne veux pas lui dire, alors je me contente de hausser les épaules.

Je pense qu'il comprend que je l'admets ainsi à demi-mot, car son petit sourire en coin revient, un instant, avant qu'il ne redevienne sérieux. Il perd rarement ce visage fermé, mais je m'avoue heureuse d'avoir pu le voir afficher quelques expressions de temps en temps.

- Tu as toujours été sourde ?

Je vois qu'il a hésité à poser la question. Il avait peur de me faire du mal, peur peut-être aussi qu'on retombe dans ce cercle infernal. Mais contrairement aux autres fois, je ne m'offusque pas, parce que maintenant, je sais qu'il n'y a pas de mal.

- Non.

Je lui réponds, mais je ne veux pas en parler plus, et il le comprend, car il ne pose pas d'autres questions. Je le remercie silencieusement, et d'elle-même la conversation s'arrête.

Cette fois-ci, je ne la relance pas. Pas que je n'ai plus envie de lui parler, mais je trouve que ce serait forcer les choses. Il semble penser de la même façon que moi, car l'un comme l'autre, nous nous replongeons dans nos recherches, et nous ne parlerons plus jusqu'à ce qu'il quitte la maison.

Je me retrouve seule sur mon lit, le museau de Note sur ma cuisse, et je lui caresse distraitement la tête en pensant. Après tout ça je me sens... chamboulée. C'est le mot. Parce que je n'ai jamais autant parlé à une autre personne que ma sœur. Parce que je n'ai jamais autant aimé ça. Parce que j'ai envie de recommencer encore une fois. Pourtant, Lester n'est pas celui qui au premier abord m'aurait donné suffisamment confiance pour lui parler. Mais c'est avec lui que j'ai envie de discuter. Malgré son air froid, sa prestance glaçante, j'ai trouvé ce moment presque chaleureux. En tout cas, il m'a fait du bien, et je voudrais savoir si je peux retrouver ces sensations une nouvelle fois.

Et puis au fond de moi, j'ai aussi envie de voir d'autres expressions... celles qu'il ne contrôle pas vraiment, comme ce sourire en coin si... attirant.

Je me sens rougir rien que de penser au mot que je viens d'utiliser. Et rien que de penser que contrairement à ce que je disais, j'ai presque envie d'apprendre des choses sur lui. Je ne devrais pas. On s'est mis d'accord là dessus. Mais c'est plus fort que moi, alors je tente de refréner cette envie nouvelle.

Je sursaute presque quand mon téléphone vibre. Sans surprise, il s'agit de Talia. Elle est la seule à avoir mon numéro, excepté ma famille. Je fronce les sourcils en voyant ce qu'elle m'annonce.

« Ly', c'est vraiment pas bon tout ça ! »

Je ne sais pas de quoi elle parle, et je me le demande bien, avant qu'un second message n'arrive, avec un lien. J'ai presque peur d'avancer mon doigt pour cliquer dessus, mais je finis par le faire. Je sens mes yeux s'écarquiller et mon cœur s'arrêter de battre un instant avant de recommencer à une vitesse folle.

Une photo. Une photo de moi à côté de Talia. Moi avec le t-shirt de Lester.

Ce n'est pas la photo en elle-même, qui me fait avoir cette réaction. C'est plutôt qu'elle se trouve sur le web, dans un article, avec des centaines de commentaires... que je me risque à lire. Que je n'aurais pas du lire.

« C'est qui cette connasse ? »

« D'où elle porte ce t-shirt ?! »

« Elle a dû le voler, il n'y a rien d'autre à dire ! »

« Non mais sérieusement, comment elle ose, en plus c'est pas comme si elle était belle ! »

Et ça continue. Encore et encore. Le nombre de commentaires augmente. Je lis chacun d'eux. Je deviens un peu plus livide à chaque mot qui passe sous mes yeux. Parfois, il y en a quelques uns qui tentent de me défendre. Mais ils sont si peu nombreux qu'ils ne me font pas oublier les insultes. Les menaces. Sur mon physique, sur mes amis, ma famille. Je me prends en pleine face et en nombre impressionnant toutes les critiques habituelles, mais c'est beaucoup plus puissant.

Je ne sais pas comment réagir. Tout cela me retourne le ventre. Je regarde le t-shirt posé sur mon oreiller. Et à ce moment là, je me demande si au final, je n'aurai pas mieux fait d'avoir chaud.  

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Une première conversation... et une mauvaise nouvelle à la fin. Comment cela va se régler ? Comment Lyra va-t-elle gérer ? Est-ce que Lester va l'aider ?

Je voudrais vous parler en quelques lignes de cette histoire, car on ne m'a pas encore posé la question, mais j'aimerais l'expliquer avant que ce soit fait : ne vous attendez pas à ce qu'ils s'embrassent dans deux chapitres, soient en couple dans trois ect... ça va être plus long que ça. Ce n'est pas une histoire qui a pour but de précipiter les choses afin de vous mettre le plus de scène de bisous et autre possible. Ça viendra, mais plus tard. En revanche, pour ceux qui ont lu Lumen, je ne vais pas faire comme avec Lux et son prince, et vous faire poireauter tout le livre pour les mettre ensemble juste avant la fin. Je veux seulement avoir une histoire réellement construite, qui reflète la réalité (sans généralisé, c'est différent pour chacun), c'est à dire qu'une relation ça se construit petit à petit.

Le but de cette histoire est dans un premier temps de vraiment expliquer toute cette période où on se rapproche, on s'apprivoise, les sentiments naissent... puis les moments de couple, avec ses hauts et ses bas. 

Donc en gros, la première partie de ce livre va se concentrer sur l'avant relation, donc une construction lente, avec des rapprochements, des moments mignons, des sentiments qui naissent. 

Et la seconde partie sur tenir la relation à leur âge, avec les difficultés de la vie, surtout les leurs, et les premières fois d'une relation (bisous, rencard, dispute, sexe ect...). Ça va être un peu du 50/50, même si je n'ai pas encore la proportion exacte. Je ne sais pas non plus encore le nombre de chapitres qu'il y aura. 

Sachez que les deux tomes suivants seront sur le même principe. Pour ceux qui ont oublié, il y aura 3 tomes, mais portant à chaque fois sur un couple différent. Il n'y aura qu'une chose qui reliera les histoires entre elles, vous découvrirez quoi plus tard. 

D'ailleurs dites-moi, que pensez-vous de l'histoire jusqu'à maintenant ? 

Allez, je vous dis à vendredi, 

Kiss :*


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