Chapitre 18

PDV Lyra

Bizarrement, ce simple bout de tissus me donne une confiance nouvelle. Quand je marche dans les couloirs, je n'ai pas peur des regards, au contraire. Je me dis qu'ils n'ont plus aucune raison de me regarder, si ce n'est pour constater que la cause de leur hilarité n'est plus. En attendant, je me sens bien. Le doux tissus caresse ma peau, et je n'ai pas envie de le retirer. C'est comme un cocon, à la fois de protection et de bien-être. C'est étrange de penser cela quand on sait de qui il vient. De mon « non-ami ». Cette formulation me donne encore une fois envie de sourire, mais je me retiens en baissant la tête.

Après la fille à la tâche, je ne veux pas être la fille qui sourit bêtement toute seule. A ça, un nouveau t-shirt n'y changerait rien.

Soudain, la boule de couleur qui est ma seule amie débarque en criant. Enfin je suppose qu'elle crie. Elle a l'air, vu son expression, comme elle a l'air complètement stupéfaite en me voyant. Pourquoi est-ce que je lui fais cet effet ?

- Oh mon dieu Lyra, où as-tu eu ce t-shirt ?!

A la voir, on a l'impression que c'est absolument exceptionnel que je le porte. Pourtant, je suppose qu'une fan de Madness doit avoir le même, alors en quoi me voir avec est si fou ?

- Hum, c'est une longue histoire. Enfin non, mais est-ce que ça vaut le coup ?

Elle ouvre grand les yeux, comme si ce que je disais était incompréhensible.

- Mais bien sûr que ça veut le coup !

- Et bien, Lester me l'a donné pour remplacé celui tâché. C'est tout.

- C'est tout ? C'est tout ! Est-ce que tu te rends compte de ce que tu portes ?

Euh, j'aurai dis un t-shirt à l'effigie d'un groupe de rock dont je n'ai jamais entendue aucune chanson -évidemment- mais il semble que ma réponse ne soit pas la bonne vue sa tête. Je ne comprends pas. Il doit juste m'avoir donné un des exemplaires d'habitude réservés à leur public, il n'y a rien d'extraordinaire là-dedans.

- Ce t-shirt est un exemplaire unique ! Seul les membres du groupe en ont un, un seul, et personne n'a le même !

Je sens mes yeux s'ouvrir en grand. Elle a bien dit ce que je viens de lire sur ses lèvres ?

- Tu peux répéter ?

Histoire d'être sûre, parce que là, je me mets à douter de mes capacités de lecture et de compréhension.

- Ce t-shirt est celui de Lester, le seul existant, l'unique, celui qu'il porte à tous ses concerts ! C'est pas un simple goodie, il est spécial.

D'accord, alors soit je me trompe deux fois de suite, soit j'ai bien compris. Mais pourquoi Lester m'aurait-il donné ce t-shirt ? Il m'a dit de le garder, pourtant, Talia m'annonce que c'est un objet important pour le groupe. Je ne sais pas trop quoi en penser, et je sens mes joues rougir en me disant que je ne porte pas n'importe quoi.

Mais finalement, quand j'avance et que je remarque le regard des gens qui se moquaient de moi il y a peu, je suis contente de le porter. Il y a de l'étonnement, tout d'abord, et puis de la jalousie. En particulier chez les filles. Et je dois dire que j'aime ça, parce que pour une fois, on ne me regarde pas pour me dénigrer, mais en voulant être à ma place. En plus de m'offrir un vêtement propre, Monsieur Cliché Un Peu Gentil Aujourd'hui m'a offert un peu de pouvoir. C'est une sensation que j'apprécie. Celle que pour une fois, ce soit moi qui soit enviée.

Alors je ne retiens pas un petit sourire quand je me dirige vers notre salle de classe, entre Note et Talia. Ma main passe doucement sur le tissus, et je me dis que je suis chanceuse, en un sens. Même si je ne trouve pas d'explication logique au geste de Lester. Il aurait simplement pu me le prêter, si il est si important. Mais ce n'est pas ce qu'il a fait. Il veut que je le garde, et là, je me dis que de toute façon, je n'ai pas vraiment envie de lui rendre.

Quand je rentre, je ne peux m'empêcher de m'arrêter devant la glace, dans ma chambre. Et de me rappeler des regards qu'on a pu poser sur moi, de la sensation de plénitude que j'ai ressenti en n'étant plus le monstre que l'on dénigre. Je me suis sentie bien, je me suis sentie jolie.

Ça fait longtemps, que je ne me suis pas trouvée bien, peu importe les vêtements que je portais. Il aura suffit d'un t-shirt pour que je me regarde en souriant, même si ce n'est que pour un instant.

Mon regard se pose sur mon ordinateur et je ne résiste pas à l'envie de faire une recherche. Presque malgré moi, je tape le nom de Madness dans le navigateur, et je suis presque étonnée de trouver autant de résultats. Je commence par ouvrir quelques articles, en les parcourant rapidement. Ils font tous les louanges du groupe, de leurs chansons – auto-composées – de leur prestance sur scène. Je décide ensuite de chercher leurs textes si je ne peux pas les écouter, je peux au moins me faire une idée de ce que veulent dire leurs chansons. J'en parcours plusieurs, les trouvant pas mal, avant de m'arrêter sur l'une d'elle, que je trouve particulièrement intéressante.

« Partir n'est pas anodin,

Tu as voulu changer de destin.

Mais pourquoi m'avoir abandonné en chemin,

Ne pouvais-tu pas me prendre la main ?

N'oses même pas revenir,

Après m'avoir tant fait souffrir.

J'ai oublié ta présence,

Maintenant j'apprécie ton absence.

Je n'ai plus besoin de raison,

Pas plus que de belles paroles.

La solitude est devenu ma maison,

J'ai fait de ton départ un symbole.

Ne pense pas que je mens,

Que je te haïs ou que je t'attends,

Tu n'es plus rien pour moi,

Et je vis très bien sans toi. »

C'est criant... de sentiments. Ou plutôt, c'est leur absence qui les rend si fort. Je ne sais pas pourquoi ils ont écrit cette chanson, si il y a une histoire derrière, mais ce paradoxe rend l'émotion plus forte.

En parcourant tous les textes, je me rends compte qu'ils ne sont pas juste un groupe de musique, mais des personnes qui ont des choses à raconter. Certaines parlent de famille, de musique, de passion, d'amitié, d'amour. Mais toutes ne sont pas juste jolies et bien écrites, elles sont profondes. Sans même les entendre, je comprends qu'ils ne jouent pas pour la reconnaissance, l'argent ou la célébrité, mais parce qu'ils aiment ça.

Je clique sur un lien sans forcément comprendre au premier abord de quoi il s'agit. Je découvre alors un fan club, un site entièrement dédié au groupe, et je suis épatée quand je vois le nombre de participants et d'abonnés ! Ils ont l'air d'avoir un succès énorme, et je ne peux m'empêcher de me demander si ils sont si bons que ça. Je ne pourrais jamais le vérifier, malheureusement. En parcourant les photos postées par les fans, je m'arrête sur l'une d'elle. Lester y est présenté en gros plan, les yeux postés sur ses mains. Je vois un petit sourire en coin, mais surtout, malgré que cela ne soit qu'une photographie, je vois ce qui l'habite.

Il est fait pour la musique. J'en était déjà sûre, mais cette photographie me le confirme. Je me reconnais en lui, quand je vois cette obsession pour son instrument, pour sa musique. C'est véritablement une part de lui, une part qui est sûrement plus importante que toutes les autres. C'était mon cas. La musique prend possession de lui alors qu'il a sa guitare entre ses mains. Sur aucune des images que je fais défiler, je ne le vois communier avec son public. Il est fixé sur son instrument, ou bien, il a les yeux dans le vide. Quelques regards avec les autres membres, éventuellement, mais rien de plus. Il n'est pas là pour le public, mais pour son art. Il leurs fait partager, mais sans se soucier de la façon dont ils le réceptionnent. Malgré tout, je vois à quel point il est fait pour être sur scène.

Pour être un artiste, il n'y a pas forcément besoin d'être avenant envers les fans. Le plus important est de réussir à les toucher. Cela passe par la musique et part l'envie d'être sur scène. Cette envie, on peut la voir dans l'attitude des artistes qui aiment échanger avec la foule. Ma sœur était de ceux-là. Mais on peut aussi la voir dans des artistes comme Lester. En regardant leur passion dans leurs yeux, la musique qui traverse leurs corps, et pour lui, en voyant son sourire.

Peu importe comment ils le manifestent, l'envie d'être sur scène, on ne peut pas faire semblant. Comme on ne peut pas faire semblant d'aimer la musique. Être musicien ne s'improvise pas. Il faut être passionné par son art. Lester l'est. Et quand je le vois avec sa guitare, il me fait penser à Aria. Elle était passionnée aussi, et faite pour être sur scène. Mais elle a quitté la scène, et je n'ai pas envie d'y repenser.

Je referme l'ordinateur et vais me mettre sous les draps. Dormir est peut-être la seule chose qui m'évitera de penser à ma sœur, alors je me fiche bien qu'il soit à peine 18h. Je me glisse sous la couette et Note monte sur le lit pour se mettre sur mes pieds. Je dépose le sonotone sur ma table de chevet, mais je ne me change pas. Je garde le t-shirt de Monsieur Cliché sans savoir pourquoi. Et je me sens rougir quand je me surprends à humer l'odeur qui s'y trouve.

C'est typiquement masculin, je ne saurais vraiment le décrire, mais malgré la touche de cigarette j'apprécie le parfum.

Je secoue la tête pour me remettre les idées en place avant de fermer les yeux. Quelle idée de sentir le t-shirt de Lester, bon sang !

J'essaye de ne plus y penser, et heureusement, je finis par tomber dans les bras de Morphée.


La musique est forte. Très forte. La foule est en délire, les gens hurlent, mais de joie. Je vois des personnes un peu plus loin qui dansent, sautent, chantent. Des verres pleins dans leurs mains se vident au gré de leurs mouvements. Ceux qui reçoivent le liquide ne semblent rien en avoir à faire. Le soleil réchauffe ma peau alors que l'herbe fraîche chatouille mes pieds à travers mes sandales ouvertes. J'ai chaud, mais les brumisateurs installés ici et là me font du bien.

Une main sur mon épaule me fait sursauter et je me tourne rapidement. Je découvre Aria, un sourire énorme sur les lèvres.

- Hey petit monstre ! Alors c'est comment ?

- Incroyable.

J'ai l'impression d'entrer dans un nouveau monde. Des milliers de personnes autour de moi, de la couleur, de la vie, et de la musique. C'est beaucoup moins solennel que les salles de musique classique, l'atmosphère ici est bien plus folle, mais j'aime ça. Mes yeux pétillent devant tout ce que je découvre. Le monde de ma sœur.

J'ai déjà vu ses concerts, mais cette fois-ci, c'est encore différent. Ce n'est pas un bar, ni une salle de quelques centaines de personne. C'est un immense festival qui grouille de monde. Et ma sœur va jouer ici, devant tant de monde.

Des personnes la reconnaissent dans la foule, et lui font signe. On la prend en photo, mais personne ne vient la déranger. Comme si tout le monde savait que ce moment, il est pour nous deux, alors qu'elle me fait découvrir son monde.

Elle a seulement 17 ans, bientôt 18 ans, et son groupe est considéré comme une étoile montante dans le style. Depuis 2 ans, ils se produisent partout, dans des lieux toujours plus grand, alors que leur fan club augmente.

Ma sœur est une star, et moi, du haut de mes 13 ans, je la regarde encore comme si j'en avais 5. Nous n'avons peut-être pas le même style, mais elle sera toujours mon modèle.

Elle m'attrape la main et m'entraîne au plus près de la scène, sur le côté, juste derrière les enceintes. De nombreux fils passent partout.

- Ici tu verras mieux, et au moins tu n'es pas seule dans la foule. Déjà que les parents sont fous d'inquiétude.

Oui. Ils ne voulaient pas que je vienne ici, ils me trouvent trop jeune. Surtout qu'ils ne pouvaient pas m'accompagner. Mais quand Aria et moi voulons quelque chose, nous savons être persuasives. Il était hors de question que je loupe le premier festival de ma sœur devant des millions de personnes !

On annonce son groupe au micro et elle dépose un baiser sur ma joue.

- Encourage-moi petit monstre. On se voit après !

Elle se précipite sur scène, et j'entends les acclamations. Elle a toujours été acclamée, comme le reste de son groupe. Ils sont incroyables, et les voir est comme un voyage. Ils nous emportent dans leur musique. Je trouve toujours ça incroyable, cette façon dont elle entraîne les gens derrière elle. La foule crie tellement fort que j'ai l'impression d'être parmi elle. Je regarde ma sœur de dos, attraper sa guitare.

Ma vision se trouble. Les sons deviennent étranges autour de moi. Je cris le nom de ma sœur, mais c'est comme si elle ne m'entendais pas. J'ai l'impression de regarder la scène à travers de l'eau.

Et je comprends que rien n'est réel. Je suis seulement entrain de le revivre, encore. Je sais que ce n'est qu'un rêve. Un cauchemar. Je connais la suite, mais je tente quand même de changer l'histoire. Je cris son nom, mais je ne vois que des explosions, de la douleur. Je cris, mais personne ne m'entend, car ce n'est qu'un rêve, qu'un souvenir.

Je cris, mais la scène se répète, encore et encore. « Petit monstre ». « On se voit après ». Quel après ?

Non. Non. NON !

Je me redresse en sueur dans mon lit, essoufflée, comme si je venais de courir un marathon. Note s'avance près de moi et viens se serrer contre mon corps pour me rassurer. Moi, j'essaye de me calmer, mais les scènes tournent en boucle dans ma tête. Fût une époque où ma mère entrait en trombe dans ma chambre pour me calmer. Maintenant j'ai appris à être silencieuse. Ou peut-être a-t-elle appris à ne plus entendre.

Ce cauchemar, je le fais depuis 5 ans. Avant, c'était toutes les nuits. Maintenant, il revient me hanter quand il le décide. Mais il est toujours aussi puissant. Parce qu'il me rappelle le pire jour de ma vie. Celui où j'ai tout perdu.

Et je me demande si un jour, cette journée arrêtera de me hanter.  

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Lyra s'intéresse de plus en plus à ce qui touche à Lester sans s'en rendre compte... 

Que s'est-il passé, ce fameux jour, il y a 5 ans ? Pourquoi Lyra a-t-elle perdue l'ouïe, où est Aria ?

Sur ce, je vous dis à vendredi pour la suite, 

Kiss :*

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