Chapitre 16
PDV Lyra
Je ne peux retenir mon sourire devant notre bêtise. « Non-ami ». Qui se promet de ne pas devenir ami franchement ? Et bien nous, il faut croire, et ce n'est pas pour me déplaire. Au contraire, cela m'amuse, et me rassure. Me rassure autant que la discussion que nous venons d'avoir, ou plutôt que les explications qu'il vient de me donner.
Alors il ne faisait pas semblant, il n'a pas cherché à m'induire en erreur pour me blesser. Il a seulement été maladroit, et j'ai seulement interprété les choses de façon erronée. C'est comme si on me retirait un poids du cœur, alors que ses paroles ne devraient normalement pas avoir autant d'importance pour moi. Mais elles ont en eu, et je suis bien contente que toute cette histoire soit maintenant derrière nous. La seule chose qui m'intéresse, maintenant, c'est de terminer ce projet, et de ne plus me prendre la tête.
J'ai bien compris qu'il allait falloir que j'arrête de chercher à comprendre ses paroles et ses actions. Cela ne me réussit pas, ne nous réussit pas. Il y a un soucis de communication entre nous, et si nous voulons éviter de nous retrouver dans une situation similaire à chaque fois que nous parlons, il vaudrait mieux ne pas trop donner d'importance à la signification de ses mots. Je dois juste garder à l'esprit ce qu'il vient de me dire. Il se fout de moi, pas pour ce que je suis, mais parce qu'il se fout de tout le monde. Cette phrase, je l'ancre bien fort dans ma tête, pour m'en souvenir chaque fois que j'aurai l'idée stupide de prendre au pied de la lettre ce qu'il me dit.
Je maudissais Note de m'avoir amenée ici mais finalement, je l'en remercie. Peut-être n'aurions-nous jamais mis les choses au clair sans cela. Et j'aurai sûrement continué à me ronger l'esprit en me repassant la scène en boucle. Maintenant, quand j'y repense, cela me donne plus envie de sourire qu'autre chose, et c'est probablement le mieux. Je ne peux m'empêcher quand même de penser à ce que va donner notre prochain moment ensemble. Lequel de nous deux va dire une chose que l'autre prendra mal ?
Est-ce que nous saurons nous rappeler que les intentions que l'on donne à l'autre ne sont pas forcément les siennes ? J'attends de le voir, mais j'ai tout de même un petit espoir en moi que nous réussissions à nous entendre au moins une fois sans créer de disputes inutiles.
Sans trop savoir pourquoi, mon regard s'accroche au sien et nous restons planté là tous les deux, à nous regarder dans les yeux. C'est étrange, et ça ne sert à rien, mais je ne parviens pas à me détourner. Il a cette aura particulière qui attire les regards, dont le mien. L'aura d'un musicien. Une aura que j'avais, moi-aussi, avant. C'est presque douloureux, d'observer quelqu'un qui a ce que je n'ai plus. Mais en même temps, c'est réconfortant, parce que cela me rappelle une époque où tout allait bien. J'aimerais revenir à ce moment, à ces moments, où je me fichais d'être regardée, parce que cela voulait dire que je jouais, que j'étais entière.
Ses lèvres qui bougent me font sursauter, et dévier mon regard du sien, alors que je me sens rougir.
- Ça a sonné.
C'est gênant, non pas de ne pas l'avoir entendu, mais surtout d'être restée pendant autant de temps fixée sur lui. J'ai l'impression d'être une voyeuse, alors qu'au final, je ne le regardais pas vraiment, j'étais plus perdue dans mes pensées qu'autre chose.
Je me retourne vivement sans pour autant que le rouge de mes joues disparaissent et avance vers la sortie, accompagné de mon chien. Nous avançons dans les couloirs, et je sens que Monsieur Cliché Peut-être Pas Si Cliché nous suit. J'ai décidé de modifier un peu son surnom, car mes certitudes sur lui s'effritent petit à petit. Mais il est trop long, il va falloir que je réfléchisse à mieux.
J'arrive finalement en classe et les regards se posent évidemment sur mon compagnon. Peu semble comprendre ce que je fais avec un chien, mais je dois dire que je n'ai pas envie de leur expliquer. Ce n'est pas comme si j'avais un contact particulier avec eux, alors je ne vais pas commencer maintenant. Je rejoins ma place et Talia, qui me regarde avec des yeux ronds comme des ballons.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je me tortille un peu sur ma chaise, sans trop savoir si je dois lui dire la vérité ou non. Je connais Talia depuis peu, et je n'ai jamais véritablement eu d'amis, alors je dois dire que je ne sais pas trop comment ça marche. Ai-je le droit de garder des informations pour moi, ou le vérité est-elle le mot d'ordre ?
- Rien, Note a... a eu besoin de visiter.
Je jette un petit regard en coin à Lester, qui me le rend. Je détourne vite les yeux en rougissant, et Talia fronce les sourcils, avec un sourire.
- Me dis pas que Note t'a fait retrouver Lester ? C'est genre trop romantique, comme dans un film !
Je dois dire que c'est exactement à cause de cette réaction que je ne voulais pas lui en parler. Je secoue la tête en rougissant encore plus.
- Ne dis pas n'importe quoi.
Je retire ma veste, commençant à avoir chaud, mais rapidement, les regards qui étaient portés sur mon chien remontent sur moi. Et les rires commencent. Ils se parlent entre eux, riant, me montrant de la tête, et j'avoue ne pas saisir la raison de leur hilarité. Talia, qui doit entendre ce qu'ils se disent, regarde mon buste et m'explique.
- Oh, ton t-shirt Lyra !
Je baisse les yeux pour observer celui-ci et comprends instantanément. Bordel, la tâche ! J'avais complètement oublié cette saloperie, pourquoi n'ai-je pas pensé à me changer ! Et puis ce n'est pas comme si elle passait inaperçue, on ne voit littéralement que cela.
Et je sens que les messes basses et les rires ne vont pas s'arrêter de si tôt, alors je prends la décision de remettre ma veste. J'ai chaud, mais je préfère cela.
Mais l'initiative ne sert à rien, car les chuchotements et les moqueries ne cessent pas de la matinée. A la cantine, des inconnus viennent me voir en me demandant si je veux une paille, pour boire correctement, ou bien ils m'apportent des serviettes sous les yeux hilares de leurs amis, en me proposant un bavoir. Un idiot m'a même demandé si je voulais de l'aide pour manger, auquel cas il pouvait tenir ma fourchette pour moi.
Ce qui m'agace le plus dans tout ça, c'est de me sentir blessée par tous ces idiots. Quel âge ont-ils, pour faire ce genre de chose ? Est-ce qu'une tâche sur un t-shirt mérite vraiment autant d'attention ? Non. Si ils en font tout un fromage, c'est uniquement parce que la tâche est sur moi. Sur la nouvelle, la sans-ami, la bizarre, la sourde. C'est plus facile de se moquer de quelqu'un qui n'entend rien.
Ce n'est qu'une tâche, bordel, mais pour eux, c'est un prétexte pour déverser leur bêtise et leur haine. Et ça me fatigue, à un point...
Je finis par ne plus le supporter et décide de m'éloigner un peu. Je prends la laisse de mon chien, et explique à Talia que je vais faire un tour. J'ai encore toute l'après-midi à supporter dans cette situation, et il va me falloir bien du courage.
Je ne sais pas trop où je vais, mais je finis par ouvrir une porte, derrière une cage d'escalier. Je trouve un petit banc, entouré de verdure, et surtout, personne autour. Je me laisse tomber dessus et ouvre ma veste, n'en pouvant plus. Je meurs de chaud depuis ce matin, en plus de devoir supporter toute cette mascarade.
L'ignorance, l'intolérance, ce sont vraiment les grands fléaux de ce monde. Pourtant, il n'a rien d'extraordinaire aujourd'hui. C'est juste un peu de chocolat sur un t-shirt. Mais cela me renvoi à toutes ces fois où l'ont se fout de moi dans mon dos, car je n'entends pas, car je ne souris pas, car je parle d'une façon particulière. Cela me renvoi à tout ce que je vis au quotidien, que j'encaisse, sans forcément l'accepter. Cela me renvoi à tous ces regards, méchants, moqueurs, qui se posent sur moi.
C'est difficile. Parce que pendant longtemps je m'en suis protégée en restant chez moi, et que maintenant, je les subis à nouveau, en découvrant qu'un ado, ça peut être encore plus méchant qu'un enfant.
Une larme unique roule sur ma joue alors que Note tire sur ma manche. Je me retourne dans la direction qu'il m'indique, avant de rapidement essuyer la perle d'eau en croisant le regard noir de Lester. Il me regarde sans rien dire, à la fois surpris de me trouver ici, et peut-être un peu blasé que ce soit le cas.
Je comprends vite qu'il doit avoir l'habitude de s'isoler dans ce coin et que je suis à « sa » place. Il voulait sûrement être tranquille et je décide de ne pas interférer dans ses plans.
Je me lève, détourne les yeux et marmonne une excuse, avant de me diriger vers la sortie, mais avant que j'ai le temps de sortir, il est parti. Je reste planté devant la porte grise, à me demander ce qui vient de se passer.
Je suppose que puisque qu'il est parti, je peux rester ici. Je me rassois donc, et caresse la tête de Note sur mon genou. Je me demande ce qui a pu traverser l'esprit de Lester. Est-ce que ça l'a fait chier, de me trouver ici ? Est-ce qu'il m'a trouvé pathétique, de me mettre dans cet état pour un t-shirt ?
Je n'ai pas le temps de penser plus que sa silhouette réapparaît, me faisant sursauter. La porte se referme derrière lui, et il me tend un tissus. Je suis déjà étonnée de le voir revenir ici, mais ce n'est rien comparé au moment où je me décide à attraper ce qu'il me tend et découvre ce que c'est.
J'observe le t-shirt noir, brodé au nom de Madness. Dans le dos, on retrouve « Les' », ainsi que ce que je suppose être leur logo. Je relève mon visage vers le jeune homme devant moi. Il paraît détaché de tout ça, mais il faut dire les choses. Il vient de m'apporter un t-shirt, parce que le mien est taché et provoque le rire de nos camarades. Un t-shirt de son groupe.
- Merci...
Il se contente de hausser les épaules et de se retourner pour partir. Avant qu'il ne referme la porte, je me dépêche d'ajouter une nouvelle phrase.
- Je te le rendrais.
Il se retourne vers moi, pas complètement mais suffisamment pour que je vois ses lèvres.
- Garde-le.
Et il disparaît.
Je regarde le tissus avant de me décider à me rendre aux sanitaires pour l'enfiler. Ils sont vides, et je me regarde dans le miroir. Il est trop grand pour moi, évidemment, mais étrangement, je me sens bien à l'intérieur. Il est doux, et je ne peux pas m'empêcher de passer mes doigts sur l'inscription. Madness. Je me demande pourquoi ce nom. Je décide de rentrer le t-shirt dans mon jean et de retourner les manches, pour ressembler un minimum à quelque chose.
Note me tire sur le bras, signe qu'il est l'heure de retourner en classe, et je souffle un bon coup avant de sortir des toilettes.
Et on retourne dans la jungle des imbéciles, mais cette fois, avec un t-shirt propre.
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Un t-shirt des Madness... cela peut vouloir dire beaucoup de chose, et l'un comme l'autre n'en ont surement pas conscience...
A bientôt pour la suite, on dit vendredi, je vais essayer de ne pas être en retard x)
Kiss :*
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