Chapitre 14

PDV Lyra

En me réveillant ce matin, je sens mes yeux me brûler et les cernes qui creusent mon visage. Je n'ai pas dormi. J'ai ruminé toute la nuit à ce qu'il s'est passé la veille, et je ne suis pas parvenue à passer à autre chose. Ses paroles tournaient et retournaient dans ma tête, si bien que j'ai cru en devenir folle. J'ai dormi à peine quelques heures avec tout ça, largement pas assez pour être d'attaque ce matin.

Mais le choix de rester au lit, je ne l'ai plus depuis qu'on m'a forcée à retourner dans une école publique. Et si cela a permis de faire entrer Talia dans ma vie, il a aussi donné l'occasion à Lester de me faire du mal.

Parce que c'est exactement ce qu'il m'a fait. C'est affreusement blessant, quand bien même j'ai l'habitude. Parce que je le pensais différent, compréhensif, ou du moins, je pensais qu'il se foutait autant des autres que de moi. Les critiques, les messes basses, les phrases méchantes que l'on entend pas mais que l'on devine, j'en ai l'habitude. C'est presque mon quotidien, à partir du moment où je mets un pied en dehors de cette maison. Le fait que ce soit récurrent ne permet pas de s'en retrouver moins blessée, seulement de mieux le cacher. En revanche, la blessure n'est pas la même selon la personne. Une des pimbêches ? 1/10. Une femme dans la rue, qui te montre du doigt parce que tu n'as pas répondu à son fils qui te demande quelque chose ? 5/10.

Lester ? 8/10, je dirais. Parce qu'il n'a rien dit. Je veux dire, quand les personnes ont des choses à dire sur moi, elles n'attendent pas. Elles s'en donnent à cœur joie dès le début, elles ne cachent pas leurs hostilités, leurs pensées désagréables.

Mais pas lui. Non lui, il m'a approché. Il m'a « parlé ». Il a fait mine de rien. En somme, il m'a fait croire que je pouvais lui faire confiance sur un point : il ne me jugerait pas. Cette mise en confiance, cette attente avant de révéler toute l'étendue de ce qu'il pensait, c'est ça qui est affreusement blessant. On se sent dupée.

Je ne comptais pas m'accrocher à lui, en faire un ami. Mais je pensais qu'il n'était pas comme les autres. Il faut croire que j'avais tord, et ce constat est également douloureux.

Il s'est foutu de moi, et pourtant, je vais devoir continuer à travailler avec lui. Je vais devoir le croiser tous les jours dans les couloirs. Je me demande bien comment nous allons pouvoir faire. Comment nous allons finir ce putain d'exposé. Et surtout, comment je vais pouvoir garder la tête haute face à lui quand je vais le voir. Je n'ai jamais eu un gros caractère. C'est Aria qui de nous deux le possédait. Moi, j'ai toujours été effacée. Les seules fois où je me montrais vraiment, où je montrais tout de moi, c'était lorsque j'avais mon violon auprès de moi. Être une grande gueule, ne pas se laisser marcher sur les pieds, l'ouvrir quand il faut pour dire ce qu'on pense, ce n'est pas moi. Je n'ai jamais été bavarde. Je le suis encore moins maintenant. Alors l'idée de devoir l'affronter me fait peur, car si j'ai envie de lui hurler que c'est vraiment un connard, je n'en suis pas capable.

Aujourd'hui, nous n'avons pas philosophie. Mais cela n'enlève rien au fait que nous sommes dans la même classe, et que je vais devoir passer plusieurs heures près de lui, à me repasser toutes ses paroles en mémoire, à continuer de les interpréter, continuer d'en avoir mal au cœur. Qui a-t-il de plus douloureux que de tout perdre et de se rappeler cette perte chaque jour dans le regard et le comportement des autres ? Avec Lester, j'oubliais un peu cette perte, parce que son regard n'était pas teinté de jugement. Au final, peut-être que c'est juste moi qui n'est pas su le voir.

Note choisit ce moment pour venir tirer mon bras, me signifiant qu'il est temps de descendre manger de quoi tenir toute la journée. Le seul petit rayon de soleil de ma journée, est qu'enfin, je vais pouvoir l'emmener avec moi. Tous les papiers sont fin prêt, mon compagnon va donc pouvoir fouler le sol de cette école, et me fournir toute sa force pour continuer d'avancer.

Malgré tout, c'est sans grand entrain que je rejoins ma mère, alors que le temps passe et me rapproche de plus en plus de l'heure du départ. Cette dernière, derrière les fourneaux, me fait un grand sourire, signe de sa bonne humeur. Je ne sais pas ce qui la met en joie de cette façon, et je ne pose pas la question. Je ne suis pas capable de recevoir la bonne humeur des autres, quand la mienne est au plus bas. Tout au plus, je peux lui rendre un semblant de sourire, en m'asseyant à l'îlot central. J'attrape une tasse de chocolat chaud et laisse le liquide couler le long de ma gorge. Ma mère dépose devant moi une assiette de crêpes, que je me mets à regarder bizarrement. Elle ne fait des crêpes que quand elle cherche à me soutirer des informations.

Je relève le visage vers elle et remarque qu'elle me fixe, comme si elle attendait que je lui confie quelque chose. Sauf que je n'ai rien à lui dire. Malgré mon silence, elle n'arrête pas de me fixer, et je finis par en avoir assez, alors je me jettes à l'eau pour lui demander ce qu'elle me veut.

- Quoi ?

Elle paraît toute heureuse que j'engage la conversation, et je ne lui dis pas que c'est juste parce qu'elle est fatigante et très insistante, de toute façon, ça ne changerait pas grand chose.

- Ce garçon, Lester, qu'est-ce qu'il est beau !

Je me contente de hausser les épaules. Il faut croire qu'il l'est, mais ce n'est pas franchement ce qui m'intéresse. De toute façon, j'ai tout sauf envie de parler de lui, qui plus est avec ma mère. Mais elle n'est pas du même avis, évidemment, alors elle en remet une couche.

- C'est ton petit-ami ?

Je me retiens de recracher ma gorgée de chocolat chaud, mais cela ne m'empêche pas d'en faire couler le long de mon menton, avant de tomber sur le milieu de mon t-shirt qui se retrouve taché.

Mais d'où est-ce qu'elle sort cette idée, bon sang ?

- Je le connais à peine !

- Et bien tu devrais apprendre à le connaître, il a l'air d'être une bonne personne.

J'ai envie de la contredire, de lui expliquer que ce mec est un connard, rien de plus. Encore une fois, je ne dis rien, et préfère garder mes pensées pour moi. C'est mieux comme ça.

- En tout cas, la prochaine fois, préviens moi de sa venue, que je vous fasse de quoi grignoter.

Mais il m'étonnerait fort qu'il y est une prochaine fois. Je ne pense pas en avoir envie, et lui, je suis sûre qu'il préfère rester loin de moi. Je repousse l'assiette de crêpes quand j'entends Martin klaxonner, pour me signifier qu'il est l'heure d'y aller. De toute façon, je n'ai pas faim, je n'ai pas la tête à manger. Ma mère ne dit rien sur ce point et me laisse aller dans l'entrée, pour attraper mon sac et mettre la laisse à Note.

J'ouvre la porte mais elle m'arrête d'une main sur le bras, attendant que je me retourne vers elle.

- Je suis ravie que tu es un ami, même si il n'est pas le style auquel j'aurai pensé. C'est super.

Mais ce n'est pas mon ami, et nous ne le serons jamais. Talia peut y prétendre, mais pas Lester. Or, elle a l'air tellement heureuse et sur son petit nuage à l'idée que je me fasse des amis que je n'ose pas casser sa joie. Alors je me contente de lui dire en revoir et m'avance vers l'extérieur, mon chien près de moi.

Martin m'offre un de ses fameux grands sourires dont il a secret, en nous ouvrant la porte arrière. Ce bonhomme à ce visage chaleureux et rassurant, qui vous ferais lui confier n'importe quoi. Un peu comme un grand-père attachant. Mais aussi très -trop- curieux parfois, ce qui peut s'avérer dérangeant. J'en fais une nouvelle fois les frais quand il me regarde à travers le rétroviseur, tandis que nous avançons doucement vers l'école. Le miroir me permet de voir ses lèvres, même si décrypter à l'envers est plus difficile.

- Ce garçon nous suit-il aujourd'hui ?

Je ne sais pas pourquoi tout le monde me parle de lui en permanence, mais cela m'agace, d'autant plus avec ce qui s'est passé la veille. J'ai déjà du mal à passer à autre chose et m'en défaire, alors si on continu de me le rabâcher, cela ne risque pas de s'arranger.

- Non.

- Je vois. C'est bien dommage, pour une fois que vous rameniez un ami.

Il ne dit pas cela méchamment, je le sais bien, mais plutôt comme un grand-père qui s'inquiéterait pour sa petite fille qui a passé la plupart de sa vie seule. Sauf que Lester n'est pas mon ami, et que je commence à avoir assez qu'on me répète le contraire. Je ne pourrais jamais être amie avec lui. Nous sommes trop différents. Ou plutôt, je suis trop différente pour lui, comme pour tous les autres, de toute façon.

Je décide de ne pas lui répondre, bien trop énervée pour le faire avec un bon ton. Et peu importe à quel point j'en ai marre de tout ça, je ne veux pas passer mes nerfs sur les quelques personnes qui comptent pour moi. Il n'insiste pas, comprenant que le sujet n'est pas à mon goût.

Le reste du trajet se fait en silence, et cela me repose un peu, même si mes putains de pensées ne veulent pas se diversifier, et même si au fond, ma vie est un silence perpétuel.

En revanche, mon arrivée au lycée est beaucoup moins silencieuse. J'ai à peine passé les portes, que Talia m'aperçoit et court vers moi. Ou plutôt vers Note, en criant. Enfin je suppose à en juger par sa bouche largement ouverte et le nombre de personne qui sursautent avant de nous regarder d'un mauvais œil. Je crois que je n'ai pas choisis la bonne amie pour ne pas me faire remarquer.

Elle s'agenouille devant mon chien qui se laisse volontiers caresser. Note n'est pas farouche, mais pas du genre à aller vers n'importe qui non plus. C'est d'ailleurs ce qui m'a étonné quand il s'est collé de lui-même à Monsieur Cliché.

Voilà que je repense à lui, comme si ce n'était pas déjà suffisamment le cas.

Si Note se laisse faire, il ne cherche pas pour autant l'attention de Talia. Au contraire, il renifle l'air comme si quelque chose l'intriguait. J'observe mon compagnon, les yeux plissés, tentant de comprendre ce qu'il peut bien chercher.

Je ne fais même pas attention à Talia qui me parle de lui, le complimentant, et me disant sûrement à quel point elle est heureuse. Il y a quelque chose qui cloche, et je me demande bien pourquoi. A-t-il sentit une odeur particulière, pour qu'il soit aussi désintéressé de sympathiques grattouilles ?

Soudainement, il se relève, et part en courant. Ne m'attendant pas à ce mouvement, je lâche la laisse de surprise, le laissant s'échapper à travers les couloirs. Talia ouvre grand les yeux, et moi aussi, avant de la laisser plantée au milieu du couloir pour tenter de retrouver mon chien.

Je me mets à courir dans la même direction que lui, faisant fis des regards intrigués sur mon passage. Voir un chien courir puis la sourde derrière, ça doit leur faire tout drôle, de bon matin. Je le vois tourner dans le couloir des arts, et le perd de vue.

Je ne mets pas longtemps à le retrouver, puisqu'une seule porte est ouverte. C'est essoufflée que j'arrive dans la salle, pour découvrir ce qui a fait venir Note jusqu'ici.

Bien sûr, il fallait qu'il reconnaisse cette odeur et vienne jusque là.

Moi qui craignais de le revoir, il faut vraiment que je me retrouve dès maintenant face à Lester ?  

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Me revoilà ! XD

Bon, Note a décidé qu'il fallait les réunir... mais qu'est-ce que ça va donner ?

Vous le saurez d'ici une semaine, alors à vendredi !

Kiss :*

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