Chapitre 13

PDV Lester

Alors qu'elle enchaîne les questions, je sens mon irritation monter doucement, mais sûrement en moi. Pourquoi cette conversation tourne-t-elle autour de ma personne, et surtout autour de ce que disent les autres de moi ?

Je me fous de ce qu'ils disent, je me fous des rumeurs, je n'ai pas besoin que les autres se fassent leur avis sur leurs véracités. Moi, je sais qu'elles sont fausses, mes amis aussi, alors ce que peut bien en penser le monde...

Et alors que ses interrogations m'agacent de plus en plus, je ne parviens pas à garder la ligne de conduite que je m'étais forcé à suivre. Je redeviens celui que je suis, le gars froid, qui se fout bien des autres. Mais elle ne le voit pas, ou alors, elle l'ignore royalement, continuant sur ce sujet qui me fait vriller petit à petit. Est-ce qu'elle cherche à m'énerver ? Ne voit-elle pas que j'ai fais des efforts pour contenir ma façon d'être, afin de faciliter nos échanges ? Alors pourquoi est-ce qu'elle continue sur cette voie ?

Au fond, elle fait comme moi hier. Continuant de poser des questions malgré le manque de réponse et d'envie manifeste de l'autre. Je le sais, mais je refuse de l'admettre, c'est plus fort que moi. Parce que mes questions étaient bateaux, et que si effectivement elles voulaient dire quelque chose pour elle, je ne pouvais pas le savoir. J'ai été maladroit. Mais elle vise un sujet particulier, continuant sur celui-ci sans chercher à en changer, malgré mon attitude tendant à lui faire comprendre que je m'énerve. Seulement elle n'en tient pas compte.

Et en plus de s'enfoncer dans une conversation que je n'ai pas envie d'avoir, sa reproche résonne en moi. A ce moment là, ma retenue saute, et je lui dis ce que je pense. Je ne cherche pas à la blesser, mais je vois dans ses yeux que c'est le cas. Je le vois, et si je n'apprécie pas forcément de lui faire du mal, je ne cherche pas à me rattraper. Je ne cherche pas à m'expliquer, ni quoi que ce soit d'autre. Là, maintenant, je me fiche bien de ce qu'elle peut penser de moi, de l'image de connard que j'entretiens auprès d'elle depuis que je l'ai rencontré.

Il faut dire que je n'ai jamais cherché à apparaître autrement. Être un connard, c'est avoir l'assurance que les gens un tant soit peu intelligents ne vous tournent pas autour, et c'est ce que je veux, qu'on me fiche la paix. J'ai fait des efforts pour contrôler cette partie de moi, histoire qu'on puisse faire cet exposé, mais chassez le naturel, il revient au galop. Surtout quand on essaye délibérément de le faire revenir.

Je dois dire aussi que je ne comprends pas bien ce qui a pu la blesser dans ce que je viens de dire. Je ne veux pas la connaître, et je suis sûr que la réciproque est vraie. Alors pourquoi l'a-t-elle prit mal ? Est-ce qu'au final, je me suis trompé, et qu'elle cherche comme toutes les autres à rentrer dans le cercle très fermé de mes proches ? Je n'arrive pas à me dire que c'est le cas, car du peu que j'ai vu d'elle, ce n'est pas l'impression qu'elle m'a donné.

Sans rien rajouter, je quitte sa chambre alors que je vois autant de colère que de douleur dans son regard. Je ne claque pas la porte comme la dernière fois. Je ne veux pas qu'elle subisse un interrogatoire de sa mère derrière. Pas que j'en ai quelques choses à faire de passer pour un abruti auprès d'elle. Mais j'ai un minimum de conscience, et je sais qu'elle n'aurait pas envie de mêler sa famille à tout ça. On ne s'entend pas, c'est notre problème. Il n'y a pas besoin d'intégrer d'autres personnes dans cette histoire.

Je sors sans croiser sa génitrice et ça me va très bien. Il ne me faut pas plus d'une minute pour être sur ma moto et quitter ce quartier de bourge pour retrouver mon chez moi.

La vitesse ne me détend pas, au contraire, j'ai l'impression que chaque seconde qui passe m'énerve un peu plus. Je me repasse la conversation, je l'imagine encore en train d'insister sur ses foutues rumeurs. Qu'est-ce que ça peut lui faire, qu'elles soient vraies ou non ? Elle pouvait pas juste me demander ce que j'aime dans la vie et puis basta, elle en aurait su assez pour ce foutu projet.

J'avais déjà pas envie de le faire, mais là, je suis à deux doigts de décider de retaper une année. Au moins, j'aurai pas le même prof l'année prochaine, et j'éviterais ce genre d'idée à la noix. Quelle idée j'ai eu de croire que je pourrais travailler en groupe !

Quand j'arrive à l'appart, je claque la porte, cette fois. Mes trois colocataires se retournent en trombe, et Carter place une main sur son cœur, comme si il venait d'échapper à une crise cardiaque. Je ne suis pas d'humeur à rire à ses enfantillages, de toute façon, je suis rarement amusé pas ses mimiques. C'est marrant 5 minutes, mais vivre avec lui, c'est une autre paire de manche.

Sam me regarde, un air taquin sur le visage.

- Eh bin, Lyra a refusé tes avances ou quoi ?

- Oh fermes là !

- Calme-toi mec, c'est pas de ma faute si tu es puceau. Tu as qu'à t'ouvrir aux autres, tu verras ça fait du bien.

- Mais je t'ai demandé ton avis ? Au moins je me respecte.

Je sais que je vais trop loin, et je sais qu'il le prend mal, alors qu'il cherchait seulement à me taquiner. Mais je ne sais pas pourquoi, je ne parviens pas à décolérer et c'est sur eux, sur lui que je passe mes nerfs. Je ferais mieux de disparaître avant d'en dire trop, car c'est bien parti. Je m'enferme dans ma chambre mais rapidement, la porte s'ouvre à la volée sur un Carter au visage fermé.

Il est sérieux, contrairement à d'habitude. Avoir cette attitude lui arrive rarement, et c'est bien la preuve que j'ai été trop loin.

- Tu sais, être énervé te donne pas le droit d'être un connard.

Je le sais, mais ça ne me calme pas. Pour décompresser, dans un geste carrément animal, j'enfonce mon poing contre un mur. Nous ne sommes pas dans un film, alors évidemment, le mur reste intact. C'est pas mon poing qui va défoncer un parpaing.

- C'est bon t'es calmé ? Bah non. Inutile. Alors maintenant tu t'assoies et tu arrêtes de jouer au con.

Je sers les dents et le regarde, les bras serrés contre son torse. Carter n'est pas forcément impressionnant, mais je le connais suffisamment pour savoir que je ferais mieux de m'asseoir, et de l'écouter. Quand il devient sérieux, ce n'est pas pour rien. La plupart du temps, c'est moi qui rattrape ses conneries, mais il arrive parfois que ce soit l'inverse.

Je m'assois sur le lit comme il me le demande, mais ce n'est pas pour autant que je décolère. Je ne comprends pas comment une fille que je ne connais pas et dont j'en ai rien à foutre peut me mettre dans un état pareil. C'est quand même fou.

- Il s'est passé quoi, encore ?

- J'ai rien fait. Enfin j'ai pas commencé.

Oui, parce que de toute façon, il trouvera bien que j'ai des tords dans cette histoire. Ce n'est peut-être pas faux, mais pour l'instant, je ne vois pas où.

- Tu lui as encore posé des questions ?

- Non.

- Bon, il va falloir que tu t'exprimes, sinon on risque pas d'avancer des masses.

En même temps, je n'ai jamais dis avoir envie d'avancer. Là au contraire, j'ai plus envie de tout envoyer bouler, même lui. Mais son regard me rappelle à l'ordre. Il n'acceptera pas un silence, ni de me foutre la paix.

- C'est elle. Elle a commencé à me demander si toutes les rumeurs étaient vraies. Ça m'a pété les couilles. Elle a vu que ça m'agaçait mais elle a continué, alors j'ai dit ce que je pensais.

Il fronce les sourcils, comme si il sentait la connerie arriver.

- Et tu as dis quoi exactement ?

- Un truc du genre « je ne te connais pas et j'ai pas envie de te connaître ».

Il reste silencieux un instant, et ça c'est encore plus inhabituel que de le voir sérieux. Si bien que je me tourne vers lui pour observer son visage. Je croise ses yeux, et il paraît presque choqué, et déçu.

- Mais comment tu peux être con à ce point ?

- Je te remercie, mais je dois dire que je ne vois pas ce que j'ai fait de mal. Je n'ai dis que la vérité.

Il secoue la tête comme si je le désespérais.

- Et tu n'as pas pensé qu'il y avait différentes façons de le dire !

Je ne comprends pas pourquoi il s'énerve, mais il le fait. Alors je le laisse m'expliquer pourquoi, car je dois avouer que la solution ne n'apparaît pas. Peu importe comment c'est dit, cela reviens au même, et ne change pas le contenu.

- Tu sais ce que tu viens de faire là ? Tu viens de lui rappeler qu'elle était différente des autres. De lui sous-entendre que tu ne voulais pas la connaître pour ce qu'elle était.

Je fronce les sourcils.

- Je me fous de sa "différence". Je suis comme ça avec tout le monde.

- Oui, moi je le sais. Mais elle ? Elle, elle a seulement entendu tes paroles, elle les a seulement interprétée de la seule façon qu'elle le pouvait. Je la connais pas mais je suis quasiment certain qu'être sourde, c'est pesant pour elle, et qu'elle doit s'en prendre, des réflexions ! Et toi t'en remet une couche, comme un débile.

C'est donc pour ça qu'elle était blessée. Car elle a pensé que je ne voulais pas la connaître à cause d'un handicap. Ce n'est pas le cas. Je me fiche bien qu'elle soit sourde. Elle reste humaine, elle n'est en rien à part des autres. Je ne veux pas la connaître parce que je ne veux pas m'intéresser aux autres ni qu'ils s'intéressent à moi. Ça n'a rien à voir avec elle, rien à voir avec le fait qu'elle n'entende pas. Du coup, comme dit Carter, je me sens con, et au moins, cela fait passer ma colère. Elle s'ouvrait, elle qui a priori ne le fait pas avec grand monde, elle s'ouvrait et moi je la blesse. En lui laissant penser que je suis comme ces pimbêches qui rient d'elle à la moindre occasion.

- Je ne voulais pas faire ça.

- Je sais. Mais je sais aussi pourquoi tu l'as fait.

Tiens, première nouvelle. Il y a une raison au fait que je suis un connard ? Moi je trouve que c'est dans ma nature, tout simplement.

- C'est-à-dire ?

- Ça te fait chier, qu'elle te parle des rumeurs. Parce que tu ne veux pas qu'elle les croit.

J'ai envie de lui dire que je me fous qu'elle y croit ou non, mais c'est faux. Je n'ai pas envie qu'elle y croit, c'est vrai, ça me ferait chier. Parce que pour une fois, je rencontrais une personne qui n'avait pas l'air d'en avoir quelque chose à faire de moi, qui n'étais pas à mes pieds, qui paraissait différente, dans le bon sens du terme. Cela ne me donnait pas envie de lui faire un place dans ma vie, mais au moins de faire des efforts pour un temps.

Mais je ne vais pas admettre à Carter qu'il a raison. De toute façon, il le sait. Et puis j'ai du mal à me l'admettre à moi-même, car je me fous de l'avis des gens. Alors je ne comprends pas pourquoi ça m'énerve qu'elle y croit, alors qu'elle n'est rien pour moi.

Carter décidant que sa leçon de morale a porté ses fruits, me fait un signe de tête vers la porte. Il n'a pas besoin de parler, je sais ce que j'ai à faire. Je me relève en soufflant, un peu apaisé après cette discussion, mais pas totalement. Je retourne dans le salon où Sam me fixe, attendant que je parle.

- Désolé. J'ai fait le con.

Un mot que je n'aime pas prononcer, mais pour eux, je peux faire une exception. Il m'offre un grand sourire, signe qu'il n'était pas franchement fâché. Ils sont habitués à mon caractère de merde, même si je suis rarement dans un état comme celui là.

- C'est bon, je te pardonne le puceau.

Je lève les yeux au ciel avant d'aller m'affaler dans le canapé à côté de lui. Carter nous rejoint, tout sourire.

- Bon, tu ramènes quand Lyra à la maison ?

- Jamais.

- Allez, peut-être qu'avec nous vous arrêterez de vous prendre la tête.

Je regarde Sam, prenant le temps de redire chaque syllabe du mot qu'il ne semble pas comprendre.

- Ja-mais.

- Tu veux la garder pour toi.

Je souffle, décidant de lui donner raison pour qu'il arrête.

- C'est ça.

C'est aussi ironique, il le sait, mais il a décidé de continuer à m'emmerder. Je retiens quand même un sourire. On ne peut pas se faire la gueule bien longtemps, entre nous.

Pendant qu'il continu ses délires, aidé de Cart', je repense à toute cette histoire. Je ne voulais pas la blesser, mais je l'ai fait. Cependant, si j'ai dis les choses maladroitement, elles n'étaient pas fausses. Je pense qu'il va falloir qu'on mette les choses au clair, elle et moi. Qu'elle comprenne que je ne veux pas la connaître, sans pour autant que cela veuille dire que je la trouve différente.

Mais bon, tout ça veut dire une chose. Il va falloir qu'on ait une discussion.  

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Eh oui Lester n'est pas le mec parfait, il a un caractère de merde. Mais je suis sûre qu'à la longue, c'est exactement ça qui va vous faire l'adorer. 

Il ne comprend pas pourquoi il ne veut pas qu'elle croit les rumeurs... il finira bien par le savoir. 

La suite ne sera pas là vendredi. Je pars *roulement de tambour* en Thaïlande ! Et oui, j'ai de la chance, je sais. Du coup, vous vous en doutez, et je sais que vous comprenez, je ne vais pas passer mon temps là-bas à écrire et publier. Donc le prochain chapitre sera là après mon retour, à savoir le vendredi 6 mars.

Du coup, je vous dis au 6, 

Kiss :*

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