Chapitre 11

PDV Lester

Elle se fout de ma gueule. Vraiment. Et je n'apprécie pas.

Je ne comptais pas lui parler, pas chercher à lui poser des questions sur elle. Et puis j'ai reçu un message de mon idiot de meilleur ami, me rappelant la rengaine qu'il m'a répété durant toute la soirée. « Il faut apprendre à se connaître ». Évidemment, je lui ai dis d'aller se faire foutre. Et puis j'ai pris sur moi, et j'ai essayé.

Pourtant ce n'est pas moi, d'apprendre à connaître les autres. Le pas que j'ai fait était immense quand on sait comment je me comporte normalement. Je me fous de tout, et de tout le monde. Je ne m'intéresse à personne à part à mon cercle restreint. Je le dis et je le répète, je n'ai besoin de personne de nouveau dans ma vie. Je ne veux rien savoir sur l'Ovni. Aucune information qui pourrait vouloir forcer mon esprit à m'intéresser à elle.

Mais je l'ai fait. J'ai posé des questions. Je n'écoutais pas vraiment les réponses. Je voulais les entendre sans les écouter. Les oublier aussi vite qu'elles ne seraient parvenues à mes oreilles. Je comptais juste faire cet effort de nouer un dialogue. Pour avancer. Sans forcément lui montrer d'intérêt, seulement un semblant de respect.

Mais elle n'en a rien eu à faire. Elle s'est contentée de ne pas me répondre. Ou vaguement. Montrant bien son désintérêt pour tout ça. Mes questions n'étaient pourtant pas personnelles. On ne peut sûrement pas faire plus basique. Ce qui montre bien qu'elle se fout seulement de moi. Je mets de côté ma réticence à communiquer avec les autres, mon envie de rester dans mon cercle déjà formé, mon asociabilité. Et je ne reçois que du silence en retour ?

C'est trop pour moi. Alors je fonce hors de chez elle, en claquant la porte. Je sais qu'elle ne l'entend pas, mais c'est ma façon de montrer mon énervement, car même si elle m'a grandement agacé, je n'aurais pas pu passer mes nerfs sur elle.

Quand j'arrive à l'appartement que je partage avec mon groupe, je claque une nouvelle fois la porte. Sam et Arthur ne sont visiblement pas dans le salon, voir pas dans l'appart, mais Carter me regarde avec des yeux ronds comme des billes. Ce qu'il paraît idiot dans cette situation.

- Elle t'a fait quoi la porte ?

Je ne m'embête pas à lui répondre et fonce vers la chambre, énervé, claquant une autre porte. Même le trajet en moto ne m'a pas détendu. Elle ne se rend vraiment pas compte. Pas compte de l'effort que j'ai fais. Ce n'est pas moi, pas ma façon de faire, pas ma personnalité. Je mets tout ça de côté pour elle, en quelques sortes, pour ce retour ? Non.

Carter rentre dans la pièce, avec un air d'incompréhension sur le visage.

- On peut savoir pourquoi tu as l'air de vouloir défoncer chaque porte de cette maison ? Tu es portophobe ?

Mais je n'ai pas envie de rire, je suis sur les nerfs. Et ça aussi, ça m'énerve. Parce que je devrais pas me mettre dans un état pareil. Je devrais n'en avoir rien à foutre, et juste envoyer bouler ce putain d'exposé. Mais à la place, je m'énerve.

- Il s'est passé quelque chose avec Lyra ?

Mon regard trahit le grand oui que j'ai envie de hurler. Je n'ai pas forcément envie de m'étaler sur ce qu'il s'est passé. Mais Carter est celui qui m'a enjoint à faire des efforts. Il va peut-être pouvoir m'expliquer pourquoi je me fais renvoyer bouler quand c'est le cas.

Il s'assoit sur mon lit et croise les jambes, se mettant dans son rôle. Pour lui, m'écouter revient à m'analyser. Comme un psychologue. Il regarde un peu trop de série, cela lui monte au cerveau.

- Racontez-moi tout, Monsieur.

Je souffle et lui offre un regard blasé.

- Soit sérieux.

Il décroise les jambes et gonfle les joues.

- Tu n'es pas drôle comme type. Moi soit, je t'écoutes. Qu'est-ce que tu as encore fais ?

- Pourquoi le souci viendrait de moi ?

- Parce qu'il ne peut pas venir d'elle.

- Tu ne la connais même pas !

- Mais je te connais.

Il m'agace, mais ce petit jeu peut durer longtemps, alors je laisse tomber et lui raconte ce qui as pu se produire ce soir.

- J'ai fais ce que tu m'as dis. Je peux te jurer que j'en avais pas envie, mais j'ai fait un effort ! Résultat, elle m'a snobé.

Il fronce les sourcils, comme si il ne comprenait pas ce que je viens de lui dire.

- Tu lui as posé des questions indiscrètes ?

- Mais pas du tout ! Ses passions, des frères et sœurs, son arrivée ici, ce n'est quand même pas grand-chose merde !

- Pour toi.

Je ne comprends pas bien ce qu'il veut dire, et je n'ai pas besoin de lui dire de s'expliquer pour qu'il le fasse.

- Tu ne te dis pas que peut-être, ces questions sont difficiles pour elle ? Elle a peut-être perdu un frère, ou elle est venue ici suite à un événement douloureux ! Tes questions te paraissent peut-être banales, mais elles ne le sont pas forcément pour tout le monde. Tu aurais apprécié qu'elle te pose des questions sur ta mère toi ? Non, et pourtant, c'est banal aussi.

Je n'ai pas envie d'admettre qu'il a raison. Mais son dernier argument fait sens. Si elle m'avait posée des questions sur ma mère, je l'aurai envoyé voir ailleurs. Alors puisque au fond il a raison, je la ferme.

- Tu aurais peut-être dû lui demander de se présenter un peu, elle aurait pu te dire seulement ce qu'elle avait envie que tu saches. Tu ne veux pas qu'elle sache des choses sur toi non ? Alors si elle s'était mise à poser des questions, tu n'aurais pas préféré dire juste ce que tu voulais ?

Non, j'aurai préféré ne rien dire. Comme elle, je crois.

- Au fond, tu n'es pas en colère contre elle parce que tu la comprends. T'es juste en colère d'avoir fais des efforts, de la mauvaise façon.

Il m'énerve quand il a raison, parce qu'il a ce petit sourire suffisant qui me fait bouillir.

- Enlève ton sourire.

Cela n'a pour effet que de le faire augmenter, et moi, je me calme un peu. Bon, il est possible que la responsabilité ne soit pas totalement de son côté. Mais tout de même. J'aurai préféré qu'elle me dise qu'elle ne souhaitait pas répondre à ces questions, qu'elle ose me dire qu'elle préférait faire autrement. Mais elle m'a laissé continuer sans rien dire. C'est ce qui m'agace.

Alors même si je me rends compte que j'ai pris la mouche un peu vite, je ne compte pas m'excuser. Parce qu'au final, elle est autant en tord que moi. Et puis je ne suis pas du genre à admettre mes erreurs. Elle finirait par penser que je suis sympa, et on en reviendrait au problème de base.

Ravi d'avoir pu me faire décolérer, et surtout me prouver que j'avais tord, Cart' me laisse seul dans la chambre. J'essaye de me repasser la conversation en boucle dans mon esprit. En y repensant, c'est vrai qu'elle avait l'air gênée. A cause des questions ou du fait qu'elle ne répondait pas ? Peut-être les deux. Mais c'est également vrai que mon ton froid n'a pas dû aider à lui donner envie de me répondre, ou de me dire qu'elle n'en avait pas envie.

Je suis comme ça. Froid. C'est ma façon d'être, et je ne peux pas devenir une personne chaleureuse d'un claquement de doigt. Mais je suis bien conscient que si je veux pouvoir terminer ce projet rapidement, il va falloir que je me force à lui parler. Pas d'avoir de grandes discussions avec elle, c'est quelque chose qui n'arrivera jamais. Mais au moins lui répondre, lui parler « normalement », sans être amical, juste aimable. Encore une fois, un gros effort de ma part.

Mais si je fais tous ces efforts, pour en terminer plus vite, j'attends qu'elle en fasse elle aussi.

Je décide d'arrêter d'y penser un peu, et attrape ma guitare. C'est bien la seule chose qui me permet à tous les coups de me vider l'esprit, et j'en ai besoin. Alors je gratte mes cordes et instantanément, tout disparaît autour de moi, pour le reste de la soirée.

L'état de bien être que me procure la musique, je déteste le quitter pour passer mes journées dans cette école. Heureusement, je passe tout le temps que je peux dans la salle de musique, et j'oublie au moins pour quelques temps où je me trouve. Mais le reste de la journée, je dois la passer entourée de ce monde aux préoccupations factices d'adolescent, sous les regards aguicheurs des pimbêches qui ne comprennent pas mon manque d'intérêt, et à supporter des cours interminables que je n'apprécie pas d'étudier.

Je ne suis pas un intellectuel, je suis un musicien. Je ne compte pas faire autre chose que de la musique dans ma vie. Et si je comprends l'importance des études, je n'y trouve tout de même aucun intérêt. J'étudie sans en avoir rien à faire, pressé de passer mes journées à faire ce qu'il me plaît.

Je pose mon sac dans mon casier quand je repère un corps qui s'approche de moi du coin de l'œil. Je reconnais sans soucis l'ovni, qui arrive tout doucement, semblant gênée et... intimidée ?

Cette fille semble vraiment réservée, même si c'est une constatation que j'avais déjà pu faire. Elle arrive enfin à ma hauteur, avec tout de même une bonne distance de sécurité, et elle marmonne un petit salut. Je ne dis rien suite à son arrivée, mais la voyant si gênée, ne sachant pas comment amener la conversation, je décide d'intervenir.

Je vois qu'elle veut s'excuser. Mais au final, elle n'est pas fautive de tout. Si moi je décide de ne pas présenter mes excuses, il serait malvenu de lui demander de m'en faire. Alors je décide de passer sous silence ce qui a pu se passer la veille, et me contente de deux mots.

- Ce soir ?

Je vois une part de soulagement dans ses yeux, et elle hoche la tête. Elle part, une pointe de rouge aux joues, que je ne comprends pas forcément.

D'ailleurs, je vais y repenser plusieurs fois dans la journée, ce que je ne comprends pas non plus. Mais je ne sais pas pourquoi, depuis que j'ai eu cette discussion avec Carter hier, elle a fait naître quelques interrogations en moi. Je ne peux m'empêcher de me demander pourquoi mes questions étaient personnelles pour elle, et maintenant, pourquoi elle est si réservée. Mais si ma curiosité me donne envie de savoir, mon antipathie me retient de chercher des réponses.

Cette fois-ci, je n'ai pas à l'attendre sur le parking, car elle arrive avant moi à sa voiture. En croisant mon regard, elle ne dit rien, se contentant de monter dans son véhicule, qui attend que je sois prêt pour démarrer. J'aurai pu y aller tout seul, mais si elle décide de m'attendre, c'est son choix.

Nous arrivons plutôt vite, et quand nous passons la porte, nous sommes encore accueillit par son chien. Après lui avoir fait la fête, le canidé se dirige une nouvelle fois vers moi, et comme hier, je lui offre quelques caresses rapides. Des bruits de pas me font me relever, et c'est mon geste qui fait tourner la tête de l'ovni vers le couloir. Elle était donc entrain de m'observer, encore.

Une femme d'une quarantaine d'années arrive vers nous, à la fois surprise et heureuse de me voir.

- Oh Lyra, je ne savais pas que tu ramenais quelqu'un à la maison.

- On fait un projet ensemble.

Elle a l'air gênée de me présenter, alors je le fais moi-même. Je suis peut-être insociable, mais on m'a apprit les bonnes manières.

- Je suis Lester.

Je lui tends ma main qu'elle sert, avec un sourire et des yeux qui brillent. Le rouge revient aux joues de Lyra qui se dirige rapidement vers l'escalier, en marmonnant un petit « On y va. »

Je la suis, sous le sourire de sa mère, et je n'ai pas de difficulté à interpréter ses actions. Elle semble très heureuse que sa fille ramène quelqu'un à la maison. Un « ami ». Sauf que je ne suis pas un ami, mais je ne suis pas méchant au point de le dire à cette femme.

Et ce bonheur dû à ma simple présence, fait naître de nouvelle question en moi, car elle ne semble pas habituée à voir sa fille entourée.

Alors je ne peux que rajouter cela à ma liste de question auxquelles je ne répondrais jamais : Pourquoi l'ovni est-elle si peu entourée ?

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Qui aurait pu imaginer Carter en voix de la raison x) Bon, en tout cas, ses paroles ont été fructueuses. Mais comment va se passer cette nouvelle entrevue ? En tout cas, Lyra intrigue Lester, même si celui-ci n'est pas près à chercher les réponses à ses questions.

La suite vendredi,

Kiss :*

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