Chapitre 1

PDV Lyra

Est-ce que vous savez ce que cela veut dire, d'être différent ? Non, pas juste d'avoir une couleur de cheveux peu commune, ou un tatouage choquant. Non moi je vous parle de vous sentir vraiment différent. Dans un monde à part des autres. Et de ne rien pouvoir faire pour y remédier. Ce n'est pas comme si il vous suffisait d'aller chez le coiffeur, de mettre des vêtements amples pour cacher ce que vous considérez comme une différence. Parce qu'une vraie différence, elle se voit, elle se comprend toujours, peu importe ce que vous essayez de faire. Alors je suppose que peu d'entre vous savent ce que c'est. Moi je ne le savais pas non plus, avant. Oh, oui, je pensais le savoir et le comprendre, bien sûr. J'étais loin du compte, et à présent, je peux le dire haut et fort, on ne sera jamais capable de comprendre tant que l'on ne l'est pas soit même.

Alors savez-vous ce que cela veut dire ?

De voir asseoir à cette terrasse de café, de regarder autour de vous et de vous dire que vous n'êtes pas comme eux. Que vous n'êtes plus comme eux. Car la différence est encore plus dure à supporter quand elle arrive sans prévenir.

Vous faisiez partie d'un tout, et brusquement, vous ne faites plus partie de rien. Vous avez l'impression qu'un mur s'est dressé entre vous et votre vie antérieure, entre vous et la société en elle-même. Vous devenez différent. Vous devenez quelqu'un que l'on regarde, que l'on juge. Pour qui on a de la pitié. Et cette pitié, vous n'en voulez pas, quand vous êtes différents. Parce que vous ne voulez pas l'être. Vous ne voulez pas qu'on vous considère comme une personne à part.

Pourtant, on l'est. Je le suis. Je suis devenue différente, et je voudrais qu'on me considère comme n'importe qui. Mais je ne suis plus n'importe qui. Je suis la personne qu'on regarde en se disant « La pauvre », ou « Elle me fait de la peine ».

Des centaines de fois, on a voulu me faire admettre que non, je n'étais pas à part des autres. Que ma différence ne m'excluait pas, qu'elle ne mettait pas de barrière entre moi et le monde normal. Il est bien là le soucis. « Le monde normal ». Inconsciemment, ils sous-entendent que je ne le suis pas. Et ils ne s'en rendent même pas compte. Peut-être qu'au final ils ont raison. Peut-être qu'être différent n'empêche pas d'être normal. Ou peut-être que je ne suis pas normale, parce qu'au fond ce mot ne veut strictement rien dire. Qui a décidé de ce qui définissait la normalité ? Il ne devrait pas y avoir de définition à ce mot, cela devrait rester subjectif.

Mais oui, ils ont sûrement raison, je suis normale. Mais pour l'instant, rien ne me fait sentir comme tel. Alors je continue de croire que je suis différente, et que non, je ne suis pas normale. Je suis à part, et tant que la vie ne me prouvera pas le contraire, je me sentirais toujours à part.

Je n'ai pas choisi de changer, je n'ai pas choisi de devenir différente, et c'est sûrement ce qui est le plus dur à accepter. Il y a constamment cette phrase qui tourne dans ma tête. « Pourquoi moi ? ». Pourquoi fallait-il que ça m'arrive à moi ? Je ne pensais pas mériter un tel coup du destin. Je me trompais sûrement. J'ai toujours fais ce que l'on m'a dit. J'ai été la gentille fille, l'élève modèle, la jeune fille appliquée. Je n'ai jamais été la rebelle, la désobéissante, et pourtant, c'est sur moi que le monde s'est écroulé.

Enfin, pas seulement sur moi. Mais pour moi, il ne s'est pas seulement écroulé. Je dois continuer à vivre au milieu des ruines, pour contempler chaque jour tout ce que j'ai perdu. Et si seulement j'étais la seule à le voir...

Je ne supporte pas que l'on me regarde, que l'on m'analyse. J'ai en horreur ces phrases bateaux qu'on nous répète sans cesse. « Je te comprends », « Ça doit être dur ». C'est trop facile à dire et non, tu n'y comprends rien. Tu veux juste étaler ta bonne âme aux yeux de tous, donner une illusion de compassion. Et si tu as vraiment compris, penses-tu que cela fait du bien à entendre ? Et bien je suis ravie que tu me comprennes, mais tu n'es pas à ma place. Je n'ai pas besoin de pitié, bien au contraire. J'ai besoin qu'on me traite comme si je n'étais pas différente. Et ce n'est pas ce que tu fais.

Je pense que ce genre d'hypocrisie est encore plus difficile à accepter que les jugements moqueurs. Que les gens qui te font des blagues, pour le seul plaisir de leur public mal intentionné.

Voir leurs yeux qui te suivent, alors qu'ils tentent de comprendre pourquoi tu n'agis pas comme eux, les voir ensuite se remplir de pitié, ou de dégoût, quand ils comprennent. Ma différence n'est pas honteuse, et aucune ne l'est, mais certains imbéciles ne sont pas capable de l'accepter. Parce que cela fait souvent peur, d'accepter ce qui n'est pas comme nous. C'est stupide, mais tant que l'on est pas de l'autre côté, on fait partie inconsciemment de ces imbéciles, même si on se persuade du contraire.

Et dire que je ne suis même pas la mieux placée pour parler de différence. « Il y a pire que toi » me dirait ma tante. « Arrête de t'apitoyer, au moins, tu es encore entière » me répète mon père. Même mes proches ne comprennent pas. Oui, eux aussi, ils font partie des imbéciles. J'aimerai qu'ils voient vraiment ce que c'est d'être à ma place. Je sais qu'il y a des familles qui contrairement au reste du monde, peuvent dire en toute franchise « qu'ils comprennent ». C'est sûrement les seuls pour lesquels je considère que ma précédente affirmation est fausse. Parce qu'être de l'autre côté, ce n'est pas seulement être différent, c'est aimer et soutenir une personne pas comme les autres. Je suppose d'ailleurs que ces gens là n'aiment pas que j'affirme que l'on est pas comme tout le monde. Mais je parle avec ma propre expérience. Je parle comme une personne qui n'a encore eu aucun moment pour se penser normal, qui n'a pas eu le soutient de proche comme eux le sont.

Les choses sont sûrement autrement quand on a des personnes merveilleuses comme eux dans la vie.

Moi je n'ai pas ça. Oui, mes parents et ma famille m'aiment, mais ils sont incapables de me soutenir. Ma mère essaye, mais elle ne sait pas s'y prendre, les autres n'essayent pas, et ne comprennent pas. Ils ne veulent pas, car pour eux, je n'ai pas perdue tant que ça, contrairement à d'autres. Pour eux je suis encore entière.

Mais je ne suis pas entière, c'est faux. Physiquement peut-être, et encore, cela dépend comment on voit les choses. Mais mentalement, j'ai tout perdu.

J'ai perdu ma vie. J'ai perdu mes rêves. J'ai perdue toutes ces petites choses qui me définissaient. Alors oui, je suis vivante, oui, mon corps est intacte, mais non, je ne suis pas entière. C'est comme un puzzle auxquels il manque des pièces, que l'on scotche pour que tout tienne en place. Mais ça finira bien par tomber.

Avez-vous déjà tout perdu ? Je ne parle pas de chose matérielles. Non, ça, c'est pas bien grave. Ça se remplace. Mais il y a des choses qu'on ne remplace pas. On est alors condamné à revivre nos souvenirs. Et même ceux qui étaient joyeux font naître une immense tristesse au fond de notre cœur. Se dire que tout est fini et que cela ne recommencera plus jamais, ça marque, ça marque jusqu'au fond de l'âme. Au fer rouge, la blessure est gravée, et elle ne pourra pas être refermée. C'est comme si en plus de t'avoir tout pris, la vie décidait de te le rappeler sans cesse. Un enfer personnel, alors que tu es encore sur Terre.

Je suis différente, je subis le regard des autres, et j'ai tout perdu. Il y aurait sûrement de quoi vouloir en finir. Pourtant, une partie de moi s'accroche, alors que tout le reste voudrait laisser tomber. Une petite voix dans ma tête me répète que je ne dois pas abandonner. Qu'un jour peut-être, quelque part, je trouverais une façon d'oublier. De redevenir celle que j'étais, ou de devenir celle que je dois être. Que peut-être je trouverais les pièces manquantes du puzzle.

Pour l'instant, j'en suis loin. Pour l'instant, je suis là, à débattre de ce que je suis, de ce que je suis devenue.

Je n'arrive qu'à regarder vers le passé, parce que le présent me paraît trop dur à gérer et le futur trop loin pour compter. Ce n'est pas la bonne solution, je le sais, mais c'est bien plus simple de reculer que d'avancer.

J'ai tellement de regrets. Je me dis sans cesse que si j'avais fait telle ou telle chose différemment, rien ne serait arrivé. Si j'avais dis non, et pas oui, si j'avais résisté, et pas suivis, alors ma vie serait encore la même. Mais on pourrait refaire tellement de choses avec les si.

On me répète souvent de voir le bon côté des choses. D'envisager les nouvelles possibilités qui s'ouvrent à moi. Mais le problème est là. Quand on perd tout d'une façon aussi brutale, on se fout des nouvelles possibilités. On ne voit que les anciennes, celles qui ont été réduites à néant, et qu'on ne retrouvera jamais. Je ne vois aucuns bons côtés. Je n'arrive même pas à imaginer qu'il y en ai. C'est trop difficile. C'est trop douloureux. Rien ne me donne envie d'avancer, d'imaginer un futur, d'imaginer celle que je pourrais devenir et qu'il me plairait d'être. Alors à quoi bon faire tant d'efforts pour un idéal que rien ne nous pousse à atteindre.

J'attends que quelque chose vaille la peine de me donner du mal. C'est sûrement être faible aux yeux de la plupart des gens, mais soit. Je suis faible, et cela me va.

Je ne cherche pas à paraître forte, je ne l'ai jamais voulu. Je veux seulement qu'on m'oublie un peu et qu'on arrête de me regarder. Qu'on me laisse reculer sans me juger. Qu'on me laisse continuer de gâcher ma vie jusqu'au jour où j'aurai envie d'avancer.

Mon état d'esprit est sûrement dur à comprendre, dur à accepter. Mais je ne suis pas sûre qu'il soit vraiment possible à expliquer. On dit que chaque personne est unique, que chacun réagit à sa façon aux épreuves de la vie. C'est ma façon de réagir, aussi lâche soit-elle, et tant qu'elle me convient, je ne vois pas pourquoi je devrais réagir comme les autres l'attendent de moi. Parce qu'ils ne savent pas ce que cela fait d'être moi.

Une dernière fois, je vous repose la question, savez-vous ce que cela veut dire d'être différent ? Avez-vous déjà tout perdu ? Êtes-vous capable de dire « je comprends » car vous comprenez vraiment ?

Être différente, tout perdre. C'est exactement ce qu'il m'est arrivé, ce jour-là. Ce jour où ma vie a brutalement changé, a basculé. Ce jour où la première chose d'une longue liste que j'ai perdue, c'est une vraie partie de moi.

Ce jour où j'ai perdue l'ouïe.  

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Et le voilà ! Le premier chapitre de cette nouvelle histoire. Merci à tous ceux qui sont venus le découvrir !

Comme vous le savez pour ceux qui me suivent sur Wattpad et sur les réseaux (mon insta : clochettewattpad sur lequel vous trouvez et trouverez des infos sur toutes mes histoires), cette histoire me tient vraiment à cœur. Parce que je l'ai pensée et travaillée en voulant mettre à mal les clichés. Ça ne veut pas dire qu'il n'y en aura pas. Ça veut dire que pour ceux que l'histoire contiendra, ils seront là à la fois pour servir l'histoire, mais aussi pour être démonté. Je voulais faire une histoire différente, qui sorte du lot. Ce sera à vous de me dire si j'ai réussi.

La première chose que j'ai voulu faire est d'avoir une héroïne différente. Non, ce n'est pas une jolie fille qui se pense banale, qui va finir avec le bad boy, comme j'ai déjà pu le faire, et comme on voit partout. C'est une jeune fille torturée par la vie, mal dans sa peau, qui a un handicap, celui d'avoir perdu l'ouïe. J'espère aussi que le héros vous surprendra. Car si il va surement vous paraître clichés sur les premières lignes, mon but est de démonter petit à petit cette idée reçue.  

Je ne vais pas en dire plus, vous découvrirez ça petit à petit. 

N'hésitez pas à commenter, voter, partager, pour offrir une petite visibilité à cette histoire pour ses débuts x)

Rythme de parution : un chapitre tous les vendredis. Je n'ai pas encore décidé si le prochain arrive ce vendredi ci (le 25) ou bien la prochaine semaine. Je suppose que ça va dépendre de la réception de l'histoire par les lecteurs. 

Sur ce, je vous dis comme toujours, 

Kiss :*

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