Chapitre 42

Information sur la publication des prochains chapitres à la fin de celui-ci.

PDV Kanako

— Kana-chan, cesses de courir, tu me donnes la migraine.

Pour toute réponse, je tire la langue à Obaachan et reprend ma course. Dans moins d'une heure, Tess sera là, et je veux que tout soit parfait. Parfait pour nos retrouvailles, pour ce moment que j'attends tant. Retrouver la seule amie que j'ai eu lors de ces six dernières années. Si son amitié ne vaut pas plus, ou moins que celles que j'ai pu créer sur ce début d'année, elle n'en reste pas moins importante. Ce sont des amitiés différentes, des liens différents, mais qui ne peuvent pas forcément se comparer. Tess, c'est mon lien avec mon passé, avec la personne que j'étais. C'est la personne avec qui j'ai grandi, avec laquelle j'ai avancé dans mon parcours de chanteuse. Elle peut comprendre ce que ne peuvent comprendre mes nouveaux amis, parce qu'elle l'a vécu, elle aussi.

Je sais les réserves qu'émettent William et Lewis sur elle. Je sens celles de ma grand-mère qui me regarde m'affairer sans faire mine de m'aider, alors qu'elle est toujours la première à le faire. Mais je n'y fais pas attention. Parce qu'ils ne peuvent pas comprendre, pas ressentir ce que j'ai au fond de moi. Et qu'ils ne peuvent pas connaître Tess comme je la connais.

Je l'ai blessée. Certes, j'avais mes raisons de m'éloigner, et elles sont plus que justifiées, mais elles n'empêchent pas ce qu'elle a pu ressentir. Parce que la raison n'a pas forcément de liens avec les sentiments.

Alors ils peuvent douter tant qu'ils veulent, moi, je m'accroche à nos six années, à la sincérité de ces dernières. Je m'accroche au fait qu'il n'y a aucune raison que cette sincérité ne soit plus là.

J'ai changé, oui. Elle aussi peut-être. Et alors ? Il y a les souvenirs, et ceux-là ne changeront jamais.

J'installe un paquet de coussins et de plaids au sol de ma chambre, avant de recouvrir le tout de guirlandes lumineuses. Comme avant.

Une petite voix nocive dans ma tête me souffle que je cours après un passé que j'ai perdu. Je lui réponds simplement que rester attaché au passé n'empêche pas toujours d'avancer dans l'avenir. Pourquoi vouloir toujours les séparer, plutôt que de les lier ? Je veux les lier.

Je prépare l'ordinateur et l'armada de films, les poches de sucreries à n'en plus finir, et j'allume une bougie odorante quand la sonnette retentit enfin.

Un dernier coup d'œil à ma chambre, un sourire satisfait aux lèvres, et je me précipite à la porte d'entrée, que j'ouvre à la volée.

— Kana !

Tess vient m'écraser contre sa poitrine, sans se rendre compte qu'elle me fait manger les poils de son oreiller touffu en même temps, mais je n'en ai cure. Elle est là, et son énergie efface mes derniers doutes. Elle a envie d'être là.

Je suis tellement contente que tu sois venue.

Elle m'offre un sourire et salue ma grand-mère avant que nous nous dirigions vers ma chambre. Elle lâche une exclamation de stupeur en voyant ce que j'ai préparé.

— J'ai l'impression de revenir à nos 14 ans, lorsqu'on a découvert Twilight pour la première fois.

Une soirée mémorable.

— Parmi tant d'autres !

Elle lance son coussin sur la pile et se laisse tomber sur les plaids en commençant à piocher dans le seau de pop-corn tout chaud. Pendant une courte seconde, je ne bouge pas. J'observe ma si vieille amie, assise là en tailleur, comme si des mois ne nous avaient pas séparés. Je laisse mon cœur se gonfler jusqu'aux portes de l'explosion de cet espoir que rien n'ait changé.

Je finis par m'installer à ses côtés, et nous restons un moment comme ça, sans rien n'échanger. Par où commencer ? Il y a tant de choses à raconter, tant de points à aborder, qu'une seule soirée ne semble pouvoir tout assimiler.

Comment cela se passe, dans la section chant ?

Je sais que cette question me blesse, mais je sais aussi que j'ai envie de le savoir. De savoir comment cela va pour elle, pour toutes les personnes avec qui j'ai grandis en tant que femme et en tant qu'artiste. Si moi je suis privée de cette aventure à leur côté, j'ai envie de savoir que la leur continue comme elle le devrait.

— Oh tu sais, ce n'est pas bien différent. Madame Stradioly est toujours aussi folle, et Barbara se prend encore pour une pop-star. Tout est toujours aussi dur et passionnant.

Elle laisse un instant de blanc, avant de relever son visage vers moi.

— Mais tu n'es plus là. Le petit ange de la NSA. C'était étrange, les premiers temps. Presque vide.

Je ne me risque pas à demander si le vide a été comblé. Je pense que je ne veux pas en savoir autant. Le monde continue de tourner sans moi, et c'est bien normal. Mais c'est difficile de regarder son propre monde tourner en en ayant été exclu si brutalement.

— Et toi, en peinture ? Tu m'as l'air plutôt bien entourée.

Je lui souris, et acquiesce avant de n'en taper plus. Leurs visages s'impriment instantanément dans mon esprit. Le sien, particulièrement.

Ça n'a pas été facile. Ça ne l'est toujours pas, d'ailleurs. Je ne suis pas peintre ou dessinatrice, alors je ne me sens pas forcément à ma place, mais j'ai rencontré des personnes qui m'aident énormément.

— Et parmi ces personnes, il n'y a pas n'importe qui.

Son jeu de sourcils me tire un rire et un rougissement instantané, et elle s'empresse d'en demander plus, intéressée par le sujet. Tess a toujours été plus attirée par ce genre de discussion que moi.

— Comment as-tu rencontré William ? C'est une légende, ce type.

Je n'avais jamais entendu parler de lui avant d'entrer dans cette section, pourtant.

— Parce que tu ne t'intéressais à rien d'autre qu'au chant, mais pour le commun des mortels, il est bien au-dessus de tout ça.

Je n'enchaîne pas sur ses paroles, même si en mon fort intérieur, je suis persuadée qu'il n'aimerait pas qu'on le désigne ainsi. William ne met rien au-dessus de l'art. Et le fait qu'une artiste le fasse passer avec son art l'énerverait profondément.

Tu as rencontré quelqu'un, ces derniers mois ?

— Personne d'aussi intéressant que lui, effectivement. Tu n'as pas répondu à ma question.

Et bien, nous sommes dans la même année et il est mon « tuteur » dans une matière. Nous avons aussi un exposé de philosophie à faire ensemble.

Je passe sous silence tout le reste pour une raison que j'ignore.

— Et il a une copine ?

Non.

La discussion prend un tournant que j'apprécie peu, sans que je ne veuille en connaître la raison. Je tente de la faire dévier en attrapant mon ordinateur pour faire défiler les films.

On regarde tout de suite un film ? Quel genre ?

Elle me pointe du doigt un vignette presque au hasard avant de recommencer à m'interroger sur le peintre.

Et la soirée continue ainsi. Peu importe les films, où les sujets que je tente d'amener, elle en revient toujours au même. William, son talent, sa fortune, sa beauté, son célibat. La musique, le chant, nos connaissances communes, les mois perdus entre nous, notre complicité, rien de tout ça ne parvient à la faire réagir plus de quelques minutes. Et plus le temps défile, plus mon espoir s'amenuise, et les mises en garde de Lewis et Will me reviennent. Je veux les chasser, plusieurs fois. Mais elles s'insinuent en moi chaque fois un peu plus, jusqu'à déborder.

— On devrait organiser une sortie avec tes nouveaux amis et William ! J'aimerais beaucoup le rencontrer. Les rencontrer pardon.

Tess, je peux te poser une question ?

Elle semble surprise un instant, mais acquiesce.

Es-tu venue ici pour retrouver notre amitié, ou seulement parce que tu as vu que j'étais proche de William ?

— Pourquoi cette question ?

Tu as refusé toutes mes tentatives de rapprochement. Jusqu'à ce que tu me vois avec lui. Et tu as passé la soirée à parler de lui malgré le fait que je tente de changer de sujet.

— Je passe pour une personne affreuse, lorsque tu dis cela.

Et j'aimerais prouver que ce n'est pas le cas, mais plus le temps file, plus l'image qu'elle me renvoie me ramène à cette idée.

Mes amis m'ont dit que tu le faisais par opportunisme. Je ne les ai pas cru.

— Quand tu dis, tes amis, tu veux dire ?

Lewis, et William.

Son visage change, comme si elle devenait une autre personne. J'y lis du dégoût, une expression que je ne l'avais jamais vu afficher en face de moi.

— Bon, il semble qu'il n'y ait aucune chance de le rencontrer alors.

J'entends un craquement sonore, qui vient de l'intérieur de mon corps. Est-ce mon cœur, mon espoir, ou bien mon amour propre qui se brise, je ne saurai le dire. Je sais seulement que la désillusion me fait un mal de chien.

Tu veux dire qu'ils avaient raison ?

— Oui, Kana. Je n'avais pas envie de renouer avec toi, et j'ai changé d'avis en le voyant. C'est ce qu'aurait fait n'importe qui.

Mon âme me souffle qu'il ne l'aurait pas fait. Qu'aucune des personnes que j'ai rencontrées ces derniers mois ne l'aurait fait.

Je suis en colère. Mais je suis affreusement blessée, avant tout. Et incapable de lui exprimer tout cela, parce qu'incapable d'y mettre des mots sur l'instant. Je me trouve dans un état de léthargie qui me paralyse et m'empêche de réfléchir. Un mauvais rêve, ce doit être un mauvais rêve. Pourtant, il ne se dissipe pas, comme si il était réel.

Pars.

Elle lève les yeux au ciel, agacée, et j'ai plus l'impression qu'elle regrette d'être venue ici pour rien que de se comporter ainsi. Elle attrape son coussin et murmure un « si j'avais su », qui me brise de l'intérieur.

Elle se dirige vers la porte de ma chambre, avant de s'arrêter et de se retourner vers moi. Je sais avant même qu'elle parle qu'elle va me faire mal.

— Qu'est-ce que tu croyais, Kanako ? La seule chose qui te rendait intéressante, c'était ta voix. Sans elle, tu n'es plus rien qui ne vaille la peine.

Elle claque la porte avant que je n'ai le temps d'assimiler ses paroles. Je reste assise là sans rien faire, les laisser tourner en boucle en moi, et matraqué mon âme pour la marquer de façon indélébile.

J'entends les pas de ma grand-mère dans le couloir, et je me lève pour verrouiller la porte. Je ne veux voir personne. Je ne veux écouter personne. Je ne veux parler à personne.

— Kana-chan, tout va bien ?

Elle reste là un moment. Je l'entends respirer. Je l'entends souffler de désespoir. Je sais qu'elle se doute de ce qui vient de se produire. Je sais qu'elle souffre que je ne lui ouvre ni la porte ni mon cœur. Mais mon cœur est en train de partir en miette, alors je n'ai plus rien à ouvrir.

« Tu n'es plus rien qui ne vaille la peine ».

Un uppercut dans mon être.

Une vérité qui se grave dans mon âme.

Elle me déchire. Elle me coupe. Elle me transperce.

Mes yeux se posent sur l'album que j'avais posé au sol. Je voulais qu'on le regarde ensemble. Des photos de nos 6 années ensemble. Des souvenirs qui me faisaient tant de bien. Je reste immobile un instant, avant de me jeter sur lui.

« Rien qui ne vaille la peine ».

J'en arrache les pages avec rage, avec tristesse, comme ses paroles m'arrachent le cœur.

Je laisse les larmes couler sur mes joues comme si elles allaient évacuer ce que je ressens. Mais la vérité c'est que ces sentiments sont imprégnés en moi et qu'ils ne pourront me quitter.

Je déchire chacune des photographies de ce passé, de mon passé. Et je finis comme ces clichés. En morceaux, sur le sol. Irréparable. 

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Aïe, ils avaient raison... comment Kanako va-t-elle surmonter tout cela ?

Alors, point info sur les prochains chapitres : 

Je pars pendant deux semaines en Corée du Sud (oui trop bien x)), et j'enchaîne ensuite avec une semaine de stage très prenante (je suis en master d'enseignement). Donc, je vais être très prise. 

Du coup, le prochain chapitre ne sortira pas dimanche 9 avril, mais vendredi 7 avril. Ensuite, je pars, donc pendant mon voyage, pour des raisons évidentes, pas de chapitres. Donc rien les dimanches 16 et 23 avril. Normalement, je devrais publier le suivant le vendredi 30 avril donc, sauf si mon stage ne me permet pas d'avoir le temps de le préparer. Dans le cas où le chapitre ne serait pas prêt le 30, vous serez averti sur les annonces de mon profil. 

Donc, recap :

- Vendredi 7 avril : Chapitre 43

- Dimanche 16 avril : Rien

- Dimanche 23 avril : Rien

- Dimanche 30 avril : Chapitre 44 (sauf si difficultés)

Puis reprise des sorties de façon normale :)

A bientôt, 

Kiss :*

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