Chapitre 37
Oups, j'ai oublié le chapitre hier x)
PDV William
Une touche de gris, juste là, une pointe de noir, dans ce coin-ci. L'harmonie n'est pas encore parfaite, et un point me chagrine, mais je ne trouve pas quoi. Il manque quelque chose. Une teinte, une lumière, un détail que je ne parviens pas à imaginer. Des jours, que je suis sur cette toile, sans réussir à m'en sortir. Rares sont les expériences similaires dans mon parcours. Mais parfois, à l'instar de l'écrivain et de sa page blanche, je ne sais quelle couleur, quel pinceau, quelle technique utiliser. Parfois, l'esprit ne parvient à suivre l'imagination, d'autres fois encore, cette dernière refuse de transmettre ce qu'elle a à dire.
Et aujourd'hui, je n'arrive pas à rétablir la transmission, et j'ai bien une idée de ce qui pêche.
Le vacarme ambiant me fait poser mes pinceaux en râlant contre les habitants de cette maison. Avoir un peu de calme semble être trop demandé quand on vit avec ces énergumènes. Pourtant, quand je me dirige vers l'espace extérieur, d'où provient ce boucan, je reconnais deux voix qui n'appartiennent à personne n'ayant posé ses valises ici. Je détaille Lewis et Arwen qui crient dans tous les sens, en particulier le premier, en lançant sa fléchette sur la cible. Natt passe à côté de moi, un plateau de verres plein dans les mains. Je ne sais pas qui a eu l'idée de lui donner cette tâche, mais cette personne a une trop grande confiance en ses capacités motrices. Il est un véritable danger ambulant quand il ne s'agit pas de sculpter. C'est bien le seul moment où il fait quelque chose de ses mains qui ne s'apparente pas à un dégât.
Il s'arrête à côté de moi et me propose joyeusement de participer, comme si il ignorait la réponse – ou non-réponse – que j'allais lui offrir.
— Je n'ai pas souvenir d'avoir invité Tic et Tac chez moi.
— Ils dorment à la maison, aussi.
Je hausse un sourcil dans sa direction, et il me laisse apparaître son côté machiavélique l'espace d'un instant, dans son regard.
— Tu veux leurs demander de partir ?
Et il sait très bien ce que j'en pense, quand mon regard se pose sur Kanako, sur son sourire, et sur la joie dans ses yeux. Rien que pour cela, j'accepte le côté envahissant des deux jeunes hommes dans ma maison. Quand bien même le bruit qui les accompagne m'énerve profondément.
— C'est bien ce que je pensais.
— Ne fais pas trop le malin. Et fais attention à ces verres.
Je rentre à l'intérieur quand il hurle pour me répondre.
— Je ne suis pas un empoté !
Et pourtant, la seconde suivante, des bruits de verres cassés s'élèvent dans l'air.
Je me dirige à l'étage, vers la chambre que Charlotte a réservé comme son atelier pour un moment. Le fait de ne pas la voir en bas avec les bouts en train m'interroge. Je la trouve penchée sur un panel de tissus, et elle ne relève pas la tête quand je rentre.
— Tu viens de trouver les intrus ?
— Je ne demande pas de vient l'idée.
— Et tu les laisses rester ?
Je ne réponds rien, et elle sourit.
— C'est bien ce que je pensais.
— Tu ressembles un peu trop à Natt parfois.
— Je ne sais pas comment le prendre.
Elle me lance un regard malicieux et joueur que je lui rends, avant de m'avancer vers elle. Je ne lui demande pas pourquoi elle s'enferme ici alors qu'il y a de la vie en bas, pour une fois. Nous avons rarement besoin de mots pour nous comprendre, ce qui m'arrange bien.
— J'ai du mal à trouver une couleur dominante pour la tenue du défilé.
Je me retiens de lui rappeler que je n'ai jamais vraiment donné mon accord pour cela. Étant donné qu'elle me prend un certain nombre d'heure de travail avec Kanako, j'estime avoir mon mot à dire. Cependant, il semble que la mission aille bien plus loin que de simplement créer une jolie tenue pour le défiler, et si Charlotte n'a jamais mis de mots sur ce qu'elle veut faire avec Kana, la situation n'est pas sans me rappeler celle vécue avec Natt à leur rencontre. Alors je laisse faire. Il se trouve que j'ai une tendance à faire des concessions qui se développe largement, récemment.
— Je voulais partir sur du rouge. Elle serait incroyablement belle, avec cette teinte.
Je tique. Je tique, parce que je suis d'accord, d'une part. Mais je tique aussi par rapport à son histoire, que je n'ignore pas.
— Mais elle m'a l'air réticence. Je suppose que tu sais pourquoi. Elle me l'a confiée récemment, aussi. Alors je tente de trouver une teinte qui lui aille aussi bien. Mais je n'arrive pas à me retirer cette vision d'elle de la tête.
Je ne peux que comprendre, tant les images d'elle peinte entourée de rouge ont été nombreuses dans mon esprit. Oui, c'est définitivement une teinte qui la rendrait divine, et une vision dont on a du mal à se séparer. Parce qu'elle parle à l'âme des artistes que nous sommes, d'un point de vue bien plus important qu'une simple appréciation. C'est au-delà d'une notion de beauté. C'est une notion d'art, d'image parfaite d'une sensation, d'un sentiment.
Tandis qu'elle parle, je m'avance vers la vitre et pose mon regard sur l'intéressée, dans le jardin. Elle rit, sourit, et semble pleine de vie. Une vision d'elle qui casse avec celle que j'ai pu apercevoir au début de notre rencontre. Les mots du médecin me reviennent en mémoire. « J'ai l'impression que des morceaux ont été recollés ». Il y a-t-il plus juste ?
— Je ne t'ai jamais vu aussi soucieux d'une autre.
— J'ai souvenir que tu as déjà essayé de lancer cette conversation, en vain.
— Je suis persévérante.
— Ou suicidaire.
Je la sens lever les yeux au ciel sans que je ne la regarde pour autant. Je la connais suffisamment pour connaître ce genre de mimiques.
— Pourquoi ne pas l'admettre ?
— Pourquoi ne pas me foutre la paix ? Vous semblez tous vouloir tester mes limites, récemment.
— Parce qu'il se trouve que tes limites sont bien plus hautes qu'auparavant, et que cela interroge.
Je ne réponds rien, parce qu'elle n'a pas tout à fait tort. Chose étant dite, je n'ai aucune envie de chercher une cause, ni de les laisser la trouver pour moi.
Je vois Lewis tirer Kanako pour la faire venir jouer, et j'observe attentivement la situation. Je doute que les trois énergumènes en bas, peu importe combien ils l'aiment, ne sachent vraiment faire attention sur la durée.
— Mens-toi si tu veux, mais la vérité trouve toujours son chemin.
Je ne lui réponds pas. A la place, je lâche un « putain » et sort de la pièce rapidement, dévalant l'escalier. Je savais qu'ils n'étaient pas capable de faire attention, et la voilà par terre.
Ils me sentent arriver plus qu'ils m'entendent, ma colère filtrant dans l'air.
— Bon sang mais aucun d'entre-vous n'est digne de confiance !
Les trois hommes me détaillent ébahis, et n'osent pas répondre. Lewis, penchée vers elle pour l'aider à se relever, s'arrête dans son mouvement, telle une statue. Plus aucun d'eux n'ose faire un geste, et même la blessée ne sait pas comment réagir.
Je ne contrôle pas ma réaction, et ne fais pas attention à leur regard surpris de mon comportement. Qu'ils pensent ce qu'ils veulent, pour l'instant, j'ai l'envie, ou plutôt le besoin irrépressible, d'emmener Kana et de l'enrouler dans du papier bulle. Ainsi, elle évitera peut-être de se blesser, quoi que.
La seconde suivante, je l'attrape dans mes bras. Je la sens rougir d'une traite et se cacher le visage dans mon cou, mais peu importe. Peu importe son rythme cardiaque qui s'emballe, autant que le mien. Comme peu importe le regard de Charlotte que je croise, depuis le premier étage.
Le regard et les pensées des autres n'ont aucun effet sur moi, jamais, et pas maintenant non plus.
Je remonte aussi vite que je suis descendu et ne la lâche que lorsque nous sommes dans l'atelier. Elle ne retrouve pas sa couleur normale pour autant.
— Peins au lieu de risquer la fracture.
Elle laisse le silence couler, et je m'attends à ce qu'elle attrape le pinceau devant elle. Pourtant, elle finit par sortir son téléphone, et me laisse oublier en un instant la colère, mêlée peut-être à une sorte d'inquiétude, que je pouvais ressentir. Je sens ce qu'elle va faire. J'ai hâte de ce qu'elle va faire. Commencer le jeu, une nouvelle partie à laquelle j'ai très envie de jouer.
— C'est trop difficile de dire « je m'inquiète pour toi » ?
Je hausse un sourcil, lui faisant comprendre d'un regard comment va se finir cette conversation : comme à chaque fois que l'on se cherche.
— Tu veux que je m'inquiète pour toi ?
— Ce n'est pas ce que j'ai dit.
— Tu n'en as pas besoin, c'est inscrit sur ton visage.
— N'importe quoi.
Pourtant, elle détourne le regard, incapable de soutenir le mien, alors que je suis persuadé que ce petit jeu, elle n'a aucune envie qu'il s'arrête.
— C'est juste là, derrière la rougeur d'avoir été dans mes bras.
Et elle rougit un peu plus, comme si c'était possible. Y a-t-il un centimètre carré de son visage qui n'est pas de cette teinte ?
— Tu ne m'as pas demandé mon avis.
— Tu aurais dit non ?
— Oui.
— Ou plutôt, tu n'aurais pas osé dire oui...
Et son visage me répond, tandis que je sais que j'ai gagné cette bataille.
Je laisse le silence reposer un peu dans la pièce, mais je suis incapable de le laisser couler trop longtemps, quand mon esprit me rappelle que la teinte de ses joues devrait se trouver partout autour d'elle.
— J'ai parlé avec Charlotte. De son envie de t'habiller en rouge.
Elle paraît gênée, mais accepte de lancer la conversation.
— J'ai du mal avec cette idée.
— Le fait de t'habiller de cette couleur n'effacera pas le souvenir de ta mère au profit de ton image.
Parce qu'au fond, c'est là que se situe le problème, et l'expression de son visage me confirme que j'ai vu juste. Et qu'elle n'avait elle-même pas conscience de cette peur.
— Le retour du tyran philosophe.
Pour une fois, je la laisse détourner la conversation. Je n'insiste pas, car je sens que ce que je viens de lui dire a besoin de temps pour faire son bonhomme de chemin dans son esprit. Et pourtant, malgré tout, les mots m'échappent. Des mots que je n'avais aucune envie de partager.
— J'aimerais te voir en rouge.
Et quand elle les entend, la couleur qu'elle reprend naturellement me confirme que cette pensée est plus qu'ancrée en moi.
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