Chapitre 36

PDV Kanako

Si Natt le pouvait, il me sauterait dans les bras. Malheureusement pour lui, son cousin veille au grain, et lui jette un regard dissuasif en lui indiquant par la suite le plâtre.

— Évite d'empirer ce que tu as déjà fait.

Je ne retiens pas un sourire devant la mine défaite qu'affiche le blond, avant que Charlotte ne nous rejoigne. Elle lit consciemment les recommandations du médecin, pendant que William disparaît avec mes valises, à priori sur une chambre en rez-de-chaussée, cette fois-ci.

Il a catégoriquement refusé que je reste chez moi, plâtrée, tant qu'Obaachan n'est pas de retour. Et encore chamboulée de notre proximité quelques temps avant, je n'ai pas réussi à insister. M'aurait-il écouté, de toute façon ? Je crois me rappeler qu'il a dit « C'est non négociable », avant de se retourner, pour éviter que je ne lui tende l'écran avec un nouveau refus. Si je me sens gênée de m'imposer ainsi dans leur quotidien et leur maison, je dois dire qu'au fond, je suis rassurée. L'idée de me retrouver seule est déjà difficile, alors seule et en boitant, très peu pour moi.

— Un peu de féminin dans cette maison, ce n'est pas trop tôt.

Le sourire de Charlotte me fait du bien. Cette femme est un soleil, un baume que l'on applique sur son cœur quand les blessures se font trop nombreuses. Elle me tend mon téléphone, oublié ici et je la remercie d'un signe de tête.

Il faut dire que c'est la maison des garçons, de base.

— Chut ma petite Kana, ne leurs rappelle pas que je me suis imposée, ils risqueraient de m'éjecter.

Ils t'aiment trop pour ça.

— Oh tu sais, au quotidien, je suis invivable.

Je ris en secouant la tête et elle semble ravie de son effet.

— Ne le nie pas, tu n'as pas encore eu l'occasion de le voir. Mais je te rassure, c'est aussi exactement ce qui me rend exceptionnelle.

Et je n'en doute pas, tant je trouve qu'elle l'est dans son entièreté. Si je ne suis pas du genre à affirmer que certains humains puissent être exempt de défauts, j'ai du mal à voir ceux qui pourraient dégrader la valeur de Charlotte.

— Et puis de toute façon, Natt est plus invivable que moi.

— Hé !

Elle ignore le cri de son petit-ami et m'emmène à mon rythme en direction du canapé. Je suis à peine assise que ce dernier a avancé un pouf devant moi, déposé un coussin sur celui-ci, et m'enjoint à y poser mon pied.

— Tu veux boire quelque chose, de l'eau, un café, un chocolat ?

Je n'ai pas le temps de lui répondre que déjà, il enchaîne.

— Ou bien manger ? Je peux te préparer n'importe quoi. Et si je ne sais pas faire, je commanderai. Ou alors, je commande un chef. Oui, je devrais faire ça, faire venir un chef.

— Natt.

— On devrait demander à une infirmière de passer, aussi.

— Natt.

— Oh, et un masseur. Quand on est immobilisé, il faut s'assurer que le sang circule bien et que les muscles ne sont pas endoloris. Je connais un bon masseur. Trois, ou quatre fois par semaine ? Sûrement...

Le coussin que lui envoie Charlotte en pleine tête a pour effet de le faire taire, là où elle n'y parvenait pas quelques minutes auparavant. Je ris un moment devant la mine désabusée de ce dernier, qui interroge la jeune femme sur les raisons de son geste.

— Tu n'arrêtes pas de parler, bon sang !

Elle rit aussi, puis reprend avec une certaine douceur.

— Je sais que tu veux bien faire, mais premièrement, tu dois lui laisser le temps de répondre si tu veux être efficace, et deuxièmement, on ne va certainement pas engager autant de personnes.

— Je suis responsable Cha', je dois prendre soin de Kana. Un masseur et une infirmière ne me paraissent pas de trop.

— Et moi je t'indique que c'est trop, et que l'entorse de Kana se résorbera sans que tu n'aies besoin de faire entrer des dizaines d'inconnus ici. William va râler et tu le sais très bien.

Ce dernier entre dans la pièce, et sans avoir eu toute l'étendue de la discussion, opine d'un signe de tête, comme si il était impossible que son cousin provoque une autre réaction chez lui que l'agacement.

— Je veux juste faire de mon mieux.

Et j'en suis plus que touchée. Le fait qu'il pense à moi de cette manière me prouve l'attachement qu'il ressent pour moi.

— Et c'est tout à ton honneur. Mais ne confond pas bien faire et trop faire.

Bien qu'il affiche une mine déçue, il accepte les arguments de sa petite amie et acquiesce.

Ce serait cependant mal connaître Natt que de penser que ce dernier va vraiment écouter. Il passe le reste de la journée à jouer les infirmières sur tous les plans. Je n'ose pas lui dire que je n'ai pas besoin de ses services pour couper ma viande, ou bien mettre ma veste, tant il est impliqué. D'autres s'en chargent pour moi, non sans une certaine hilarité.

— On devrait lui acheter une tenue d'infirmière, ça lui irait bien.

— Ne m'implique pas dans vos fantasmes.

— Je suis là et je vous entends.

Charlotte lui tire la langue quand William se contente d'afficher sa malice dans ses yeux. Je me demande si ils la remarquent comme elle m'apparaît si claire et limpide. Je suppose que oui, ils le connaissent probablement mieux que moi. Et pourtant, une petite voix me souffle que je ne suis pas si inculte que cela concernant William.

— Ravie de savoir que tu entends parfaitement mon cœur. Je note donc que tu m'as volontairement ignoré quand je t'ai dit de la laisser vivre.

Il prend un air outré qui me tire un rire.

— Et si on lui demandait, hein ? Je suis sûr que ma Kana apprécie mon aide.

J'ai l'impression de voir William tiquer sur l'utilisation du ma, mais je ne me risquerai pas à l'affirmer. Je ne sais pas comment répondre à Natt sans le vexer, alors j'esquive volontairement la question.

Je vais prendre une douche.

— Je vais t'aider !

J'ai à peine le temps d'écarquiller les yeux que William l'a attrapé par le col pour le retenir, et Charlotte abattu sa main sur l'arrière de son crane.

— Tu penses faire quoi là, imbécile !

Je pensais entendre la voix de Charlotte sur cette réplique, pourtant, elle est bien plus masculine, et toute cette situation suffit pour me faire rougir de la tête aux pieds.

— Elle ne doit pas mouiller son plâtre, elle va avoir besoin d'aide.

Si il n'a pas tort, je me refuse à envisager cette hypothèse. Heureusement, personne à part lui n'a l'air de vouloir ne serait-ce qu'y penser.

— Et tu penses que tu vas t'en occuper ? Tu veux que je te castres ?

— Tu serais bien embêtée si tu faisais ça, chaton.

— Continue à m'appeler comme ça en proposant d'aller sous la douche avec une autre femme, même notre amie, et je te jure que je me passerai de ta queue.

Il frissonne un instant en jugeant du sérieux de la jeune femme, dont le visage me ferait presque douter de sa capacité à mettre la menace à exécution.

— Comment fait-on alors ?

— A ton avis ? Je vais aider Kana.

Et son ton est sans appel. Je me retrouve quelques minutes plus tard dans une douche qui fait la taille de ma salle de bain, avec sur le dos un maillot de bain que Charlotte m'a prêté pour l'occasion. Je suis gênée, mais la situation est bien plus supportable ainsi.

Si les premières minutes sont silencieuses, il suffit d'un regard croisé pour que nous éclations d'un rire commun et pour une fois, sonore. Elle m'envoie un filet d'eau en pleine tête et je lui réponds, entamant une bataille qui nous fatigue autant de nos mouvements, que de la contraction de nos abdos de rire.

Je suis complètement rincée, sans mauvais jeu de mots, lorsque nous cessons et nous reposons contre le carrelage froid.

Tandis que nous nous enroulons dans nos serviettes, je récupère mon téléphone pour pouvoir lui parler. Je lui dis tout. Je me confie sur le manque de ma grand-mère et ce que je ressens en ce moment. Sur la raison de notre relation si fusionnelle, mon passé. Sur ma vie, l'apparition de la tumeur, la rupture avec mon petit-ami, la nuit avec ce Marc, la perte de ma voix. Sur ma rencontre avec eux. Ce qui s'est passé aujourd'hui. Ce que j'ai ressenti et les émotions que je ne suis pas capable de définir.

Je me confie sur tout, et elle écoute. Elle est là, et pas seulement de part sa présence. Alors j'ai un dernier mot. Un mot qui veut tout dire.

Merci.

Je ne la remercie pas seulement pour la douche, et elle le sait. Je la remercie pour sa présence dans ma vie, pour tout ce qu'elle m'apporte. C'est indéfinissable, tant ce qu'elle me donne est nombreux, divers, et important. Chaque minute que je passe avec elle m'offre tant. La découverte d'un monde, d'un mode d'amitié que je n'aurai pas pensé exister. C'est si loin de ce que j'ai toujours connu, que s'en est presque déstabilisant. Pourtant, je ne voudrais que cela ne s'arrête pour rien au monde.

Elle glisse sa main dans la mienne et associe nos doigts, dans un geste d'intimité que je ne saurai lui refuser.

— Merci à toi.

Et en me rendant mes mots, elle me touche en plein cœur, encore.

Pour la première fois, je me dis que je ne voudrais pas revenir en arrière, même si on me rendait ma voix. Parce que ça voudrait dire la perdre. Les perdre. Et je crois que j'en suis incapable.

Ils me sont essentiels. Autant que l'était le chant.

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Est-ce que je kiffe faire en sorte que les héroïnes finissent par dormir chez les héros en l'absence total d'autorité parentale ? Peut-être un peu x)

A bientôt, 

Kiss :*

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