Chapitre 12
Hello ! Désolée pour le retard ! J'ai eu un passage à vide, et aussi un coup de fatigue après avoir buchée comme une folle sur la réécriture de Lumen. Enfin bon, me revoilà, normalement prête à reprendre du service !
PDV Kanako
J'ai à peine passé la porte du salon qu'une vieille dame d'à peine 1m50 déboule devant moi, les mains sur les hanches. Ses yeux sont des mitraillettes, et je m'estime heureuse qu'elle n'ait pas de torchon dans la main, sinon, elle m'en aurait sûrement mis un coup. Et ça fait mal, les coups de torchon ! Derrière elle, j'observe les plats posés sur la table, signe qu'elle m'attend depuis un moment déjà.
— Oba, je suis désolée. J'ai dû rester à l'école pour mettre en place un projet. Crois moi, j'ai des choses à te raconter.
— Et tu ne pouvais pas envoyer un simple message à ta Obaachan pour qu'elle ne s'inquiète pas ? Baka.
— Gomen !
Elle lève les yeux au ciel et attrape mon sac en entendant mon ventre grogner. Je m'estime heureuse qu'il ne se soit pas manifesté dans la voiture de William. Je me suis passée sans trop de mal de cette gêne supplémentaire. Elle me fait signe de m'asseoir tandis qu'elle met à réchauffer quelques plats. Elle a beau avoir envie de m'étrangler, elle ne peut pas résister à ma faim. En somme, c'est une mamie.
Jamais fâchée longtemps, et toujours aux petits soins.
Je me jette presque sur l'assiette qu'elle dépose devant moi tandis qu'elle s'assoit en face. Elle attend quelques bouchées avant de décider que j'ai suffisamment avalé de nourriture pour qu'elle demande à en savoir plus.
D'une main, je tape mes explications tandis que de l'autre, je ne rechigne pas sur la moindre miette de nourriture. Je me rends compte comme j'avais faim maintenant que j'ai l'occasion de l'assouvir. Avant, mon esprit était trop concentré sur ce qu'il avait à faire : ne pas trop se rater face à William.
— La scolarité de ce garçon repose sur tes épaules ?
Je hoche la tête, manquant de m'étouffer avec la gorgée de sirop que je viens d'avaler. Je déteste boire de l'eau simple, c'est presque maladif. Mais ce n'est pas le sujet.
— Tu vas devoir être sérieuse, Kana-chan. Tu ne dois pas tout gâcher pour lui. Et mange moins vite, tu vas finir par t'étouffer.
Merci Obaachan pour le coup de pression supplémentaire. Comme si je n'avais déjà pas suffisamment conscience de tout cela.
— Nous sommes quittes, en quelques sortes. C'est avec lui que je dois faire mon exposé de philosophie, et vu mon coefficient, mon diplôme s'y joue aussi.
Sans rien dire, elle avance le bras et essuie le coin de ma bouche, et me maternant des yeux. Face à elle, je pense que je resterai à jamais une enfant.
— Et ce jeune homme ne t'a pas laissé quelques minutes pour me prévenir ?
— Honnêtement, j'étais tellement obnubilée à l'idée de bien faire, que j'ai oublié. Il est un peu tyrannique, et je n'avais pas envie de le braquer après cette nouvelle qui ne pouvait que l'agacer. Alors j'ai mis tout mon esprit dans ma réussite.
— Qu'est-ce qui te fait dire qu'il est un tyran ?
— Tout ce que j'ai pu voir de lui. Mais au fond, je ne suis pas sûre que ce soit un mauvais point. Il vit, il respire pour son art. Il ne supporte pas qu'on rabaisse sa raison de vivre, alors il est intransigeant. Et il n'hésite pas à le faire comprendre.
D'une certaine manière, j'admire cette dévotion à son art. Parce que j'ai vécu la même chose que lui. Cette passion dévorante qui remplace votre oxygène. Mais j'étais sûrement plus douce que lui.
— On ne peut reprocher l'honnêteté, seulement la façon dont elle est transmise.
Je hoche la tête, plutôt d'accord avec elle. William est honnête, sans langue de bois. Il a le fond. Pas la forme. Mais je ne suis pas certaine qu'il ait quelques chose à faire de la forme.
— Il me fait un peu penser à toi.
— Tu ne le connais pas.
— Non, mais toi aussi, tu étais intransigeante.
— Avec moi-même plus qu'avec les autres.
Elle laisse un sourire courir sur son visage, doux et réconfortant. Un brin amusé, également.
— On ne se rend jamais compte soi-même de ses défauts.
— La première fois que je l'ai vu, il m'a hurlé dessus que je n'avais rien à faire là. Je veux bien dire que je vivais mon art autant que lui, mais mon caractère de merde était un brin inférieur, tout de même.
Elle rit et s'éclipse dans la cuisine avant de revenir avec le dessert. Je m'en lèche presque les babines.
— Une première rencontre digne d'un film.
— Ça dépend du genre de film dont tu parles. Quoi que, ne me dis rien, je sens que je ne veux pas savoir.
Et son visage béat me confirme que je n'ai pas envie d'en discuter davantage. Alors je préfère me concentrer sur un autre sujet. Je ne risque pas de demander conseil à ma grand-mère sur la peinture. En revanche, sur l'amour...
— Oba, c'est quoi l'amour pour toi ?
— Ne compte pas sur moi pour t'aider.
— Comment ça ?
— Ma petite Kana-chan. Tu ne trouveras jamais ta réponse si je te donne la mienne.
Je souffle, en jouant avec ma crème brûlée du bout de ma cuillère.
— Tu pourrais au moins me donner quelques indices. Il en va de mon diplôme.
— L'amour, c'est personnel. Cela n'aurait aucun sens que je t'aiguille car ton cœur ne suit pas le même chemin que le mien.
— Obaachan, je ne pense pas avoir le loisir d'aimer juste pour cet exposé. Alors je vois mal comment je pourrais trouver ce que tu entends par là. Je doute que le professeur s'attende à ce que chacun de ses étudiants tombe amoureux pour faire son devoir. Exposé personnalisé, oui, mais il y a des limites.
— C'est là où tu te trompes, il n'y a aucune limite. Ni d'amour unique.
— Je ne comprends pas.
Mais elle ne dit rien de plus. Elle se contente de sourire et d'attraper mon assiette vide pour aller dans la cuisine. Je la connais suffisamment pour savoir que je n'obtiendrai rien d'elle.
Elle est bornée. Et je tiens ça d'elle, en général, bien que je m'estime bien en deçà de ce dont elle est capable.
Je lui dépose un baiser sur la joue en guise de bonne nuit et me dirige vers ma chambre. J'ai envie de m'affaler sur le lit, fatiguée de cette journée et de tout ce qu'elle a pu contenir, pourtant, je n'arrive pas à m'empêcher d'ouvrir une page internet sur mon téléphone. Je devrais le mettre en mode silencieux, ranger au fond d'un tiroir les devoirs de William, et éteindre la lumière autant que mon esprit pour les prochaines heures. Pourtant, mes doigts tapent son nom. Parce que je veux savoir. J'ai cette envie irrépressible de comprendre ce qu'on peut dire de lui.
Des centaines d'articles se proposent à moi, mais je les fais défiler sans leurs accorder d'importance. Je me retiens de lever les yeux au ciel en remarquant qu'il a même une page Wikipédia. Pourtant, je l'ouvre, et écarquille presque les yeux devant la liste des prix obtenus. Génie, oui. Certainement. Et quand je trouve plusieurs images de ses œuvres, même si je ne veux pas l'admettre, je comprends.
Quand bien même je suis loin d'être une experte en peinture, je pense que n'importe quel novice saurai le reconnaître. Le talent.
Elles sont belles. Elles sont puissantes. Elles sont chargées d'émotions que je ne parviens pas à définir mais qui me touchent. Au fond, peut-être n'est-il pas juste l'artiste, mais l'art en lui-même.
C'est un connard. Mais un connard très talentueux.
**
Un tintement me fait grimacer et si je le pouvais, je râlerai. Bien que je le fasse en interne. Je tente de l'ignorer, mais à peine quelques minutes plus tard, il est de nouveau là. J'attrape mon oreiller et me le colle sur l'oreille, en espérant pouvoir passer outre. Mais c'est la lumière de l'écran qui s'allume à chaque message reçu qui me dérange à présent. Bon sang, qui m'emmerde un samedi matin ? Ce n'est pas comme si j'avais énormément d'amis. Et j'ai suffisamment compris la personnalité de Lewis et Arwen pour saisir qu'ils sont loin de se lever aux aurores les week-ends. C'est aussi mon cas, en général.
Dans un grognement qui me surprend moi-même, je me saisi de l'appareil posé sur la table de chevet.
17 nouveaux messages. Ai-je déjà vu un tel score s'afficher ? L'espace d'un instant, je m'inquiète, avant de me souvenir que la seule personne qui pourrait me contacter en urgence se trouve dans la chambre de l'autre côté de la maison. Elle aurait hurlé, plutôt que de m'envoyer des SMS. Ce n'est pas comme si elle maîtrisait très bien l'outil, de toute façon. En général, elle lit les miens. A la rigueur, elle parvient à taper un « OK ». Mais c'est déjà beaucoup.
Le prénom de l'envoyeur me fait presque sursauter, avant que je ne reprenne mon calme. 17 messages de William. En espérant qu'il ne m'annonce pas être devant la maison pour des cours supplémentaires.
Un par un, je passe en revue les SMS qui s'étalent de 2h du matin à maintenant, 8h.
Le dernier, qui date d'il y a quelques minutes, me demande où j'en suis dans mes exercices. Sérieusement, il ne dort jamais ? Moi oui.
J'hésite à lui répondre que non, je n'ai pas passé la nuit sur ce qu'il m'a demandé, mais je me retiens, trop fatiguée pour tenter une quelconque mise en conflit. Les yeux encore endormis, je tape une réponse, qui sans les fautes de frappe dues à ma fatigue encore prégnante, ressemble à peu près à « Je dois aller acheter du matériel pour les réaliser, j'irai dans la matinée ». Sous-entendu, là, je dors. Et j'espère pouvoir gagner quelles heures de sommeil, mais j'ai bien l'impression qu'il n'est pas sur la même longueur d'onde quand la sonnerie s'enclenche à nouveau. Une adresse s'affiche sur mon écran, et je ne mets pas longtemps à saisir qu'il s'agit de la sienne.
Bon, si il est aussi impatient en réel qu'en digital, il semble que je doive me lever et me mettre en route sans trop tarder.
Je reste un instant pantoise devant les lieux. Cette maison fait sans mentir la taille de la mienne associée à toutes celles de ma rue. Elle est immense, à tel point que je me demande si il ne faut pas prendre un bus pour aller d'une pièce à l'autre. J'exagère peut-être, c'est vrai. Mais dans tous les cas, elle est démesurément grande, suffisamment pour une famille d'une bonne dizaine de personnes. Enfin, après tout, j'ignore tout de celui qui l'habite. Peut-être a-t-il une famille nombreuse. J'ai à peine frappé que la porte s'ouvre sur un visage bien trop joyeux en cette matinée. Je le reconnais comme celui qui m'a accosté dans les couloirs, Natt, si je me souviens bien. Et son entrain naturel me rappelle sans grande difficulté celui de Lewis. Ils feraient la paire, tous les deux.
— Kanako ! Nous n'attendions pas ta visite ! C'est William qui t'as invité ? En même temps, il ne nous dit jamais rien, cet associable. Mais ce n'est pas que tu déranges ! Au contraire, c'est super de te voir. Et puis tu vas pouvoir rencontrer Cha' ! Attends, je l'appelle, Charlotte ! Viens voir qui est là ! Et sinon comment tu vas, parce que la dernière fois...
Je m'y perds. Et je m'interroge sur sa capacité à parler sans jamais cesser un instant. Ne respire-t-il pas, de temps en temps ? En tout cas, mes oreilles commencent à surchauffer, et je suis presque heureuse quand une voix féminine l'interrompt et qu'une jeune femme magnifique apparaît à côté de lui. J'envie pendant un moment la confiance en elle qu'elle dégage sans n'avoir encore rien dit, autant que sa peau délicieusement hâlée.
— Pourquoi tu hurles comme ça Natt ?
Elle dépose son regard sur moi, surprise, tandis que son petit-ami – l'indication de Natt dans son monologue de la veille me revient en mémoire – lui explique qui je suis.
— Et tu comptes la laisser sur le pas de la porte ?
Elle lève les yeux au ciel avant de le pousser pour m'indiquer d'entrer, et m'entraîne vers l'intérieur en attrapant mon bras.
— Tu excuseras mon idiot de compagnon, il ne connaît pas les bonnes manières. Ça vaut pour ce qu'il t'a dit hier, aussi.
Je lui offre un sourire, pas vraiment blessée par ce qu'il a pu me dire. Interloquée, surprise, un brin amusée aussi. Il faut dire que ce n'est pas tous les jours qu'un inconnu vient vous voir pour s'excuser d'une phrase qu'il a pu dire sur vous sans que vous n'en ayez connaissance. J'aurais pu le prendre mal, dans un autre contexte. Mais vu l'énergumène, je ne m'en formalise pas.
— Je suppose que tu viens voir Will ? Il bosse, et crois moi, on ne le dérange pas quand c'est le cas. Il a un caractère de merde, tu as dû le remarquer. Tu veux boire un truc en attendant ?
Je ne retiens pas un sourire devant sa désinvolture et accepte, mais une silhouette nous intercepte, un sourcil froncé dans un signe de seconde chance.
— Qui a un caractère de merde ?
La jeune femme ne se démonte pas et lui accorde un sourire.
— Toi, tu le sais. Tu ne travaillais pas ?
— Avec l'autre idiot qui hurle à tout vas, ça ne risque pas.
— Je t'accorde ce point.
Ils échangent un sourire presque diabolique quand le concerné déboule derrière moi, consterné.
— Eh ! Je suis là, je vous entends hein !
La jeune femme se retourne vers lui pour le charrier, quand mon espèce de professeur particulier apparaît ronchon devant moi.
— On peut savoir pourquoi tu as mis autant de temps ?
Toujours de bonne humeur.
— J'ai dû attendre le bus.
Et me préparer, et me réveiller, déjeuner... mais je ne précise pas ces détails.. Je l'entends grogner, toujours râleur, mais il ne dit rien de plus. Il s'engage dans la pièce principale, sans un mot, et je glisse un regard sur la métisse à mes côtés. Elle m'offre un clin d'œil et un « bon courage », qui me font comprendre qu'effectivement, il s'attend à ce que je le suive.
Il faut croire que c'est trop dur de demander gentiment.
Un jour, quand il sera moins grognon, peut-être que je lui apprendrai comment dire « s'il-te-plaît ».
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Bon alors comme je vous disais, j'ai fini la réécriture de Lumen. J'ai aussi terminé mes études (sauf si mauvaise surprise et rattrapage mais bon, j'y crois pas trop). Donc maintenant, j'ai enfin du temps pour me pencher à fond sur mes histoires, même si je ne vais pas tarder à commencer le travail éditorial sur JS. Du coup, on reprend enfin un vrai rythme de publication ! Pour de vrai cette fois mdr x)
Alors à dimanche pour de bon cette fois !
Kiss :*
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