Chapitre 10

Désolée pour le retard ! Comme je disais sur mon mur, j'ai été malade et j'ai du en plus faire mon dernier dossier pour mes études. Mais enfin, année terminée ! Maintenant, plus qu'à me concentrer sur l'écriture : Mes deux romans en cours, la réécriture de Lumen, les corrections éditoriales de JS qui ne vont pas tarder... et le taf. Bon, ça fait beaucoup, mais déjà, sans les études, on respire ! 

Je me tais x) Bon chapitre !

PDV Kanako

Je reste bloquée un instant sur son dos avant de sortir de l'espèce de brouillard dans lequel je suis plongée depuis que le professeur m'a tout expliqué. Je ne suis pas très à l'aise à l'idée qu'il conditionne la réussite d'un autre élève à la mienne. En particulier quand il s'agit de cet étudiant là. Et je doute qu'il soit l'aise, lui aussi, même si je suppose que ce n'est pas le terme approprié. En colère, fatigué, dégoûté ? Je ne saurai le dire. Mais j'imagine très bien ce qu'il peut ressentir. Tout du moins, j'essaie. Si j'avais encore ma voix, et qu'on m'annonçait que mon diplôme ne repose que sur ma capacité à apprendre mon art à une autre, je ne serai pas plus détendue.

C'est injuste, de mon point de vue. Et pourtant, si je ne connais pas vraiment les professeurs de cette section pour l'instant, je n'ai pas l'impression que celui-ci soit du genre tyran. Alors je me contente de me rassurer et de me dire qu'il a ses raisons, et que même en cas d'échec, il n'ira pas jusqu'au bout. Me le pardonnerais-je, de détruire l'avenir d'un autre ? Non. Même si, d'après les rumeurs, ce n'est pas un bout de papier, aussi symbolique soit-il, qui pourrait détruire la carrière bien entamée du jeune homme qui file à toute vitesse à travers les couloirs.

Je voudrais pouvoir l'appeler et lui dire de s'arrêter, mais je ne peux rien faire d'autre que d'essayer de ne pas le perdre des yeux. Je serai bien incapable de retrouver la pièce dont notre professeur nous a affublé. Il marche vite bon sang ! Quelle idée d'avoir des jambes aussi grandes !

Je manque de trébucher en accélérant le pas. Je me vois mal me mettre à courir pour le rattraper, même si je suppose que la façon que j'ai d'avancer, à mi-chemin entre la course et la marche, n'est pas plus gracieuse. J'ai l'impression de faire un marathon, et je me retrouve à réfléchir sérieusement à lui balancer dans le dos la bouteille que j'ai dans la main. Je me retiens, consciente que la petite proportion de caractère que j'ai pu voir émaner de lui ne laisserai pas passer. Et je n'ai pas franchement envie que le sermon qui s'en suivrait pousse des centaines d'étudiants à passer leurs têtes à travers les portes des salles sur notre passage.

Je fini par trouver ce couloir interminable, quand enfin il s'arrête devant une porte et la déverrouille. Il se passe bien deux bonnes minutes avant que je n'y parvienne à mon tour, et le trouve en train d'installer une feuille vierge sur un pupitre.

Je prends un instant pour retrouver mon souffle, avant de sortir mon téléphone. Je lui plante devant les yeux quand il se tourne pour attraper divers crayons de bois.

Je ne peux pas rester. Mon dernier bus passe dans 20 minutes.

Il hausse un sourcil, et il n'a même pas besoin de répondre que je sais qu'il n'en a rien à faire. Pas moi : j'habite bien trop loin pour rentrer à pied, enfin pas si loin mais par l'autoroute ce qui laisse peu de possibilité de marche, et je n'ai pas l'intention de prendre un taxi. C'est trop cher, d'ici. J'aurai peut-être dû écouter Obaachan, quand elle souhaitait que je passe le permis l'année dernière, mais j'avais plus important à faire que de passer des heures à apprendre à conduire : je devais chanter. Le choix était vite fait.

J'habite trop loin, je n'ai pas le choix.

Il pose avec une certaine force qui montre son agacement, les crayons qu'il tenait en main. Je me retiens de lui faire remarquer qu'il a dû casser les mines.

— Je dois t'apprendre six années d'études en l'espace de 8 mois. Je ne perdrai pas une minute.

Il me tourne le dos pour attraper du matériel, et je me retrouve à hésiter. Insister ? Céder ?

C'est finalement la deuxième option qui prend le pas, quand je me souviens du poids qui repose sur ma réussite. Pourtant, je ne parierai pas sur mes chances.

— On m'a dit que tu as été accepté après qu'ils aient vu tes dessins. Tu les as ?

Est-ce qu'il se retient d'ajouter que celui qu'il a vu lui n'en valait pas le coup ? Peut-être, et il n'aurait pas tort. Je ne saisi pas trop moi-même comment en voyant ce que j'ai pu gribouiller des années auparavant, ils m'ont fait entrer ici. N'était-ce pas de la culpabilité, celle de virer une jeune fille à présent muette ? Je ne veux pas y penser.

Je n'ai pas les feuilles sur moi, en revanche, j'en possède quelques photographies au fin fond de mon téléphone. Je mets quelques minutes à les trouver, peut-être rallongées par l'anxiété créée par l'impatience de l'homme en face de moi. Qu'a dit Lewis, déjà ? Qu'ici on le craignait. A cause de son intransigeance, notamment. Ces prochains mois risquent de ne pas être une partie de plaisir. Lui qui ne supporte pas qu'on fasse régresser son art, et moi qui n'en maîtrise même pas les bases.

Je retrouve enfin ce que je cherche et le regarde les faire défiler pendant un instant. Il fronce les sourcils, à plusieurs reprises, grogne et marmonne. Malgré moi, j'attends son avis. Persuadée qu'il sera négatif mais pourtant impatiente, tout autant que gênée de le regarder analyser ce que j'ai pu réaliser. Personne n'a jamais vu ça. Volontairement, j'entends bien. Obaachan les a volé dans ma chambre pour les donner aux professeurs, ce qui ne me rentre pas dans cette catégorie. Quoi que, je ne suis pas plus volontaire à présent. Je me voyais seulement mal refuser. J'ai l'impression qu'il est de ces personnes avec une aura suffisamment puissante pour qu'on ne puisse lui refuser quoi que ce soit.

— Tu as un style cartoon, manga presque. Pourquoi ils ne t'ont pas envoyée en littérature graphique bon sang !

Il râle, mais je ne le prends pas pour moi. Il ne me trouve pas à ma place, et je ne risque pas de le contredire. Il soulève une question que je ne m'étais pas posée jusqu'à lors. Au regard de ces esquisses, la section qu'il me cite aurait effectivement parue plus adaptée. Et si je ne suis pas en colère comme lui, je partage son incompréhension. Mais je ne le lui communique pas. Je n'ai pas vraiment l'impression que c'est ce qu'il souhaite, de toute façon.

Il ne dit rien de plus sur mes dessins, me rendant l'appareil, et j'ai ce mince espoir, que je ne comprends pas vraiment, qu'il ne les trouve pas suffisamment mauvais pour les descendre. Ou bien notre première rencontre lui a suffit, allez savoir. Je ne me risquerai pas à demander. Loin de moi l'envie de me faire crier dessus une nouvelle fois. C'est une sensation assez peu agréable, de mon avis.

Sans rien dire, il me tend un crayon de bois et me laisse m'installer devant la feuille qu'il a disposée.

Je sursaute quand un flash m'aveugle un instant, et je n'ai pas le temps de lui demander ce qu'il fait qu'il pose son téléphone, et la photo de moi qu'il vient de prendre, à côté de ma feuille.

— Reproduis-toi.

Je ne cherche pas à poser de questions et m'attelle à cette tache qui me paraît encore plus compliquée que les cours de Monsieur Perret.

Sa main glisse sur mon poignet et il remet en place le crayon, appuyant sur mes doigts.

— Ne cherche pas à le tenir comme si tu allais faire un devoir écrit. Le dessin n'est pas une dissertation.

Pourtant, c'est bien ce à quoi cela s'apparente, pour moi. Un devoir. Une note. Pas une passion. Pas une vocation. Tout son contraire.

— Et tiens-toi droite bon sang, tu vas finir par avoir une bosse dans le dos à quarante ans.

Je me retiens de lui « dire » qu'il parle comme ma grand-mère, pas suffisamment à l'aise avec lui pour tenter ce genre de répliques. Il n'a pas encore crié depuis qu'on est arrivé ici, et nous allons devoir passer l'année ensemble. Autant faire en sorte que le premier cours se passe bien.

Je suis déstabilisée de le sentir observer le moindre de mes faits et gestes dans mon dos, pourtant, c'est pour ça qu'il est là. Mais cette attention constante me déstabilise, et j'en rate mon trait. Si tant et qu'on puisse dire qu'il était réussi jusque là.

— Tu appuies trop sur la mine. Laisse la courir sur la feuille sans la brider.

Je ne comprends pas vraiment le sens de ses mots, et il attrape ma main pour me montrer ce qu'il sous-entend. Je tente de ne pas me concentrer sur le fait que son visage s'est avancé vers le mien pour qu'il soit à ma hauteur. Je garde le regard fermement fixé sur la feuille, et essaie de saisir les sensations que dégagent la mine sur le papier.

— Tu vois ? Il doit glisser. Lorsque tu forces, ton mouvement ne peut pas être naturel, et donc, tu en viens à faire des erreurs.

Ainsi, il me paraîtrait presque pédagogue. Je n'ose pas lever un sourcil pour l'observer, mais je l'imagine concentré sur mes gestes, la mine un peu tirée. C'est légèrement étrange, de visualiser avec précision les mimiques d'une personne que je ne connais pas. Pourtant, les yeux fixés sur ma feuille, je vois avec précision ce à quoi il doit ressembler.

— Insiste sur les ombres.

Une indication, et une autre. Et petit à petit, le dessin prend forme, sans que je ne sois convaincue qu'il ressemble à quoi que ce soit, lorsqu'il sera terminé.

**

Je parcours des yeux le parking vide à la recherche désespérée d'une solution de replie. Vingt et une heures passée, plus aucun bus. Évidemment, pas de taxis dans les parages, et vu la distance, je ne risque pas de rentrer à pied, à moins de vouloir tenter de marcher sur l'autoroute. Je ne suis pas encore suicidaire.

Il va me falloir contacter une entreprise de taxis, et attendre patiemment jusqu'à l'arrivée du chauffeur. Un coût non négligeable que je n'avais pas pu anticiper.

— Tu comptes rester plantée là ?

Je relève la tête et aperçois William un peu plus loin, la tête dépassant au dessus de sa voiture. Lorsqu'il capte que je l'ai en visuel, il ne dit qu'un mot avant de disparaître dans l'habitacle et de refermer sa portière.

— Monte.

N'attendant une nouvelle fois pas de réponse de ma part, il allume le moteur et se contente de patienter, alors que je fais face à un dilemme intérieur. Que je règle bien vite, au regard de mon compte en banque et de mon envie inexistante de passer la prochaine demi-heure seule devant une école vide.

Je m'installe à l'intérieur de la berline sans rien dire, ce qui paraît plutôt logique, tandis que William me tend son téléphone ouvert sur la page du GPS. Je rentre sans tarder l'adresse et il récupère l'objet tandis qu'il pose sur mes genoux un tas de feuilles. Je glisse un regard sur lui sans trop savoir comment réagir. Me prend t-il pour une table ?

Devant mon expression que j'imagine interloquée, il me répond en prenant la route.

— Tes devoirs.

Je lève un sourcil avant de passer en revue le tas de documents, qui détaille divers exercices de dessin et de peinture.

— A faire de façon assidue.

Il se prend vraiment pour un prof, ma parole. Et vu l'enjeu pour lui, je ne peux que le comprendre, mais je ne m'attendais pas à une telle somme de travail.

— Ça devrait te faire le week-end.

Effectivement, si j'y passe tout mon temps. Et ne jette pas un seul coup d'œil aux autres matières qui composent pourtant mon cursus scolaire.

Je glisse mon regard vers les lumières des lampadaires qui défilent à toute vitesse dans le noir. Le silence est reposant, pourtant, j'ai cette envie de le briser. Parce que j'ai une question en tête que je n'ose pas poser. Et la philosophie ? Qu'en advient-il ? Si il a prévu de me donner des centaines de pages d'exercices chaque semaine, je doute qu'il ne reste du temps pour autre chose. Et pourtant. Il faudra bien. De temps en temps, je glisse un regard vers lui sans oser toutefois engager la conversation. Je tente de me trouver des excuses : après tout, lui montrer mon téléphone pendant qu'il conduit ne serait pas sécuritaire. Mais une petite voix dans ma tête me souffle qu'il existe une fonction lecture intégrée.

Je suis en compétition avec mon esprit sur qui aura les meilleurs arguments quand il me fait sursauter, tout en s'arrêtant à un feu rouge. Je remarque que nous ne sommes plus très loin, signe que mes tergiversions m'auront tout de même tenue un moment.

— Quoi ? Tu sais, c'est agaçant de te voir te retenir comme ça. On n'a pas franchement le temps. Alors exprime-toi, je ne te jetterai pas en dehors de la voiture même si ça me déplaît.

La première fois que je t'ai vu, tu m'as hurlé dessus. Excuse-moi de ne pas tout oser.

Pendant une seconde, il paraît surpris que je réponde, avant qu'il ne redémarre. Je n'ai jamais été très effacée. Lorsque je souhaite répondre, je le fais. Même si ma condition a atténué ce trait de caractère. Il m'a coupé le clapet la première fois qu'on s'est rencontré. Ça ne signifie pas que je n'ai aucun répondant.

— Tu peux le dire. Je sais qu'on me décrit comme un connard sans cœur, un tyran. Et pourtant, c'est encore en deçà de la réalité, crois-moi.

Il fait naître une pointe d'amusement en moi, en voyant son détachement face à tout ça. Les on dit à son égard n'ont visiblement aucune traître d'importance pour lui. D'une certaine manière, j'aime ce trait de caractère.

Ça ferait une bonne phrase d'accroche, pour ta présentation en philo.

Et son froncement de sourcils me laisse comprendre que nous n'allons pas être sur la même longueur d'onde pour le reste de cette conversation.  

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Est-ce qu'on a hâte des premiers rapprochements ? Ca arrive doucement... Vous me connaissez, avec cette saga, je fais des couples qui prennent leur temps. Frustrant pour vous qui lisez un chapitre par semaine, mais tellement bon à chaque fois qu'ils se rapprochent, non ?  x)

A dimanche pour le prochain ! Pour de vrai cette fois x)

Kiss :*

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