- Tu as froid ? s'inquiéta-il en détaillant la tenue légère de la jeune fille.

Elle secoua la tête, formulant intérieurement ce qu'elle venait de comprendre, et qui expliquait tout.

Non, je n'ai pas froid.

Je suis amoureuse.

Tout s'emmêlait dans sa tête, et elle n'arrivait pas à faire le tri parmi la myriade de sentiments qui l'envahissait. Natsu, peu convaincu de la réponse évasive de la blonde, ôta son manteau et le passa autour des épaules de Lucy. Sentant une douce chaleur se répandre en elle, elle acquiesça silencieusement en guise de gratitude.

- Tu viens ? Ce n'est plus très loin, déclara-il.

Lucy n'avait jamais remarqué à quel point sa voix était suave et douce. Ce n'était pas étonnant qu'il chante ; il avait le physique et les capacités pour.

Ils parcoururent encore quelques mètres puis Natsu stoppa devant une vitrine peu engageante de ce qui semblait être un typique restaurant japonais. Devant la tête que faisait Lucy, il la rassura :

- Oui, ça ne paie pas de mine comme ça mais c'est excellent, je t'assure. Le cuisiner fait de ces gyosas !

Il adressa un grand sourire à la blonde qui sentit son cœur fondre comme neige au soleil. Elle comprenait à peine les différentes sensations qui remuaient ses entrailles, mais se référait à ce qu'elle avait ressentit lorsqu'elle L'avait rencontré. Lui, alors qu'elle n'était qu'une gamine encore...Enfin, c'était du passé... Aucun doute. Les papillons dans le ventre, les joues qui rougissent, le cœur qui bat la chamade à en briser la cage thoracique. C'était bien ce sentiment dévastateur qui coulait dans ses veines, envahissait sa chair et accélérait ses pensées, sa respiration et ses réflexions.

- Tu viens ? s'enquit Natsu.

Lucy se rendit compte qu'elle s'était arrêté net sur le trottoir, perdue dans son esprit qui tournait à mille à l'heure. Elle se reprit bien vite et s'engouffra à la suite du chanteur dans le restaurant nippon. Aussitôt, une odeur de poisson les enveloppa, mais elle n'était pas désagréable : elle était mêlée à celle d'épices, d'herbes, de légumes et de pâtes. Lucy inspira à plein poumons pour tenter de calmer les battements de son cœur. Le restaurant était joliment agencé, s'accordant aux principes du feng-shui. Les tables avaient été repoussées sur les côtés, dégageant un grand espace au milieu couvert de moquette verte évoquant un parterre d'herbe, et sur les murs étaient accrochés des tableaux représentant des piles de galets et de feuilles. Au centre, on pouvait voir le cuisinier à l'œuvre : en ce moment, il faisait flamber quelque chose dans une poêle, et l'odeur qui s'en échappait alléchait les deux jeunes adolescents. Ils s'avancèrent, et presque aussitôt un serveur asiatique souriant apparut devant eux.

- Bonjour, bienvenue au Sakana Bâ ! Désirerez-vous sur place ou à emporter ?

Lucy et Natsu se consultèrent du regard, puis le chanteur répondit :

- Sur place.

Le serveur hocha la tête et les pria de choisir une place. Ils décidèrent de manger sur les sièges à côté du comptoir. Ils s'y assirent et prirent le menu en main pour choisir leur repas.

- Je vais prendre des okonomyaki, déclara Lucy après une brève hésitation.

Natsu choisit les fameux gyosas du chef et ils passèrent commande. La place qu'ils avaient sélectionné avec soin se trouvait pile en face des cuisiniers et ils purent les regarder en direct préparer les okonomyaki de la blonde. C'était un genre de crêpe à base de choux principalement, avec des ingrédients variés (fruits de mer, légumes etc...) et recouverte de sauce mayo et sauce okonomi. Lucy les avait choisis fourrés au fromage.

C'était amusant de voir toutes ces spécialités japonaises virevolter entre les mains de ces experts en cuisine asiatique. Quand Lucy fit part de cette réflexion à Natsu, il sourit et expliqua qu'il venait souvent ici.

- Je ne savais pas que tu aimais la cuisine japonaise, s'étonna-elle.

- Ce que j'adore, c'est la cuisine mexicaine, saliva-il.

Lucy rigola.

- Oui, je me souviens du jour où tu as confondu les piments et les tomates.

- Bah, je peux pas être doué en tout, bouda-il.

- C'est sûr, rit la jolie blonde.

Elle laissa ses yeux dériver sur le visage de Natsu. Il souriait largement. Elle s'apprêtait à dire quelque chose lorsqu'il la devança :

- Tu sais ce que c'est, du fugu ?

- Jamais entendu parler, assura Lucy.

- C'est un poisson toxique qui se mange, mais il doit être parfaitement préparé ou alors tu meurs intoxiqué.

Elle haussa les sourcils.

- Des gens ont eu l'idée de manger un poisson toxique ?

-Visiblement, se moqua Natsu devant l'air choqué de la jeune fille.

Elle rougit et détourna la tête.

- Rooh, ça va je savais pas ! Au fait, Lila reste au stade ?

- Oui, elle sera avec Sting, Gajil et Wendy. Je pense qu'une soirée avec eux ne va pas la déranger outre mesure ?

- Non, sourit Lucy.

Pas plus qu'une soirée avec toi ne me dérange...

Elle chassa ses pensées et s'intéressa au plat que le cuisinier venait de déposer devant elle.

- Miam ! s'écria-elle un peu trop vivement.

La chaleur qui lui était désormais familière envahit ses joues et elle se promit de ne plus rien dire avant d'avoir tourné sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Puis, peu après Natsu reçu son plat et ils terminèrent de manger tout en discutant de tout et de rien. Quand ils eurent fini, elle s'apprêtait à payer mais le chanteur la devança et tendit un billet au serveur en souriant.

- J'aurais pu payer ma part, protesta Lucy alors qu'ils se levaient.

-Bah non, quand on invite une fille au restaurant, on lui paye sa place ! s'exclama-il, son sourire toujours plaqué sur sa figure.

- Grmrmfmgmgf, marmonna Lucy en croisant les bras sur sa poitrine.

Dehors, elle fut prise d'un frisson. Le temps s'était rafraîchi. Natsu le remarqua et passa à nouveau son manteau à la jeune fille. Elle commença par décliner son offre mais sentant la morsure du froid entamer sa peau grelottante, elle accepta. Ils marchèrent sous l'impulsion de Natsu qui assurait connaître un beau coin tout près d'ici. En effet, après une dizaine de minutes dans les rues éclairées, ils se trouvèrent devant un escalier qui les mena à une superbe place illuminée où flânaient encore pas mal de passants. D'un pas assuré, le jeune homme guida Lucy dans le dédale des touristes et l'accompagna à l'autre bout. Il s'y trouvait de longues haies de lauriers. Sceptique lorsque Natsu la conduit à travers des buissons, elle y découvrit avec surprise un petit coin ménagé dans la végétation touffue. Sitôt qu'ils étaient entrés à travers les épais feuillages, le bruit ambiant s'était évanoui et on n'entendait plus que la faible clameur des voitures trente mètres plus bas.

- Waouh, fit Lucy, émerveillée.

Malgré les lumières de la ville, encore bien présentes à cette heure tardive, on distinguait les étoiles. Les yeux de la jeune fille brillaient.

- J'ai toujours adoré les étoiles, confessa-elle dans un souffle.

Natsu se rapprocha d'elle et s'accouda à la barrière. Son silence incita Lucy à continuer.

- Même quand il fait noir, elles trouvent toujours le courage de briller. Il suffit qu'une s'allume pour que toutes les autres suivent. Je trouve que c'est magnifique, et ça te rappelle que quand tout paraît sombre, que tout semble perdu, il faut se forcer à persévérer et alors tu découvriras d'autres éclats autour de toi qui te soutiendront et t'encourageront à ne pas abandonner.

Elle rejoignit Natsu, les coudes sur la barrière, et posa sa tête sur ses bras. Le chanteur la regardait, une lueur indéfinissable dans les yeux.

- C'est beau ce que tu dit, finit-il par avouer.

Lucy leva les yeux sur le ciel.

- Maman adorait les étoiles, confessa-elle dans un murmure presque inaudible, si bien que Natsu dû s'approcher encore plus pour l'entendre. Elle collectionnait les constellations du zodiaque lumineuses et quand j'étais petite, elle les mettait dans ma chambre parce que j'avais peur du noir...

Sa voix se brisa légèrement.

- Elle me les a légué, et elles sont toujours au-dessus de mon lit. Les seules qui me manquent sont les poissons et la balance...

Elle inspira et expira pour évacuer la boule qui s'était formée dans sa gorge. Natsu avait noté l'utilisation de l'imparfait et ne posa pas de questions. Alors que Lucy se redressait pour essuyer les perles qui naissaient dans ses yeux, il l'enlaça et la serra dans ses bras. La tête enfouie dans les cheveux roses du jeune homme, Lucy sentit son cœur accélérer et les larmes rouler sur ses joues. Le corps de Natsu était agréablement chaud et il sentait bon. Elle inspira et expira encore une fois. Les cheveux du jeune homme étaient doux au toucher et, presque inconsciemment, elle passa sa main autour du cou de Natsu pour les caresser.

- N... Natsu...

- Chut, c'est bon, ça va Lucy.

Elle resserra son étreinte et ferma les yeux doucement, le silence de la nuit percé par ses battements de cœur qui s'apaisaient lentement.