Chapitre 4 : Le dilemme de la tarte aux pommes
Ce soir-là, j'étais rentré un peu plus tôt que d'habitude. Il fallait que je raconte ça à m'man ! Qu'une vastaya venait de débouler à Ionia !
Mais quelle surprise de découvrir la maison vide ! Pris de panique, j'étais allé faire le tour du paté de maison, et plus je tournais en rond, plus l'inquiétude et l'énervement montaient en moi. Ma mère, c'était tout ce qu'il me restait. L'argent, l'arène, c'était bien beau, mais ça ne faisait pas mon monde.
C'est à ce moment que je la vis à terre, alors que quelqu'un semblait la menacer devant elle. Je voyais parfaitement dans l'obscurité, j'étais à moitié félin. Malgré ça, je n'avais pas pu deviner que tout cela n'était qu'un malentendu.
Enfin, on s'était vite expliqué, et comme je l'avais pensé, cette vastaya était loin d'être mauvaise. Elle avait sauvé ma mère, et ça c'était pas rien. Elle venait de gagner mon respect, et ma reconnaissance.
Mais j'étais pas non plus obligé de lui dire tout de suite, non plus.
J'allais lui épargner une quelconque remarque sur ses rougeurs suite à la manifestation de son estomac, c'était déjà sympa de ma part !
Une fois à la maison, ma mère l'avait accueilli comme une amie de toujours. Et la violette sembla assez en confiance pour enlever sa capuche, et un peu plus se révéler. Ma mère était restée là à la regarder. Je la comprenais, ça m'avait fait le même effet. Mais pour elle, qui n'avait plus revu de vastaya depuis des années, je lisais le soulagement, et la nostalgie dans ses yeux.
On avait pas hérité de la plus moche en plus, il fallait bien l'admettre.
Je savais que la tribu n'avait pas été tendre avec nous quand je suis né, mais j'étais persuadé qu'elle était différente. Pourquoi ? Je ne le savais pas vraiment. Peut-être qu'elle avait deviné pour mon sang mêlé... et qu'elle n'avait rien dit ? Après tout les vastayas ont plus que de simples oreilles d'animaux d'habitude. En tout cas, je n'avais aucune envie d'en parler maintenant.
Mon instinct fonctionnait plutôt bien. Et puis l'absence de méfiance de la part de ma mère confirmait ma pensée.
Mais notre invitée ne semblait pas totalement à l'aise. Elle semblait gênée... Mais pourquoi donc ? Ou alors c'était juste de la timidité ? Notre guerrière ailée, timide ? Nah, j'y croyais pas trop. En tout cas, elle avait beaucoup moins de répondant devant ma mère que devant moi ! Si un jour on m'avait dit que je serai moins intimidant que maman...
- Allez assis-toi ! Settrigh, apporte-lui un verre d'eau !
- T'inquiète maman, je sais encore ce que c'est d'être accueillant ! souriais-je en l'ayant devancé et je tendis le verre à la vastaya.
- Euh, merci, répondit-elle en le prenant.
Elle semblait observer les lieux, pourtant ce n'était qu'une bicoque ordinaire. Je me demandais toujours pourquoi ma mère ne la quittait pas avec tout l'argent que je lui ramenais d'ailleurs.
Le nombre de trucs que j'avais réparé là-dedans... du toit qui fuit au parquet qui craque, en passant par les lattes des lits qui se cassaient... Le pire, ça devait être l'isolation toute pourrie... ah lala, le boss bricoleur, ahah. Je me faisais rire tout seul, parfait.
Mais ma mère, qui semblait avoir une tonne de questions à lui poser, se ravisa pour prendre le fameux sachet en papier qui avait fait de l'œil à la vastaya en face d'elle. D'ailleurs, elle avait tout de suite reposé ses yeux dessus, c'était amusant à voir. Ses oreilles avaient aussi bougé.
Mais alors qu'elle guettait la sortie de son contenu, elle eut une mine déçue en voyant la tarte aux pommes. Elle sentait bon et n'avait pas été trop démolie dans l'altercation, pourquoi elle faisait cette tronche ? Elle avait même tourné la tête sur le côté !
- Puisque je vous dis... que je n'ai pas faim.
- Ton ventre gargouillait il n'y même pas 20 minutes ! Accepte-la, c'est pour te remercier de m'avoir sauvé !
- Non vraiment, c'est pas la peine...
- J'insiste !
- Je ne veux pas de votre nourriture d'humains ! explosa soudainement la vastaya en se levant d'un coup.
Un silence s'était tout à coup installé, alors qu'elle semblait vouloir s'enfuir à tout moment. Moi qui jusque-là observais les deux femmes les bras croisés, en retrait, j'avais arqué un sourcil. Ma mère avait beau argumenter, elle ne voulait rien savoir. J'avais compris qu'elle aimait pas trop les humains, mais à ce point... ?
Ne pouvant pas rester plus passif devant la scène, j'avais pris la tarte des mains de ma mère pour la mettre sous le nez de notre amie à plumes.
- Si tu n'en veux pas, je me propose avec plaisir !
- Fais ce que tu veux...
Elle avait faim, et elle la voulait, ça crevait les yeux. Sa fierté de vastaya était donc si forte que ça pour refuser quelque chose d'aussi banal ?
- T'en meurs d'envie, mange-la !
- Puisque je te dis que je n'en veux pas !
- Bon sang, t'avais pas fait autant de manières quand t'as dévoré tous mes biscuits !
- Espèce de... !
Elle semblait encore une fois gênée par ma réplique. J'étais en train d'hésiter à être sympa ou balancer unevanne, quand maman me tira l'oreille pour tirer ma tête vers elle, une vingtaine de centimètres plus bas.
- Aïe, aïe, aïe, maman !
- Qu'est ce que c'est que cette histoire Settrigh ? Tu me fais des cachoteries ? Et je ne t'ai pas autorisé à embêter notre invitée !
- J'étais aussi venu pour te parler d'elle m'man ! On s'est croisé ya pas longtemps !
- Oui, c'est vrai, juste après un comb—
- Elle a défendu un chat qui passait par là ! Il se faisait embêter par des gosses !
Je la vis faire les yeux ronds. Et ma mère fit une mine dubitative. Elle lâcha ma pauvre oreille endolorie et reprit la tarte, revenant vers la violette.
- Ecoute... c'est une très bonne amie à moi qui a fait cette tarte, et je te serai reconnaissante de l'accepter. Tu sais, les humains, je ne les apprécie pas plus que toi. Mais crois-moi, il y en a des bons, et des mauvais, comme dans chaque race...
- Facile à dire quand on n'essaye ni de vous manger, ni de vous déplumer, ni de vous asservir.
Je n'aimais pas le ton qu'elle prenait, mais j'étais un peu étonné de prendre la vérité en pleine face. Je crois que je n'avais jamais voulu le reconnaître... mais les vastayas comme elle, qui sont bien plus voyants que moi ou maman, attiraient la convoitise des Hommes... Mes poings se serrèrent, la moitié de mon sang me dégoûtait déjà... mais ça m'avait donné envie de briser des nuques. Je veux dire, plus que d'habitude.
- Oui, tu as peut-être raison. Les humains ne sont que des bons à rien, intervins-je en reprenant une seconde fois la pâtisserie pour la lui tendre.
- Settrigh...
- Mais là, c'est ma mère et moi qui te l'offrons. Nous, des vastayas qui te comprenons. Accepte-la en gage de notre amitié naissante, ça te va, comme ça ?
Elle soupira, détournant le regard et sembla réfléchir quelques instants. J'ignorai ce qui se passait dans sa tête... mais elle paraissait en proie à un dilemme intérieur que je ne pouvais sûrement pas comprendre. Pas encore du moins.
J'ignorai aussi pas mal de choses à propos de notre race. Ses coutumes, ses principes... Maman n'avait pas voulu me bourrer le crâne étant petit pour que je ne sois pas si différent des autres. Mais maintenant, je n'avais qu'une seule envie : tout savoir de mes origines. Et je savais qu'il n'y avait qu'elle qui pourrait m'apporter les réponses à mes questions. Déjà parce que je voulais épargner de mauvais souvenirs à maman, mais aussi car elle devait ignorer tout ce qu'il s'était passé après son départ, il y a des années...
Plongé dans mes pensées, ce n'est que lorsqu'elle tendit la main pour prendre, enfin, l'objet de ses convoitises que je relevais la tête vers elle.
- Je suis Xayah, la rebelle vastaya ayant restaurer la magie libre. Je ne pardonnerai jamais aux humains ce qu'ils ont fait à notre tribu et à nos terres. C'est pourquoi je me refusais de profiter de leur confort et de leur nourriture. Mais... après tout le mal que je me suis donné pour sauver cette tarte aux pommes, j'ai bien le droit de la manger après tout !
Oh, un sourire. Elle avait fait un minuscule sourire en coin ! Et attendez... elle avait dit son prénom ! On s'était regardé avec maman... avant de sourire à notre tour.
Ce qu'elle venait de dire n'avait fait qu'attiser ma curiosité. En plus des questions qui me taraudaient depuis que je l'avais rencontré, de nouvelles étaient venues s'incruster. Pourquoi se battait-elle dans mes arènes ? Pourquoi être revenue seulement maintenant ? Pourquoi nous n'avions pas entendu parler d'elle plus tôt ? Et tout un tas d'autres...
Mais pour l'heure, je m'étais assis sur le canapé, satisfait de la situation.
- Toi, tu peux m'appeler Sett.
- Pourquoi, tu voulais que je t'appelle comment ?
- Ben d'habitude c'est plutôt... bah, laisse tomber ! répondis-je en riant.
Elle ne pouvait pas encore comprendre, et je ne pouvais pas lui dire qui j'étais devant ma mère. Pour l'instant, je préférai profiter de ce genre de moment...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top