Chapitre 24 : Le cœur plus fort que la raison
J'étais sorti de chez ma mère comme un fou. Je n'avais qu'une idée en tête. La retrouver. Tout lui dire me brûlait les lèvres, mais je savais que c'était pas une bonne idée.
C'était clairement pas le moment. Tant que mes sentiments seront une gêne, je me retiendrai. Mais ça m'empêchait pas d'essayer.
Je savais aussi que crier son nom comme un taré dans la ville ne servirait à rien, en pleine nuit en plus...
J'étais alors parti arpenter toutes les rues, le moindre recoin. Mais tout était désert, mis à part quelques ivrognes que je remarquais à peine. Je crois que c'était la première fois que je remerciais le ciel d'être né avec mes yeux félins.
La fouille de la ville allait plus vite, mais pas assez à mon goût. J'ignorais combien de temps s'était écoulé, mais j'avais l'impression d'avoir été séparé d'elle une éternité.
- Bordel, Xayah, où est-ce que t'es partie te planquer... ?
Puis je me souvins à quel point elle avait eu l'air apaisé à mon terrain d'entraînement ! Evidemment, au plus près de la forêt, c'est là qu'elle se sentirait le mieux !
J'y avais donc foncé, mais alors que tous mes espoirs se reposaient sur cette hypothèse, je n'y avais trouvé qu'un silence étourdissant.
La colère commençait à naître en moi. J'étais donc si incapable que ça ?! Me fuyait-elle ?! Je ne voulais pas penser à cette éventualité. Je le refusais. Et alors que mon poing allait s'abattre sur un pauvre arbre innocent, je m'étais stoppé. Si je frappais, j'allais le tuer. Et Xayah me sermonnerait violemment si ça arrivait.
Je déviais donc mon attaque pour jeter mon dévolu sur un mannequin en paille. Me retournant pour quitter l'endroit, le simple souffle de mon coup avait suffi à balayer ma cible.
Cet arbre que j'avais épargné... En y regardant de plus près, je remarquais des entailles qui n'étaient pas là avant notre départ. Même si c'était un endroit reculé, quelqu'un aurait pu venir s'y entraîner. Après tout, c'était pas clôturé... mais j'en étais persuadé. C'était elle. C'était les traces de ses plumes.
Peut-être qu'elle ne voulait pas me voir. Dépité, j'avais dû me résoudre à rentrer. Si elle avait besoin de moi, elle saurait où me trouver. J'espérai juste qu'elle le ferait.
Franchement... Je n'avais vraiment aucune envie de faire face à mes larbins, ni à Sekiko qui irait me prendre la tête sur mon départ soudain. Mais j'avais pas vraiment le choix.
Heureusement, j'avais pu prétexter la fatigue du voyage pour qu'on me foute la paix. Même la casse-couille m'avait encouragé à aller me reposer. Tss. Evidemment, lorsque j'avais demandé si quelqu'un avait croisé Xayah, elle fut la première à soutenir que non.
Mais alors que j'allais poser ma main sur la poignée, j'entendis du bruit à l'intérieur. Je ne pouvais pas me tromper, le palier était désert.
Qui avait osé entrer dans ma chambre ?!
J'ouvris alors, excédé, laissant éclater ma frustration.
- Faut surtout pas se gêner !
Mais tout sentiment négatif quitta mon être lorsque je la vis, là, toute confuse.
- Excuse-moi, je pensais que je pouvais—
Mais je l'avais coupé dans sa phrase, attrapant son poignet pour la plaquer contre moi. Humant l'odeur de ses cheveux, je fermais les yeux en sentant la douceur de ses oreilles chatouiller ma joue... Le feu qui brûlait de la revoir, de l'enlacer, de la toucher, s'était enfin apaisé.
- Sett... Sett. Sett, tu me fais mal.
Ses mots me rendirent compte que je la serrai effectivement un peu fort. Je l'avais lâché, mais en gardant mes mains sur ses épaules. Elle avait le regard inquiet de mon étrange comportement, attendant, sans forcer, une quelconque explication.
- Désolé. J'ai cru à un intru dans ma chambre. Personne ne t'a vu entrer !
- Oui, j'ai voulu rester discrète...
Je remarquais la fenêtre ouverte. Ça ne m'étonnait même pas qu'elle réussisse à l'ouvrir.
- J'ai cru... que je te reverrai pas.
- Qu'est-ce que tu racontes ? déclara-t-elle, contrariée.
- C'est pas de ta faute, c'est moi qui déconne. Je pensais devoir te laisser un peu seule... Je pensais vraiment y arriver. Mais j'ai pas pu. Tu dois me trouver stupide, soupirais-je, sur le point de reculer.
- Tu... n'es pas stupide. Tu as cru bien faire. Je croyais aussi que c'était mieux, pour tout te dire. Pourtant, je ne peux pas m'empêcher d'être soulagée de te voir.
Mon cœur loupa un battement à cette déclaration, alors que Xayah émit un léger rire gêné. Mais moi, je souriais comme un con. J'avais passé une main dans mes cheveux, tentant de reprendre contenance. Je pouvais pas lui sauter dessus comme ça, dès que j'étais nerveux. Il fallait aussi que je la laisse respirer.
Mais en regardant par-dessus son épaule, je vis des plis sur la couverture du lit, devinant qu'elle s'y était assise. Et en face, la chaise avec mon manteau soigneusement mis en place.
Si elle était venue là... c'était bien la preuve de ses mots. Et l'envie de la taquiner me brûlait les lèvres.
- J'ai eu le temps de réfléchir avant de revenir.
Mon sourire se volatilisa. Mon air apaisé aussi. Son ton ne présageait rien de bon, et mes sourcils se froncèrent malgré moi.
- Je t'écoute.
C'est vrai que tout ce qui s'était passé ce jour-là était clairement passé au second plan face au chagrin de Xayah. Elle me devait quelques explications, sur cette drôle de transformation à elle et à Rakan. Mais je ne voulais surtout pas la brusquer.
- Pour l'instant, tu as mis Zoé hors d'état de nuire... mais elle est bien capable de revenir encore à la charge. Et j'ignore quel perfide stratagème elle trouvera cette fois-ci. Tu sais, j'ai failli... j'ai vraiment failli passer dans l'autre camp.
Elle détourna la tête, serrant ses poings qui me semblèrent tremblants sur le moment. J'avais peur de ce qu'elle allait m'annoncer.
- Si j'avais laissé la noirceur me contrôler... je n'ose même pas imaginer ce que j'aurai pu faire. Ce que j'aurai pu te faire. Sett... je veux que tu me promettes une chose.
En temps normal, j'aurai déclaré, sans hésiter, que ça pouvait être n'importe quoi. Mais je savais que cette fois-ci, ça ne serait pas possible.
- Si jamais je laisse les ténèbres m'envahirent, si je ne me contrôle plus et que je ne suis plus moi-même... je veux que tu m'arrêtes. Même si pour ça, tu dois me tuer.
- T'as vraiment osé me demander un truc pareil...
J'étais clairement en colère. Les quelques prises de tête que nous avions derrière nous n'étaient rien face à la rage qui bouillonnait en moi à ce moment. Mes rétines félines brillaient d'un éclat qu'elle n'avait jamais vu, mes crocs devinrent plus saillants, et mes ongles s'allongèrent légèrement.
- Sett, écoute-moi ! Si je rejoins Zoé, ce n'est pas seulement Ionia qui sera en danger, mais toute la galaxie !
- Tu t'entends parler ?! Je croyais que t'en avais plus rien à foutre de ça ! C'est la mission que t'avais avec tes potes qui t'ont trahi non ?! Pourquoi tout à coup, ça t'importe, hein ?!
J'étais tellement énervé, j'avais carrément inconsciemment avancé vers elle, jusqu'à la coincer contre un mur en plaquant une main à côté de sa tête. Mes ongles s'enfoncèrent dans le bois. Je voulais qu'elle comprenne... mais pouvait-elle seulement ?
- Tu te souviens, le soir où nous avons tous les deux fait un cauchemar à cause d'elle ? Je ne t'ai jamais dit ce que j'avais vu. Alors je vais te le dire. C'était toi. Tu me haïssais, disant que jamais je ne pourrai remplacer Rakan. Et tu m'as attaqué, j'ai ressenti le tranchant de tes plumes, la puissance de ta magie. Mais ce n'était pas ça le plus douloureux...
Xayah qui jusque-là, était restée de marbre face à ma colère, eut l'air atterrée, et coupable.
- Jamais je ne te dirai une chose pareille...
Mais je ne la laissais pas continuer. Je ne voulais pas de son réconfort !
- Et contre Swain ! Alors qu'il t'obligeait à m'attaquer, j'ai encaissé. J'ai résisté, car je savais que tu pourrais surmonter ça. Ni en rêve, ni dans la réalité, je ne peux t'attaquer. Alors comment voudrais-tu que je te tue ?! Si tu sombres, je sombrerai avec toi. La galaxie peut bien finir en poussière, ce sera toujours mieux que de vivre sans toi... finis-je par avouer, la tête basse.
Vivre sans elle, comment elle pouvait penser un truc pareil ? Ma dernière phrase pouvait certainement porter à confusion... mais ce n'était pas le cas. Puisqu'elle reflétait réellement mes sentiments. Tant pis, si elle m'avait grillé. C'était peut-être bien la première fois qu'elle me voyait dans un tel état. Je souffrais. Je souffrais d'imaginer un pareil futur.
Mes doigts se crispèrent sur le bois, alors que je sentis ses doigts se poser sur mon poignet.
- Alors... j'aurai besoin de toi. J'aurai besoin de toi pour arrêter Zoé. Et trouver un moyen de me libérer de ses ténèbres.
J'avais légèrement reculé, surpris par son soudain changement de discours.
- C'est vrai... que me tuer n'arrangerait peut-être pas le fond du problème. Je suis sûre qu'elle serait capable de trouver autre chose... Excuse-moi, j'ai raconté n'importe quoi.
Elle posa une main sur ma joue, et son regard tendre me fit louper encore un battement, suspendant le temps par la même occasion. Je crois même que... elle avait réussi à me faire prendre quelques rougeurs.
Je m'étais alors repris, mais je n'avais pas envie de me retirer pour autant. Cette proximité exclusive que j'avais avec elle, je voulais encore en profiter un peu. Elle ne semblait pas en être dérangée, alors je le pouvais bien. Je pouvais bien la bouffer des yeux et admirer son sourire qu'elle n'offrait qu'à moi.
J'avais retiré mon poignet qu'elle avait attrapé pour venir prendre doucement sa main, souriant enfin. Un sourire taquin, laissant apparaître mes légers crocs.
- Je vais devoir trouver un truc pour me venger.
- On est peut-être pas obligé d'en arriver là, hein ? fit-elle faussement innocente, détournant les yeux en voyant mes canines.
- Oh que si !
La nuit était tombée depuis un moment déjà, et la main que j'avais attrapé me servi à l'entraîner jusqu'au lit. Là, j'avais défait les couvertures pour m'y affaler, et ensuite la caler contre moi, mon bras se calant sur sa taille. Le tout avec un délicieux petit cri de surprise de la part de la pioute. Enfin, j'étais pas un monstre, j'avais fait en sorte de placer sa tête sur l'oreiller.
Ma petite vengeance, c'était de pouvoir m'endormir en ayant sa bouille près de moi. Dormir dos contre dos, c'était bien, mais cette position, ça n'avait pas de prix.
Le trajet, mais aussi tout ce qui s'était passé ce soir-là m'avait épuisé. Sérieux quoi... un mal de mer, une dispute avec ma mère, et une demande insensée de Xayah ! J'avais qu'une envie, fermer les yeux et finir cette putain de journée.
Mais avant ça, alors que je fis mine de m'endormir, je voulais voir son visage. Elle ne bougeait pas, et avait ramené ses mains contre sa poitrine, calée contre mon torse. Ses oreilles étaient légèrement en arrière, signe de sa surprise et de sa légère gêne. Mais à son tour, je crois bien que ses joues étaient légèrement rosies.
Ses paupières finirent par se clore, et le sommeil ne tarda pas à l'emporter. Après de pareils évènements, je ne pouvais que la comprendre.
Je déposais alors un baiser sur son front, lui murmurant de passer une bonne nuit, avant d'à mon tour céder à l'appel de Morphée.
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