Chapitre 22 : Le chemin du retour
Dès que nous avions quitté la ville, tous mes sens se mirent en alerte. Malheureusement, ça n'avait pas empêché la catastrophe d'arriver.
J'avais à peine quitté Xayah des yeux... qu'elle avait disparu.
Appelant son nom, la cherchant désespérément dans ce brouillard, je reçus un projectile dans la nuque.
Une gamine flottant dans les airs, au regard mauvais et aux vêtements d'un autre monde, voilà ce que je vis en me retournant. Mais lorsque j'aperçus la petite pieuvre violette de la dernière fois, je compris.
- Zoé... grognais-je entre mes dents.
J'avais passé une main sur ma nuque, mais rien. Je n'avais pas eu mal, remarquez. Non, mon calvaire allait commencer dès que je vis Xayah. Qui elle, ne me voyait manifestement pas.
En tout cas, elle ne m'entendait pas. Pourquoi était-elle si apeurée ? Et pourquoi je n'arrivais plus à bouger ?!
J'étais devenu livide, lorsqu'elle prononça son nom. Rakan. C'était lui, en face d'elle. C'était lui, qui pouvait me l'arracher si facilement. Il était bel et bien là, vivant, cet enfoiré.
J'avais assisté à toute la scène, à ce baiser échangé qu'elle ne repoussa pas. Elle l'avait serré dans ses bras !
J'avais beau n'avoir que son prénom sur mes lèvres, rien ne lui parvenait. J'avais l'impression de disparaître, car à ses yeux je ne valais plus rien.
Zoé avait eu tout le loisir de me viser et de me balloter dans tous les sens. A vrai dire, j'essayais à peine d'esquiver. Je ne ressentais plus rien. J'étais pathétique, incapable de me défendre en la voyant dans les bras d'un autre.
Après une énième attaque de cette ennemie dont j'avais oublié la présence, face à ce que j'avais sous les yeux, face à mon cœur qui se déchirait, c'était vraiment le dernier de mes soucis.
Et si c'était mieux pour elle ? Qu'elle le rejoigne dans la noirceur, qu'elle aille se venger du genre humain qui l'a tant fait souffrir ? Tout ça, je l'aurais compris. Je l'aurais même... accepté, en réalité.
Si c'était comme ça qu'elle serait heureuse, j'étais incapable de m'y opposer.
Tous les souvenirs de Xayah, tous ses gestes envers moi, ses regards, ses sourires et ses mots me revinrent en tête. Je venais d'échapper à la mort, et me voilà qui était prêt à l'accueillir, en sachant qu'elle serait plus heureuse de ce côté-là. Car je refusais qu'il ne reste que de la souffrance de tout ce que nous avions vécu.
Même si je ne pouvais pas empêcher mon poing de serrer la terre, et mes yeux de me piquer, je respecterais son choix, quel qu'il soit.
Parce qu'à ce moment, je ne l'avais pas vu. Je ne l'avais pas vu refuser, s'éloigner, pour s'élancer vers moi. Non, je ne l'avais réalisé que lorsqu'elle me prit dans ses bras, et qu'elle me supplia de lui répondre, elle-même les yeux humides d'inquiétude... pour moi.
J'avais tendu fébrilement une main vers elle, pour caresser sa joue. Sa douceur, et sa chaleur, je ne rêvais pas. Je n'hallucinais pas.
- Pourquoi... ? Tu n'aurais pas été plus heureuse avec lui ?
Ouais, c'était très con comme question. Limite, c'était comme si ça m'emmerdait. Alors qu'en vérité, c'était juste que je n'en revenais pas.
- Plus heureuse avec une illusion ? Plus heureuse en t'abandonnant ?! Ne me fais pas rire ! Et dis-moi plutôt comment tu peux être dans cet état face à une gamine !
Sa réaction me fit sourire. Si seulement tout était plus simple...
Non, c'était à moi de rendre les choses plus simples. Xayah elle, venait de faire un choix courageux. Elle venait de me choisir moi. Quand bien même si Rakan était une illusion, j'aurai compris qu'elle préfère arrêter de souffrir et retourner avec lui.
- C'est toi qui m'as redonné envie de vivre... Mon choix, je l'avais fait depuis longtemps.
Ce n'était qu'un murmure, mais je l'avais clairement entendu. Mon poing frappa le sol, stoppant Zoé dans sa contemplation « intéressante », j'étais déterminé à me relever, et à rentrer chez nous !
Xayah me donna une potion et m'aida à me relever. Je mitraillais ce type du regard, il me semblait évident que c'était moi qui allais lui régler son compte.
J'allais lui arracher son petit air hautain et suffisant. J'allais lui montrer moi... que je n'étais pas un simple remplaçant sur le banc de touche !
- Occupe-toi de Zoé.
- Hein ?!
Toujours appuyé sur elle, je l'avais regardé, interloqué. Sérieusement ?!
- Je veux régler ça moi-même. S'il te plait.
Elle semblait déterminée, et je savais que je ne pourrais pas l'en dissuader. Et puis, qu'est-ce que je pouvais lui refuser quand elle me le demandait comme ça ?
J'avais soupiré, avant de me redresser pleinement sur mes deux jambes. Je l'avais prise contre moi, embrassant sa joue sous le regard de son « ex ». Moi, provoquant ? Si peu. J'aurai préféré l'embrasser, clairement, surtout que j'avais envie depuis longtemps. Mais non seulement je craignais pour ma vie, mais surtout, je ne voulais pas que notre premier baiser se passe comme ça. Et puis j'étais pas assez un connard pour la forcer non plus !
- Fais attention à toi. Et si jamais tu veux échanger, j'en serais ravi !
J'avais un sourire fier, mais il se transforma en sourire tendre quand elle attrapa fébrilement ma veste pour me tirer vers elle. Elle se mit alors sur la pointe de ses pattes, avant de me murmurer ces mots qui allaient m'emplir de motivation, au creux de mon oreille.
- Toi aussi, fais attention. Je reviendrai, je te le promets.
Le temps sembla s'arrêter, lorsqu'elle posa ses lèvres sur ma joue à son tour. J'avais eu sérieusement l'impression de rêver. Mes doigts vinrent frôler la peau qu'elle venait de toucher, et cette fois, je souriais sûrement comme un con. Mais un con heureux.
Mes poings claquèrent, alors que je sentis Xayah s'éloigner dans mon dos. Et j'aurais mis ma main à couper... qu'elle souriait comme moi.
- C'est bon, vous avez fini votre petit manège ? Pesta l'oiseau de malheur.
- Qu'est-ce qui y a Rakan, le spectacle ne te plaît pas ? Rigola Zoé.
J'avais arqué un sourcil. Ils étaient pas alliés ? Ou alors, c'était juste que cette fille n'en avait strictement rien à faire des autres. Tout ce qui l'amusait, c'était de jouer avec les gens. Si j'en croyais ce que Xayah m'en avait dit, c'était tout à fait possible.
Bon, en vérité, j'aurai bien aimé observer le combat de Xayah. Je ne craignais pas que ses mots soient des mensonges... je craignais simplement que ce connard arrive à lui retourner le cerveau.
Donc je devais vite plier mon affrontement ! Alors je ne m'étais pas annoncé pour envoyer mon attaque me donnant un bouclier, ça me laissait de la marge pendant la potion finissait de faire effet.
Mais elle l'avait esquivé, semblant sauter dans un trou d'une autre dimension, avant de m'envoyer une sorte de bulle dans mon angle mort. Mais cette fois, je l'avais évité facilement. Et heureusement, car en voyant l'effet sur les plantes sur lesquelles ça avait atterri, j'avais vite compris qu'il valait mieux ne pas me la prendre.
Elle avait pesté, elle commençait à s'agacer ? C'était bon signe ça !
Zoé continua avec d'autres projectiles, mais je n'avais même pas besoin d'y faire attention. Avec mon bouclier, je ne sentais strictement rien !
- Mais comment c'est possible ?! Il était par terre en deux secondes tout à l'heure, grrr !!
J'avais soufflé du nez, avant de ricaner à mon tour. Ben alors, on se chiait dessus ?
- Tout à l'heure, t'as cru que Xayah allait suivre tes plans, et t'en as profité, hein ?! Tu savais très bien qu'à la loyale, t'avais aucune chance ni contre moi, ni contre elle !
J'avais choppé ses longs cheveux, prévoyant à quel endroit elle allait réapparaître. Cette fille n'avait aucun honneur, à toujours viser mes angles morts et mon dos. Je savais qu'elle voulait m'endormir pour essayer de s'en sortir !
Je l'avais envoyé valser dans les airs, après m'être amusé à la faire tourner dans tous les sens. Et elle n'eut pas le temps de s'envoler ailleurs, puisqu'elle était étourdie, que j'avais sauté pour lui asséner mon plus magistral coup de poing.
Elle s'était écrasée je-ne-sais-où, et c'était bien le cadet de mes soucis. Pour l'instant, elle devait dormir bien sagement quelque part, et elle ne nous ferait plus chier.
J'étais retourné du côté de Xayah, si je ne lui étais d'aucune utilité, je voulais au moins me délecter de la défaite de l'autre enfoiré.
Mais le combat semblait au point mort. Pourtant, tant de plumes étaient éparpillées, elle aurait pu facilement le stopper...
- Xayah, je ne peux pas croire que tu aies tout oublier ! Comment nous avons vaincu Zed, aider les autres vastayas, toutes nos danses et nos nuits d'amour !
- Tais-toi ! Tu n'es qu'une... qu'une vulgaire illusion de Zoé ! Tu suis un script qu'elle t'a donné pour m'embobiner !
- Combien de fois faudra-t-il te le répéter ?! C'est bien moi !! Je suis vivant, devant toi ! Je suis revenu d'entre les morts pour toi ! Si tu n'as plus envie de te venger, soit, mais je veux rester avec toi, Xayah ! Miella !
J'avais grogné, croisant les bras pour me contenir. Sérieux, il retournait vite sa veste. Je voyais quand même qu'il était blessé. Il essayait de l'amadouer parce qu'il n'avait aucune chance contre elle.
- Quel lâche...
Il s'approchait de plus en plus d'elle, et malgré ses attaques, il s'obstinait. Je n'osais pas imaginer à quel point ça devait lui faire du mal. S'il était vraiment revenu d'entre les morts pour elle... Non, merde à la fin ! Elle voulait pas, alors il avait pas à insister !
- N'approche pas. Je te dis de ne pas m'approcher, bon sang !!
J'avais craqué, et laissé ma place de spectateur pour m'élancer, le chopper et réaliser la plus belle Prise de finition qu'il m'avait été donné de faire.
- S-Sett ?
- Quoi ?! J'ai accepté que tu t'en charges, j'ai jamais dit que je me défoulerai pas !
Mais en me retournant, je pus voir qu'elle me souriait. Et s'était approchée pour poser sa main sur mon épaule, en signe de remerciement.
- Et Zoé ?
- K.O. pour un brave moment je pense. Moi, j'ai pas besoin de magie pour faire dormir les gens !
Xayah poussa un soupir, mais elle sembla reprendre courage. J'étais heureux de savoir que j'étais le coup de pouce dont elle avait besoin, ou le soutien qu'il lui fallait pour finir ce combat. Même si je pouvais comprendre que le voir mourir deux fois était difficile... Je savais aussi que c'était à elle de le faire, et non à moi.
- Alors... c'est comme ça, hein... ?
Hey bah putain, il se relevait déjà ? Il avait la tête dure, ce con.
- Tu préfères ce « bâtard » à moi ?
Ah ben voyons, mes origines dans tout ce bordel, ça aurait été trop demander d'éviter le sujet.
- Ses origines n'ont rien à voir là-dedans !
J'étais resté en retrait, souriant en coin à la défense de Xayah.
- Et notre serment, il a à voir lui ?! Ça représentait rien pour toi ? Tu ne m'as jamais répondu quand je disais t'aimer, quand je te demandais, encore et encore, si tu voulais m'épouser !
Je ne pouvais pas empêcher mon poil de s'hérisser. C'était vraiment bas de dire des trucs pareils. Surtout que moi, je le savais. Je le savais qu'elle l'avait aimé de toute sa putain d'âme ce type, et c'était comme ça qu'il lui rendait ?!
Et il était mal en point en plus. Je lui avais certes refais le portrait, mais il était écorché de partout. Une illusion ne pouvait pas saigner...
Mais Xayah voulait avancer, merde. Il voulait pas le comprendre ?!
- Tu vas payer... Traîtresse !
Xayah se stoppa, alors qu'elle marchait dans sa direction. Avec cette dernière insulte, quelque chose c'était brisé. Entre eux, en lui. Lui qui était déjà si sombre, sembla se laisser complètement consumer par les ténèbres de Zoé.
Il se rua sur elle, mais je ne m'inquiétais pas. Et j'avais raison, car elle sauta au bon moment pour lui lancer son ultime attaque, pour ensuite faire revenir toutes les plumes autour de nous, vers elle. En m'évitant soigneusement, de surcroît.
- Pardonne-moi, Rakan...
J'avais un peu grimacé, j'avoue. Je n'aimais pas qu'elle se sente coupable, mais c'était inévitable. Et ce cauchemar que j'avais fait, j'en ressentais encore la douleur. Alors je savais très bien ce que ça faisait. Ses plumes acérées, et... se faire attaquer par celle qu'on aimait.
Il s'effondra dans l'herbe, prononçant encore son prénom. Elle semblait hésiter, et me regarda. Comme si elle me demandait mon accord. Un geste d'encouragement peut-être ?
- Vas-y.
J'étais bien incapable de lui refuser ça. Elle aurait pu lui dire qu'elle l'aimait, l'embrasser, je ne lui en aurais pas voulu. A leur place... je ne sais pas comment j'aurai pu réagir.
Elle s'agenouilla à ses côtés, prenant la main qu'il lui tendait fébrilement. Une sorte de poussière sembla s'échapper de lui, et il était complètement redevenu blanc.
- Xayah... Est-ce que tu pourras me pardonner... ?
- Bien sûr. Bien sûr que je te pardonne...
- Je t'ai dit des horreurs... et je t'ai abandonné, en te laissant un fardeau beaucoup trop lourd... Mais je suis soulagé de savoir que tu as trouvé quelqu'un avec qui le partager...
- Oui, ne t'inquiète pas. Tout ira bien pour moi maintenant...
- Xayah... Je t'ai toujours aimé, tu sais...
- Je sais Rakan... Je le sais bien...
- Alors sois heureuse, c'est mon dernier souhait.
Ils partageaient un même sourire empreint de tristesse. Et au risque de briser ce moment, avant qu'il ne s'évapore complètement, je m'étais approché, à mon tour, ayant mon mot à dire.
- Pars en paix. Je veillerais personnellement à ce que ton dernier souhait se réalise. Parce que c'est le bien aussi.
Ouais, j'avais beau l'insulter de tous les noms... à quoi ça servait, sur son lit de mort ?
Il m'avait adressé son dernier sourire. Puis, le vent balaya les grains de poussière, jusqu'à disparaître complètement. Il ne restait plus rien... Rien à part Xayah, luttant de toutes ses forces pour ne pas pleurer. Tenant une main imaginaire.
Et moi je luttais pour ne pas la serrer contre moi. Car je savais que ce n'était pas ce qu'elle aurait voulu à ce moment-là. Aucun mot ne pouvait soulager sa peine, je le savais.
Alors j'attendis, le temps qu'il fallait. Ça aurait pu durer des heures que je ne l'aurais pas laissé. Si elle avait besoin, j'étais là. C'était tout ce qui comptait.
Après plusieurs minutes de silence, elle s'était finalement relevée, s'avançant près d'un arbre, et commença à creuser la terre. Je l'avais rejoint, hésitant à lui dire que je pouvais le faire.
Mais elle avait juste fait un petit creux, avant d'arracher son épaulière. Cette plume dorée... C'était la sienne. Elle m'avait dit qu'il avait une cape dorée...
J'avais instinctivement attrapé son bras, avant qu'elle ne l'enterre.
- Xayah, t'es sûre de toi ?
Elle me regarda, le regard brillant. Un mélange de tristesse, et de soulagement.
- Oui, je peux enfin lui offrir une sépulture digne de ce nom.
Sa main prit alors la mienne, avant de finir ce qu'elle avait commencé.
Rha, je n'en pouvais plus de ce silence, là ! J'ignorais ce qu'il fallait faire, dans de telles circonstances, mais... mon instinct m'avait encore une fois devancé, en la prenant contre moi, de dos.
Je l'avais serré assez fort contre moi. Je voulais qu'elle sache que j'étais là, qu'elle pouvait tout me dire, que je pouvais au moins essayer de partager sa peine. Mais je me rendis compte que mon geste était peut-être de trop, alors... je l'avais relâché.
- Désolé j'ai cru... j'ai cru que ça pouvait te faire du bien, désolé si c'était déplacé.
Peut-être que c'était moi, qui en avait besoin... Mais comme toute réponse, elle se jeta dans mes bras, une seconde fois, encore tremblante. J'avais été pris de court, mais bien vite, ma main retrouva le chemin de ses cheveux à caresser.
- Je suis là, je suis là... Et je te lâcherai pas. Tu m'entends ? Jamais.
Elle ne faisait qu'acquiescer, et nous étions restés comme ça jusqu'à ce qu'elle se calme un tant soit peu.
- Rentrons à Ionia. Rentrons chez nous, Sett...
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