Chapitre 21 : Le choix d'une vie

J'étais épuisée. Cette journée... je m'en souviendrai longtemps. Je tremblais encore à l'idée de revoir Sett si pâle, comme s'il allait rendre son dernier souffle. Sincèrement... je n'y aurai pas survécu. Pas encore.

Alors même si j'avais enfin l'info qu'on cherchait depuis si longtemps, il était hors de question de partir ce soir. Sett allait dormir, bien au chaud, qu'il le veuille ou non !

- On part demain, décrétais-je en coupant Sett dans son élan.

- Mais enfin, Xayah !

- Ce n'est pas discutable.

Mon regard voulait tout dire. Il soupira, se passant une main sur sa nuque, mais il se résigna vite. Et puis, moi aussi, j'avais bien besoin de me reposer.

Pour ce soir-là, je n'avais pas regardé à la dépense. Je nous avais loué une chambre avec un lit super moelleux, bain et repas compris. Mais nous avions dû remonter à Piltover, je refusais qu'on prenne le moindre risque et qu'on nous retrouve, fatigués comme on l'était.

Et je surveillais le moindre fait et geste de Sett, en oubliant presque de manger moi aussi. J'avais eu si peur... je voulais absolument qu'il reprenne des forces. Si seulement je pouvais être sûre qu'il ne s'effondrerait plus jamais comme ça...

- Hey... mange un peu aussi. Regarde, moi j'ai déjà dévoré tout le poisson que tu avais commandé !

- Oui... Oui, tu as raison.

Si je voulais être digne de couvrir ses arrières, et faire en sorte qu'une telle situation ne se reproduise pas, il fallait que je me nourrisse. Chose que je fis plutôt de façon déterminée.

Je me doutais bien que Sett voulait parler, me rassurer, dire que ça allait. Mais il savait sûrement aussi qu'à ce moment-là, ça ne servait à rien.

Nous en avions profité pour prendre chacun une potion de soin. Même si je n'avais que des égratignures, et que lui n'estimait pas ça nécessaire, aucun de nous deux n'avait lâché l'affaire concernant l'autre.

- Et si le poison avait fait des dégâts internes, hein ! On ne peut pas le savoir, toi et ta mine « tout va toujours bien » !

- Tu peux parler ! Madame « je veux à tout prix mourir au combat » !

Après un silence tendu, il fit un cul sec de la fiole avant de la reposer brusquement sur la table et de se diriger vers le bain.

Me disputer avec lui n'était jamais agréable, et nous pouvions être aussi têtus l'un que l'autre... Mais cette fois-ci, c'était de ma faute. J'étais encore sous le coup du stress, et de la peur. Je n'arrivais pas à me calmer pour de bon.

J'étais tellement en colère... Contre moi, et mon incapacité à protéger ceux auxquels je tenais. A chaque fois... je détruisais tout.

Mes amies, Rakan... Et maintenant Sett. Je le mettais en danger ! Je m'étais rassurée en me disant que sa force physique suffirait, mais j'avais tort. Lui aussi, voulait me protéger. Et lui aussi... allait mal finir à cause de moi.

Cette pensée me hantait, alors que je regardais le liquide rouge restant au fond de la fiole. Et finalement, moi qui étais sur les nerfs, le simple fait de voir Sett me regarder, soupirer, et détourner le regard sans un mot m'avait définitivement calmée.

Au moins, il avait pu voir que j'avais moi aussi pris cette potion.

J'étais partie à mon tour me nettoyer et prendre soin de mes plumes, et revins alors que Sett venait de s'allonger sur le lit. Je l'avais détaillé des yeux, me rapprochant un peu plus.

Bon, aucune plaie grave. La potion avait dû faire son boulot.

Je ne me rendis pas compte que mon regard « baladeur » avait pu être capté par le concerné, et que ça pouvait être potentiellement gênant.

- Hey. C'est pas parce qu'on s'est disputés que t'as le droit de me mater.

- Qu'est-ce que... hein ?! Je ne te « mate » pas !

J'avais pris quelques couleurs, ce qui le fit rire légèrement. J'avais un peu souri, avant de m'asseoir au bord du lit. Et comme une invitation, il releva la couverture sans un mot.

Comme à notre habitude, nous nous tournions le dos dans le lit, prouvant notre confiance mutuelle et la volonté de nous protéger. Mais cette fois-ci... je n'étais pas parvenue à trouver le sommeil de cette façon.

Alors que le silence de la nuit régnait depuis quelques temps, j'avais fini par me retourner, et me rapprocher, pensant qu'il dormait profondément. Je ne l'avais pas senti bouger, alors oui, je l'avais pensé.

Doucement, je m'étais calée contre son large dos, posant mes paumes contre sa peau chaude. Je poussais alors un léger soupir. De soulagement.

J'avais besoin de le sentir. J'avais besoin de m'assurer qu'il était bel et bien là, vivant. Avec moi.

- Pardon... Tout ça, c'est de ma faute. Tu n'aurais jamais eu à subir tout ça, si seulement on ne s'était pas rencontrés...

Mais en même temps, je n'arrivais pas à regretter notre rencontre. Ça aurait été renier mes émotions, et ça, ça m'était impossible. Tout simplement impossible.

J'avais murmuré mes remords, d'une voix à même audible. Alors... j'avais sursauté, quand il se tourna soudainement pour me serrer contre lui. Comment aurais-je pu me défaire de son étreinte ? Sa chaleur qui m'entourait était tout ce dont j'avais besoin à ce moment.

- Si on ne s'était jamais rencontrés... Je n'aurai jamais pu renouer avec moi-même. Je n'aurai jamais pu régler mes comptes avec mon père. Il peut m'arriver le pire des trucs... Jamais, tu m'entends bien, jamais je ne regretterai de t'avoir aidé ce jour-là. Alors je t'en prie... regrette pas non plus.

J'étais restée figée, alors que sa main sur ma tête se perdit dans mes cheveux, et que la seconde enserrait ma taille. En entendant ses mots, j'avais passé mes bras à mon tour autour de lui pour une véritable étreinte. Et sans que je le prévoie, un soupir d'aise passa mes lèvres.

Sa peau chaude contre ma joue... Les battements de son cœur...

Je devais devenir plus forte.

- Alors je ferai en sorte que « le pire des trucs » n'arrive pas.

Je l'entendis souffler du nez, amusé par ma déclaration de protection.

- Super, j'ai une pioute garde du corps maintenant !

- T'es bête, répliquais-je en souriant.

Nous nous étions finalement endormis ainsi, réconciliés, et moi, un peu plus apaisée. Et nous avions besoin de repos, avec ce lendemain éprouvant qui nous attendait.

Au petit matin, nous étions sortis à découvert. De toute façon, les capes avaient été oubliées à l'arène.

Déterminée comme jamais, nous avions pris la direction indiquée par Twitch. En voyant la nature à nouveau s'étendre à l'horizon, je fus un peu soulagée. J'espérais ne pas avoir à remettre les pattes dans un tel endroit avant longtemps.

Mais mon apaisement fut de courte durée. La sortie ouest... nous y étions. Sur le moment, rien ne semblait étrange, au petit matin de la forêt.

Plus nous avancions, plus une étrange brume envahissait les lieux. Nous nous étions instinctivement mis dos à dos, pour parer à tout danger.

Cependant, la présence rassurante derrière moi m'échappa lorsque j'entendis une voix. Je ne parvenais pas à comprendre le sens de ces chuchotements... Mais ils m'attiraient, m'hypnotisaient irrémédiablement.

Je ne me sentis même pas avancer dans ce nuage laiteux devenu maintenant presque complètement opaque.

Je me sentais observée, autour de moi, une présence bougeant dans un rythme inconnu. Mais je ne voyais pourtant rien.

- Qui est là ? Répondez !

En regardant derrière moi, j'eus un élan de lucidité.

- Sett ? Sett ! Hey merde... Montre-toi espèce de chose sournoise ! Tu n'as donc pas de courage ?!

Mon rythme cardiaque avait accéléré. Moi qui m'étais jurée de le protéger il y a à peine quelques heures, voilà que je le perdais de vue. Et même avec mes yeux perçants, je ne percevais rien à travers ce rideau de fumée !

Agacée, j'avais envoyé quelques salves de plumes. Si c'était un ennemi invisible comme Twitch, c'était la seule façon de le révéler.

Je ne pensais même plus à celui que j'étais censée retrouver ici. Pour moi il y avait un danger et Sett n'était pas là !

- Xayah...

Un murmure, un souffle dans mon oreille. J'avais bondi en arrière, dégainant de nouvelles plumes.

- Xayah.

Ma tête tournait, cet écho semblait se rapprocher, malgré toutes mes tentatives pour l'éloigner. Je luttais en vain, cette voix se rapprochant de plus en plus, et Sett était toujours introuvable. La seule chose dont j'avais envie à ce moment, c'était être à ses côtés.

- Laisse-moi tranquille !

- Xayah !

Soudain, une sensation étrange m'entoura, m'enveloppa toute entière, sans que j'arrive à décider si je l'appréciais ou non. Une douce torpeur dont j'ignorais si je voulais m'en défaire ou non.

Mes paupières se fermèrent, et lorsque je les rouvris, je vis une plume verte voler. Et sans que je puisse réagir, deux paumes se posèrent sur mes joues, et ses lèvres embrassèrent les miennes.

Froid. Voilà la seule sensation qui me parvint à ce moment.

- Rakan... ?

C'était bien une aile plumée qui m'entourait. C'était bien le visage du vastaya que j'avais tant aimé qui se dressait devant moi.

Mais quelque chose avait changé.

- Mon amour... je savais que tu finirais par me retrouver.

Sur le coup, j'avais eu envie de pleurer. De le serrer dans mes bras. De l'embrasser jusqu'à mourir.

Malgré tout... quelque chose m'en empêcha. Cet être vêtu de noir et de vert, aux yeux et au sourire presque malsain.

- Qu'est-ce qui t'es arrivé ? Pourquoi... comment... ?

Il caressa ma joue, me souriant d'une façon qui m'était étrangère.

- Ce jour-là, j'ai vraiment cru mourir pour te sauver. Mais elle m'a ramené à la vie.

- « Elle » ? Qui ça « elle » ?

J'avais reculé d'un pas. Mon instinct me disait qu'il n'y avait rien de normal à tout ce qui était en train de se passer.

- Qui ? Mais Zoé, qui d'autre !

Il reprit ma main pour m'entraîner dans une de nos danses qui nous était destinée... Il y a longtemps.

Mais mon esprit n'y était pas. J'avais du mal entendre. Zoé ? La Zoé ?!

- Qu'est-ce que tu racontes ? Zoé est notre ennemie ! Jamais elle ne nous aurait aidé sans arrière-pensée ! Tu le sais bien non ?!

Je ne pouvais pas m'empêcher de chercher du regard. De le chercher... Comment avais-je pu oublier ?!

L'ombre qui avait envahi mes yeux se dissipa, et je m'étais libérée de ses bras. En y regardant bien... C'était Rakan sans être lui. Je n'arrivais pas à être heureuse de le voir devant moi.

Ses magnifiques plumes dorées avaient laissé place à une couleur proche du noir. Son habituel air enjoué avait été évincé par ce sourire arrogant. Et cette couleur qu'il avait de mainte fois répété qui n'allait pas avec son teint... l'enveloppait tout entier.

Ce n'était qu'une pâle copie obscure créée par cette garce !

- Miella... Je rêve, ou tu n'es pas contente de me voir ?

- Rakan... qu'est-ce qu'elle t'a fait... ?

- Elle m'a ramené à la vie ! Zoé m'a ressuscité, parce que mon cœur hurlait de douleur à l'idée d'être séparé de toi ! Mais devrais-je comprendre... que tu m'as déjà remplacé, Xayah ?

Son véritable visage se dévoila. L'air taquin qu'il tentait d'imiter de son vivant disparu pour laisser place à toute la noirceur qui l'habitait. La noirceur que lui avait transmis Zoé.

Il s'était rapproché pour me surplomber, ses yeux auraient pu me poignarder. Et j'étais incapable d'y faire face.

Ce n'était plus... Rakan. Jamais il ne m'aurait parlé comme ça. Jamais il ne m'aurait menacé comme il le faisait.

- Réponds-moi, Xayah !

Jamais... il ne m'aurait crié dessus.

Et pourtant, les mots restaient bloqués dans ma gorge. Pourquoi cette Zoé voulait-elle à ce point me détruire ? Pourquoi utiliser des manières aussi horribles ? Pourquoi me faire subir tout ça ?

- Tu perds la tête... si tu es mort, c'est à cause d'elle ! Tout est de sa faute... à elle !

J'avais tout perdu, absolument tout, à cause de sa trahison. Mais je ne voulais pas me battre contre lui pour autant.

Mon corps entier trembla à cette idée. Je reculais, d'un pas hésitant. Moi... je reculais.

Le seul ennemi que je ne pouvais pas abattre, c'était lui. Le seul qui avait réussi à me faire tomber amoureuse, c'était lui. Le seul qui avait été mon allié, c'était lui.

- Rakan...

Tombant à genoux, mes poings se serrèrent. Je voulais pleurer, hurler, mourir.

Tout ce que mon devoir de vastaya m'avait toujours interdit.

Je sentis alors une main relever mon visage. Visage aux bords des larmes. Son pouce essuya le coin de mon œil gauche, alors qu'il était redevenu calme.

- Te voir souffrir n'est franchement pas plaisant, tu sais. Alors même si tu as été une vilaine fille, j'ai une solution pour que tu arrêtes de souffrir. Et nous serons réunis... éternellement.

En touchant mon cœur du bout des doigts, une énergie m'enveloppa. Une énergie que je connaissais bien, et que j'aurai préféré oublier.

Mon aile changea d'apparence, mes cheveux devinrent roses, mes oreilles furent ornées d'un bijou doré. Mes vêtements violets laissèrent place à une tenue blanche et sombre.

Mais le gazouillis de mon fidèle partenaire ne résonna jamais.

- Rejoints-moi dans les ténèbres, Xayah. Nous vivrons heureux, éternellement... ensemble. Et nous ferons goûter au monde entier notre rancœur ! Nous nous vengerons de tout ce que ces maudits humains nous ont fait subir !

Il partit alors dans un fou rire sinistre. L'idée... était honnêtement très tentante. J'avais tant lutté, tant souffert, tout ça pour résister aux ténèbres de mon cœur.

Abandonnée, condamnée, à errer seule pour survivre. Seule... Seule... ?

Mes yeux que j'avais fermé, se rouvrirent, alors que mes iris dorées étaient devenues roses.

Il me tendit la main, dans une énième tirade.

- Aller, Xayah. Tout sera tellement mieux lorsque nous serons réunis pour détruire ce monde ingrat !

Les yeux vides, j'allais poser ma main dans la sienne, quitter cette vie sans aucun sens que je menais depuis sa disparition. Le rejoindre serait le plus naturel des choix. Reprendre là où notre vie s'était arrêtée.

Mais alors que je tendis la main vers lui, là, sur ma peau, je vis une légère marque. Une toute petite cicatrice... causée par nos derniers combats.

J'étais figée, reprenant conscience.

« Si ya bien un truc que j'adore chez toi, c'est que tu lâches jamais rien »

Cette phrase, je savais qui me l'avait dite.

Cette vie que j'avais mené depuis ce jour, était-elle si vide que ça ? N'y avais-je pas finalement trouvé un sens ?

N'y avais-je pas enfin... trouvé quelqu'un avec qui la recommencer ?

Je m'étais alors relevée, sans un mot, arborant cette apparence qui m'étais devenue insupportable.

Cette étincelle que j'avais perdu il y a si longtemps était revenue. Ramenant ma main droite vers moi, je fis apparaître des plumes acérées.

- Je suis désolée, Rakan. Je ne peux pas. Abandonner maintenant n'est plus une option. Il me reste encore une chose... à protéger.

J'avais bondi en arrière, envoyant une rafale de plumes, essuyant rageusement la larme de trop.

Derrière moi, j'entendis quelqu'un pester. Le brouillard commença à se lever, et là, parmi les volutes de fumée, mes iris se contractèrent.

Cette longue chevelure sombre, ces vêtements affriolants, ces yeux vairons à la lueur mauvaise. Ce sourire violet frôlant la folie. Je l'aurai reconnu entre mille.

Mais à ses pieds, la vision que j'eus me choqua bien plus.

Sett était là, au sol, bougeant à peine.

Mon corps se raidit, et un hurlement sauvage, bestiale, puissant, résonna dans toute la forêt.

- ZOE !

Mais seul son rire fou sonna comme toute réponse. Un rire qui fit écho à celui de Rakan, qui maintenant semblait animé par la même idée. En finir.

- Je te laisse une dernière chance, Xayah. Rejoins-nous, et il sera sauf.

Rakan, mon passé, l'obscurité.

Sett, mon futur, ma lumière.

Un choix qui m'était impensable. Un choix que je n'avais pas à faire.

- Jamais je ne céderai à ton chantage. Jamais je ne te ferai ce plaisir. Et jamais je ne ferai un choix aussi insensé !

- Hey bien... J'aurais vraiment tout essayé. Ni la menace, ni l'amour de ton défunt chéri ne marchent sur toi. Tu es vraiment sans cœur, Xayah. Accepter aurait été bien plus facile. Tout le monde aurait eu ce qu'il voulait. Et ce pauvre petit chat n'aurait pas eu à subir tout ça.

Son pied allait s'écraser sur sa tête, mais un déluge de plumes noires l'en empêcha. Je lui en lançais, encore, encore et encore. Elle avait virevolté pour esquiver, et le brouillard retomba.

Je m'étais élancée vers lui, prenant son visage dans mes mains avant de le perdre de vue. Ignorant la menace, il fallait que je m'assure de son état avant tout.

- Sett ! Sett, réponds-moi, allez... S'il te plait...

Il était encore chaud, et... il respirait. Cela avait suffi à me faire sourire, alors que la situation était clairement désespérée.

Sett rouvrit alors les yeux, et sourit douloureusement. Sa main frôla ma joue, alors que je la pris dans la mienne.

- Finalement, je vois que tu as fait ton choix... miella.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top