La peur d'aimer

Rose a peur d'aimer. Rose aime cette idée de pouvoir aimer librement ceux qu'elle trouve emplis de passion, sans cependant être aimée en retour. Elle les regarde de loin et se contente de cette chaude distance sans jamais regretter de ne pas les avoir plus près d'elle. Elle ne leur fera jamais de mal, c'est cela qui lui réchauffait le cœur ; éprouver cet immense sentiment destructeur sans causer aucun chagrin à l'autre. Lorsque Rose marche dans la rue, quand il y a du Soleil, ou qu'il pleut, d'ailleurs, elle tombe amoureuse des passants qui sourient. Ou qui ne sourient pas. Elle ne fait pas vraiment attention. Malgré cela, elle voit en eux la beauté la plus pure au monde, celle du premier regard non altéré, non entravé par quelque laide parole.

Rose aime les films romantiques. Et elle ne s'en cache pas. Elle pleure souvent devant, peu importe la fin. Car parfois, il est bon de voir des gens qui s'aiment. Cela ne fait jamais de mal. Rose aime cette idée que ces figures inexistantes soient figées dans cette fiction qui recommence à l'infini. Ils sont piégés dans cette prison idyllique, dans un temps limité mais si grandiose. Les yeux rivés sur ces sourires parfois dissimulés, son visage s'illumine et elle tombe amoureuse une fois encore, de l'amour lui-même, cette fois-ci. Ce sentiment indescriptible la traverse. Rose ne saurait le nommer. Elle sait simplement qu'il lui suffit. 

Mais Rose a peur d'autre chose encore. Elle a peur de faire souffrir ceux qu'elle aime ou qui l'aiment. L'amour est beau mais est inutile s'il peut être si facilement rompu. Elle n'a pas besoin de vivre dans cette peur. C'est pourquoi elle aime à sens unique. Pour ne jamais être amenée à voir son propre amour s'envoler, alors qu'elle ne peut rien faire pour qu'il reste à ses côtés. 

Il fait sombre ce soir et elle pense aux personnes dont elle est amoureuse. Mais qui ne l'aiment pas en retour. Elle ressentait un cadavre de bonheur. Car le vrai bonheur, elle ne le toucherait jamais en aimant des inconnus et des silhouettes pour le restant de ses jours. Il faudrait bien qu'un fois, elle reçoive tout cet amour qu'elle donne en retour. Elle vivait dans l'espoir qu'un jour elle parviendrait à guérir son cœur blessé. Rose l'avait elle-même traîné dans la boue. Et il avait du mal à fonctionner comme avant. Il fallait qu'elle verse de l'eau sur cette âme enflammée, du miel dans sa poitrine lacérée. Rose n'osait pas. Il fait encore plus sombre.

En réalité, ce qui l'effraie n'est pas le fait d'aimer, mais le fait d'être aimée en retour.

Elle ouvre ses yeux alarmés. Rose voit le plafond blanc éclairé par les réverbères au dehors. Elle ne peut pas rester là. Rester allongée ici, dans les ténèbres ne lui suffit plus. Elle se lève puis regarde par la fenêtre. Quelqu'un l'attend, en bas. Rose se regarde dans la glace et une lumière éclabousse ses yeux enflammés ; mais elle maîtrise toute cette puissance, cette fois. Rose détache ses yeux et descend son immense escalier de marbre blanc, comme on descend aux Enfers. Mais, malgré sa peur bleue, elle est au paradis. Son âme est en paix.

En réalité, elle n'a plus peur d'aimer. 

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