CHAPITRE 6, Londres

cinq mois plus tôt

bernd leno


Lèvres dont il vient délicatement s'emparer. Doigts glissant dans des mèches blondes désordonnées. Alliance s'accrochant légèrement dans une barbe mal rasée.

Bordel ce que tu m'as manqué.

Rire en réponse. Corps soulevé. Jambes entourant les hanches de l'amant. Dos heurtant sans douceur un mur peint en blanc.

Désolé.

Bouche dont il ne se lassera jamais de nouveau embrassée. C'était si bon de le retrouver.

Têtes déposées sur le même oreiller. Doigts ornés d'argent entrelacés. Regard bleuté perdu dans un autre que rien ni personne ne pourrait forcer à se détourner. Lèvres rougis, joues rosées et corps aimés parfaitement comblés.

Main qui longe doucement les contours du visage alors qu'un silence agréable les enveloppe. Seuls leurs respirations viennent le briser tandis qu'ils continuent de s'admirer.

Je t'aime tellement.

Sourires étincelants. Regards pétillants. Organisme rapproché. Main entourant sa taille. Etreinte à laquelle il se laisse complétement aller. Lèvres adorant sa peau nue. Index venant naturellement jouer avec les signes imprimés.

Poignet lentement dégagé et adroitement déplacé. Bouche qui vient s'y porter.

T'étais pas obligé.

Chair gravée. Encre étalée. M inscrit à tout jamais.

J'aime avoir quelque chose qui me rappelle que je t'appartiens tous les jours de l'année.

Lèvres qui se reposent à plusieurs reprises sur la lettre tracée sous la peau. Bague qu'il sent tourner autour de son annulaire.

Bernd aimait Marc Andre. Il l'aimait trop. Il l'aimait tellement que cet amour en venait à lui faire mal. Douleur qui apparaissait à chaque fois qu'il disparaissait pour le pays où il jouait et sa chaleur. Souffrance effroyable avec laquelle il vivait en pensant au fait qu'il y avait plein de moments où il ne pourrait jamais profiter de sa présence. Secret qui commençait à sérieusement lui peser.

Il était prêt. Mais il doutait que ce soit le cas de Marc Andre. Marc Andre qui l'aimait pourtant. Marc Andre qui l'avait embrassé en premier. Marc Andre qui lui avait tout donné. Marc Andre qui lui avait offert un petit compagnon qui passait son temps à ronronner quand la distance entre leurs nouveaux clubs les avait éloignés. Marc Andre avec qui il avait investi dans l'immobilier. Marc Andre qui lui avait demandé de l'épouser. Marc Andre qui portait toujours fièrement son alliance argentée.

Mais Marc Andre avec qui il n'allait pas au ciné. Marc Andre qu'il n'avait pas le droit d'embrasser quand ils n'étaient pas en privé. Marc Andre avec qui il ne sortait pratiquement jamais. Marc Andre qui ne s'affichait pas avec lui sur les réseaux sociaux comme tous les autres couples le faisaient. Marc Andre avec qui il n'avait pas le droit à toutes ces petites choses simples dont il rêvait.

Regard bleuté qui échoue sur les marques bleutées qu'il lui a laissées. Son estomac se tord quand il pense au fait qu'il n'a aucunement envie de savoir comment il les expliquait. Idée qu'il ne soit jamais prêt qui le tiraillait. Peur d'évoquer le sujet qui le tourmentait. Questionnement incessant se transformant lentement en une éternelle torture de son esprit tracassé.

Quelque chose ne va pas ?

— Pourquoi ça n'irait pas ?

— Tu parais contrarié.

Il détestait cette façon qu'il avait de si bien le connaitre. De lire en lui comme s'il était un livre ouvert.

— C'est rien t'inquiète pas. On en parlera plus tard. Je me suis débrouillé pour me débarrasser de Buka pour la journée, j'ai juste envie de te retrouver.

Non-dit et insécurité sur son futur flou aussi gigantesques que la distance les séparant est minime.

T'es sûr ?

Pouce trainant sur sa joue en une caresse pleine de tendresse. Prunelles dans lesquelles il note la légère inquiétude. Mari qu'il fait taire d'un baiser. Pour rien qu'un instant, il voulait oublier ses doutes et ses tourments. Et sa bouche sur sa peau, ses doigts sur son corps et la façon qu'avait Marc Andre de lui clamer son amour faisaient toujours fuir toutes ses peurs. Alors il voulait en profiter pour encore quelques heures.

T'as pas envie de la porter tous les jours de l'année ?

Index qui fait rouler l'alliance au doigt de son bien-aimé. Carcasses glissées l'une contre l'autre sur le canapé. Livre photos de leur mariage secret ouvert entre eux. Doigts qui effleurent leurs visages heureux. Les iris si scintillants. Les yeux bleutés légèrement embués par l'émotion. Il donnerait tout pour revenir en arrière est revivre toutes ces sensations.

Je la porte toute l'année sur mon cœur.

Phalanges qui s'accrochent à la chainette qui trône autour de son cou. Vide actuellement, ornée de la bague normalement.

C'est pas ce que je veux dire.

Soupir. Ventre retourné. Difficulté à formuler les mots qui hantent ses nuits agitées. Anxiété à l'idée d'être rejeté.

Qu'est-ce que tu veux dire ?

Main qui traine sur sa joue. Prunelles fixées sur lui comme s'il était inquiet.

— T'es sûr que ça va Bernd ?

— Je veux plus vivre dans le secret. Je veux plus de nos retrouvailles clandestines. D'être terrifié à l'idée de pas être suffisamment discret. On n'a plus seize ans. Notre amour mérite pas d'être une cachotterie.

Muscles qui se tendent face à lui. Regard qu'il ferme immédiatement. Oreilles qu'il aimerait se boucher pour ne pas entendre la sentence qui va tomber.

Tu sais très bien qu'on peut pas Bernd. On était d'accord pour rester cachés jusqu'à notre retraite.

Vision qui se brouille alors que les pupilles se chargent de larmes. Idée impossible à supporter.

— Tu m'aimes pas ?

— C'est pas ça et tu le sais aussi bien que moi.

— Je suis pas suffisant c'est ça ?

Angoisse à l'idée qu'il ne soit jamais assez qui devenait doucement réalité. Main qui tente d'accrocher la sienne. Doigts arrachés. Epaule qui se dérobe quand Marc tente de l'attraper. Regards bleutés blessés.

Chéri, arrête. Je t'aime, je serai prêt à tout pour toi.

— Visiblement pas suffisamment. La société change. On pourrait être des exemples pour plein de gens. On a plein de coéquipiers qui ont besoin de modèles comme nous pour leur dire qu'on peut être footballeurs et aimer qui on veut. Buka aurait eu besoin de ça et tu sais très bien que c'est loin d'être le seul. On a trente ans, on ne risque plus rien.

— C'est facile à dire pour toi.

Air interloqué. Il ne comprend pas.

Pourquoi ?

— Parce que si ça tourne mal, tu risques rien.

Battement de cœur loupé. Il n'était pas sûr de comprendre. Il n'avait pas envie de comprendre.

Qu'est-ce que ça veut dire ? Tu sous-entends quoi là ?

 Que c'est facile pour toi. S'il y a des conséquences sportives, c'est pas toi qui seras privé de mondial.

Visage qui se fige. Haut le cœur qui le prend. Froid glacial qui s'abat dans le salon.

Sors de chez moi.

— Bernd...

Flot de larmes qui se met à rouler sur ses joues. Douleur qui le prend au cœur. Bras auxquels il échappe en se levant brusquement.

Bernd je suis désolé, je voulais pas dire ça.

 Je t'ai dit de sortir de chez moi. Dégage Ter Stegen.

Regrets présents sur le visage de celui disparaissant. Alliance enlevée et envoyée voler sur le champ. Objet argenté qui s'écrase de l'autre côté de la pièce dans un léger tintement. Gardien qui s'effondre sur le canapé et laisse libre court à ses sentiments. Genoux qu'il rapproche de lui alors que son corps est secoué par les tremblements.

Sanglots qui ne veulent plus s'arrêter. Cœur qui vient de s'être fait transpercer. Marc Andre avait toujours parfaitement su où viser.

Grincements dans les escaliers qui le réveillent. Matelas qui craque sous le corps qui s'installe. Bras qui vient l'entourer. Torse qui vient se coller à son dos contracté. Paupières qu'il garde bien fermées.

Bernd, je sais que t'es réveillé. Est-ce qu'on peut discuter ?

Silence qu'il maintient. Dos qu'il lui montre. Il n'avait aucune envie de lui parler.

Je suis désolé. J'aurais pas dû dire ça. Je sais que tu sors d'une saison difficile.

Léger soupir qui effleure son cou. Rivalité dont ils n'arriveraient jamais pleinement à se passer. Parfois Bernd rêvait qu'ils ne gardaient pas tous deux les cages, d'eux deux pouvant être heureux en même temps sur le gazon.

J'ai peur Bernd. J'ai pas envie d'être un héros, j'ai juste envie de garder mes buts. Je pourrai pas vivre s'ils m'enlèvent ça. Pardonne-moi s'il te plait.

Doigts qui s'agrippent au tissu du large T-shirt qu'il portait.

J'aurais pas dû te dire ça, mais j'ai paniqué. C'est ce qu'il se passe parfois dans mes cauchemars la nuit. Ils apprennent, et ensuite ils m'arrachent ma passion et mes rêves.

Murmures dans son oreille.

Mais j'ai pas envie de te perdre à cause de ça. Parce que t'es ce dont je rêve aussi. Tu sais, j'ai même commencé à regarder les maisons à la montagne parce que tu m'as dit que t'aimerais y habiter après.

Légère humidité qui parvient à sa peau. Marc pleure et cette idée lui déchire le cœur. Parce que depuis des années, il était normalement l'artisan de son bonheur.

Doigts qui glissent entre les autres. Muscles du bras qui se détendent. Soulagement qu'il peut palper.

Ils m'ont dit de chercher un nouveau club.

Gorge nouée à cette idée. C'était peut-être pour ça qu'elle faisait si mal cette remarque envoyée. Parce qu'elle était une réalité. Son rêve de mondial, c'était à travers Marc qu'il le vivrait. Parce qu'ils étaient trop nombreux et qu'Hansi allait devoir trier. Et quand il avait fini de trier, ce serait Manu, Marc Andre et Kevin, parce que c'était leur destinée. Il le savait. Toute l'Allemagne le savait. Comme Marc savait qu'il ne ferait que regarder et non participer. C'était comme ça, mais ça faisait toujours aussi mal quand le sujet était évoqué. Parce que c'était remuer le couteau dans la plaie.

Dans la plaie béante de sa saison passée assis sur un banc. Dans la plaie béante de son niveau régressant. Dans la plaie béante de son avenir vacillant.

Quoi ?! Mais pourquoi tu m'en as pas parlé.

Pouce qui glisse sur sa main. Douceur dans la voix.

Je devais le faire après. C'est pas grave, de toute façon, j'avais pas non plus envie de continuer. C'est long tu sais une saison sans jouer.

Mari qui manœuvre son corps et le force à se retourner. Etreinte dans laquelle il se retrouve enveloppé. Tête enfouie dans le maillot de son compagnon. Bouche qui se dépose à de nombreuses reprises sur sur son crâne. Doigts qui trainent dans ses cheveux.

Tu vas retrouver. Les bons gardiens ça court pas les rues.

Doutes qui l'assaillissent. Il n'était pas sûr qu'il en était un. Peut-être qu'au final Marc Andre avait raison. Dire qui il aimait ne changerait strictement rien parce qu'il n'était plus rien. Approbation étouffée dans le tissu à laquelle il ne croit qu'à moitié. Il s'y blottit un bon moment. Malgré la colère, malgré la douleur, Marc Andre arrivait toujours à chasser ses incertitudes et ses peurs.

Main qui finit par glisser sous son menton. Visage relevé. Regard rougis qui croise les yeux démunis. Lèvres qui viennent délicatement l'embrasser.

Je te promets de réfléchir à ta demande. J'avais pas compris que t'en souffrais autant.

Mèches remises en place du bout des doigts.

Mais laisse-moi du temps s'il te plait.

Prunelles bleutées s'éclairant légèrement. Petit sourire naissant. Il le croit un instant. 

j'espère qu'il vous aura plu :) 



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