Chapitre 4, Matteo

Depuis la mort d'Eïleen, je me suis fait le serment de ne plus jamais remettre un pied dans un hôpital. Mais aujourd'hui, je n'ai pas le choix, je dois me faire recoudre. Le sang ne me dérange pas, mais voir ma main avec une entaille, me rend complètement pâle. Il est temps que ça se termine, si je ne veux pas me retrouver allongé sur un brancard.

— Monsieur de Barnardis ?

Je relève la tête et regarde le docteur, une blonde avec un corps très fin, son regard croise le mien, je me détourne, me lève et attends Mika.

— Tu veux y aller seul ? me demande-t-elle.

— Non... Je veux que tu m'accompagnes, s'il te plaît, la supplié-je avec mes petits yeux de chien battu.

— Comme tu voudras, me répond-elle.

Je lui tends mon autre main pour qu'elle l'attrape et qu'elle se lève. Mon corps est parcouru de frissons en sentant sa peau contre la mienne. Cette fille me rend complètement fou. Nous suivons la doctoresse qui nous emmène dans une pièce dédiée pour recoudre les personnes. Je m'installe dans le fauteuil et prends une profonde inspiration. Bordel ! Qu'est-ce que je peux faire comme conneries en ce moment ! Si j'avais rangé ce maudit couteau, je ne serais pas ici en train de regarder du matériel pour faire souffrir un humain.

— Vous avez déjà été recousu quelque part ? me questionne la blonde.

— Non.

— OK.

Cette femme est carrément glauque ! Elle doit avoir la vingtaine, du moins pas plus de vingt-cinq ans. Elle a des yeux bleus, mais ceux de Mika sont largement plus beaux ! Elle n'arrête pas de me lancer des petits regards fiévreux... elle n'a pas remarqué que je suis accompagné ? Qu'est-ce qu'elle croit ? Que je vais lui demander son numéro en ressortant de cette salle de la mort ? Une salle seulement peinte en blanc, avec aucune décoration, pas même un cadre ! Seules de grandes armoires remplies d'objets de tortures font office de déco.

Il ne manque plus qu'à enlever le mobilier pour le remplacer par des tables grises, et nous avons droit à une belle salle d'autopsie ! Je n'écoute pas les explications de cette bonne femme, je n'ai besoin que du contact de Mika pour me rassurer. Je ferme tout de même les yeux me rappelant ce lendemain d'anniversaire.

/10 mois plus tôt\

L'annonce d'Eïleen m'a fait un terrible choc. Comment voulez-vous tirer un sourire avec cette annonce si... brutale ? C'est juste impossible. La nuit s'est très mal passée, je n'ai pas arrêté de me tourner et de me retourner dans tous les sens. À mon réveil, vers cinq heures du matin, mon téléphone se met à vibrer. C'est la troisième fois qu'il vibre. Je l'attrape et regarde le numéro que je reconnais directement ! Celui du père de ma petite amie. Le stress commence à monter, et si cet appel annonçait une bonne nouvelle ? Je décroche en prenant une profonde inspiration.

— Allô ?

— Matt ? Il faut que tu viennes à l'hôpital.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? demandé-je en stressant.

— C'est beaucoup trop long à t'expliquer, il faut que tu viennes.

— J'arrive !

Je raccroche et sors de mon lit en moins de trente secondes. J'ouvre les portes de mon armoire et prends les premiers vêtements que je trouve. J'enfile tout, je passe par la salle de bains pour me brosser les dents en vitesse et sors de la maison pour grimper dans ma voiture. Si la nouvelle est si longue à être racontée, je suppose que c'est une bonne, non ?

Je roule à toute vitesse jusqu'à l'hôpital. Je ne sais pas à combien je roule, mais je n'en ai rien à faire. Je veux être près de ma petite amie, la prendre dans mes bras et la rassurer. Je me gare sur la première place vide que je vois, je ne prends même pas la peine de me garer correctement. Je sors de la voiture et entre à l'intérieur du grand bâtiment qui se dresse devant moi.

— Monsieur ! Votre voiture ! m'interpelle un homme de la sécurité.

— Vous avez qu'à la bouger, lancé-je en lui jetant les clés.

Je me précipite dans couloir que le père d'Eïleen m'a indiqué par SMS. Mais j'ai l'impression de participer à une chasse au trésor, tellement les couloirs paraissent immenses !

— Matteo... me stoppe une voix.

Je regarde l'homme se diriger vers moi, je passe une main

dans mes cheveux, en angoissant. Qu'est-ce qu'il se passe ? Je sens mon cœur battre à une rapidité inimaginable. C'est la première fois que je le sens aussi rapide. Je n'ai pas la force d'affronter la mort, surtout sa mort.

— L'état d'Eïleen s'est dégradé... 

— Comment ça ?

— Je t'emmène dans sa chambre, je ne peux pas t'en dire plus. Les médecins pourront répondre à tes questions si tu en as.

Les larmes aux yeux, je le suis. Ma petite Eïleen. Bats-toi. Je regarde mes pieds en marchant, je ne fais même pas attention aux personnes autour de moi. Je relève la tête quand je vois une vitre transparente se dresser devant moi, mon regard se pose sur ma petite amie allongée sur ce lit, relié à des machines. Certainement des machines qui l'aident à respirer. Je suis tellement en colère de la voir allonger sur ce fichu matelas ! Elle aurait dû se réveiller à mes côtés, on se serait fait des câlins... mais non, elle allongée dans un lit d'hôpital avec des tuyaux qui ressortent de partout, comment est-ce possible de laisser une personne dans cet état ?

— Je... Je peux aller la voir ? bégayé-je.

— Pour le moment, c'est impossible. Je suis désolé, répond son père.

— C'est ma petite amie, je ne peux pas l'abandonner, dis-je en baissant la tête pour cacher mes larmes. Elle a besoin de moi et j'ai besoin d'elle.

— Matt... Il va falloir se préparer à la voir partir bientôt.

La voir partir ? Comment peut-on arracher la vie à une si jeune personne ? C'est totalement injuste. La vie est tout simplement injuste.

— Je veux aller la voir...

— Tu ne peux pas...

— Je m'en fous ! haussé-je le ton avant d'entrer dans la chambre.

J'entends seulement un « Matt », mais l'envie est plus forte que tout. Je veux la voir, je veux lui parler, la rassurer, lui dire que tout ira bien et que je serai toujours là pour elle.

Je m'approche doucement de son lit et pose une main sur sa jambe en avançant tout en la regardant.

— Mon amour...

Elle n'est pas apte à me répondre, elle a un énorme tuyau qui lui sort de la bouche. Il l'aide à respirer, le cancer s'est propagé très rapidement, il est maintenant généralisé. Elle ne peut plus parler, elle a les yeux fermés et sa cage thoracique se soulève lentement. C'est un vrai désastre de la voir ainsi.

— Je sais que tu m'entends.

J'attrape le tabouret et le pose à ses côtés. Je m'assois dessus et caresse ses cheveux comme je le faisais quand on était posés. La voir ainsi me fend le cœur, les larmes roulent sur mes joues, je ne contrôle plus rien. C'est moi qui devrais me trouver à cette place, pas elle. Enfin, personne ne mérite d'être allongé sur ce lit, personne.

— Mon amour... Tu sais à quel point je t'aime. Tu sais que tu comptes énormément pour moi, mais te voir allonger là-dessus me rend complètement fou. Je veux que tu te battes, pour toi, pour moi, pour nous. J'ai besoin de toi et je sais que tu es capable de gagner contre cette putain de maladie ! Je veux t'avoir à mes côtés, je veux me réveiller à tes côtés, je veux continuer à te faire des compliments et... je marque une pause pour sécher mes larmes.

Ma voix est tremblante, je ne sais pas comment je vais être en sortant de cet hôpital, mais certainement détruit. Je poursuis en prenant une profonde inspiration.

— Je ne veux pas te voir au ciel, je ne veux pas que les anges te kidnappent pour toujours. Hier, tu m'as dit que j'aurai une merveilleuse femme avec de merveilleux enfants, mais c'est toi, la plus merveilleuse des femmes... Eïleen ! Bordel ! Mais bats-toi, putain !

La porte de la chambre s'ouvre, le père entre et me regarde.

— Il faut que tu sortes.

— Je ne peux pas la laisser.

— Matt... Je t'appelle s'il y a du changement, il faut que tu rentres chez toi.

— Je ne veux pas l'abandonner...

— Matt... Il faut qu'elle se repose...

Je l'embrasse sur sa joue avant de me lever. Mon regard est vide, mais je n'ai d'autres choix que partir et de la laisser s'en aller pour toujours. Si je la maintiens en vie, ce serait égoïste de ma part. Je sais qu'elle souffre et qu'elle préfère laisser sa place à quelqu'un d'autre. Il est temps pour moi de sortir de sa chambre en lui jetant un dernier coup d'œil. Un dernier regard avant que les machines émettent un long « bip » annonçant le dernier battement de son cœur. La porte se referme et je m'effondre au sol.

— Ça va ? me demande une petite voix à côté de moi.

Je rouvre les yeux et tourne ma tête vers Mika. Je souris légèrement, la voyant sourire.

— Oui, t'inquiète.

— C'est bientôt fini, me rassure-t-elle.

— Enfin.

La doctoresse met le dernier point, nettoie ce qu'il reste autour et c'est enfin fini ! Je vais pouvoir sortir de cette salle.

— Il va falloir revenir dans une semaine pour retirer les points.

— Et pour le sport ? m'inquiété-je.

— Pas de sport pendant une semaine, m'annonce-t-elle.

Elle peut le garder son sourire, je n'en ai vraiment pas besoin. Je me lève pour sortir de cette pièce. Si je pouvais ne pas la recroiser dans une semaine, ça me ferait énormément plaisir. Enfin libre ! Mika referme la porte derrière nous et nous nous dirigeons vers l'accueil pour récupérer quelques papiers.

— On passe par la pharmacie après ?

— Je pense que oui, je n'ai pas trop le choix, soupiré-je.

— Ça marche, sourit-elle légèrement.

Seul le sourire de Mika me convient ! Je récupère les papiers, puis nous sortons des urgences pour aller à la voiture.

— Je te dépose chez toi ? me questionne-t-elle.

— On ne devait pas aller à la plage ? l'interrogé-je.

— Tu veux quand même y aller ?

— Oui, acquiescé-je. Ce n'est pas parce que je suis blessé

d'une main, que je vais m'arrêter de vivre, ris-je légèrement.

— Alors, allons-y.

Nous grimpons dans lavoiture, pour nous diriger vers la pharmacie, puis la plage. Heureusementqu'elle, elle est là pour m'aider. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans ell

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