Chapitre 3

Ça y est. Le grand jour est arrivé. J'ai passé tout l'été à compter mes jours qui restent dans cette région. Ma mère priait sans cesse. Les habitants du village étaient devant notre maison attendant mon départ. C'était la coutume. Chaque fois qu'un jeune quitte le village, tout le monde est là pour l'accompagner tout en nous donnant des recommandations et des conseils. Les vieux ont fait des sacrifices pour me préserver du mauvais sort. Ils m'ont dit la même chose qu'à ceux qui sont partis: "N'oublies pas tes ancêtres. Viens nous voir dès que tu peux car on est ta famille. Ne fais pas comme tous ceux qui s'en aillent pour ensuite nous tourner le dos. N'oublies jamais d'où tu viens". Ceci me faisait bien penser à mon grand frère car, lui, depuis qu'il est hors du village n'est venu qu'une ou deux fois et depuis lors plus du tout. Bamba, lui, utilisait ces phrases pour me faire rire et me faire oublier son départ la semaine passée. Quand les vieux parlaient, lui, il me murmurait: "Ne vous en faites pas pour ça mes papi car vous serez surement des os d'ici mon retour". En réponse, je lui mettais une bonne tape dans le dos car on ne devrait pas se moquer des plus âgés. C'est irrespectueux. Comme on dit: "un vieux qui meurt est une bibliothèque qui brûle". C'est pour ça qu'ils sont très importants pour nous.

Ma mère m'avait accompagné jusqu'à la gare routière où je pris un bus qui me mènerait vers Dakar, vers mon avenir. J'écoutais ses dernières recommandations puis j'entrais dans la voiture tandis que l'apprenti chauffeur montait ma valise en haut du bus. Je ne voulais pas que ma mère voit mes larmes et je ne voulais pas voir les siennes. Eli, mon adoré, souriait mais tristement. Il agitait ses mains tout en sautillant. Je le regardais à travers la vitre de la fenêtre tout en lui montrant toutes mes dents.

Le bus prit son départ. Ma mère et Eli n'étaient plus que deux traits qui disparurent au fur et à mesure dans la poussière.

Je me laissais aller dans mon siège inspirant un grand coup. Cependant personne ne peut se reposer dans cette voiture. C'est tellement bruyant. Des femmes qui rient aux éclats, des hommes qui parlent de tout et de rien, des bébés pleurant par ci par là. On dirait que je suis au marché en ce moment même. C'est aussi assez compliqué d'écrire avec les secousses causées par cette mauvaise route. Ah la galère! J'ai essayé de me concentrer sur le paysage dehors. C'est à la fois magnifique et intriguant. Même si on ne voyait que des buissons et des herbes sèches, le fait de voir comme ça la nature en tant que telle, de la voir libre, sans aucune maison aux alentours, libre de toute activité humaine, ça me fascinait. Je voyais souvent de grands arbres comme le baobab et d'autres en tout genre. Le sol est sec. Il n'est arrosé que durant la saison des pluies. Pauvre nature! On rencontre souvent des habitats mais seulement à l'entrée de chaque région. Le reste du chemin est presque dénudé d'hommes.

En cette période de l'année, Septembre, il pleuvait beaucoup mais la pluie est devenue assez rare. Je me rappelle quand on était plus jeune, mes frères et moi allions sous la pluie pour jouer dans cette merveilleuse eau, un des merveilleux moments de ma vie. Isaac était tombé malade pendant une semaine entière. Lorsqu'il s'était remis debout, on se moquait de lui car, nous, étant plus jeunes, on a résisté à la fièvre. J'en ris encore en y repensant.

-C'est un peu bruyant ici n'est ce pas?

C'est l'homme qui s'asseyait à côté de moi qui venait de me poser la question. Je l'avais à peine remarqué quand il était assis tout à l'heure. Il est dans la quarantaine, des cheveux bien rasés avec quelques uns qui sont blancs. Il avait une barbe naissante et il m'aspirait confiance. Je pourrais enfin discuter avec quelqu'un après douze heures de route. Je lui ai répondu ainsi:

-Oui un peu.

-On dirait que c'est la première fois que tu voyage.

-En effet. Je dois aller à Dakar pour mes études.

-Tu viens d'avoir ton bac donc. Félicitations!

-Merci beaucoup. Vous vivez à Kolda?

-Plus vraiment. J'habite à Dakar et j'étais venu pour le mariage d'une cousine.

-Je me suis doutée que vous ne soyez pas de Kolda

-Hahaha et comment?

-Il suffisait juste de voir comment vous parlez et comment vous vous comportez pour le savoir.

-C'est très flatteur, merci beaucoup.

-De rien. Mais s'il vous plaît vous pouvez me parler de la ville? J'aimerai en connaitre plus.

-Bien sûr. D'abord je dirais qu'elle est magnifique. Elle regorge de beaux endroits, des monuments historiques. C'est là où on peut tout trouver et tout avoir. Mais il faut savoir que c'est dans sa beauté que Dakar cache ses imperfections les plus repoussantes. Beaucoup de jeunes pensent qu'une fois en ville, ils auront une vrai vie, luxueuse et paisible. Cependant nombreux sont ceux qui se détournent du droit chemin pour sombrer dans la délinquance. Les rues sont devenues dangereuses. On entend souvent parler des meurtres, des viols, de la prostitution, des infanticides, etc. Tout ceci est souvent dû à la pauvreté. Des riches, dans cette ville, ça se compte. Les pauvres ont gagné le terrain à cause du chômage croissant. Aucun jeune ne veut plus rester et travailler dan son propre village. Ils investissent beaucoup dans l'immigration clandestine pour ensuite êtres rapatriés, les plus malchanceux.

-Mais ce devrait être facile de travailler là bas quand on a tous ses diplômes?

-Tu ignores beaucoup de choses de Dakar, jeune fille. Tu sais, il y a beaucoup d'étudiants là bas, diplômés jusqu'aux dents mais qui restent chômeurs. Mais heureusement il y en a certains qui font l'effort de créer eux même leur propre emploi. Ils n'attendent personne.

-Mais avec tous ces entreprises qui sont implantées en ville, cela ne devrait être un problème.

-Tu oublies l'exode rural. Cette population qui migrent vers nous en espérant trouver du boulot. On n'a pas vraiment de place pour tout le monde.

-Il ya vraiment un visage caché de Dakar. Nous on nous raconte souvent sa beauté. J'en ai su bien plus avec vous qu'avec mon frère.

-N'y voies aucun mal. Parfois les jeunes sont obligés de mentir à leurs proches pour leur éviter de savoir la galère dans laquelle ils vivent. Je peux te donner un conseil?

-S'il vous plaît.

-Pour réussir là bas, acceptes de te lever avant les coqs et de suer jusqu'à l'heure où seule la lune est éveillée. Ne te laisses pas freiner. Fonces et ne t'arrêtes qu'au bout du chemin.

Je ne sais pas vous mais pour ma part, ces mots resteront bien cloitrés dans un bon coin de ma mémoire.

-Que vas-tu faire comme études, demanda l'homme.

-La médecine

-Très bon choix. Tu auras la chance d'être une personne très distinguée. Je te le souhaite bien.

-Merci monsieur. Comment est ce que vous vous appeler.

-Pardonnez moi. On a tellement parlé que j'en ai oublié les présentations. Je m'appelle Libasse Diagne.

-Moi c'est Afissatou, Afissatou Ba.

-Tu es de l'ethnie peulh, je présume.

-Oui.

Nous avons ainsi continuer à discuter pendant un bon moment. Grâce à lui, j'ai connu de nombreuses facettes de la capitale. En fin de compte, voyager n'est pas aussi ennuyeux que je l'aurais cru.

Quatorze heures de route après, je suis enfin arrivée.

Dakar, capitale du Sénégal!

Après avoir récupérer ma valise, je me suis tourné vers Libasse pour le saluer une dernière fous et le remercier.

-Avec un peu de chance, on se reverra un de ces quatre, me dit-il avec un sourire.

J'attendrai ce jour.

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