Chapitre 15
Des mois, cinq pour être exacte, sont passés. Mon frère, Isaac s'est marié il y a quatre mois. Eli refuse catégoriquement de me parler de sa copine. J'ai tout essayé pour lui faire avouer. Je lui ai fait du chantage et toujours rien. Ma mère, quant à elle, elle est rentrée au village. Je voulais qu'elle reste mais elle ne voulait pas quitter son foyer qui signifie tant pour elle. Me rendant compte de l'importance pour elle, je l'ai laissé partir.
Concernant ma vie professionnelle, je fais des progrès. J'ai même réussi des opérations... Sur des cadavres et... Après deux échecs. Je sais que ce n'est pas fameux. Je ne m'en plains pas. Astou, elle est toujours maladroite. Le docteur Ba... Il est devenu très, très arrogant. Il est devenu très sévère avec moi depuis la dernière fois que je l'ai reconnu. Il me donnait des ordres sèchement pourtant je le sens à chaque fois qu'il risquait un regard au coin de l'il. Parfois les garçons peuvent être incompréhensibles.
Mes recherches sur mon père ne servent pas grand chose. A chaque fois que je me lance sur une piste, je suis déçue car je ne trouve rien. Il m'arrive parfois d'abandonner mais je m'y remet de nouveau. Peut-être qu'il n'est plus de ce monde. D'un côté, ce serait mieux. Je ne saurais jamais la vérité. Parfois je me dis que c'est le mieux car la vérité, qui sait, elle ferait mieux de rester dans l'ombre. Seulement cela ne me convînt pas d'abandonner.
Aujourd'hui, le docteur va choisir entre Astou et moi. L'un d'entre nous doit pratiquer sa première opération chirurgicale de greffe de cur sur un patient. Cette fois c'est bien sur un vivant. J'ai passé toute ma journée à prier. Sachant que monsieur Ba chouchoute beaucoup Astou ces derniers temps, j'ai peur qu'il lui accorde cette faveur. Je croisais les doigts. Une heure... Deux heures... Trois heures. Je n'en peux plus. C'est trop long sa réunion avec ses collègues. C'est si compliqué de choisir une interne pour une chirurgie? Il pourrait tout simplement venir donner le nom de l'heureuse gagnante. Mais bien sûr, il faut qu'il fasse une grande entrevue. Bof, c'est la règle après tout. Le conseil est censé se réunir pour donner une responsabilité pareille à un élève.
Pendant l'attente, j'ai envoyé un message à mes deux frères. Contenu: "Crois tu que je sois à la hauteur de greffer un patient?" La première réponse que je reçu ne prit même pas quinze secondes. C'était celui de Eli: "Tenant compte de tes deux échecs consécutifs, j'en déduis que tu réussiras après ton deuxième meurtre". Je répondais tout simplement: "Merci, très rassurant". Par contre le message de Isaac a tardé. Je l'ai reçu au moment même où arrivait le docteur. Juste cinq mots ont suffi pour me mettre en confiance:"J'ai confiance en toi". Quand les petits frères sont là pour nous perturber, les grands frères sont là pour nous rassurer.
-Après avoir longuement réfléchi, le conseil a finalement rendu son verdict. J'avoue que ça n'a pas du tout été facile pour moi de faire un choix car j'ai à mes côtés deux élèves aussi compétentes l'une que l'autre. Je fais un énorme sacrifice de vous donner mon patient qui compte sur moi pour sauver sa vie. A la candidate, je lui demande de ne pas me décevoir. Mes patients sont ce qu'il y a de plus précieux pour moi. Celui ci a un espoir, celui de vivre. Alors la balle est dans votre camp. Afissatou Ba, retrouvez moi à dix sept heures dans la Salle douze.
Ça y est je suis prise. Enfin il me donne ma chance. Je vais pratiquer tout ce que j'ai appris au cours de ces mois. Je ferais tout pour ne pas décevoir monsieur Ba et mon grand frère. Il est hors de question que je fasse une erreur. C'est ma chance. Je relève le défi!
"Dégagez...140... Dégagez... Sortez de la salle mademoiselle Ba". Ces mots chantonnaient dans ma tête. Quelle erreur ai-je bien pu faire? J'ai failli tuer le patient. Si les médecins titulaires n'étaient pas intervenus... Astou était déjà remontée contre moi du fait qu'on ne l'ait pas choisi. J'aurai aimé qu'elle soit là pour me consoler comme avant avec Bamba. J'aurai dû demander à Monsieur Ba de la laisser pratiquer. Il était très en colère lui aussi. Avec son cri nerveux contre moi, il ne me pardonnerait jamais. Eli a raison. Je ne réussirai aucune opération sans avoir tué quelqu'un. C'est foutu pour moi. Je déçois tout le monde.
Arrivée chez moi, je me suis enfermée dans ma chambre. Il fallait que je pleure, que j'évacue toute cette haine contre moi même. Je ne voulais parler à personne. Je ne veux voir personne. Ça me ferait tellement plaisir de voir Bamba maintenant. Je le déteste de m'abandonner comme ça. Il se disait être mon meilleur ami. Il me promettait de ne jamais m'oublier, de ne jamais m'abandonner. Et là où est-il!
Je sentis mon portable vibrer. Il était vingt deux heures. Quand j'ai jeté un petit coup d'il, ce n'était que Eli. Au début je me suis dit qu'il voulait se moquer de moi mais ma curiosité a été plus forte: "Sort de ta caverne, ton patron veut te voir". Mon patron, c'est pas vrai! C'est une blague, le docteur ne connait même pas ma maison et il est bien remonté contre moi. Je sortis malgré moi pour vérifier. Une fois la porte ouverte, c'est mon frère que je voyais, les mains croisées.
-Voilà! C'est pas trop tôt.
-D'accord tu m'as eu. Bonne ta blague Eli.
-Il est dans le salon.
Il eut un rictus, ce morveux. Il adore les situations embarrassantes. Tout m'énerve aujourd'hui. Je n'ai ni envie de rire ni envie de bavarder. Je vais faire un tout petit effort et supporter les sermons du prof.
Quand je suis entrée dans le salon, son regard était différent de celui de l'aprem. On dirait qu'il était compatissant. Il m'a pardonné? Je pense que je rêve. Je le salue timidement et m'installais sur le fauteuil en face de lui. Le silence était gênant. Heureusement qu'il le rompit.
-Excuse moi pour tout à l'heure, dit-il d'une voix douce. Je sentais la sincérité et je la voyais dans son regard.
-J'étais stressée docteur. C'est pour ça que j'ai paniqué. Je vous jure que...
-S'il te plaît, coupa-t-il voyant mes larmes couler. J'ai commis cette même erreur quand j'étais à ta place quelques années auparavant. Lors de ma toute première opération, j'ai échoué. Quand je t'ai crié dessus, c'était pas fait exprès. Je me suis emporté à cause de la panique. Quand mon titulaire m'avait crié dessus, j'ai compris que c'était pour que je ne refasse plus jamais la même bêtise. Afi, dit-il en s'asseyant près de moi tout en me tenant la main. Dès l'instant que je t'ai vu à l'hôpital, j'ai su que tu es la bonne personne pour ce métier. Pleures plus, tu veux.
-Je me sens tellement mal, fis je impossible d'arrêter mes pleurs.
-Je sais. On ne peut pas te blâmer pour cet échec tu sais.
-Et s'il était mort?
-Il ne l'est pas.
-Mais s'il l'était, insistais-je.
Il ne répondit pas tout de suite. Il m'a regardé tendrement dans les yeux. Ils sont si hypnotisant...
-Je parle avec toi en tant qu'ami ce soir. S'il était mort, dis toi que c'est loin d'être ta faute. Tous les titulaires étaient là pour éviter une telle tragédie.
Je soupirais de soulagement après qu'il m'ait dit cela. Je sentais un lourd fardeau se dégager de mon épaule. J'ai de nouveau regardé le docteur qui me souriait, un sourire rassurant. Sa beauté me séduisait au plus haut point. Nos deux visages se rapprochaient. Je sentais sa respiration et ses lèvres s'approchaient dangereusement des miennes. Je ne pouvais plus bouger et mon cur battait la chamade. Tout comme lui, j'avais envie de l'embrasser, de sentir la saveur de ses lèvres. Il a réussi à me séduire alors qu'aucun homme à part Bamba n'a jamais réussi.
-Hum hum... Quelqu'un venait de se racler la gorge, interrompant ainsi toute la magie tout en installant de la gêne dans l'atmosphère.
-...Je ne voudrais pas vous déranger mais il y a mes amis qui arrivent.
Heureusement que Eli est arrivé. J'ai failli embrasser mon professeur. Je me suis levée sur le champ. J'étais mal à l'aise comme jamais. Monsieur Ba l'était aussi. Je le devinais à son comportement. Au moment où j'allais dire quelque chose, je vis une bande de quatre jeunes hommes débarquer dans le salon. C'est vrai que parfois ils se réunissaient à cette heure soit ici soit chez l'un d'eux. Je ne voulais pas regarder mon frère car non seulement j'ai honte de moi mais aussi il me faisait les yeux du: "Elle est où la fille qui ne tombera jamais amoureuse?"
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