Chapitre 1

Journal de Afissatou non daté
Ce matin,je me suis réveillée en sursaut. Oh mon Dieu! Il faisait une heure très avancée du matin. Je ne peux dire avec exactitude l'heure puisqu'ici au village la technologie y est inconnue. Et ma mère! Ma pauvre mère,une dame courageuse et fière qui a su se relever de ses pires cauchemars. Elle a su nous donner un bel amour et nous a éduqué malgré l'absence de mon père. Elle est surement dans les champs en ce moment. Pendant cette période de l'année,la saison des pluies,les récoltes sont assez bonnes et elle y passe la moitié de ses journées.
Je me suis dépêchée de me laver le visage car je dois la rejoindre pour l'aider. Je suis sûr qu'elle voulait que je reste à la maison me reposer mais je ne pouvais pas la laisser seul faire ce dur travail. En weekend et surtout le Dimanche ma mère m'interdit formellement d'aller vendre du mil au marché. Et pour se trouver une raison elle me disait:"Ma chère fille,le seul fait que tu travailles dur à l'école pour réussir dans la vie me suffit largement pour être déjà comblée. Certes tu n'es pas l'aînée mais tu es l'unique fille que j'ai pu mettre au monde et à qui je tiens éperdument."
Ces tendres mots me faisaient toujours pleurer lorsque j'y pensais. Ça me pousse davantage à aller de l'avant.
-Afissatou! S'écria une voix.
C'était ma mère. Je vais devoir encore l'écouter me sermonner.
-Afissatou,combien de fois faudrait-il que je te dise de ne pas quitter la maison les dimanches. Il faut que tu te reposes voyons.
-Je sais maman mais tu sais bien que je ne resterai pas à la maison sachant que tu es seule dans ce champ entrain de te fatiguer.
-Ma fille chérie,tant que je vous nourris toi et ton petit frère à la sueur de mon front,je ne serais jamais fatiguée.
-Wallay! Quand je serais vraiment riche,tu auras ta voiture et un chauffeur qui t'emmènera où tu voudras,une belle villa à Dakar si tu veux même en Europe et pour finir un jet privé qui portera ton nom.
Elle me sourit puis me dit:
-Tu sais Afi,Dieu m'a déjà donné toute la richesse dont je pouvais rêver ici même à Kolda sur la terre de mes ancêtres.
-De quelle richesse parles tu maman? Cette vie?
-Ce n'est pas seulement l'argent qui fait les riches. Il y a aussi la famille que bientôt toi même tu construiras. Tes frères et toi êtes cette famille que j'ai déjà construite. Au fait où est Eli?
-Je l'ai laissé dans la case. Il dormait toujours quand je suis partie. Maman!
-Hum
-Tu as des nouvelles de Isaac?
-Pas une seule depuis qu'il m'a envoyé l'argent le mois dernier. Il a beaucoup changé. Il n'est plus aussi régulier qu'avant. J'espère au moins que tu ne feras pas comme lui une fois à Dakar?
-Jamais! Maman toi aussi,tu penses que je te ferais cela? Ne t'inquiètes pas. Ce n'est pas parce que c'est mon grand frère que je dois avoir le même comportement que lui. Je compte bien tenir les promesses que je t'ai fait.
Après ces derniers mots on continuait à labourer le champ. Cette année,le mil et l'arachide sont plutôt à gogo dans la région. Avec cela plus le riz et les lentilles on a de quoi satisfaire nos clients et notre ventre.
Ce serait plus simple si mon grand frère nous envoyait régulièrement de l'argent. Mais dans ce pays,c'est comme ça. Nombreux sont les mères pauvres qui aident leurs enfants à partir en ville pour avoir du travail mais après deux à quatre mois,le nouveau salarié oublie sa famille et préfère jeter son argent par les fenêtres.
Mon petit frère Eli était enfin réveillé et il nous a rejoint pour nous aider. Le pauvre petit,il n'a que dix ans mais il est tellement brave et aucun souci ne l'occupait par rapport à nous qui n'arrivons même pas à dormir la nuit.
J'avais six ans lorsqu'il venait de naître et c'est le huitième jour,le lendemain de son baptême que mon père nous a abandonné,préférant sa femme et son fils blancs. Mon grand frère Isaac n'a plus jamais voulu entendre parler de lui. Il avait treize ans à cette époque. Il se rappelait très bien de lui jusqu'à maintenant mais il refuse de me dire quoi que ce soit le concernant. Je me souviens encore de cette discussion que j'avais eu avec lui lorsqu'il avait dix neuf ans et moi douze:
-Tu n'aurais pas avec toi une photo de Papa?
-Je t'avais interdit de me parler de lui,me cria t-il.
-Je veux juste savoir comment il est Isaac.
-Tu sais Afissatou,depuis qu'il est parti j'ai nourri une si grande haine envers lui que je n'ai jamais pu oublier son visage. Je te jure que tout ce qui m'importe pour le moment c'est de le trouver et de lui faire payer tout ce qu'il nous a fait subir.
-Tu ne vas pas lui faire du mal j'espère? Disais je en posant ma main sur son bras.
Il me repoussa et me cria
-ET LUI? IL NE NOUS A PAS FAIT DU MAL PEUT ÊTRE? Bien sûr tu n'en as aucune idée puisque tu as tout oublié même son visage.
-Isaac...
-Bon! Ça suffit. Vas plutôt aider maman dans la cuisine,coupa t-il.
Depuis ce jour,je n'ai plus jamais osé lui parler de mon père. Aujourd'hui il a vingt trois ans et il ne s'est toujours pas marié. D'habitude,ici à Kolda,les jeunes ont des épouses à dix huit ans mais puisque c'est un citadin maintenant il se comporte en tant que tel.
Je ressemble beaucoup à mes deux frères surtout à Isaac. Ma mère disait souvent qu'elle voyait toujours notre père en nous. Elle disait qu'on lui ressemble beaucoup. C'est Eli qui a tout hérité de notre mère. Il avait ses même yeux grands et globuleux. Et nous autres avions des yeux pas très minces,une petite bouche et un petit nez mince. Nous avons une peau claire. Ce sont les gènes de notre ethnie. Les pulaars ont cette réputation de beauté qui nous est propre. Nous pouvons nous connaître et savoir si telle personne est du nôtre ou pas.
Bien sûr Isaac n'aimait pas être comparé à Papa. Parfois il disait:"j'aurais préféré ne jamais exister ou avoir le visage défiguré plutôt que de ressembler à ce vaurien." La dernière fois qu'il avait dit ce dernier mot,il avait reçu une belle gifle qu'il en a voulu à ma mère pendant un mois entier. Pourtant ce qu'il ignore et que ma mère m'a dit est que même son fort caractère est pris de notre père.
Des fois je me dis que certes il nous a abandonné mais n'avait il pas une bonne raison de le faire? Depuis mes douze ans j'ai cherché à comprendre mais je n'y suis jamais arrivée.
Ma mère n'a cependant jamais laissé paraître ses émotions mais elle se fâchait toujours lorsque quiconque osait dire du mal de Papa et je ne sais toujours pas pourquoi cette attitude. Normalement elle était censée le détester. Ce qui me fait dire qu'elle l'aime encore et qu'elle serait prête à retourner avec lui s'il revenait.
On avait terminé notre travail. Nous rentrions ensemble,Eli,ma mère et moi en chantant et en riant comme des meilleures amis et nous le sommes en fait. Ma famille est la première vrai amie de ma vie.
Vers le crépuscule,je me lavais,faisais la prière et m'attaquais direct à mes leçons. N'oublions pas que demain il y a école et je suis en classe d'examen.
J'ai toujours aimé les mathématiques alors du coup je les faisais en premier. Mon professeur m'avait un jour dit:"C'est excessivement rare de voir une brillante élève comme toi, dans la situation actuelle que tu vis. Je dirais plutôt que c'est seulement un sur trois. Mais je t'encourage beaucoup. Ne descend surtout pas de ce chemin". Il avait totalement raison. En général les enfants abandonnés où qui ont des parents divorcés ne deviennent pas très motivés et se lancent parfois dans le vagabondage.
Je terminais enfin et décidais de dîner avec la famille. J'adore ce regroupement autour du repas. On est différent des européens. Dans notre culture,le repas se sert dans un grand bol et tout le monde s'assoit en bas pour manger ensemble. Les enfants n'ont pas le droit de toucher le milieu où se trouve les légumes et attendent gentiment qu'on en leur serve. Ils n'ont aussi pas le droit de parler quand ils mangent:"On ne mange pas la bouche pleine".
Après ce bon dîner que nous prépara notre mère,j'allais rapidement me mettre au lit car je devais me réveiller assez tôt. Je l'entendais chanter pour mon frère et sur ce doux morceau je m'endormais.
***
KOKORICOOOOO!
Le rituel des coqs le matin. Chaque matin,c'est leur chant qui nous réveille pour qu'on se mette au travail.
Malgré les protestations de ma mère,j'allais quand même balayer la cour de la maison. Elle finit par me laisser et alla préparer le petit déjeuner qui était de la bouillie de mil accompagnée de lait caillé. C'est vrai que c'est un petit déjeuner de pauvre mais il aidait à avoir de la force et à garder la forme.
Après que tous mes occupations du matin furent terminées c'est à dire balayer,laver la vaisselle,prier,manger et me laver,je prenais mon sac à dos et m'engageais en vitesse sur la route pour le lycée qui n'en était pas vraiment un. C'est juste un ensemble de salles de classes avec des toits en paille. Ce n'est pas vraiment le lycée dont on peut rêver de mettre les pieds mais on est au village et l'aide financière n'est pas aussi satisfaisant. Les habitants sont pauvres. Il n'y a que nos terres qui font notre richesse.

La classe! Je suis enfin arrivée et ce matin,nous avons comme matière le Français. En général,beaucoup d'élèves en série Scientifique trouvent le cours assez ennuyant. Ils préfèrent se focaliser sur les autres matières dominantes. Pourtant le Français est très intéressant de même que l'Anglais. Le professeur était arrivé et les élèves se levèrent pour le saluer. On commençait ensuite le cours après qu'on se soit tous installé.
-Salut ma perle! Dit une voix derrière moi à la fin du cours.
-Bamba,quoi de neuf?
-Rien de spécial.
Bamba était le garçon le plus terrible de la classe. Il était le perturbateur. On le surnommait "le négatif". A chaque fois que tout le monde était d'accord sur quelque chose il basculait tout en disant qu'il n'était pas d'avis. Il faisait tout pour avoir raison. Même les professeurs n'étaient pas en reste. Un jour le professeur d'histoire lui avait dit ceci:"Monsieur Bamba Gallo,vous pouvez toujours avoir raison devant moi ou devant tes camarades mais devant la science tu auras toujours tord". Il faillit regretter ces mots. Si je n'étais pas intervenue pour poser une autre question,Bamba lui aurait répondu de la manière la plus douloureuse. Mon ami est resté cependant silencieux et fâché toute la journée. C'est son plus grand défaut. Ce n'est pas facile de le mettre en colère mais dès qu'il l'est il peut rester une journée entière sans parler à personne.
Il avait dix sept ans et était toujours deuxième de la classe. On se rivalisait toujours. A chaque semestre de chaque année,il me promettait de prendre ma place mais n'y est jamais arrivé. Bien sûr sauf quand on faisait la troisième,il a pu être le premier et moi deuxième. Je me suis rendu compte que les deux rangs étaient pareils mais je préférais la première quand même. Du coup moi aussi je lui ai juré de ne plus lui céder la place et c'est ce que j'ai fait. Il m'a dit alors:"De toute façon c'était juste pour te mettre en colère mais ça ne me fait ni chaud ni froid d'être à la première ou à la deuxième place. Je suis intelligent et cela me suffit aisément ma belle". Il disait cela bien sûr pour me mettre sur les nerfs mais je sais qu'il meurt d'envie d'être toujours devant sur tout.
-Dis moi Afi ça tient toujours ce rêve d'aller étudier en ville.
-Bien sûr. Tu sais mieux que quiconque que mes objectifs je les atteins à coup sûr,lui répondis je.
-Je l'espère bien. Je compte vraiment continuer mes études avec toi.
-Je sais. On deviendra tous les deux de grands médecins.
-Et les meilleurs. J'épouserai ensuite une belle blonde et j'aurai deux garçons et seulement une fille.
Sa femme aura vraiment de la chance de l'avoir comme mari. Il est sympa et rigolo. Il est gentil avec toutes les filles. Je pense surtout à ses patientes qui seront vraiment dingues de lui. C'est un garçon pas facile à repousser. Il est très beau,son sourire est tellement séduisant et il a une peau claire. Ses yeux sont grands et noirs. Mais heureusement il n'est pas comme tous ces hommes qui usent de leur beauté pour mettre les filles dans leur piège surtout que lui il préfère les femmes blanches.
Il est aussi différent d'eux car il avait un esprit plus mature et il adorait la vie européenne. Il ne cesse d'ailleurs de le dire. Il a même dit qu'après ses études à Dakar il ira à Marseille.
Il était très drôle et me faisait rire. Mais parfois il pouvait faire exprès de m'énerver car il adorait me voir en colère. Il y avait parfois des rumeurs qui disaient que lui et moi sortons ensemble. Cela m'énervait par contre lui ça l'amusait et il les approuvait en plus. Rien ne le gênait. Un être presque parfait on dirait. C'est pour cela qu'il est mon meilleur ami et cela pour toujours.
En tout cas ce dont on était sûr c'est que nos objectifs qu'on a en communs compterons bien se réaliser.

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