Chapitre 3

  Nous arrivâmes bientôt face à une porte en verre. Cependant nous ne voyions pas l'intérieur de la pièce car il y avait un film floutant devant la porte vitrée. On entendait des cris hystériques et assez effrayant nous parvenant de l'autre côté de la porte.

- C'est encore pire qu'avant marmonna Javier.

- Bon va falloir y aller, soupira Barbara.

Elle inspira fortement tandis que je me demandais en quoi cette Electre pouvait être si effrayante. Barbara poussa la porte vitrée et mes yeux s'ouvrirent en grand quand je vis l'état de la pièce, ou plutôt de l'atelier.

C'était un vrai fiasco. On voyait des tissus joncher le sol, certains étaient déchirés, d'autres complètement émiettés. Des bureaux étaient couverts de différents types de dentelles entremêlés, des feuilles, feutres, crayons, stylos étaient renversés. Un grand tableau était couvert de traits. Des mannequins étaient renversés au sol. Si on m'avait demandé une représentation de l'enfer pour un styliste, cet atelier aurait été mon premier choix. Même moi, qui n'étais pas styliste, étais déjà fatiguée en pensant à ces personnes qui ramasseront ce bazar. Les couturiers étaient tous regroupés dans un coin de la salle, prenant garde à éviter les stylos, et feutres volants. Parce qu'au milieu de ce raffut, se trouvait une femme de petite taille, aux cheveux blond électrique coupés à la garçonne. C'était un véritable ouragan. Tout ce qu'elle trouvait, elle le jetait. C'était une véritable furie, elle poussait des cris assourdissants. Malgré cela, elle était mignonne. Du genre Fée Clochette. Et aussi Fée Clochette en furie à en juger la situation. Non loin de la jolie endiablée, se trouvait un jeune homme aux cheveux rouges. Il paraissait désespéré, mais son visage reprit un peu de vigueur lorsqu'il nous aperçut. Il s'avança vers nous, évitant les projectiles lancés par, je le devinais, Electre, et je remarquai que c'était un jeune homme, grand et très fin qui s'approchait de nous.

- Barbara, s'exclama-t-il. Je ne sais plus quoi faire avec Electre.

Barbara inspira et posa sa main sur l'épaule de l'homme aux cheveux rouges. Moi j'étais hypnotisée par ses cheveux flamboyants.

- Je m'en occupe, Raphael.

Barbara s'approcha d'Electre. Elle se retourna brusquement vers nous.

- Javier, Ambrosio, amenez les collections de l'an passé.

C'est Ambrosio qui les lui amena. Barbara les prit et les présenta devant Electre qui avait cessé de jeter des choses à travers la pièce.

- Electre, ma chérie, que se passe-t-il ? demanda Barbara d'une voix douce.

- Ce qui se passe ? Ne fais pas l'innocente Barbie ! Tu sais très bien pourquoi je suis ainsi ! C'est pourtant pas si compliqué d'avoir du tissu indigo !

Barbara posa les anciennes collections sur une table et s'approcha encore de la petite blonde qui s'échauffait. De mon côté je regardai les exemplaires avec attention. Donc cette Electre faisait tout ce raffut pour... des tissus indigo ? Etais-je la seule à penser qu'elle agissait comme une enfant gâtée ?

- Je veux de l'indigo ! Comment s'appelle cette société ? Indigo ! Je veux de l'indigo ! Bande d'incompétents, criai-t-elle en recommençant à jeter des choses sur ce que je devinais être des couturiers et couturières.

- Electre, tu auras de l'indigo dès demain...

- Et retarder l'avancement de la collection d'un jour, on ne peut pas se le permettre Barbara !

- Mais si on le peut ! Comme ça tu iras chez toi, te reposer avec... Charles-André ? Oui avec Charles-André. Et tes employés prendront eux aussi une pause. Vous le méritez bien, dit Barbara prenant Electre par les épaules en les lui caressant d'un geste amical.

Quant à moi je feuilletais les deux exemplaires des collections précédentes. Je n'avais pas fait beaucoup de recherches sur cette entreprise, je l'avoue. Mais je savais que c'était une jeune branche issue de l'entreprise mondiale de finance Haccews Inc. L'entreprise Haccews Inc. était une gigantesque société mondiale créée par les sœurs Elizabeth et Jasmine Haccews. Cette société créée par des femmes (à la grande surprise du monde) puis reprise par Paul Haccews, jeune cousin de Jasmine et Elizabeth, était devenue incontournable dans le monde de la finance. Et depuis peu, pour se moderniser, le patronnât avait décidé de créer plusieurs branches pour l'entreprise. Ainsi furent créés Indigo, branche dans le domaine de la mode et S'évader, une chaine d'hôtels internationale. Cela datait d'il y a quatre ans. Indigo était donc une jeune société mais avec beaucoup de notoriété.

- Tu veux me renvoyer chez moi ? C'est ce que vous voulez tous ! Hypocrites ! Vous ne m'aimez que lorsque je vous rapporte de l'argent grâce à mes merveilleuses idées. Car je suis une merveilleuse styliste. Sans moi vous n'êtes rien !

- Elle va un peu loin tout de même, dit Javier à son frère qui acquiesça.

Et j'étais du même avis. Bon, elle avait le droit de s'énerver mais de là à insulter tout le monde, ses collègues et ses employés, je trouvais que c'était un peu trop. Surtout que les deux dernières collections dans les tons bleu indigo étaient justes superbes. J'eus soudain un déclic.

- Et je le répète vous n'êtes que des incapables ! Et je...

- Sauf votre respect..., commençais-je en m'avançant vers Electre.

Tout le monde se tut. Barbara me vit, ouvris de grands yeux et secoua la tête mais je l'ignorai. Je m'avançai vers la blonde qui me dévisageait méchamment. Le silence était tellement assourdissant que personne ne fit attention à la porte qui venait de s'ouvrir.

- Mais qu'est-ce qu'elle fout, murmura Javier.

Je continuai de m'avancer vers la styliste avec ses collections en main. Je manquai de trébucher à plusieurs reprises que qui me discréditait beaucoup. Je maudis ma maladresse naturelle. Quand je fus à une certaine distance d'elle je m'arrêtai. La petite femme aux cheveux coupés court me fusilla du regard.

- Qui es-tu ?

- Mademoiselle... euh Electre, dis-je ne me rendant compte que je ne connaissais pas son nom. Je suis Eve Brastoli, la stagiaire de Barbara...

- Et pourquoi une stagiaire comme toi vient-elle me parler, dit-elle en crachant littéralement le mot stagiaire.

- Et je pense que vous n'avez pas besoin de tissus indigo, dis-je en faisant abstraction de son commentaire vicieux.

- Crois-tu vraiment que ce que tu penses m'intéresse ? Tu penses faire mon travail mieux que moi ?!

Je me forçai de garder mon calme.

- Pas du tout. Mais avez-vous jeté un coup d'œil à vos deux dernières collections ?

Je lui montrais les exemplaires.

- Les deux collections sont dans les tons indigo. Tous les tissus dans cet atelier vont du bleu au violet. Vous ne pensez pas qu'au bout de quatre ans d'indigo, les gens ont compris que le nom de cette société est Indigo ? Je pense que si. Et je pense aussi, même si mon avis vous importe peu, que si vous refaite une collection dans les tons bleu, indigo ou même violet les gens ne pas vont acheter votre magazine et vous savez pourquoi ? Parce que vous allez les dégouter de cette couleur ! Ne lisez-vous donc pas les critiques ? Que pensent les gens de votre dernière collection ? Qu'en disent-ils ? Oui, vous avez réussi à faire décoller cette entreprise en utilisant les tons bleus à l'image de son nom, mais il est tant d'innover un peu ! Pourquoi pas du... jaune, la couleur complémentaire du bleu. Les gens seront surpris et vous serez jugée de votre capacité à jouer avec les couleurs. Ce sera attractif et peut être même drôle de voir un magazine nommé Indigo sortir une collection jaune poussin, ne pensez-vous donc pas ?

Elle resta muette. En fait, tout le monde restait muet. Mais je sentais l'agitation parcourir les couturiers qui commençaient déjà à être excités d'une nouvelle collection. Mais Electre fronça les sourcils et le minime brouhaha qui commençait à se former disparut.

- Et puis quoi encore ? Du jaune poussin ? Autant renommer l'entreprise Jaune Poussin tant qu'on y est ! Ou Vert Pomme ! Indigo a été choisi parce que cette couleur est poétique. Et je veux juste lui rendre hommage. Et toi, petite stagiaire, tu me critiques !

- Eh bien rendez hommage à l'indigo et le mariant avec d'autres couleurs. Imaginez des chaussures rose saumon et indigo, une robe bleue à fleurs orange. Je pense que l'objectif de cette collection sera de faire renaitre l'indigo. Pourquoi ne pas l'appeler la Renaissance de l'indigo ?

Il régnait un silence lourd dans la pièce. Electre avait croisé les bras et avait un regard pensif. Barbara me dévisageait, les yeux grands ouverts. L'atelier était calme et je sentais les regards de tous les employés sur moi. Je commençais peu à peu à perdre la soudaine confiance en moi et me balançais d'un pied à l'autre en regardant le plafond. Soudain, on entendit un murmure. C'était Electre.

- Oui, dit-elle en hochant la tête doucement.

Tout le monde était pendu à sa bouche, appréhendant sa réponse.

- Oui, dit-elle plus fort.

- Oui, quoi ? Tenta Barbara.

Electre releva brusquement la tête vers moi. Elle me fonça dessus et entoura ma taille de ses petits bras. Sa tête arrivait tout contre ma poitrine et je ne savais pas comment réagir, embarrassée. J'entendis un rire étouffé derrière moi et maudis cette personne.

Après m'avoir enlacée, Electre s'éloigna de moi et me fit un sourire flamboyant. Toute trace de fureur semblait avoir disparu de son visage. C'était une véritable métamorphose. Elle frappa d'excitation dans ses mains.

- Merveilleux, s'exclama-t-elle, puis elle se tourna vers moi. Eve, c'est ça ? Qui t'as amené ici ? Tu es fantastique !

- Je suis content que mes choix vous conviennent Electre, dis une voix rauque.

Je me retournai et découvris nul autre que Jeremiah Haccews, soit mon patron. Ma bouche s'ouvrit un en parfait cercle quand il m'envoya une sourire joueur que je ne parvenais pas à comprendre.

- Jeremiah, vous faites toujours de bons choix, félicita Electre en me reprenant dans ses bras.

Il hocha la tête et Electre se tourna vers tous les employés de l'atelier.

- Allez, mes amis ! Vous allez me chercher des tissus de toutes les couleurs qui puissent exister. Du rouge jusqu'au vert, sans oublier le bleu ! Il nous faut un arc-en-ciel de tons et nuances pour notre nouvelle collection : Renaissance de l'indigo ! Javier, Ambrosio, je veux plusieurs croquis pour la prochaine saison, ne me décevez pas !

- Vous, vous..., commençais-je

- Votre idée est géniale, dit Electre, enthousiaste, Je vous engage !

Un rire grave retentit et je reconnus le rire étouffé qui s'était moqué de moi juste avant. Monsieur Haccews s'était moqué de moi. Et moi qui voulait faire oublier ma maladresse, c'était peine perdue. Il devait me prendre pour une fille gauche.

- Electre, je pense que cette décision me revient, vous ne pensez pas ?

- Oui, bien sur Jeremiah. Et je suis désolée pour ce désordre, dit-elle doucement.

- Ce n'est rien, tant que vous ayez repris du poil de la bête et que vous êtes prêtes pour une collection qui j'en suis sure sera superbe.

On ne pouvait nier le fait que monsieur Haccews savait parler aux personnes. Et surtout aux femmes. Enfin cela se comprenait au vu de son charisme affligeant. J'en étais vraiment jalouse. Moi, tout ce que je possédais était une maladresse phénoménale. Je n'étais même pas belle. Ni même jolie. J'étais juste mignonne. Vous savez ce qu'est mignonne ? C'est ce qu'on vous dit lorsque qu'un de vos traits physiques sont agréables à voir même s'il n'est pas en accord avec le reste de votre corps.

J'avais une taille moyenne, un visage rond, des yeux marron. Juste marron et ce serait mentir de vous vous dire qu'il faisait penser aux chocolats ou qu'ils brillaient d'une quelconque intelligence. Ils étaient justes fades. Mon nez était tout ce qu'il y avait de plus commun : droit et quelque peu en trompette. Mes joues enfantines que j'avais depuis ma naissance étaient toujours rosées et gâchait quelques peu mon teint métissé. Parce que oui, j'étais métissée. Ma mère venait des îles africaines et mon père était italien. J'avais les cheveux de ma mère mais en moins beaux. Les miens étaient frisés, de couleur brune, rêches alors que ce de ma mère (et ceux de mes sœurs) étaient bouclés et soyeux. La seule chose qui me plaisait chez moi était ma bouche. Mes lèvres étaient charnues, gourmandes et naturellement rouges. Et c'était tout. Une belle bouche avec un visage commun. Parce que sans cette bouche boudeuse, tout était commun chez moi. Je n'étais ni maigre, ni élancée comme les mannequins, ni grosse, ni pulpeuse. Enfin, j'avais une belle taille et un bon tour de poitrine mais à quoi bon si le visage ne suit pas ?

Enfin, tout ca pour dire que monsieur Haccews était beau et charismatique et que moi, j'étais juste moyenne et insignifiante.

- Oui et cela grâce à cette splendide Eve, répondit Electre à monsieur Haccews.

- D'ailleurs vous m'excuserez mais Barbara ? Je t'emprunte ta stagiaire un instant.

Barbara hocha la tête, tendis que je me rendais compte de ce à quoi cela m'impliquait. De quoi monsieur Haccews voudrait-il me parler ? Je lâchai un gémissement et monsieur Haccews m'envoya un sourire moqueur avant de m'ouvrir la porte, tel un gentleman et m'inviter à quitter l'atelier.







***

Tous commentaires seront appréciés. N'oubliez pas de voter.

TatianaNg

Copyright 2015 ©

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top