Chapitre 1

  J'étais actuellement assise dans un fauteuil rouge cardinal dont le dossier et le siège sont si moelleux que je pourrais bien m'endormir dessus. Bon sans mentir, je n'avais pas fermé l'œil de la nuit. De plus, je suis mal à l'aise. Et aussi excessivement stressée. Eh bien, je passai mon énième entretien d'embauche, aujourd'hui. Etant en dernière année d'étude dans l'art et le design pour devenir directrice artistique, je devais faire un stage dans l'entreprise de mon choix, qui, bien sur, correspond à mon choix d'avenir, où mon patron notera des remarques et critiques qui me permettront - ou non - de passer le concours qui m'autorisera à obtenir mon diplôme. Depuis le début de l'année, on nous répète sans cesse de chercher tôt notre stage mais, paresseuse comme je suis, j'avais attendu le dernier moment pour m'y mettre. Ainsi, cela faisait un mois que j'enchaînas les entretiens d'embauche, en vain. Si je n'ai pas de stage, je serai renvoyée de mon école d'art et cela n'entrait pas dans mon plan de vie. Bon, je n'avais pas vraiment de plan de vie, mais je savais que je ne voulais pas être renvoyée de cette école.

Je postulais donc aujourd'hui pour une grande entreprise de mode, Indigo Corporation. Le hall où j'étais assise était grand, dans les tons rouge sombre et marron chaleureux. Je savais que ces couleurs chaudes sont stratégiquement mises en place pour faire de ce hall, pièce stressante pour de pauvres personnes dans mon cas (c'est-à-dire en recherche d'emploi), une accueillante salle. Mais je ne m'y trompai pas. Je savais comment manipuler les gens en leur transmettant des sons, des couleurs et des formes pour qu'ils pensent ce que je veux qu'ils pensent. C'était un peu une sorte de talent, je suppose.


Je soufflai d'anxiété. Cet entretien était le trentième que je passais, et je étais fatiguée de tout ça. J'ai donc tenté le tout pour le tout ; j'avais mis une jupe. Ce n'était pas que je n'aimais pas les jupes ou tout autre vêtement créé dans le but de monter les jambes d'une femme au monde entier, mais mettre une jupe alors que j'était littéralement au bout de ma vie, n'était pas une bonne idée. J'avais l'impression horrible qu'elle me remontait sur les cuisses de façon indécente. J'avais le sentiment que mes pieds se noyaient dans mes talons noirs et que mon chemisier ruisselait de transpiration.

Je me sentais mal. Je allais vomir. L'angoisse me prenait les hanches. Je allais littéralement mourir.


- Mademoiselle Brastoli ? Une voix atteignit mes oreilles, me stoppant dans mes pensées lugubres.


Je me relevai vivement. Trop vivement. Ma cheville se tordit légèrement et, n'étant pas encore en équilibre, mon corps se pencha vers la droite. Mortifiée, je regardai le sol en pvc imitation bois clair s'approcher de moi avant que mon corps ne perdit totalement l'équilibre et bascula au sol dans un bruit épouvantable.


- Mademoiselle ? Oh, mon Dieu, mademoiselle, allez-vous bien ?


Oui, tout va bien dans le meilleur des mondes, pensais-je ironiquement. Je vrenais juste de tomber, juste avant l'entretien qui devrait, théoriquement, sauver ma vie, mais tout va bien. Je me relevai prestement. La petite secrétaire brune aux petits yeux noirs, qui m'avait appelé la première fois, était toujours inquiète en me regardant. Je fis une grimace qui se voulait être un sourire et marchai, ou plutôt titubai, le plus fièrement possible vers la porte du bureau où je devais m'entretenir avec le DRH de l'agence. La secrétaire, qui devait avoir un ou deux ans de moins que moi me devança et toqua à la porte en bois blanc. Puis elle l'ouvrit et entra en me faisant signe de la suivre. Je fis un effort monumental de faire abstraction de son regard horriblement attentif. Comme si je risquais de tomber à nouveau. Bon, j'avoue que cela sera on ne peut plus probable connaissant ma maladresse légendaire.


Je pénétrai alors dans une grande pièce où trônait un large bureau au milieu. J'observais rapidement la pièce dans laquelle je venais de pénétrer. Un beau tapis gris clair décorait le bureau d'un style design et frais. Une belle baie vitrée, à l'est, nimbait la pièce d'une luminosité grandiose. Quelques meubles blancs peuplaient le bureau. C'était sobre, lumineux et moderne. Et grandement impersonnel.


- Monsieur Haccews, Mademoiselle Brastoli pour vous, annonça l'employée, d'un ton poli.


Le dénommé monsieur Haccews releva la tête de dossiers qu'il était en train d'observer et je crus tomber à nouveau à la renverse. Je ne m'étais même pas renseigné sur le Directeur des Ressources Humaines qui allait m'accueillir. Si je l'avais fait, je ne serais surement pas étonnée d'avoir face à moi un homme qui devait avoir une ou deux années seulement de plus que moi. De plus qu'il était vraiment charmant. Non, à vrai dire il était beau. Vraiment beau. Du genre à avoir les femmes à ses pieds.


L'homme se leva et j'eus tout le mal du monde à ne pas le dévorer du regard. Il était grand, d'une allure athlétique et imposante dont on distinguait la musculature sous son costume de luxe. Il avait les cheveux d'un noir de jais et des yeux bleus perçants. C'en était troublant. Il courba ses lèvres en un sourire ce qui révéla une belle paire de lèvres charnues. J'en eus presque envie de pleurer. Déjà que je me sentaismal et nerveuse, il fallait en plus que je me fasse embaucher par l'homme le plus sexy du pays. Merci la Fatalité.

La porte se ferma derrière moi, me ramenant à la réalité. Je m'approchai fébrilement du bureau tenant mon Curriculum Vitae entre mes mains tremblantes. L'homme me tendit sa large main.


- Bonjour mademoiselle Brastoli, je suis Jeremiah Haccews.

- Enchantée, monsieur Haccews, saluai-je en lui serrant la main.

- Je vous en pris, asseyez-vous, m'invita-t-il.


Je fis comme il me dit et m'asseyais, les jambes fermées et le dos bien droit comme me disait de faire ma grande sœur Chloé. J'attendais qu'il se soit bien assis et donc prêt à m'écouter quand un bruit attira mon attention. Un stupide pigeon urbain venait de se prendre la grande vitre juste devant mes yeux. Je pouffai cyniquement de rire. Je n'étais pas un fan d'animaux et voir ce pigeon s'écraser contre la vitre était assez jouissif. Je me contentais de peu de choses, vous savez.


- Venez-vous juste de rire de cet oiseau, me demanda le séduisant homme, perplexe.


Oh.


- Non, dis-je bien trop rapidement, me rendant compte de mon erreur.


Monsieur Haccews, sourit diaboliquement et se cala contre le dossier de sa chaise en me fixant. Ses prunelles bleues me détaillaient d'une façon assez grossière, je dirais. Pour le directeur des services du personnel, je trouvais qu'il dégageait une bien grande assurance. Peut être était-ce du à sa physionomie d'Apollon ? Comme cela commençait à devenir gênant, je soufflai.


- Bon, oui, je me suis moquée de cet oiseau, avouai-je, les joues en feu.


L'homme en face de moi, sourit plus largement et continua de me fixer. Sérieusement, que fixait-il ? Je n'ai pas les yeux jaunes comme Robert Pattinson dans Twilight (à mon grand daim). J'ai toujours voulu avoir des pouvoirs magiques. Ou être un vampire. Déchirer mes vêtements pour devenir un chien (ou un loup, peu m'importe) n'est pas vraiment ma tasse de thé. Je commençai sérieusement à m'impatienter. Peut-être voulait-il juste que l'on commence ce pourquoi j'étais là ? Je posai alors mon CV sur sa table et le fis glisser jusqu'à lui.


- Voici, mon CV, monsieur Haccews, dis-je tentant de retrouver une conversation normale et professionnelle.

- J'en ai déjà une copie. Avez-vous oublié en avoir envoyé une par mail, mademoiselle Brastoli ?

- Si bien sur, mais vous ne sembliez pas le lire. J'ai juste pensé que vous ne l'aviez pas reçu, dis-je sarcastiquement en roulant des yeux.


Le DRH eut une mine outrée et je commençai immédiatement à paniquer. Le mouvement des yeux étaient instinctif, pour moi. Aussi instinctif que d'éternuer. L'homme en face de moi, gardait son air offensé. Et encore un entretien de raté. Je ne pouvais décidément pas améliorer ma situation alors je décidai de jouer le tout pour le tout.


- Enfin, je veux dire..., désolée, mais je vous en supplie, ne le dites pas au patron. S'il vous plait, j'ai besoin de ce stage. Vous êtes le directeur des ressources humaines, je sais que vous voyez des personnes désespérées tous les jours, mais si vous voulez, on peut recommencer cet entretien depuis le début. C'est ce pigeon là, qui m'a distraite !


Plus je parlais, plus l'homme en face de moi, se mit à sourire franchement. Il se moquait de moi, j'étais littéralement fichue. Bon, je pensais que mon air désespéré allait marcher, mais je m'étais bien leurrée. A la fin de mon petit discours, je jurerais l'avoir entendu rire.


- Ne vous moquez pas de moi, maugréais-je. Entre potentiels collègues, nous devons nous soutenir, non ?

- Mademoiselle Brastoli, pouvez vous me montrer une preuve de vos compétences ? Vous vous dites avoir un bon coup d'œil, montrez-moi cela.


Je levai les yeux vers lui. Il avait donc lu mon CV. J'étais assez stupéfaite. Il avait les yeux rivés sur moi en attendant quelque chose. Mais quoi ? Ah, oui, une preuve de mes compétences. Voulait-il dire, en tant que future directrice artistique ?

Eh bien, je fis comme je le pensais. Après tout, cet entretien est déjà une vraie catastrophe, alors je n'ai rien à perdre. Je balayai la pièce du regard et analysai le moindre recoin. Cela dut durer une minute ou deux dans un silence des plus total. Je pris enfin la parole.


- Si vous voulez mon avis, commençai-je d'une toute petite voix. Vous êtes une personne maniaque du rangement, qui n'aime pas l'obscurité, peut-être est-ce une peur du noir ou un traumatisme datant de l'enfance. Les seules couleurs sont celles de ce cadre-là, dis-je en montrant le cadre devant moi, dont je ne pouvais voir la photo. Je pense donc que la photo se trouvant à l'intérieur vous est chère. L'image que vous donnez est magnétique comme votre bureau malgré le fait qu'il soit impersonnel. Vous êtes un homme viril, on le voit à votre posture. Vous avez l'âme directive, votre façon de parler le démontre clairement. Et malgré le fait que votre bureau soit si austère, je pense que vous êtres un passionné du travail, un bourreau, vous voyez ?


Je ne lui laissais pas le temps de me couper la parole que j'enchainai déjà. J'étais lancée.


- Ouah, vous êtes une personne tellement intéressante ! Je suis sûre que vous êtes une sorte d'hypocrite. Je suis presque sûre que vous pratiquez du sport. Un sport de petit bourge mais pas du golf, c'est trop lent pour vous. Je dirais du tennis. Quoique je vous vois bien dans l'équitation aussi.

- Et vous avez deviné tout ça, en observant simplement mon bureau, demanda abruptement monsieur Haccews.


Je remarquai qu'il avait l'air quelque peu irrité. Peut être y suis-je allé un peu trop loin. J'hochai simplement la tête à sa question. Il eut un sourire malicieux et dit d'une voix bien solennelle.


- Eh bien mademoiselle Brastoli, je vous embauche pour votre stage à une durée de quatre mois.


Je m'esclaffai doucement.


- Monsieur, avec tout le respect que je vous dois, ne devriez-vous pas d'abord vous adressez au directeur- ou la directrice, si c'est une femme de cette agence avant de m'engager ?


J'avoue que j'étais plus détendue, du fait qu'il m'ait clairement dit qu'il souhaiter m'engager. De plus, je ne doutais pas qu'avec sa prestance, il puisse convaincre rapidement son ou sa patron ou patronne de m'embaucher. Il possède un charisme exacerbant. Quelque chose que je n'ai et n'aurais jamais.

Monsieur Haccews eut alors un sourire goguenard qui jurait avec celui du Chat du Cheshire dans Alice Aux Pays Des Merveilles. C'était assez effrayant, d'ailleurs. Je me dis qu'il fallait bien que quelque chose soit drôle pour sourire ainsi mais je ne trouvais pas de choses ayant pu être risibles dans les cinq dernières minutes. Je soulevais mes sourcils, hésitante.


- Mademoiselle Brastoli, pouvez-vous m'expliquer pourquoi je devrais demander l'autorisation au directeur que cette entreprise, alors que ce directeur, c'est moi ?


Mon sang ne fit qu'un tour dans ma tête. Tous mes membres se figèrent.


Récapitulons.

Je me suis moquée d'un pigeon s'écrasant contre une vitre devant mon patron.

J'ai parlé assez grossièrement à mon patron.

J'ai fait une description assez péjorative de mon patron.

J'ai trouvé mon patron sexy.

Je me suis littéralement ridiculisée devant mon patron.


Oh, mon Dieu.


- J'ai bien compris que vous êtes incrédule, mais je vous pris de cesser vos « Oh, mon Dieu. », dit mon patron.


Je me sentis immédiatement minuscule face à lui. Je savais que l'une des choses que l'on apprend lorsqu'on cherche un emploi est de se renseigner sur la société où l'on compte postuler. Mais où étais-je à cette époque ? Je lâchai un gémissement de désespoir. J'étais vaincue. Complètement achevée. J'étais morte.


- Vous n'êtes pas morte mademoiselle Brastoli, vous êtes embauchée.


Je relevai la tête. J'avais apparemment parlé tout haut. Et par deux fois. Cela ne m'étonna même plus. J'avais autre chose en tête. J'étais embauchée ? Vraiment ?


- Je suis embauchée ? Mais j'ai été grossière, je me suis moqué d'un stupide oiseau myope, j'ai fait un portait de vous absolument... véridique et effronté, j'ai...


Monsieur Haccews leva la main pour me faire taire ce que je fis immédiatement. Je n'avais définitivement pas imaginé son aura de dirigeant vu qu'il était bel est bien directeur. Il s'accouda sur son bureau ce qu'il le fit se rapprocher de moi. Je me figeai immédiatement. Il était près. Assez près pour que je sente son parfum totalement viril avec une touche mentholée et de café. Il ouvrit la bouche et prononça d'une voix bien trop sensuelle pour annoncer ce genre de choses. Notons tout de même que cala me fit frémir.


- Je suis le directeur en chef d'Indigo, Eve. Et je vous embauche.











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TatianaNg

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