Chapitre 6


Le soleil était à son zénith alors que j'entrai dans le bâtiment d'Indigo, ce jour-là. Je passai devant Nicolas, le réceptionniste, qui m'envoya un sourire rayonnant. Mais je n'avais pas trop l'esprit à cela. J'étais d'humeur maussade. Et pour cause : j'avais travaillé toute la nuit. Cela faisait deux jours que j'avais quitté le bureau de Jeremiah et, depuis, mon cerveau n'avait cessé de remuer. J'étais en cruel manque d'inspiration depuis une bonne semaine. Puis, hier soir, alors que je regardai le même film romantique pour la énième fois, j'ai eu une illumination. Ne voulant pas la laisser passer, j'ai travaillé toute la nuit, appelant mon équipe à New York pour leur transmettre mes ordres. Cependant, je n'avais pas eu de réponses. Ce qui me mettait assez en colère. Je n'étais pas de nature très patiente et encore moins lorsque je traitais avec un gros client.

Jeremiah avait laissé carte blanche sauf le choix du nom du parfum qui demeurait encore secret. Je me doutais que cela était prévu pour me faire abdiquer mais j'en étais contente. Avoir des contraintes dans ce genre de réalisation était tellement frustrant. Donc j'avais déjà quelques idées de publicités pour le parfum. J'avais reçu la veille, un échantillon du parfum et je devais avouer qu'il sentait extrêmement bon. Comme de la vanille avec une touche sucrée mais le tout restant féminin et élégant. Je ne savais pas si l'on pouvait caractériser une odeur par « élégante », mais ce terme lui seyait plutôt bien.

Enfin, toujours est-il que malgré avoir pris une rafraîchissante douche ce matin, je gardai cet air de zombie. Cassandre, rayonnante dans sa jupe verte et son chemisier noir, me vit arriver et me fit une grimace. Cassandre n'était plus la réceptionniste à l'accueil d'Indigo. Elle était devenue la secrétaire générale de la société. Elle savait tous les emplois du temps de tout le personnel, du livreur jusqu'à celui du directeur des ressources humaines. Elle ne faisait que courir toute la journée, perchée sur ses semelles compensées divinement colorées. Elle s'approcha de moi, la mine à la fois moqueuse et inquiète.

- Eh, bien t'as pas l'air en forme. J'espère que ce n'est pas Jeremiah qui te met dans cet état-là.

- Non, pour une fois, mon air de revenante n'est pas directement de sa faute. J'ai juste travaillé comme une folle, souris-je.

Cassandre savait à propos de Jeremiah et moi. J'avais du mal à voir les jumeaux qui étaient débordés par la prochaine collection automne-hiver qui n'allait pas tarder à sortir. Je les avais à peine vus. De même pour Raphael, qui courrait dans tout Indigo à la recherche d'une certaine écharpe en coton spécial qui avait disparue. Cassandre me salua rapidement alors que j'entrai dans le bureau de Jeremiah. Il était vide, à nouveau. Je commençai à me dire qu'il n'y passait pas beaucoup de temps. Je posai mes affaires sur le bureau qui m'avait été dédié. C'était assez étrange et inhabituel qu'une collaboratrice, comme moi, travaille dans le même office que le directeur. Mais je suppose que vu la réputation de Jeremiah et ma notoriété, on ne nous posait pas de questions indiscrètes.

C'est vrai qu'en trois ans à la SMG, j'avais gagné un peu de notoriété compte tenu de tous les contrats que j'avais réussi à faire signer aux plus grands de la mode française. Guerlain, Dior, Yves-Saint-Laurent, Orange et Renault, les plus grandes marques françaises sont passées dans mon bureau. Et ce sont maintenant de fidèles clients. J'étais fière de notre travail.

Une sonnerie sonna de son sac, me coupant dans mes pensées. C'était mon téléphone professionnel. Il m'en fallait bien un. Fouillant dans mon sac, je trouvai ledit téléphone ainsi que son oreillette connectée. Je le pris et mis l'oreillette tout en décrochant.

- Allô ?

- Miss Brastoli, c'est Cale.

Cale était le deuxième assistant d'Hilary, ma patronne. C'était un jeune homme mignon et très serviable. Sa voix un peu aigue avec son fort accent américain sonna dans mon oreille.

- Cale ? Que me vaut ton appel ? Quelle heure est-il à New-York ? Répondis-je en anglais.

- Il est huit heures passées, mademoiselle.

Je regardai ma montre. En effet, il était près de quatorze heures, heure française.

- Très bien. Alors, que me vaut cet appel, me renseignais-je.

- Euh, oui. Alors, il y eu un souci hier quand on a reçu votre mail...

- Ne me dis pas que Sharon était encore absente, soufflais-je.

Sharon était la maquettiste de publicité. C'était une femme efficace et perfectionniste. Elle avait cependant de gros défauts. Elle était d'une paresse et d'une nonchalance exaspérante. Parfois, elle oubliait d'appliquer mes ordres. Et dans ces cas-là, je n'hésitais pas à la menacer de renvoi. Mais elle était tellement têtue.

- Oui..., commença Cale, assez craintif. Mais elle est revenue ce matin et elle vient de commencer les maquettes.

- Et je suppose que Jordan non plus n'a pas préparé de support de pub, coupai-je amère.

- Euh, aussi.

Je soufflai et passa mes mains sur mon visage.

- J'ai travaillé toute la nuit et aucun de vous ne daigne faire son travail ! Est-ce qu'ils pensent qu'ils sont payés pour ne rien faire ?

- Non, miss, mais...

- Est-ce que Jordan est déjà là ?

- Hum... non, aujourd'hui, il est de repos, murmura Cale.

Je savais qu'il savait déjà mon prochain ordre. Assez agacée, je tapai mes ongles contre mon bureau.

- Eh, bien, il n'a qu'à reporter cette journée à plus tard. Qu'il soit là dans une heure. Et dis à Sharon que je veux ses trois premières maquettes dans vingt minutes. Envoie-les-moi par mail. Dès que Jordan et de retour, tu leur annonce une réunion téléphonique. Appelle aussi Akeko, Samuel et Fadil, j'aurais besoin d'eux. Si l'un d'eux est en retard, dit lui qu'il est renvoyé. Je n'ai pas de temps à perdre. Il faut qu'ils comprennent que ce n'est pas un petit client que nous avons !

Ne laissant pas le temps à Cale de répondre, je raccrochai, mon humeur encore plus exécrable qu'avant. Je soufflai et enlevai l'oreillette.

- Tu es absolument érotique.

Je me retournai brusquement. Jeremiah était adossé au mur de son bureau, dans une position tout à fait nonchalante. Il me regardait sans scrupule et je me devais avouer que son regard sur mon corps me donna des bouffées de chaleur. Je sentis mes joues rougirent. Elles devinrent complètement cramoisies quand je me rendis compte de ce qu'il venait de dire. « Érotique » ? Mon Dieu. Je ne savais pas comment réagir, d'autant plus que ses paroles embrasaient mon esprit. Je restai droite et rigide, complètement muette. Jeremiah crut alors bon de continuer.

- Tu offres l'image parfaitement séduisante de la businesswoman, sexy et autoritaire. Qui était la pauvre personne qui a eu droit à tes réprimandes ? Nous avons un point en commun.

L'ironie ressortait parfaitement dans son ton condescendant. Je levai un sourcil. Que pouvais-je répondre ? Qu'il pense ce qu'il voulait, je m'en moquais. Jeremiah commençait déjà à se payer ma tête dès le matin. Vivement que le contrat se finisse. Je secouai la tête et me retournai pour envoyer des messages incendiaires à mes employés.

- Bon sang, Eve, je te répugne tant que cela pour que tu ne daignes même pas me parler.

Je me tournai vers lui, surprise d'entendre de la peine dans sa voix. Puis, impassible je retournai taper des mails. Jeremiah souffla et, alors que je crus qu'il allait s'asseoir à son bureau, vint poser ses mains sur les miennes. Je sentis son souffle colérique contre visage ainsi que son odeur mentholée. L'air se chargea d'électricité et je me préparais à recevoir une bombe. La proximité avec Jeremiah me mettait mal à l'aise alors je m'éloignai. Mais il me retint par la main, le regard fulminant. Je ne pensais pas l'avoir vu autant en colère jusqu'à maintenant. Mais je n'avais aussi jamais vu Jeremiah aussi sur les nerfs. Il semblait prêt à exploser de rage à la moindre chose. Je ne savais pas ce qui avait pu le mettre dans cet état. Et je ne savais pas si cela m'intéressait.

- C'est à cause de lui, c'est ça ?

Euh, excusez-moi ? J'ai raté quelque chose ? « Lui » ? Je fronçai les sourcils, confuse.

- Ne fais pas l'innocente, Eve !

Mais l'innocente de quoi ? Je n'aimais pas le fait qu'il me crie dessus sans raisons. S'il pouvait être au moins plus explicite. Il allait finir par me contrarier. Et je savais bien comment cela finit lorsqu'on était tous les deux contrariés. Mal.

- Depuis combien de temps tu sors avec lui ? Hein ? Vous êtes fiancés ?

J'étais complètement confuse. Jeremiah lâcha un pauvre rire.

- Peut-être que tu sors avec lui depuis trois ans. C'est pour lui que tu m'as quitté, n'est-ce pas ? Et dire que j'ai cru... Tout ça c'était que des mensonges. Tu ne...

Il ne finit pas sa phrase car je me levai soudainement. Je ne savais pas qui lui avait mis ce genre d'idée dans la tête mais je n'allais pas laisser passer cela. Je me positionnai face à lui les mains sur les hanches, pour me donner un peu de contenance.

- Je ne sais pas qui t'a raconté tout cela mais je ne vois pas de qui ni de quoi tu parles.

Il parut un instant déboussolé. Il me fixa sans un mot. Puis son regard chercha quelque chose et devint noir.

- Et la bague à ton doigt, je l'ai rêvée, cracha-t-il férocement.

Je reculai par la force de sa voix. Il avait crié avec une telle violence, une telle hargne que cela me pétrifia. Toute l'agence avait dû l'entendre. On aurait dit qu'il avait attendu pour exploser ainsi. Qu'il contenait sa rage depuis tout ce temps. Je ne savais pas quelle attitude adopter. Que signifiait cette brusque colère ?

Perdue, je baissai la tête et vit effectivement ma bague à mon annuaire. C'était une bague en or rose absolument magnifique. Elle me tenait à cœur. C'était ma belle-sœur, Cecilia, la femme de David, mon grand frère qui me l'avait offerte à mon anniversaire.

Jeremiah m'arracha à ma contemplation en me prenant la main. Son contact me fit frémir. Je priai pour qu'il ne l'ait pas senti. Il regarda ma main avec un mélange de haine et de dégoût. Son regard me blessa.

- Tu t'es mariée avec ce Garrett !

Je me mis en colère à la mention de son nom. Jeremiah paraissait sûr de lui. Je savais que je devais ne pas me mettre en colère, que cela n'arrangerait rien, mais je ne pus. J'avais toujours eu le sang chaud. Je dégageai ma main de sa douce chaleur. Je n'allais pas perdre mon temps à vouloir démentir ses paroles. Je n'avais pas passé un an de ma vie à essayer de l'oublier pour qu'il réapparaisse et ose dire des choses complètement fausses. Je ne voulais pas partir cette fois-ci. Mais je ne voulais pas lui donner le plaisir de répondre.

Alors je croisai les bras et le défiai du regard, toujours silencieuse. Je savais que cela l'échauffait mais je n'en avais que faire. J'avais l'impression qu'il déchargeait toute sa colère sur moi. Et même si, au fond, j'étais inquiète, j'étais aussi fâchée contre lui. Pour d'autres raisons, évidemment.

- Réponds-moi bon sang !

- Non, je ne suis pas mariée avec Garrett.

Il plongea son regard bleu dans le mien. Et j'en fus déstabilisée. Ses yeux brillaient d'une lueur que je pouvais caractériser. Et cela me fit frissonner au plus profond de mon être. Le Jeremiah qui me faisait alors face, ressemblait tellement à celui d'il y a trois ans, que j'en fus ébranlée. Je sentis mon cœur battre à une vitesse anormale alors que des bouffées de chaleur me prirent. Mes jambes se mirent à flageoler et ce ne fut qu'avec un peu de chance que je restai immobile.

Jeremiah s'approcha de moi, mit ses mains sur mes épaules et son odeur de menthe m'entoura. Je me retenais pour ne pas la renifler. Que m'arrivait-il ? Je plongeai mes yeux dans les siens et ce fut encore un électrochoc. Son regard m'envoûta. Depuis combien de temps n'avais-je pas vraiment regardé ses yeux azur ? Ils étaient si purs, si expressifs. Je crus m'y perdre. Je ne sais combien de temps nous restâmes à nous égarer dans les yeux. Mais j'avais perdu toute notion du temps. Ce fut quand je vis ses prunelles s'abaisser sur mes lèvres que je me réveillai. Je me dégageai de sa poigne douce et le regardai confuse. Il me regarda de la même façon. Je fis un, puis deux en arrière.

- Eve, tenta Jeremiah en s'approchant à nouveau de moi.

- Je... je vais chercher Javier, i-il... bégayai-je piteusement.

Le visage de Jeremiah se referma et retrouvai le Jeremiah que j'avais connu jusqu'ici. Froid, distant et diablement énervant. Il se mit entre moi et la porte, voulant évidemment me bloquer.

- Ne fuis pas, coupa Jeremiah. Cesse de me fuir comme si je te révulsais.

Je l'ignorai à nouveau. Encore. Combien de temps pourrais-je l'ignorer ? Surtout après ce que je venais de ressentir. Ce n'était pas normal. Toute cette situation n'était pas normale. Maintenant, j'avais envie de partir.

- Ne m'ignore pas, gronda Jeremiah.

Je me retournai vers lui avec un pauvre sourire.

- Chacun son tour d'être ignoré.

- Quoi ?

Il eut un regard confus alors que j'ouvris la porte. Voyant mon geste, il tenta de me bloquer à nouveau mais je la fermai rapidement, la claquant contre son visage. Il jura. Il jura très fort. Si fort que lorsque je marchai pour me rendre dans le bureau de Javier, j'avais tous les regards des employés sur mon chemin.













***


Bonjour mes chères lectrice!

Encore un chapitre tumultueux, n'est-ce pas ? 

Alors merci beaucoup pour votre profonde inspiration. Plusieurs de vos idées m'ont aidées à trouver le nom du parfum mais je ne vous le révélerez que dans quelques chapitres, aha :)


Oui, je comprends, que certaines d'entre vous aient l'impression de tourner en rond. Oui, l'histoire, ne semble pas avancer mais c'est voulu. Tout sera plus explicite dans le prochain chapitre, c'est juste que j'aime voir Evemiah se disputer ;) Enfin, soyez un peu patientes :)


Euh, alors, des impressions sur le chapitre ? 

- Jeremiah jaloux ? 

- Eve en femme d'affaire ? (moi, je l'adore comme ça)

- C'est déjà la moitié des vacances de la zone B (pleure) 

- D'où venez vous? Je fais pas trop confiance aux statistiques de Wattpad alors, je vous pose la question directement ? 



Voilà, c'est tout pour moi. N'oubliez pas de voter ;)


TatianaNg

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top