Partie III : Révélation (2)

Max sursauta et eut le réflexe de se détacher d'Enric, quoi qu'en préservant tout de même un contact de ses mains sur les extrémités des siennes – un détachement quoi qu'un peu déchirant –, et tourna la tête vers la gauche. Vers l'endroit où, fut un temps, se tenait une fenêtre transparente.

Lucia était l'autrice de la photo. Elle prit un air sûr d'elle, très suggestif même.

— Que dirait Lycca en voyant une photo de son nouveau coup de cœur dans les bras d'un autre...?

Elle laissa notre protagoniste avec un air songeur et disparut. Max tourna lentement la tête vers Enric. Son air songeur, voire déconnecté, se transforma en une colère noire. Et physique.

Il le repoussa violemment. S'approchant de lui en parlant, prêt à le bousculer encore et encore, laissant jaillir sa colère.

— C'était quoi ça !? Tu vas me le dire, hein ! Tu étais dans le coup encore, c'est ça !? Encore à faire des magouilles !? Peut-on vraiment avoir confiance en quelqu'un comme toi ? À moins que... tu me voulais que pour toi ?

Cette fameuse phrase réapparut en boucle dans mon esprit :

« Laisse-moi t'oublier... ou alors, fais tout pour me garder ! »

Non, moi intérieur. Stop. Arrête ! Je ne veux pas !

— Mais nan ! Je te le jure ! J'y suis pour rien cette fois-ci ! démentit Enric, abasourdi par l'état colérique de Max.

Son premier amour ne l'avait jamais vu en colère comme ça. Dans un sens, cela prouvait que Max avait changé, surtout qu'il s'était fortifié, et qu'il ne craignait plus de perdre Enric ou, plus généralement, de s'affirmer.

— Dommage pour toi, mais c'est pas toi que j'aime. J'aime Lycca. (Max le pointa du doigt, l'air menaçant :) Si Lucia montre cette photo à celle que j'aime et qui m'a pas fait souffrir, et qu'elle veut plus de mon amour. Je te tiendrai comme responsable. Et je te le ferais payer. C'est clair ?

En affirmant ses propos, Max l'avait poussé et pris par le col, avec une violence inhabituelle qui ferait presque peur au beau ténébreux. Puis, notre jeune homme le lâcha délicatement, gardant cette certaine dureté, et lâcha un long soupir qui en disait long, et disparut à son tour. Sa démarche était si rapide et rustre que « la bande de loups de ce crétin » ne tenta même pas de l'arrêter.

Malgré tous ces fâcheux événements, il passa le reste de l'après-midi avec la jeune femme qui lui plaisait grandement. Cette jolie femme aux cheveux d'or aux pointes lavande, au sourire si éclatant et si communicatif, qui ne manquait pas de le faire perdre pied...

Toutefois, Lycca avait senti la mauvaise humeur du jeune homme dont elle s'éprenait en secret. Elle avait essayé avec la plus grande délicatesse du monde de savoir ce qui causait cette contrariété.

Hélas, ce fut vain, il resta aussi très évasif, et il avait changé de sujet en la chatouillant. Évidemment, par fierté, elle était dans l'obligation de se défendre et se venger !

Le jeune Torn ferma les yeux, laissant le total contrôle à son subconscient pour l'emmener dans ses songes si significatifs, si influencés par la réalité. Sa réalité.

Max marchait sur une terre plongée dans les ténèbres, plongée dans la nuit la plus obscure de tous les temps. Le ciel sombre était parsemé de météorites, immenses et dévastatrices, venant s'échouer sur la terre nébuleuse.

La rencontre avec son premier amour ne préservait rien de favorable pour la suite des événements. Il avait fallu d'un sourire incontrôlé de la part de Max pour qu'Enric se permette de venir lui parler quotidiennement en y voyant une porte ouverte.

Pour le plus grand plaisir de Lucia, qui pouvait ainsi essayer d'approcher davantage Lycca – mais ce n'était pas pour cela que notre protagoniste allait s'arrêter de voir l'attachante adolescente !

En revanche, Max n'était pas serein à l'idée que la petite espagnole fourbe ait un si grand dossier compromettant en sa possession...

Il fit bien, parce qu'un jour, Lucia le dévisagea gravement. Enfin, encore plus que d'habitude. Elle le prit à part, le fixant d'un œil acéré.

— Max, je te trouve encore bien trop proche de Lycca. Tu es sûr que tu veux pas te rapprocher encore plus de Enric...? Il serait tellement mieux pour toi, lui souffla-t-elle, mielleuse.

Le jeune Torn se gratta le menton, prenant un faciès des plus sérieux, l'air ailleurs. Aucun éclat dans le regard.

— Je suis ravi de retrouver Enric, il est vrai. Je l'aime beaucoup... (il fit une pause, et tourna subitement la tête vers elle, reprenant sa malice et vitalité :) Cependant, je me sens encore plus proche de Lycca. Ça me fait du bien d'être avec elle. Nos taquineries, nos confidences, son affection... Je pense pas pouvoir vivre sans elle !

Elle aqua un sourcil, l'air dépité.

— Je vois... (Elle tourna les talons et prévint, avec un sourire maléfique :) Fais attention à toi l'ami, tu devrais te concentrer sur ce qui est à ta portée, et surtout de t'écarter de la personne que tu convoite, en sachant qu'une rivale pourrait mettre tous tes efforts à néant rien qu'avec un simple cliché...

— T'oserais pas faire ça !! s'écria-t-il, ressentant une peur réelle.

— Oh, tu sais, je t'ai déjà prouvé ce que je peux faire, crois-tu que je m'arrêterai là ?

Lucia lâcha une question rhétorique, en levant son épaule droite, fièrement, avant de quitter la pièce. OK, message compris ! OK, menace entendue ! Reçu 5 sur 5 !

Max avait bien intégré la mise-en-garde sa rivale.

Dans la foulée, en fusant dans l'allée des casiers, Max bouscula par inadvertance le beau ténébreux.

— Ahah, alors Maxou, comme ça on regarde pas où l'on va ? gloussa-t-il, avec douceur, sans moquerie.

Il se gratta la tête, gêné, puis s'excusa.

— Désolé, désolé, désolé ! Je regarde presque jamais où je vais !

— C'est pas grave, répondit-il, en le regardant avec des yeux si significatifs. Ça te dirait qu'on se voit samedi ? Au terrain de skate, par exemple ? Ça pourrait être sympa !

Max ne réfléchit pas, et répliqua, du tac au tac, enjoué :

— Je suis pour, ça serait génial, oui ! Donc on se dit 15h là-bas !

Enric lui passa une main protectrice sur l'épaule, tandis que Max répondit en faisant un style de salut militaire à deux doigts.

Max croisa également Calib, non loin, qui avait sûrement tout observé. Son meilleur ami le toisa du regard, et ferma les yeux en soupirant, exaspéré... avant de déguerpir dans la direction opposée.

Plus tardivement, lors de la session du Club Manga, en parallèle à une discussion intéressante et passionnée autour d'un manga particulier, Arno, le Président et bon ami de Max, lui sortit une phrase étrange, lourde de sens : « Fais attention à toi, ne fais pas de choses capables de te faire regretter, ne fais pas des choses capables de foutre tes efforts à néant ! »

Cette phrase, elle n'avait rien à voir avec le manga en lui-même, elle lui était personnellement destinée, Max en était certain. Une fois la phrase préventive prononcée, la discussion se poursuivit, et la journée se termina.

Nuit calme, sans perturbations quelconque, bordée par de subtiles réflexions.

Le fameux samedi arriva plus vite qu'il n'en fallait pour le dire. Max rejoignit Enric au skate park.

En outre, il était presque vide. Et heureusement, parce que Max ne savait pas faire du skate, ce qui amusait innocemment Enric.

Le beau ténébreux céda à lui donner quelques leçons primaires pour cesser une potentielle honte qu'il pouvait lui mettre. Naturellement tactile, il osait le contact.

Max ne songeait sûrement pas autant : Enric colla son corps contre le sien, pour entraîner et guider ses mouvements. Ce qui eut comme réaction une chaleur imprévue dans le corps de notre protagoniste.

Après ces leçons inopinées mais essentielles, ils partirent dans les pâturages non loin, se roulant dans l'herbe jusqu'à l'épuisement. Allongés en étoile, ils regardaient le ciel, parlant de tout et de rien. Progressivement, ils retraçaient leurs moments radieux. Mais passés, des moments immuables, des souvenirs.

— Tu es sûr que tout est réellement passé ? répéta-t-il, en relevant le haut le corps subitement, malicieux.

Cette phrase éternelle revenait encore dans son esprit, lui assenant la tête. Comme si, elle voulait qu'il s'ouvre, qu'il dise quelque chose :

« Laisse-moi t'oublier, ou alors... fais tout pour me garder ! »

Mais, Max ne voulait pas de lui...

Max regarda sa montre, et se releva précipitamment.

— Il est tard, je ferai mieux d'y aller ! Tu sais comment mes parents sont capricieux pour les horaires !

Enric se releva aussitôt, doucement. Il le retint de la main, et l'approcha de lui, leurs têtes se frôlant, avec leurs respirations saccadées mêlant leurs airs. Max ferma les yeux pour apprécier les délices de ce moment intemporel.

La main d'Enric monta de son torse jusqu'à sa joue de notre protagoniste, ses doigts jouant sur ses lèvres. Il s'approcha encore plus, à deux doigts de l'embrasser. L'irrésistible ténébreux joua encore quelques temps, avant de se retirer, créant la rupture de ce moment irréaliste. Brisant ainsi cette alchimie séductrice et tentatrice que le jeune homme ne devait en aucun cas retomber dedans, comme un ancien toxicomane en présence de son ancienne drogue.

Max rouvrit les yeux, surpris, et quelque peu frustré... il fallait bien se l'avouer. Enric lui claqua gentiment la joue et déposa un bref bisou sur sa joue gauche, et gloussa avant de reprendre sa malice, presque satisfait.

— Tu aurais dû voir ta tête ! Tu vois, t'es pas insensible à moi. J'ai toujours un impact. Si je voulais, je ferais ce que je veux de toi. Mais comme je tiens à toi, j'ai du respect pour toi, donc je le ferais pas sans ton consentement.

Ce fut sur ces ultimes mots qu'ils se quittèrent. Max, le cœur battant, avait la tête toute retournée, envahi par des montées de chaleur tant redoutées. Intérieurement, il remerciait énormément Enric d'avoir su contrôler ses pulsions, sinon tout cela aurait été fichu !

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