Chapitre 10


Un nouveau coup sonna Harry légèrement et il resta appuyé contre le mur pour se stabiliser, conscient qu'il faisait ainsi une cible facile. Heureusement pour lui, le barman approcha et posa sa main sur l'épaule de son agresseur, les sourcils froncés.

– Hey. Pas de ça ici, toi.

L'homme marmonna, mais il leva les mains en signe de capitulation et il quitta le bar à grands pas. Harry leva la tête vers l'homme, conscient qu'il l'examinait avec attention. Le colosse grogna, les yeux plissés.

— Quant à toi, l'inconnu, je ne veux jamais te revoir dans mon bar si c'est pour apporter les ennuis. Je ne sais pas ce que tu trafiques par ici, mais tu n'es pas le bienvenu.

Harry grimaça en se redressant, avant de marmonner, agacé.

— J'étais juste de passage.

Son explication ne sembla pas satisfaire le barman, puisqu'il ricana, l'air mauvais.

— Personne ne vient ici en passant. Considère ce qui vient de se passer comme avertissement : la prochaine fois que tu entres ici, je les laisse te mettre en pièces.

Harry hocha sèchement la tête, se retenant de répliquer qu'il ne comptait pas revenir dans un tel endroit. Il n'était pas certain que sa réflexion serait bien accueillie et il avait pris assez de coups pour la journée... et pour parfaire son rôle.

Il se redressa avec une grimace, abandonnant le verre vide qu'il tenait toujours sur la table la plus proche et il quitta le bar sans le moindre regret.

À l'extérieur, la nuit était tombée et tout était désert, excepté quelques passants pressés.

Le jeune homme se glissa dans un coin d'ombre pour s'assurer que personne ne le remarquerait et il vérifia une dernière fois ses poches. Le seul élément personnel qu'il avait était sa baguette et il ne lui restait que quelques mornilles. Avec la raclée qu'il venait de prendre, il faisait une victime d'agression parfaitement crédible.

Harry ferma les yeux un instant, doutant brièvement de ce plan insensé qu'il avait imaginé en découvrant que ses anciens camarades de classe vivaient dans l'Allée des Embrumes.

Le découvrir l'avait rendu furieux et il s'était senti coupable de ne jamais s'être renseigné à leur sujet.

Il savait parfaitement qu'il ne leur devait rien, mais il avait également conscience qu'aucun d'entre eux n'avait eu le choix. Ils avaient suivi leurs familles, mais ils avaient été broyés par la guerre tout comme lui.

Il ferma les yeux un instant, et il se souvint de Drago Malefoy, le désespoir gravé sur son visage dans les toilettes de Mimi Geignarde. De Pansy Parkinson, demandant à ce qu'on le livre à Voldemort, mais terrorisée à l'idée de mourir. De Crabbe et Goyle, l'un lançant le feudeymon et étant consumé par son propre sort, l'autre inconscient, hissé par Malefoy et sorti des flammes par Hermione et Ron.

Lorsqu'il était revenu à Poudlard, il avait également croisé le regard d'un petit groupe, Zabini, Nott et les sœurs Greengrass, qui le fixaient avec ahurissement, mais également avec une pointe d'espoir.

Tous payaient les péchés de leurs parents et ils avaient été ostracisés de la société magique, au point de devoir se réfugier dans l'Allée des Embrumes, sans espoir d'avenir.

Ce fut suffisant pour balayer ses doutes. Il était de taille à se défendre si les choses tournaient mal comme le craignait Hermione, mais il voulait leur laisser le bénéfice du doute et il ferait en sorte de les aider de son mieux. De leur rendre la vie qui leur avait été volée, parce qu'ils appartenaient à la mauvaise famille...

La ruelle menant dans les profondeurs de l'Allée des Embrumes était déserte, aussi Harry s'y glissa, veillant à marcher dans l'ombre autant que possible. Il s'était habillé en noir pour se fondre dans le décor, pour atteindre son objectif aussi discrètement que possible. Pour qu'il puisse jouer son rôle, personne ne devait le voir se rendre au cœur de l'Allée de lui-même.

Le jeune Auror avait mémorisé la carte grossière de l'Allée jointe au dossier et il avait gardé en tête l'avertissement de Kingsley selon lequel les choses pouvaient rapidement changer. Cependant, il eut de la chance, puisqu'il atteignit les lieux où avait été abandonnée la seconde victime sans difficulté.

Il resta un instant immobile, examinant l'endroit avec attention malgré l'obscurité. Il n'osait pas se servir de sa baguette, pour ne pas attirer l'attention, aussi il fit de son mieux, espérant trouver un indice quelconque. Il savait que le corps avait été signalé par des résidents de l'Allée et qu'un groupe de la brigade de la police magique avait fait le déplacement en toute hâte pour le récupérer. Cependant, les forces de l'ordre n'avaient pas eu l'occasion d'étudier les lieux à la loupe, puisqu'ils n'étaient clairement pas les bienvenus à cet endroit...

Malheureusement pour lui, il ne vit rien d'inhabituel. Le sol était jonché de détritus et l'odeur était particulièrement désagréable, évoquant la pourriture et des choses en décomposition. Il avait vu les photographies prises sur place, ce qui lui permettait de localiser l'emplacement du corps, mais il ne restait aucune trace du drame.

Harry regarda le sol en grimaçant puis il s'assit, détestant la sensation d'humidité qui transperça immédiatement son pantalon. Il s'efforça de ne pas penser à ce qui pouvait traîner au sol, et il s'avachit contre le mur plutôt que de s'allonger à terre. Hors de question qu'il approche son visage de ce qui se décomposait autour de lui...

Il se tortilla quelques instants afin de trouver une position à peu près confortable, grimaçant à la douleur des coups reçus plus tôt. Il allait être couvert d'hématomes sur le torse et il avait peut-être même une côte de fêlée s'il se fiait à l'élancement qui le traversait quand il prenait une inspiration trop forte. Il n'osait pas penser à l'état de son visage, mais il se doutait que ce devait être assez impressionnant. Il devait être barbouillé de sang à cause de sa lèvre fendue et de son nez — heureusement intact — et ses lunettes étaient une fois de plus cassées.

Satisfait de sa petite mise en scène, Harry se souvint d'annuler le sort de métamorphose qui avait légèrement modifié ses traits, et il essaya de se détendre, prêt pour une longue attente. C'était un pari risqué, puisqu'il n'avait pas la moindre garantie qu'il serait trouvé par l'un de ses anciens camarades... mais il était certain que la chance serait de son côté.

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