Chapitre 6: Des petits fours

- Très bien, dit Jonathan en esquissant un sourire en coin, je te pardonne.

- Parfait. Sur ce, au revoir.

Je tourne les talons mais il me retient par la main.

- Mais à une seule condition, chuchote-t-il à mon oreille.

- Ah? Laquelle? demandé-je en haussant un sourcil.

Un grand sourire s'épanouit sur ses lèvres.

- Que tu viennes au match samedi.

Je le fixe, ahurie. Il a bien dit ce que je crois qu'il a dit?
Cependant, au moment où j'ouvre la bouche pour lui demander le comment du pourquoi, il me tourne le dos et reprend sa route. Et moi je reste figée sur place comme une imbécile.

Léa M. en profite pour littéralement me sauter dessus. J'aurais dû me douter qu'elle me suivrait...

- J'ai tout vu! J'ai tout entendu! Il t'a invitée personnellement! Oh mon Dieu! Moi je dis, il a carrément flashé sur toi! Qui sait, si ça se trouve son truc c'est les filles froides et distantes? Oh j'en reviens pas!!! Il t'a retenue par la main! Nan mais tu te rends compte? Alors, qu'est-ce que tu vas faire, hein? Qu'est-ce que tu vas faire?

Léa est une fille très gentille et je la considère déjà comme une amie. Mais elle a un gros défaut: elle parle beaucoup trop.

- Je ne vais pas y aller, je réponds.

Léa se fige quelques secondes avant de retrouver la parole. Il semblerait que ma réponse lui a fait un choc.

- Comment ça?

- Tu m'as demandée ce que j'allais faire. Eh bien je ne vais pas y aller. Point.

- Mais tu peux pas faire ça!

- Et pourquoi pas?

À ce moment la sonnerie retentit et nous regagnons notre classe.
Ouf, sauvée par le gong.

***

Pendant tout le reste de la journée, j'ai dû subir les foudres de Léa M. Que ce soit le regard de tueuse ou les jérémiades interminables, j'ai eu droit à tout. Elle m'a même quittée sur la promesse qu'elle m'emmènera au match, de gré ou de force.
Je pense que je n'ai pas besoin de préciser que je suis épuisée en rentrant chez moi ce soir.

***

La semaine s'est passée sans que je revoies Jonathan. Et tant mieux.

Mon réveil affiche 9h. C'est samedi matin, je peux encore rester au lit. Ah, j'aime les grasses matinées... Je ferme les yeux et m'enfonce encore plus dans les draps. C'est si agréable...

Soudain quelqu'un sonne à la porte. Qui est-ce que ça pourrait être à cette heure-ci?
J'entends des pas se précipiter, le cliquetis d'une clé dans la serrure.
Mes parents vont ouvrir. Ils s'occupent de tout, je peux me rendormir...

... Ou pas.

Devant moi se tiennent les deux Léa; Léa M. les poings sur les hanches, l'air déterminé, et Léa J. en retrait.

- Elles nous ont dit qu'elles étaient des amies, alors on les a laissées entrer! crie ma mère du rez-de-chaussée.

Je laisse s'échapper un soupir. Merci Maman, j'avais bien besoin de ça tiens...

- Je t'avais prévenue, commence Léa M, que j'allais te ramener là-bas de gré ou de force.

- Mmh... Laisse-moi dormir...

- Et non, fini la grasse mat' ! Maintenant tu vas te préparer et vite!

Avec un regard elle obtient la coopération de l'autre Léa, et à deux elles me tirent du lit.

- Tu nous remercieras plus tard, me glisse Léa J. à l'oreille.

On m'explique ensuite que je n'ai pas le temps pour un petit-déj' et je me retrouve à me brosser les dents directement.
Puis pendant que Léa J. me coiffe, Léa M. est occupée à choisir ma tenue.

- Mais tu n'as que du noir, ma parole! se plaint-elle.

- T'avais pas remarqué que je m'habillais toujours comme ça? lui lancé-je.

- Pff... soupire-t-elle. Bon ben je suppose que ça ça ira.

Léa J. vient de finir ma coiffure et je me regarde enfin dans le miroir.
OMG.

- Léa... Comment tu as pu réussir à faire ça en si peu de temps?

Elle m'avait fait un chignon constitué de tresses et de mèches enchevêtrées d'une façon harmonieuse, en laissant une mèche pendre de chaque côté de mon visage, le mettant ainsi en valeur.

- Franchement, t'es super douée!

- Merci.

Elle me sourit puis m'amène devant l'autre.

- Cool, super travail Léa! approuve Léa M. Tiens enfile ça! m'ordonne-t-elle ensuite.

Je regarde les vêtements qu'elle me tend, désespérée. Y a-t-il ne serait-ce qu'une seule fois où cette fille m'a laissé le choix?
La tenue qu'elle m'a choisie était une robe pull arrivant un peu au-dessus du genou, moulante sur les jambes et le bassin puis partant en manches chauve-souris sur le haut, le col étant légèrement décolleté à l'avant mais beaucoup plus à l'arrière.
Léa l'a assortie avec un collant noir à motifs noirs et des baskets à talon montantes avec des lacets. (Beaucoup de lacets. J'adore ça.)
Elle a ensuite rehaussé le tout d'un collier de chien (c'est à dire un collier très serré autour du cou, au cas où il y a des garçons qui lisent cette histoire et ne comprendraient pas :p) qui fait une grosse fleur noire à paillettes sur l'avant et laisse pendouiller un long cordon fin avec un brillant au bout à l'arrière.

- Euh... Léa... Tu es sûre que je dois mettre ça pour aller à un match? Sérieusement?

- Bah oui pourquoi? Je ne vois pas le problème.

- C'est pas un petit peu trop habillé? Déjà que la coiffure...

- Paaaas du tout! Premièrement, la grande majorité des filles se font belles pour aller voir les matches de basket à cause de la grande densité de beaux gosses qui y sont. Donc tu ne détonneras pas. Deuxièmement, il y a toujours une petite fête après les matches avec un apéro, de la musique et tout et tout, genre soirée. Tout le monde en profite pour flirter. Ça te va?

- De toute façon j'ai pas le choix, c'est ça?

- Exactement! Tu comprends vite dis donc!

Une fois que je me suis changée, je rappelle les deux amies (elles étaient allées dans une autre pièce pour me laisser un peu d'intimité).
Léa et Léa semblent presque choquées en me voyant.

- Wow. Tu es...

- ... encore plus belle que ce qu'on pensait.

Je rougis un peu sous leurs compliments.

- Euh... Merci.

- Bon, il est temps de passer à la touche finale! s'exclame Léa M.

- Comment ça la touche finale? demandé-je inquiète.

Léa J. sort alors une trousse de son sac à main. Je le sens mal. Très mal.

- Le maquillage!!! annoncent-elles en chœur.
Oh mon Dieu...

Quelques minutes plus tard, Léa J. a fini de me repeindre le visage, sous les directives de Léa M.
En me regardant dans le miroir, je constate qu'elles m'ont unifié le teint en rajoutant au passage de l'anti-cerne – il y en avait bien besoin – puis redessiné les sourcils, mis en valeur mes yeux avec de l'eye-liner et du mascara et enfin coloré mes lèvres avec un rouge à lèvre bordeaux mat.
Le tout m'allait incroyablement bien.

- On a essayé de garder ton côté un peu gothique, m'explique Léa J.

Je reste bouche-bée devant la glace.

- Ah et au fait... Je crois que finalement tu ne vas pas te fondre dans la masse. Tu es bien trop belle pour ça, me dit Léa M. en m'adressant un clin d'œil.

Le tout — de mon lever jusqu'ici — s'est déroulé en à peine 20 minutes.

Elles me tirent ensuite vers la sortie en annonçant à la cantonade à mes parents qu'elles m' « empruntaient » et je me retrouve dans la rue, avec ces deux folles.

Je n'ose même pas leur demander comment elles ont obtenu mon adresse.

***

Une fois arrivées au gymnase, c'est-à-dire le lieu où le match aura lieu, je remarque que Léa M. avait raison sur un point: tout le monde est bien habillé – surtout les filles; il semblerait que ce soit un événement où le but est de se trouver un partenaire potentiel plus que de regarder du sport.
Il y a même une fille en robe moulante courte rouge, assez provocante d'ailleurs, maquillée comme pour un gala (ou plutôt devrais-je dire un vrai pot de peinture).
Cependant, même en sachant cela, je ne me sens pas à ma place.

Léa et Léa trouvent trois places assises côte à côte et je me retrouve entre Léa J. et...

- Johanna? demande une voix masculine à ma gauche.

- Salut Lucas.

- W-wow. Tu... tu es... Wow.

- Ha ha, merci!

- C'est dingue, même quand on n'est pas en classe on se retrouve à côté. Ça doit être le destin, tu penses pas?

- ... Non, je pense pas.

Nous rions de bon cœur.

- En fait... dis-je, au début je ne voulais absolument pas venir. Mais alors vraiment pas.

- Ah? Pourquoi?

- J'avais pas envie de venir juste parce qu'un certain Jonathan me l'avait demandé.

- Alors comment tu as atterris ici?

- Ce matin les deux Léa, ces deux folles, sont venues chez moi, m'ont tirée du lit puis ont choisi ma coiffure, ma tenue et mon maquillage avant de m'amener ici. Je n'ai même pas eu le temps de dire « ouf »!

J'entends ensuite Lucas murmurer quelque chose mais si faiblement que je ne suis pas sûre d'avoir bien entendu:
- Elles ont bien choisi.

Les joueurs commencent à entrer sur le terrain. J'aperçois Jonathan au loin et je dirige automatiquement mon regard vers quelque chose de beaucoup plus intéressant, comme le bracelet de ma montre par exemple.

J'aurais bien encouragé l'équipe adverse ne serait-ce que pour le principe mais ce ne serait pas cool pour les autres membre de notre équipe. Je prends donc sur moi.

Les deux équipes se mettent en place tandis que les supporters se donnent déjà à fond. C'est à peine les premières minutes et mes oreilles saignent.
Au bout de quelques minutes qui semblent interminables (car de mon point de vue, plus ça commencera tôt plus ça finira tôt, et plus vite je pourrai rentrer chez moi), le premier coup de sifflet retentit.
Les deux chefs d'équipes (pourquoi est-ce que Jonathan en est un, argh!) sautent pour atteindre le ballon afin de donner l'avantage à leur équipe. Jonathan réussit à l'avoir le premier. Je détourne ensuite le regard. Je n'ai pas envie de voir la suite. Le pire c'est qu'il semblerait que Jonathan est vraiment bon.
Et ça m'énerve.

Je sors un livre de mon sac. Les mots imprimés en noir sur le papier blanc m'intéressent bien plus que ce qui se déroule en face de moi.
Absorbée dans l'histoire, je ne relève la tête qu'au moment où les deux Léa s'apitoient de l'impasse dans laquelle notre équipe se trouve.
En effet, notre score est bien en dessous de celui de nos adversaires alors qu'il ne reste plus que dix minutes avant la fin.
Notre équipe a perdu le ballon et même Jonathan commence à désespérer.

Et c'est pile au moment où je le regarde qu'il me voit. Oui, nos regards se sont croisés. Et sans même réfléchir, je lui signale une ouverture de l'adversaire d'un signe de la main. Il sourit, hoche la tête en signe d'approbation et se met à courir. Je le regarde alors reprendre l'avantage et marquer d'une façon magistrale, sans l'aide de personne.
Je retourne à ma lecture.

Je ne referme mon livre qu'une fois le match terminé, et je suis surprise en entendant les résultats: notre équipe a rattrapé l'écart et a même devancé l'équipe adverse, se sélectionnant ainsi pour la demi-finale.

Les supporters sont surexcités. Beaucoup descendent des gradins pour aller acclamer l'équipe en bas. Je profite du chaos général pour tenter de repartir discrètement mais...

- Tu restes pas?

Pourquoi fallait-il que Lucas me remarque?

- Hum... Et bien... Comme tu le sais, je ne suis pas vraiment venue ici de plein gré et j'aimerais bien rentrer chez moi, maintenant. À plus!

J'allais y aller mais...

- Tu ne vas quand même pas rater le meilleur moment? demande Lucas en me retenant par le bras.

Je tente une autre approche.

- Tu sais, les cocktails et apéros c'est pas mon truc... Je le sens vraiment mal à l'aise dans ce genre d'ambiance. Et sérieusement, tu m'imagines danser? J'aurai l'air d'un éléphant avec des échasses. Aie pitié de moi...

Je lui fais les yeux de chien battu.
Ça ne fonctionne pas. Évidemment.

Il me tire par le bras et m'emmène dans la salle des fêtes. Jusqu'au bout je n'aurai eu aucun choix... Liberté égalité fraternité, mon œil!

Lucas me laisse devant le buffet.
- Si tu ne veux pas danser, alors remplis-toi la panse au moins! lâche-t-il en me lançant un clin d'œil.

Il part ensuite rejoindre la piste de danse. Je prends alors un petit four et le mâche hargneusement, en y mettant toute la rage que j'ai. Puis j'en prends un autre, et un autre, et encore un autre, que tous je martyrise.

- Mais que t'as fait ce petit four pour que tu le traites ainsi? dit une voix dans mon dos d'un ton railleur.

Je me retourne. Jonathan, bien sûr.

- Tu as eu le temps de te changer à ce que je vois. Ça a été vite. Un peu trop même.

- En effet, je suis persuadé que tu aurais été ravie de passer plus de temps seule.

- Exactement.

Il penche la tête sur le côté et me dévisage.

- Urgh, me regarde pas comme ça, c'est flippant, dis-je en faisant un pas en arrière.

- Le maquillage te va très bien.

- Merci mais je n'ai pas besoin de compliments de ta part.

- ... Mais je te préfère au naturel, continue-t-il sans prêter attention à ma réplique cinglante.

Je lève les yeux au ciel.

- Cependant je ne t'ai pas approchée pour te dire ça, explique-t-il.

- Je m'en doute. Donc, qu'est-ce que tu me veux?

- Pourquoi tu m'as aidé pendant le match?

- ...

- ... Et j'attends une vraie réponse.

- Et qu'est-ce que tu veux que je te dise? Que je suis tombée folle amoureuse de toi et que je ne pouvais pas supporter de te voir souffrir?

- Mmh...

Il réfléchit longtemps avant de répondre d'un air très sérieux:
- Je suis désolé, ce que tu me dis me touche énormément mais je ne retourne pas tes sentiments.

... Puis un grand sourire fend son visage tandis que ses yeux luisent d'une lueur taquine.

- J'en ai marre d'essayer de discuter avec toi, soupiré-je. J'abandonne.

- Sans vouloir t'offenser c'est plutôt moi qui essaye de te parler.

Je lui lance un regard de tueuse.

- Plus sérieusement, pourquoi est-ce que tu m'as aidé?

- Et pourquoi est-ce que tu veux autant le savoir? Il n'y a pas de raison particulière.

- Je croyais avoir demandé une vraie réponse. Sincère et honnête.

- J'avais juste pas envie que notre équipe perde. Et bien que je ne t'aime pas, je suis forcée de reconnaître que tu es le meilleur joueur de l'équipe. C'est pour ça que c'est à toi que j'ai fait signe. Satisfait?

Je croise les bras en attendant sa réponse.

- Satisfait, finit-il par dire.

- Parfait. Sur ce, à la prochaine.

Et tandis que je m'éloigne à grands pas, je l'entends me dire:
- Au fait, tu es magnifique.

Je suis à deux doigts de me retourner pour lui en coller une, mais je me retiens.
Si je fais ça, je me mettrai à dos toutes ses groupies et non merci.

***

La température de la salle est montée et je sors dehors pour me rafraîchir les idées. Il est déjà 19h, et tout le monde est encore là bien que l'événement ait commencé le matin.
J'inspire une grande goulée d'air frais en fermant les yeux. Ça fait du bien.

Mon regard se promène sur le parc autour de moi et j'aperçois une magnifique chouette blanche dans un arbre.
Je me sens attirée par ses yeux dorés et je ne parviens pas à détourner le regard. Elle me fixe intensément et mon cœur fait un bond dans ma poitrine. J'ai l'impression que cette sensation est à la fois nouvelle et familière.

Ma respiration s'accélère. Le temps s'arrête; tout autour devient flou. Je ne vois plus qu'elle. C'est comme si nos esprits étaient entrés en contact, comme si nos cœurs battaient à l'unisson, comme si nous communiquions sans parole.

Puis soudain la chouette prend son envol, sa silhouette blanche contrastant avec les ombres du soir.








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J'ai enfin terminé ce chapitre, ouiiiiii !!! *danse de la joie*
En fait je me suis laissée emportée par mon élan (#InspirationSoudaine) et du coup j'ai écrit deux fois plus que d'habitude *rires* ... Ce qui j'espère ne vous a pas dérangés, au contraire ^^
Sur ce, à la prochaine!
- Nalvera

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