Chapitre 26: Le choix d'Achille

Plus les jours passent, et plus je m'éloigne de mon entourage pour me concentrer sur mes recherches.
Paradoxalement, aller à la pêche aux informations m'aide à oublier que peut-être je n'existerai bientôt plus.

Mes amis ont bien tenté de me ramener à eux, mais rien n'y fait: j'ai soif d'apprendre la vérité. Marre d'être menée en bateau. Impatiente d'en finir avec ce bazar. Et oui, triste de quitter tout le monde.

« Tu n'es pas obligée de devenir si sombre, tu sais? » dit Johanna dans ma tête.

« J'ai juste besoin de me mettre un peu à l'écart pour me concentrer. » répondé-je.

« Dis surtout que tu as besoin d'oublier Jonathan. »

« Tais-toi. »

« Pourquoi ne pas garder ce corps ? »

Je serre les dents.
« Ne joue pas à l'idiote avec moi. »

« Tu penses sincèrement que me le rendre maintenant va me redonner tout le temps que j'ai perdu ? » s'agace-t-elle.

« Je te trouve bien amère, pour quelqu'un qui m'incite à continuer à vivre. » répliqué-je.

« Ce n'est pas ça. »

« Alors c'est quoi? »

« C'est juste que je ne sais plus comment vivre après toi, voilà tout. »

Un long silence s'installe. Je jette un coup d'œil à la fenêtre de ma chambre.
L'air est doux, la lumière filtre à travers les feuilles des arbres; on entend des gamins jouer au loin, le bruit des voitures; l'odeur de la ville, la chaleur du soleil.

« Tu vois tout ça? » dis-je à Johanna.

« ... Oui. »

« Tu pourras en profiter à nouveau. »

Pas de réponse. Quelques secondes s'écoulent avant que je ne reprenne la parole:
« C'est beau, non? La vie. »

« Oui. » répond-elle dans un murmure.

***

Ce week-end, je me rends dans la forêt la plus proche, dans le but de trouver un hibou.
J'ai prévenu mes parents d'un SMS quand ils étaient en train de faire les courses, comme ça ils ne peuvent pas m'empêcher de partir.
Je n'emporte avec moi que mon portable, mes clefs, un sandwich et une bouteille d'eau.

Une fois arrivée dans les chemins forestiers, je décide de tenter quelque chose. Au lieu d'interroger chaque oiseau à la fois, j'aimerais tous les rallier à moi et leur demander de trouver un hibou et de me mener à lui. Plus on sera nombreux, plus la tâche sera simple.

« Mais en es-tu seulement capable? » me demande Johanna.

« Ça, on ne peut pas le savoir avant d'avoir essayé. » répondé-je.

Je ferme les yeux pour me concentrer. J'essaie de « capter » les esprits de tous les oiseaux autour de moi.
Après quelques temps de concentration intense, j'arrive à les sentir. Je leur envoie ensuite un message, ou plutôt une idée. Il n'y a pas de mot, pas de phrase, juste un sentiment instinctif: ralliez-vous à moi.

Des dizaines d'oiseaux se mettent à tourbillonner autour de moi avant de se poser en cercle au sol. Leurs yeux interrogateurs me scrutent de haut en bas et de bas en haut, se demandant sûrement quelle est la raison de ce grand rassemblement.

« J'ai un service à vous demander. » dis-je.

J'entends soudain des dizaines de « quoi? » résonner dans ma tête. Je les invite au silence d'un geste de la main.

« J'aimerais que vous m'aidiez à trouver un hibou. J'ai quelques questions et j'ai besoin de sa sagesse. »

« Pourquoi t'obéirions-nous? » demande un des oiseaux, approuvé silencieusement par d'autres.

« Parce que ça concerne les Veilleuses. Je sais que vous êtes curieux à leur sujet. »

Les piafs se concertent encore une ou deux minutes avant d'enfin se décider à m'apporter leur aide. Je les regarde alors s'envoler dans toutes les directions.

« Tu sais que tu as énormément de chance toi? » me fait remarquer Johanna dans ma tête.

« Pour réussir, il faut du travail et de la chance. Voilà ce qu'est le talent. Que veux-tu? Le monde est ainsi, je n'y peux rien. »

« Mouais... N'empêche que tu as juste du bol. »

C'est ainsi que, une demi-heure plus tard, je me retrouve à suivre une bande d'oiseaux au cœur de la forêt. Ils s'arrêtent devant un grand chêne et me laissent là, seule.

« Que me veux-tu, jeune fille? » demande une voix grave dans ma tête.

« Des réponses. » répondé-je.

Un hibou sort de sa cachette et se perche sur une branche bien visible.

« As-tu vraiment besoin de réponses? Où as-tu plutôt besoin qu'on te guide vers les bonnes questions? » dit-il.

« J'ai surtout besoin de savoir pourquoi un matin je me suis retrouvée dans le corps d'une autre, sans savoir pourquoi ni comment, pourquoi je suis devenue amnésique, et pourquoi je peux communiquer avec des oiseaux comme le font les Veilleuses. »

« C'est vrai que ton esprit est semblable à celui d'une Veilleuse... C'est étonnant. »

« Pouvez-vous m'éclairer? »

« Tu as trop de questions, et surtout pas les bonnes. Je t'autorise à m'en poser une; si je la juge intelligente, j'y répondrai. Sinon, tu auras gâché ta chance. »

Je plante mon regard dans celui du vieux hibou.

« Donne-moi au moins deux questions. Tout le monde devrait avoir une seconde chance. »

« Non. Si je fais ça, tu ne réfléchiras pas assez à ce que tu veux savoir précisément. Tu pars dans tous les sens et tu perds le fil de ta propre pensée. Ici tu es obligée de synthétiser. Qu'est-ce que tu veux vraiment savoir, au plus profond de toi? »

« Qui je suis. » répondé-je du tac au tac.

« Réfléchis bien. J'ai tout mon temps. »

Je m'installe au pied d'un arbre et je ferme les yeux.
La nuit tombe, mon cerveau a cogité tout le long de la journée, et ça m'a fait du bien. Le hibou avait raison, j'avais besoin d'un moment d'intériorisation. Cependant, les étoiles brillent dans le ciel et je n'ai toujours pas de question valable.

« Alors? Que te dit ton cœur? » m'encourage le sage.

Une larme roule le long de ma joue.
Ça y est, je sais. Une illumination soudaine s'est faite dans mon esprit lorsqu'il a prononcé le mot « cœur ».

Savoir qui je suis, je peux l'apprendre par moi-même. Là, maintenant, j'ai juste envie de laisser tomber la raison pour une fois et de donner un peu plus de place à mes sentiments.

C'est pourquoi, tremblante d'émotion, je choisis plutôt de demander:
« Est-ce que le temps d'une vie peut déterminer si elle valait le coup d'être vécue? »

Le vieil animal me sourit, ou du moins je crois le voir esquisser un sourire de son bec.
« Laisse-moi te répondre par une autre question: qu'aurais-tu choisis à la place d'Achille? Une vie courte dans la lumière ou une longue vie dans l'ombre? A-t-il fait le bon choix? Et y a-t-il seulement un bon choix? »

« Tout dépend de s'il le regrette. » répondé-je en essayant mes yeux humides du revers de la manche.

« Exactement. Allez, va. J'espère que tu te trouveras en chemin. »













————————————

Heyy!!
Pour une fois que Jo arrête un peu de ne se fier qu'à sa raison et montre ses véritables sentiments, ça fait du bien non?
Ou peut-être espériez-vous que ce soit un autre type de question? Du genre « Qui sont les Veilleuses? » ou « Qui est Séraphys que nous avons vu au chapitre précédent? »
Dites-moi ce que vous en pensez en commentaires!! Quelle question aurait-elle dû poser selon vous?

Sur ce, à la prochaine!

- Nalvera

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