Il se met à hocher positivement et lentement la tête.

- On vivait ensemble. C'est pour ça que la moitié des objets ici sont reliés à toi. C'est pour ça que je ne voulais pas que tu dormes avec moi parce qu'il y a toutes tes affaires dans notre chambre.

Il pince l'arête de son nez puis respire un grand coup tandis qu'il place ses mains de part et d'autre de son bol.

- Ça fait un peu plus d'un an qu'on est ensemble, tu étais encore marié mais votre mariage était un mariage de raison. Vous ne vous êtes jamais aimés.

Il sourit doucement, le rendant une fois encore trop mignon.

- Tu es venu vivre chez moi le soir même où tu as demandé le divorce, il y a onze mois. Je pense que tu as dû remarquer que tous nos amis étaient homosexuels non ?

J'hoche la tête en lâchant un petit rire et il me suit.

- Track et Winwin étaient mes amis, on était terriblement isolé à cause de notre orientation sexuelle alors on a décidé de se soutenir dans ce pays qui ne reconnaît pas l'homosexualité. Puis plus les années passaient, plus les couples se formaient. On a rencontré Mun et Johnny en boîte, ils allaient se faire frapper parce qu'ils s'embrassaient.

Il sourit en coin, comme nostalgique.

- Bref les mois passaient, tous étaient en couple et puis il y avait moi. Seul. Un jour j'ai fait une sortie dans un musée et je suis tombé sur un fanatique d'art particulièrement charmant. Il m'a parlé des tableaux les moins connus du public dans ce musée. Une véritable visite guidée gratuite !

Il rigole. Moi je le regarde, un petit sourire nostalgique sur les lèvres alors que je ne me rappelle même pas de ça. Ça me bouffe de rien savoir sur mon passé, de ne plus savoir ce que j'ai vécu.

- Et puis j'ai obtenu un rendez vous avec ce bel homme, il m'a dit qu'il s'appelait Wong Yukhei, qu'il aimait l'art et s'amuser. Je me souviens que tu m'avais sorti une phrase bateau genre «j'aime les belles choses donc j'aime l'art et toi» avec un petit clin d'oeil et sourire en coin.

Je mets ma main sur ma bouche, me trouvant totalement ridicule. Comment ai-je pu sortir ce genre de stupidité ?

- Mais ça m'avait plu. J'ai trouvé ça complètement ringard mais drôle. Tout ça c'était il y a une quinzaine de mois. Et puis quelques semaines après je me retrouvai dans ton lit.

Je plaque mes mains sur mon visage, tout sourire. Notre histoire est beaucoup trop belle, elle paraît presque irréelle.

- Tout allait bien, on a vécu des mois tellement beaux, tellement agréables. Je suis tombé amoureux de toi tellement vite qu'on y aurait cru de la fiction. Mais non, tout ça était vrai. Puis il y a deux semaines et demi tu as disparu. C'était tellement... dur. Horrible.

Son sourire se fane, il laisse des mauvais souvenirs revenir.

Je comprends mieux pourquoi il me raconte tout ça maintenant. Il a peur, il préfère que je sache avant que quelque chose de grave ne se passe.

Et ça m'effraie aussi, mais je veux savoir.