67. Epilogue


     Je me retrouvai dans une chambrette étroite, seule avec Arthur. Le Prince Noir était parti machiner je ne sais quel nouveau plan diabolique tandis que l'autre danger public s'occupait de camoufler l'hélicoptère avec les deux elfes.

Arthur se tenait face à la fenêtre, le regard perdu dans le vide.

J'étais immobile au milieu de la pièce, indécise sur la façon dont je devais procéder. J'avais envie de rappeler au jeune homme sa promesse de me libérer ainsi que tous les autres otages, mais je ne pouvais m'empêcher de me souvenir que la dernière fois que nous avions été ainsi en tête à tête il s'était comporté de manière fort cavalière et m'avait soudainement embrassée. Alors qu'il savait très bien que j'étais fiancée.

— Que va-t-il se passer maintenant ? demanda soudain Arthur d'un ton morne.

Il me tournait toujours le dos.

Je fronçai les sourcils.

— Que veux-tu dire exactement ?

— A quoi va ressembler le reste de mon existence maintenant que j'ai délivré Tassilon ?

Je m'approchai de lui pour plonger également mon regard dans l'horizon.

— Tu vas me laisser quitter le manoir, décidai-je. Et toi, tu vas partir avec moi comme nous l'avions naguère prévu.

Arthur resta silencieux un long moment.

— Et me terrer quelque part ? Ta famille sera peut-être disposée à m'aider, mais jamais plus elle ne me fera confiance. Je n'ai pas ma place dans l'autre camp.

— Mais si tu restes ici, le Prince Noir va continuer à te manipuler. Vous chercherez encore et encore à récupérer tes souvenirs.

Le jeune homme ne répondit pas. Il fouilla dans sa poche et en ressortit un petit objet qu'il me montra sans un mot. C'était une petite fiole dorée décorée d'un motif en forme de dragon.

— Arthur ! m'exclamai-je, horrifiée. Ce sont tes souvenirs ? Quand... ? Comment... ?

— La reine Flavie me l'a donnée. En échange de la princesse disparue.

— Pourquoi ne l'as-tu pas dit tout à l'heure à l'elfe ?

Il eut un petit rire ironique.

— A ton avis ? Tassilon se serait immédiatement empressé de me faire boire mes souvenirs de force. Or je veux avoir le choix, Charlotte.

Je sursautai, indignée.

— Le choix ? De quel choix pourrait-il s'agir ? Nous devons trouver un moyen de détruire ses souvenirs. C'est la seule chose à faire, un point c'est tout.

Il me jeta un regard perdu.

— Et renoncer à tout jamais à savoir qui je suis vraiment ? A comprendre pourquoi je suis devenu Athanasios ? Je ne sais pas quoi faire. Je crois d'ailleurs qu'il est impossible de les détruire. Absalom l'aurait fait, sinon.

Je posai ma main sur son bras.

— Nous pouvons toujours remonter dans cet hélicoptère, voler au dessus de l'océan et jeter le flacon dans les profondeurs. Ou demander à quelqu'un d'aller le cacher à l'autre bout du monde, à un endroit que ni toi ni moi ne connaîtrons jamais.

Dans le même temps, je commençai à me rapprocher discrètement du flacon. Sans doute aurais-je la possibilité de l'arracher des mains d'Arthur. Mais que faire ensuite ? Jeter la fiole par la fenêtre ? Que se passerait-il si elle se cassait ? Les souvenirs continueraient-ils d'exister sous la forme d'une flaque ? Et si – une pensée étrange me traversa l'esprit – et si c'était moi qui buvais son contenu pour empêcher mon compagnon de le faire ? Deviendrais-je une sorte de Charlotte devenue maléfique par les souvenirs du mage noir, mais peu dangereuse puisque je n'avais pas de pouvoirs ? Non, cela n'avait aucun sens.

Arthur semblait cependant avoir remarqué ma subtile approche et recula de plusieurs pas.

— Je ne peux pas renoncer à ma mémoire à tout jamais. Pas après tout ce que j'ai fait pour tenter de la retrouver.

Il souleva le petit flacon pour faire bouger lentement son liquide ambré qu'il observait avec fascination.

Je lui jetai un regard suppliant.

— Ne fais pas cela. Tu ne dois pas redevenir le monstre que tu étais. Sans tes anciens souvenirs, tu es quelqu'un de bon, Arthur. Ne gâche pas tout cela. Tu n'es pas Athanasios. Ne le laisse pas engloutir ta personnalité.

Il me regarda droit dans les yeux.

— Sans ma mémoire je resterai à jamais incomplet.

— N'est-ce pas mieux que de répandre le mal et la destruction ?

— J'ai changé. Mes nouveaux souvenirs m'ont transformé. Tassilon, Absalom, Robert et toi, vous pensez tous que la personnalité d'Athanasios devrait forcément l'emporter. Pourquoi pas la mienne ?

Je me mordis la lèvre, horriblement inquiète.

— C'est trop dangereux. Je t'en prie ! Quelques mois de souvenirs ne peuvent l'emporter sur ceux de toute une vie.

Il posa une main sur ma joue et la caressa tendrement.

— Et si tu te trompais et que je n'étais pas quelqu'un de bon ? me chuchota-t-il comme un aveu.

Puis, sous mes yeux horrifiés, il déboucha le flacon et le porta à ses lèvres.

[fin du tome 1]

Bonjour à vous tous !
Nous arrivons donc au terme de ce tome 1. Merci infiniment pour toutes vos conseils, vos commentaires et votre lecture.

Si vous avez des remarques générales sur l'intrigue, vous pouvez les faire ici ^^.

Je publierai d'ici quelques jours une nouvelle partie pour vous donner des informations au sujet du tome 2 et d'une autre histoire à paraître.

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