66. Retrouvailles
Arthur adressa un grand sourire à son ami et ne put s'empêcher de fanfaronner.
— Avoue tout de même que les évasions que j'organise sont plus spectaculaires que les tiennes!
— Si tu le dis, grogna le Prince Noir en se redressant. Mais maintenant tout Mundus va savoir que nous possédons un hélicoptère, ce qui n'est pas très malin.
Le sourire d'Arthur s'effaça.
— Et dire que j'étais en train de songer que tu m'avais peut-être un peu manqué…, bougonna-t-il.
Tassilon leva les yeux au ciel.
— Il faut bien que je m'occupe de ton éducation. Cela ne veut pas dire que je ne trouve pas ton plan relativement impressionnant.
Arthur fronça les sourcils.
— « Relativement » ? Une évasion en hélicoptère a tout de même plus de panache qu'une fuite dans une caisse à légumes !
— Bah tiens ! Tu essaieras la prochaine fois d'être balancé au bout d'une échelle de corde au milieu d'une volée de flèches ! Toi qui a le vertige à la première marche d'un escabeau !
— N'importe quoi, je n'ai pas le vertige, protesta Arthur avec une mauvaise fois évidente. La preuve : je viens de réussir à descendre un interminable escalier !
Tassilon éclata de rire.
— C'est ça ta preuve ? N'essaie pas de me tromper. Je te connais mieux que tu ne te connais toi-même.
Le jeune homme croisa les bras.
— La prochaine fois je te laisserai t'évader tout seul. Et tant pis si tu n'y arrives pas !
— Comme si tu pouvais te débrouiller sans moi ! Je ne sais même pas comment tu as réussi à arriver jusqu'à la Montagne Blanche sans te perdre.
— Charlotte m'a aidé, reconnut Arthur de mauvaise grâce.
Le Prince Noir se tourna aussitôt vers moi avec un sourire tordu.
— Alors comme cela, mademoiselle d’Aspignan, vous aidez le prisonnier le plus dangereux du royaume à s’évader en compagnie de l’ennemi public numéro un ? Vous voilà devenue une véritable criminelle.
Mon teint prit une couleur écarlate.
— Mêlez-vous de ce qui vous regarde, espèce d'elfe dégénéré. Je n’ai pas fait cela pour vous. J’ai un accord avec Arthur.
Le Prince Noir devint aussitôt soupçonneux et se tourna aussitôt vers son ami avec un air mauvais.
— Un accord ? Quel accord.
— Il faudrait nous hâter avant qu'Absalom ne se lance à notre poursuite, répondit Arthur en changeant stratégiquement de sujet. Nous devons partir le plus loin possible. Même si je ne pense pas qu'il puisse rivaliser avec un hélicoptère.
Tassilon le regarda encore un instant puis finit par accepter de laisser momentanément cette question dans l'ombre.
— Où sont Brunehaut et Grégoire ? demanda-t-il à la place. Ils ne sont pas venus avec vous ? Ma propre cousine ne vient pas assister à mon évasion ?
Arthur soupira, comme pour se donner du courage et jeta un regard penaud à son ami.
— Il se pourrait que...euh...que je l'ai d'une certaine façon vendue…
Le Prince Noir haussa un sourcil.
— Je te demande pardon ?
Le jeune homme agita les bras, embarrassé.
— Mais j'avais besoin d'un prétexte pour pouvoir m'approcher de la Montagne Blanche, moi ! Et c'est la faute de l'autre Athanasios ! Il avait écrit un carnet que j'avais trouvé dans mon armoire sans le faire exprès et que j'ai lu, alors… Et puis ce n'est même pas ta cousine en réalité.
Tassilon grogna.
— Je te laisse dix secondes pour t'expliquer plus clairement.
Et Arthur nous raconta donc le retour de la princesse disparue.
Tassilon l'écouta jusqu'au bout en silence, le visage inexpressif.
— ...et donc les elfes blancs ont gardé Brunehaut. Bien sûr, Grégoire a voulu rester avec elle.
Le Prince Noir reste encore un long moment silencieux.
— Je vois, dit-il finalement.
— Connaissais-tu la vérité à son sujet ? voulut savoir Arthur qui s'était longuement posé la question.
— Non. Ça risque de t'entraîner des problèmes avec mon père, tu sais.
Le jeune homme eut une petite grimace.
— Tu ne pourras pas m'arranger ça ?
Son ami leva les yeux au ciel d'un air exaspéré.
— Tu ne peux pas toujours te lancer dans des improvisations douteuses puis venir me demander ensuite d' « arranger ça ».
— Tu le peux oui ou non ?
Tassilon soupira.
— Je vais essayer.
Arthur lui adressa un sourire soulagé.
— Merci !
Le Prince noir se contenta de grogner.
— J'espère que ça en valait la peine. Brunehaut doit être furieuse.
— Oh, elle m'a menacé avec une expression imagée parlant de boyaux et de collier, je crois.
— Ça ne m'étonne pas...Tu t'es créé encore plus d'ennemis qu'auparavant, dont les elfes blancs, ce qui me ravi. Un fait m'intrigue cependant. Comment as-tu su pour Brunehaut ? Pour autant que je sache, seuls mes parents devaient être au courant. Ils me l'ont même caché à moi, leur fils unique et successeur.
Il en paraissait tout à fait indigné.
Arthur sourit, l'air très content de lui-même.
— Athanasios l'avait découvert. Ou du moins il le soupçonnait. J'ai trouvé dans ma chambre un carnet sur lequel il avait noté quelques idées, pour la plupart incompréhensibles pour moi. Dans un coin, il avait écrit «Brunehaut: princesse disparue ? ». J'ai creusé cette hypothèse et suis arrivé à la conclusion qu'il pouvait avoir raison.
— Hm, peut-être que tu vaux quand même quelque chose sans tes souvenirs.
— Merci bien…
— Bah, tu vois ce que je veux dire.
Je cessai d'écouter leur nouvelle dispute pour regarder vers la fenêtre. Une question tournait en boucle dans mon esprit. Le jeune homme ne nous avait pas dit contre quoi il avait échangé Brunehaut. Manifestement pas contre la libération du Prince Noir. Ne s'agissait-il que d'une manœuvre pour pénétrer dans la Montagne Blanche ? Ou Arthur nous cachait-il quelque information importante ?
Nous avions déjà quitté la terre pour survoler la mer. Je me demandais en combien de temps nous gagnerions la porte intermondiale de Beaumont pour rejoindre à nouveau la Terre et le manoir d'Athanasios. Pour autant que je sache, un vol en hélicoptère serait nettement plus rapide qu'un trajet à dos de cheval. Enfin, à condition que Katsuo sache réellement piloter un hélicoptère, ce qui était fort étonnant compte tenu de sa façon de conduire une voiture. Et je ne tenais pas particulièrement à faire partie des premières personnes à périr dans un accident aérien sur Mundus.
Les heures passèrent cependant sans accident. Au bout d'un moment, notre véhicule se posa devant une vieille grange.
— Terminus, tout le monde descend ! claironna joyeusement Katsuo qui semblait s'amuser comme un petit fou.
Tous les passagers poussèrent en revanche un même soupir soulagé.
— Où sommes-nous ? demanda Arthur en regardant l'extérieur par dessus mon épaule.
— À quelques lieues du château de Beaumont, à la ferme où nous avons l'habitude de cacher l'hélicoptère et qui nous sert par la même occasion de base avancée sur Mundus. Il serait sans doute plus prudent d'y passer un certain temps. J'ai entendu dire que les portes intermondiales étaient particulièrement surveillées depuis deux jours en raison d'un passage remarqué d'Athanasios.
— Hm, marmonna Arthur. Je manque encore de pratique dans la clandestinité…
— Est-ce bien prudent de montrer l'emplacement de notre repère à elle ? s’inquiéta le Prince Noir en me désignant du menton.
Arthur se mit aussitôt devant moi d'un air protecteur.
— Nous ne risquons rien de la part de Charlotte, assura-t-il.
Il me prit par le bras et m'aida à descendre sur le sol.
Je regardai sombrement la masure à moitié désaffectée dans laquelle nous devrons habiter un moment.
Il était grand temps pour moi de rappeler à Arthur sa promesse de me libérer.
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