58. L'attaque d'Athanasios
J’appuyai d'un geste décidé sur la sonnette tandis qu’Arthur restait en retrait derrière moi. Nous avions jugé d'un commun accord qu'il était préférable d'essayer d'attirer le moins d'attention possible sur lui.
La porte s'ouvrit presque aussitôt sur une petite femme rondelette très agitée.
— Entrez, entrez, glapit-elle dans la langue commune de Mundus. Ils sont dans le salon. La réunion est sur le point de commencer.
J'échangeai un regard étonné avec Arthur, mais la femme nous adressa des gestes frénétiques pour nous inciter à franchir le seuil au plus vite.
— Oh, comme tout ceci est terrible, oui, absolument terrible, marmonna-t-elle en se tordant les mains.
Elle claqua la porte derrière nous et ferma la serrure à double tour.
— Jamais je n’aurais imaginé… Que faites-vous encore dans l’entrée, vous autres ? Avancez donc, vous bouchez le passage !
Nous fûmes chassés jusqu’à une pièce de taille modeste encombrée de statues et de peinture de toutes époques. Une foule hétéroclite s’y pressait. Il devait bien y avoir une quarantaine de personnes d’âges différents. Certains tournaient en rond avec angoisse. D'autres étaient affalés sur des fauteuils, une tasse de thé froide à la main. Il s’agissait sans doute d’expatriés de Mundus vivant à Édimbourg. Par quel hasard s’étaient-ils tous réunis ici aujourd’hui ?
— Attendons-nous encore beaucoup de monde ? chuchota la femme rondelette à un vieillard qui se tenait droit comme un piquet devant un grand tableau représentant un homme auréolé accompagné d’un ours.
J'imaginai qu'il s'agissait de Guiffart de Longueville, le gardien intermondial. Nous nous étions retrouvés compressés contre un mur à quelques centimètres de lui.
— Je l’ignore, admit le vieil homme qui semblait un peu perdu. Sans doute. Je dois avouer que je ne connais pas tout le monde. Mais il nous faudra bien commencer à un moment ou à un autre. C'est inévitable.
— Eh bien allez-y, mon cher !
— Hm, oui. Votre attention s'il vous plaît.
La dernière phrase avait été prononcée à voix haute. Les quelques murmures s’évanouirent aussitôt et les yeux de tous les participants de cette étrange réunion se fixèrent sur lui.
— Je vous remercie d'être venus aussi rapidement à mon appel. Nous nous trouvons dans une situation d'urgence absolue. Comme vous l'avez sans doute entendu dire, Athanasios a été aperçu il y a plus d'une heure à l’aéroport d’Édimbourg.
Je sursautai et sentis Arthur se tendre à côté de moi.
— Nous pensons qu'il est probablement ici pour emprunter la porte qui se trouve dans cette maison.
Des regards nerveux furent échangés et tout le monde fit un bond en l’air lorsque la sonnette retentit une nouvelle fois. Ce n'était cependant que des retardataires qui se joignirent aussitôt à nous, remplissant encore davantage la pièce surpeuplée.
— Je vous ai fait venir ici, poursuivit Guiffart de Longueville, pour vous demander votre aide pour l'arrêter lorsqu'il arrivera ici.
Un long frisson se propagea dans la pièce.
— Je croyais qu'Athanasios avait perdu tous ses pouvoirs, bredouilla une jeune femme qui en avait renversé sa tasse de thé sous le coup de l’émotion.
— Nous le pensions aussi. Mais voici ce qui circule en ce moment dans tous les médias.
D'un geste théâtrale, le gardien appuya sur une télécommande et une vidéo d’assez mauvaise qualité s'afficha sur un écran en face de lui. On y vit Arthur en face de l’ominosus. Arthur occupé à tirer avec un pistolet. Et, surtout, Arthur en train de lancer une boule de feu surgie de nulle part.
Des exclamations horrifiées s'élevèrent dans toute la salle. Je n'osai regarder vers mon compagnon qui devait être devenu tout pâle sous sa perruque blonde.
A ce moment précis, j'aurais pu m'écrier : « Mais regardez, Athanasios est juste là ! ». Et l'histoire aurait certainement pris une tournure bien différente que celle qui se développa par la suite. Y ai-je songé ? Oui. Mais je me devais de penser aux autres otages encore emprisonnés. Et je ne pouvais m’empêcher d’avoir pitié d’Arthur. Il était, d’une certaine façon, innocent des crimes du mage noir.
A la place, je m'avançai donc vers le gardien et mobilisai mes maigres talents de comédienne.
— Je sais pour quelle raison Athanasios ici, déclarai-je d’un ton qui se voulait paniqué. Ce n'est pas pour passer par la porte intermondiale, c'est pour nous rattraper moi et mon ami. Nous sommes deux de ses otages et nous venons de nous évader. Je vous en supplie, aidez-nous !
Guiffart de Longueville me regarda avec stupéfaction, comme toutes les autres personnes présentes dans la pièce.
— Comment…, bafouilla le gardien, si vous êtes des otages d’Athanasios, que faites-vous sur Terre ? Qui êtes-vous au juste ?
— Je suis Charlotte d'Aspignan. Vous connaissez mon oncle, je crois.
— Philippe ? Oui, oui, je le connais bien, très bien même. J'avais en effet entendu dire qu'une malheureuse Aspignan avait été enlevée. Philippe va être ravi d'après votre évasion. Cela va de soi.
— Encore faudrait-il que notre évasion réussisse ! Athanasios est à nos trousses. Son manoir se trouve sur Terre, dans des montagnes non loin d’ici. Il faut que nous franchissions la porte pour nous mettre à l'abri sur Mundus. Je vous en prie, laissez-nous emprunter le portail !
Le gardien hésita.
— Je ne le puis... C'est à dire, en cas de crise il est de coutume de condamner la porte.
— Si vous faites cela, nous sommes tous perdus, insistai-je en fronçant les sourcils. Athanasios nous retrouvera ! Je ne sais pas exactement comment, mais j'ai l'impression qu'il dispose de quelques fourberies magiques pour nous localiser. Il ne va pas tarder à arriver ici même si nous ne franchissons la porte.
Cet argument fit mouche. Les expatriés échangèrent des murmures effrayés. Ils n'avaient apparemment pas la moindre envie de se battre contre Athanasios.
— Mais, et la procédure ? protesta faiblement Guiffart qui semblait cependant être le seul à y tenir.
La femme qui nous avait ouvert la porte lui jeta un regard courroucé.
— Au diable la procédure ! Vous voyez bien que ces jeunes gens ont besoin d'aide. Ouvrez-leur la porte, mon cher ! Le plus tôt sera le mieux.
— Hm. Oui. Vous avez raison, ma douce, comme toujours. Damoiselle d'Aspignan, si vous voulez bien vous donner la peine…
Le gardien souleva une tapisserie, dévoilant une minuscule ouverture qui semblait avoir été installée pour un lutin. Je baissai les yeux pour l’observer. Pouvait-il réellement s’agir de la porte intermondiale d’Écosse ? On n’aurait pu imaginer plus grande dissemblance avec le majestueux portail doré de Versailles.
La foule s’écarta pour nous laisser passer, nous poussant dans le dos.
— Allons, allons, pressons, s’exclama la femme rondelette en observant la fenêtre avec effroi comme si elle craignait d’y découvrir le visage d’Athanasios collé contre la vitre.
Mettant ma dignité de côté, je m’accroupie sur le sol pour me faufiler tant bien que mal dans l'étroite ouverture. J’espérais ne pas rester coincée. Pour la première fois, je fus plutôt soulagée de porter un pantalon qui rendait plus aisé ce genre de manœuvre. Le froid mordant du passage me saisit tandis que je me dandinais pour avancer.
Arthur me suivit aussitôt.
Il se passa alors un événement inattendu : la perruque du jeune homme se prit dans le linteau de la porte et y resta accrochée.
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Bonjour à tous!
Une allusion assez recherchée à l'un des personnages de Rift Rider de @GalvanaCiaran se trouve cachée dans ce texte. Est-ce que quelqu'un l'a vue? ^^
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