55. Un week-end en amoureux


- J'ai l'air tout bonnement ridicule, grommelai-je en tirant sur mon haut pour cacher au maximum mes jambes.

Arthur me contempla d'un air approbateur.

- Mais non, tu es très bien comme cela, m'assura-t-il. Cela met ta silhouette en valeur.

Je le fusillai aussitôt du regard.

- Eh, n'en profite pas non plus pour te rincer l'œil !

Le jeune homme leva les yeux au ciel en marmonnant quelque chose d'incompréhensible à propos des femmes.

J'observai une dernière fois mon reflet dans le miroir de l'entrée. Suite à la vive insistance d'Arthur, j'avais finalement accepté de mettre cet horrible pantalon bleu fade qui me compressait les jambes à la limite de la décence. Comment les Terriennes pouvaient-elles accepter de s'attifer de la sorte ? Je préférais infiniment mes longues robes bien plus élégantes.

Plusieurs semaines s'étaient écoulées. Selon les calculs d'Arthur, Brunehaut et son escorte devaient tout juste être arrivés à la Montagne Blanche pour entamer les pourparlers. Il était à présent à notre tour de nous mettre en route.

Je jugeai utile de mettre encore une fois les choses au point suite aux âpres négociations que j'avais menées ces derniers jours.

- Nous sommes donc bien d'accord, rappelai-je. Je vais t'aider à tenter de faire évader l'abominable Prince Noir puis, en échange, tu libèreras tous les otages détenus ici.

Arthur soupira.

- Une promesse est une promesse.

- J'espère bien ! Bon, allons-y !

Le jeune homme m'ouvrit galamment la porte de l'entrée. Je sortis dans le jardin du manoir, heureuse de pouvoir respirer un peu d'air frais. J'étais si impatiente de quitter enfin cet horrible endroit qui avait été ma prison pendant plusieurs années.

J'étais aussi fort curieuse d'apprendre enfin où était localisé le manoir. J'avais commencé à élaborer une supposition : puisqu'Arthur m'avait fait habiller à la mode terrienne dès à présent, c'est que nous devions nous trouver à proximité de la porte intermondiale du château de Beaumont, et donc à seulement quelques lieues d'Aspignan.

Je me sentis prise d'une brusque nostalgie à l'idée d'être si proche de chez-moi. J'avais presque envie de partir en courant aussitôt que la porte du manoir serait ouverte. Arthur parviendrait-il à me rattraper avant que je ne tombe sur quelqu'un prêt à me venir en aide ?

Mais je devais également songer aux autres otages. Ces derniers ne seraient libérés que si je tenais parole. Ils avaient eux aussi une famille et des amis. C'étaient pour eux que j'avais accepté d'assister Arthur dans l'expédition cherchant à faire évader le Prince Noir. Aider ainsi mes ennemis me mettait terriblement mal à l'aise, mais le jeu en valait la chandelle. Du moins, j'en étais alors persuadée.

Je restai donc sagement près du jeune homme tandis que nous nous dirigions jusqu'au fond du jardin. Arthur portait sur ses épaules un sac à dos contenant quelques affaires indispensables à notre expédition.

Le jeune homme ouvrit la porte du domaine et nous sortîmes. Mes yeux tombèrent alors aussitôt sur un monstrueux véhicule garni de roues gigantesques et d'une sorte de longue barre sur son devant qui avançait le long d'une route étonnamment régulière.

- Qu'est-ce que c'est que cela ? m'épouvantai-je.

Arthur observa distraitement le véhicule.

- Une moissonneuse-batteuse, je dirais. Pourquoi ?

- Que fait cette effroyable machine sur Mundus ? Oh...Nous serions... sur Terre ?

- Selon toute vraisemblance.

Je lui jetai un regard indigné

- Tu étais au courant ?

Le jeune homme me toisa avec une certaine suffisance.

- Je l'ai deviné. Voyons Charlotte, c'est tout à fait évident. Comment pensais-tu que mon manoir ait pu échapper aussi longtemps à toutes les recherches ?

Alors que je m'apprêtai à poser davantage de question, un bruit tonitruant nous fit tous deux sursauter. Je me retournai et vis qu'une voiture rouge sans toit stationnait non loin de là. L'ami étrange d'Arthur se trouvait au volant.

- Montez, je vous emmène, s'exclama joyeusement ce dernier.

Arthur blêmit.

- C'est très gentil à toi, Katsuo. Mais nous avons prévu de prendre le bus, et...

Katsuo ouvrit la portière arrière.

- Ne sois pas ridicule. Nous irons beaucoup plus vite en voiture. Cela ne me dérange absolument pas !

Arthur se tourna vers moi.

- Attache bien ta ceinture, me murmura-t-il d'un ton préoccupé tandis que nous prenions place sur la banquette arrière.

Je compris ce qui inquiétait le jeune homme dès que le véhicule se mit à rouler. Terrorisée, je m'agrippai au bras d'Arthur et fermai les yeux.

- Tout va bien, je suis là, m'assura le jeune homme en me tapotant la main.

Si je n'avais pas eu trop peur de vomir si j'ouvrai la bouche, j'aurais aimé lui demander en quoi sa présence pouvait nous permettre d'arriver vivants à notre destination.

Après ce qui devait être une heure de torture, la voiture finit par s'arrêter brusquement. Je rouvris les yeux. Nous nous trouvions devant un long bâtiment qui devait être le terminal T2 d'où décollerait notre vol. Un nombre incalculable de personnes qui portaient des bagages ou poussaient des chariots en entraient ou sortaient à chaque instant.

Je déglutis. Je n'avais encore jamais pris d'avion. La perspective de m'élever dans les airs ne m'enthousiasmait pas particulièrement. Il s'agissait bien là d'une idée terrienne.

Arthur était déjà sorti et récupérait son sac dans le coffre. Je le suivis avec un instant de retard.

- Bonne chance à vous deux ! nous cria Katsuo en effectuant une marche arrière. Au pire, si vous ne parvenez pas à trouver un moyen de franchir la porte, vous pourrez toujours passer un petit week-end en amoureux devant le lac du Loch Ness.

Puis il démarra en trombe en klaxonnant.

Je fronçai les sourcils.

- Mais enfin, pourquoi tes amis passent-ils leur temps à nous traiter d'amoureux ? C'est parfaitement absurde !

- Pourquoi ? demanda Arthur d'un ton dégagé. Tu trouves que nous formerions un couple si improbable que cela ?

J'éclatai de rire devant cette plaisanterie.

- Bien sûr que oui ! Voyons, Arthur, comment une dame de la noblesse comme moi pourrait-elle s'éprendre d'un mage noir de ton espèce ? Sans compter que je suis fiancée.

- Oui, je le connais le Sigebert, grommela le jeune homme.

Puis il se dirigea d'un pas vif à l'intérieur du terminal de l'aéroport sans même m'attendre. Je le suivis, un peu surprise par sa réaction. Sans doute l'avais-je vexé en le traitant de mage noir.

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