49. Un vieil ami


     Les deux jeunes hommes s'observèrent un long moment en silence. Aucun d'eux ne semblait avoir envie de parler le premier.

Le visage de Robert reflétait une certaine méfiance qui mettait Arthur très mal à l'aise. Il se remémora leur dernière rencontre qui ne s'était pas particulièrement bien déroulée. Le chevalier l'avait beaucoup insulté. S'apprêtait-il à réitérer?

Afin de se donner une certaine contenance, Arthur enfourna dans sa bouche une cuillerée de la bouillie de céréales encore chaude qui avait été posée devant lui. La mixture bouillante lui brûla la langue et il ne put retenir une grimace. C'était aussi mauvais que cela en avait l'air.

Le jeune homme fit un bond en l'air lorsque Robert finit enfin par prendre la parole.

— J'ai beaucoup réfléchi, commença le chevalier d'un ton dur. Je me suis posé de nombreuses questions et j'aimerais que tu y apportes des réponses sincères.

Délaissant volontiers son repas, Arthur se leva péniblement pour se mettre à la même hauteur que son ancien ami.

— Je t'écoute, dit-il simplement.

Il s'obligea à ne pas détourner le regard lorsque Robert planta ses yeux francs dans les siens.

— Avais-tu réellement perdu la mémoire?

— Oui.

— Etions-nous amis?

— Oui.

— Donc tu ne te servais pas uniquement de moi ?

— Bien sûr que non! Quel aurait d'ailleurs été mon intérêt de te suivre? Et je ne me serais évidemment jamais approché d'Absalom si j'étais toujours Athanasios.

Le chevalier semblait hésitant.

— C'est ce que j'ai fini par me dire, marmonna-t-il. Mais tu aurais pu suivre un plan tordu... C'est ce que certains prétendent...

Arthur haussa les sourcils.

— Quel plan tordu?

Robert leva les mains.

— Je n'en sais rien, moi! Je ne sais pas lire dans les pensées d'Athanasios.

— Moi non plus, commenta Arthur qui aurait pourtant bien aimé en savoir plus sur les projets du mage noir.

Il observa d'un œil sombre l'étroite cellule qui différerait si radicalement de la confortable chambre qui avait été la sienne pendant son premier séjour au château d'Aspignan. Et dire qu'il se plaignait de son sort à cette époque! Si seulement il avait pu ne jamais apprendre sa véritable identité...

— Et toi, demanda-t-il soudain à Robert, t'es-tu servi de moi?

Son ancien ami le regarda avec surprise.

— Que veux-tu dire?

— Mes souvenirs se trouvent dans ton château depuis le début. Et, par une bien étrange coïncidence, tu es la première personne que j'ai rencontrée en me réveillant.

Le chevalier semblait estomaqué de ce retournement de situation.

— J'ignorais tout de toi, voyons! se défendit-il d'un air outré. Ton insinuation est insensée! Tu crois que je suis ce genre de personne? Mon père gardait certes la fiole, mais il n'avait pas la moindre idée de ce dont il s'agissait. Nous pensions qu'il s'agissait d'une sorte de potion.

— Et comment saviez-vous que nous allions venir hier soir?

— C'est Absalom qui nous a prévenu de votre arrivée. Si j'ai bien compris, il vous a attiré ici en vous faisant apprendre que les souvenirs d'Athanasios se trouvaient au château.

— Et qui lui a dit?

— Je ne le sais pas, je te le jure!

— Je veux bien te croire, soupira Arthur.

Il n'avait en réalité jamais soupçonné sérieusement la franchise de Robert.

— Je suis tout aussi innocent que toi, déclara-t-il alors en s'agrippant aux barreaux qui le séparaient du chevalier. J'ai perdu la mémoire et suis devenu une toute nouvelle personne. Je n'ai aucun lien avec Athanasios, si ce n'est que je possède son corps.

Robert ne semblait pas entièrement convaincu.

— Pourquoi as-tu rejoint le camp des elfes noirs, alors?

— Ce n'était pas de ma propre volonté. Le Prince Noir m'a enlevé et obligé à le suivre jusqu'au manoir d'Athanasios. Là-bas je vivais comme un quasi prisonnier.

— Cet abominable Prince Noir ne risque plus de nuire, observa Robert avec satisfaction.

Le jeune homme s'efforça de prendre un ton détaché.

— Que va-t-il lui arriver au juste? s'enquit-t-il d'un ton faussement indifférent.

Le chevalier haussa les épaules.

— Les elfes blancs l'ont emmené. J'espère qu'ils vont l'exécuter. Il paraît que cela est très probable.

Arthur sentit son cœur se serrer.

— Mundus s'en portera mieux, assura-t-il cependant. Et quel est le sort qui m'est destiné?

Robert parut embarrassé.

— Il serait question de te transporter au palais de Tolone...

Il ne développa pas davantage. Arthur regarda le sol crasseux un long moment, réfléchissant.

— Serais-tu prêt à m'aider? demanda-t-il après plusieurs minutes de silence.

— Je ne le peux, protesta aussitôt le chevalier. Je suis désolé pour toi, Arthur, mais le risque...

— Est faible, le coupa le jeune homme. J'ai perdu tous mes pouvoirs. Et, maintenant que le Prince Noir est hors d'état d'agir, il est très peu probable que quelqu'un me force à retrouver un jour la mémoire. J'imagine que la fiole de mes souvenirs a été mise à l'abri?

— Bien évidemment. Absalom l'a remise aux elfes blancs en même temps que le Prince Noir. Elle sera conservée précieusement à la Montagne Blanche.

Arthur eut un sourire rassurant.

— Il n'y a donc aucun danger, tu le vois bien. Et il ne s'agit pas uniquement de moi. Si tu m'aides à m'échapper, je pourrais te rendre ta sœur.

Robert sursauta.

— Je n'osais te questionner sur Charlotte. Est-elle...

— Elle va bien. Nous avons fait connaissance. Nous avions prévu de nous échapper ensemble, mais le Prince Noir nous surveillait trop attentivement. Maintenant qu'il n'est plus, cette évasion deviendra bien plus aisée.

Le chevalier fronça les sourcils.

— Je croyais que tu venais d'affirmer à Absalom que tu ignorais l'emplacement du repaire d'Athanasios. Comment pourrais-tu t'y rendre pour sauver Charlotte?

— Je ne connais pas la localité du manoir, c'est vrai. Mais j'ai quelques soupçons. Et je crois bien savoir à qui m'adresser pour le regagner.

Robert continuait à le regarder d'un air dubitatif.

— Pourquoi ne pas l'avoir dit à Absalom? Nous pourrions lui faire part de ton plan.

Arthur protesta immédiatement.

— Non. Il ne me fait pas confiance. Il n'acceptera jamais de me laisser partir.

— Je viendrai alors avec toi!

— Impossible. Il ne faut pas éveiller les soupçons des elfes noirs. Je dois agir seul.

Les deux anciens amis s'observèrent un long moment. Robert finit par détourner les yeux.

— Je dois partir, déclara-t-il. Je ne te promets rien, mais je vais réfléchir à ta proposition.

Il tourna les talons et disparut dans le couloir.

Arthur se rassit sur le sol en s'autorisant un sourire satisfait. Il savait qu'il venait de remporter la partie.

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Bonjour à tous!
Maintenant que nous avons fait le tour de la plupart des personnages du tome 1, je voulais vous demander quels étaient vos 5 personnages préférés de l'histoire ☺

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