48. Μνήμη
Arthur et Absalom se faisaient face. Ils gardèrent tous deux le silence tandis que la cellule se vidait peu à peu. Charles et Louis d'Aspignan quittèrent la pièce les derniers après avoir jeté un regard en biais au jeune homme.
Arthur réfléchissait à toute allure alors que les bruits de pas dans le couloir s'estompaient. Y avait-il un moyen de se tirer de ce bien mauvais pas? Lors de l'élaboration de ses projets, ce n'était pas du tout ainsi qu'il avait prévu de reprendre contact avec l'autre camp. Il s'était imaginé pouvoir rejoindre les Aspignan en héros, ramenant triomphalement Charlotte auprès de sa famille après une fuite épique et remplie de dangers pour échapper aux elfes noirs. Il aurait ainsi pu faire preuve de sa bonne volonté, de sa bravoure et regagner la confiance de ses anciens alliés. Avoir été ainsi pris la main dans le sac en train de pénétrer clandestinement dans le château pour y récupérer le flacon de ses souvenirs représentait très certainement la pire configuration possible.
Absalom prit soudain la parole, le tirant de ses sombres pensées.
— Pourquoi t'es-tu échappé du palais royal pour rejoindre le Prince Noir ? demanda la mage blanc. Souhaites-tu donc réellement continuer la sinistre tâche de l'ancien Athanasios ?
Arthur ouvrit la bouche, indigné.
— N'est-il pas normal de vouloir être libre? s'insurgea-t-il. Qui accepterait de passer sa vie enfermé? Et je n'ai pas rejoint le Prince Noir. C'est plutôt lui qui m'a obligé à le suivre. Cela ne signifie en rien que je souhaite redevenir celui que j'étais jadis.
Absalom le regarda d'un air impassible.
— T'a-t-il également obligé à venir voler tes souvenirs?
— Je...hm...non, mais...ce sont mes souvenirs! bredouilla maladroitement Arthur. Il est légitime que je souhaite récupérer ce qui me revient de droit.
Le jeune homme détourna les yeux, mal à l'aise. Il avait bien conscience que cet argument n'était que très difficilement recevable.
— Tu es donc bien prêt à redevenir un monstre, Arthur. Sans doute t'avais-je mal jugé. Te donner une seconde chance a été une erreur de ma part...
Arthur se sentit soudain envahi d'un puissant sentiment d'injustice et il planta à nouveau son regard dans celui du mage blanc.
— Je vous avais moi aussi mal jugé. Je vous avais cru prêt à m'aider. Vous ne m'avez en réalité laissé la vie sauve que pour préserver votre conscience. Que je passe le reste de mon existence enchaîné dans un cachot vous importait peu.
Absalom l'observa en silence un instant. Il paraissait un peu peiné.
— Collabore avec moi et je pourrais être en mesure d'adoucir ton sort.
Le jeune homme le regarda avec méfiance.
— Que voulez-vous dire par collaborer ?
— Tu dois me dire où se trouve ton manoir.
—Je l'ignore.
Le mage soupira.
— Il est dans ton intérêt de nous aider, Arthur.
— Je ne le peux pas, insista le jeune homme. Le Prince Noir a fait en sorte que j’ignore l’emplacement du manoir.
Absalom prit un air dubitatif.
— Tu ne me laisse donc pas le choix.
Le mage leva une main et prononça un mot d'une voix claire:
— Μνήμη!
Arthur ressentit aussitôt une vive souffrance au niveau de son front. Il avait la très désagréable impression que quelqu’un essayait de pénétrer de force à l'intérieur de sa boîte crânienne. Il y résista du mieux qu’il pouvait, tout en hurlant. La douleur s'estompa brusquement. Il ouvrit les yeux, haletant.
— Laisses-toi faire et tu souffriras moins, recommanda le mage.
— Laissez-moi tranquille ! Arrêtez de me tourmenter!
Absalom ne répondit pas et renouvela son attaque. Ce fut encore pire que la première fois. Arthur était persuadé que son crâne allait exploser. Il se roula en boule, les mains sur sa tête, dans une vaine tentative de se protéger. Il crut entendre une barrière céder et, l'instant d'après, il sentit le mage balayer ses maigres défenses et fouiller son esprit à la recherche d'indication concernant le manoir. Il n'aurait pas pu estimer combien de temps cette inquisition dura. Lorsque le mage retira sa magie, Arthur gisait à même le sol de la cellule, peinant à garder les yeux ouverts. Il se sentait... malade, souillé. Même les coups les plus violents de Tassilon ne lui avaient jamais porté une telle atteinte. Son esprit était à lui. Absalom lui avait déjà volé ses souvenirs une première fois. Et voilà qu'il s'en prennait à nouveau à sa mémoire !
Le mage blanc s'approcha et le regarda d'un air pensif, se demandant visiblement s'il allait tenter une nouvelle attaque.
Le jeune homme leva vers lui des yeux brillants de rage.
— Je vous déteste, cracha-t-il avec ces dernières forces. Vous affirmez vouloir m'aider, mais en réalité vous vous contentez de vérifier que je suis bien hors d'état de nuire. Et vous n'hésitez pas une seule seconde à me torturer pour me faire dire ce que je ne sais pas. Je regrette qu'Athanasios ne vous ait pas vaincu et tué.
Absalom eut un sourire triste.
— Alors peut-être n'es-tu pas si différent de lui.
*
Arthur passa le reste de la nuit et une partie de la matinée prostré à même le sol, mal remis des attaques qu'Absalom avait lancées sur lui. Son moral était au plus bas. Il ne voyait aucune lueur qui pourrait venir éclairer sa triste situation. Cette fois-ci, Tassilon ne pourrait pas venir le sauver... Il était par ailleurs inquiet au sujet de l'elfe et de sa blessure. Personne n'avait voulu lui donner la moindre nouvelle.
Il entendit quelqu'un avancer dans le couloir mais ne jugea pas utile de bouger. Les gardes ne cessaient d'aller et venir devant sa cellule, probablement pour s'assurer que le jeune homme ne s'était pas évadé. Personne ne semblait cependant envisager réellement cette possibilité. Arthur n'avait même pas été enchaîné.
« Ils me sous-estiment», songea-t-il férocement, « et je pourrais tirer partie de cela ».
Le Prince Noir lui avait bien recommandé de ne pas montrer ses pouvoirs, mais ne devrait-il pas tout faire pour chercher à s'en sortir? Pourrait-ils réussir à faire fondre les barreaux de sa cellule? Mais que faire ensuite pour échapper aux gardes? Si seulement il était capable de passer à travers les murs ou de se rendre invisible...
« Je refuse de finir ma vie en prison. Je suis Athanasios. Il est impensable que je ne trouve pas un moyen de m'échapper ».
Une assiette avec une cuillère en bois furent glissées par une fente sous la grille de la cellule.
Arthur tendit péniblement le bras pour s'emparer de la nourriture qu'il renifla avec méfiance. Il s'agissait visiblement d'une sorte de bouillie de céréales qui avait l'air bien moins appétissante que les mets qu'il avait eu coutume de déguster lors de son dernier séjour au château. Il avait cependant grand faim et avaler une quelconque nourriture pourrait lui rendre quelques forces indispensables à sa future évasion.
— Bonjour, Arthur, dit alors une voix que le jeune homme connaissait très bien.
Le jeune homme eut un moment d'hésitation avant de lever lentement les yeux vers Robert.
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