45. Planification
Arthur n’en revenait tout simplement pas. Il avait passé de longs mois au château d’Aspignan, des jours interminables traversés de douloureux questionnements, se demandant qui il pouvait bien être. Et voilà qu'il apprenait que la réponse à toutes ses questions avait été à portée de main pendant tout ce temps là !
Le pire était qu'il s'était trouvé à quelques centimètres de ce fameux flacon doré. Il se souvenait comme si c'était hier d'avoir ressenti une étrange impulsion qui le poussait à s'en saisir mais qu'il avait réprimée. Comme si ses souvenirs souhaitaient revenir en lui d'eux-mêmes.
Tassilon, Katsuo, Brunehaut et Grégoire s’étaient cependant lancés dans une conversation animée pour déterminer la meilleure façon d’aller récupérer la fiole. Katsuo préconisait une expédition discrète tandis que Brunehaut souhaitait envoyer une armée prendre le château d'assaut.
— La forteresse est difficilement prenable, remarqua Arthur qui, une fois n'est pas coutume, était celui qui connaissait le mieux le sujet, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Cela nous prendrait un temps considérable qui permettrait aux Aspignan d'obtenir de l'aide. Et Absalom comprendra immédiatement ce que nous sommes venus faire.
Il eut soudain une idée lumineuse.
— Pourquoi ne pas proposer un accord avec les Aspignan ? Nous détenons leur fille aînée. Proposons-leur de l’échanger contre la fiole. Je pourrais l'accompagner et…
— Bah tiens, comme si j'allais faciliter vos projets d'évasion ! le coupa le Prince Noir d'un air narquois et sans tenir compte des faibles protestations du jeune homme. Non, ta proposition n'est pas complètement insensée pour une fois, mais ne fonctionnera pas. Si Absalom a confié les souvenirs à ces nobliaux, c'est qu'il a confiance en eux. Ils refuseraient. Pour le bien du royaume ou autre nigauderie. Le mieux serait d’envoyer deux ou trois guerriers expérimentés. Reste à savoir comment ils y pénétreraient.
Arthur réfléchit un instant pour élaborer son plan.
— Je connais un passage secret, révéla-t-il sans être certain qu'il s'agissait de la meilleure des idées. Chaque membre de la famille en possède une clef. Charlotte d’Aspignan l’a peut-être avec elle en ce moment. Je pourrais m’introduire dans le château par ce biais. Simplement Robert sait que je connais ce passage alors il sera peut-être gardé. Le mieux serait d'y aller avec Charlotte qui connaît très bien les lieux. Je la convaincrai de nous aider. Nous sommes devenus assez proches.
Tassilon haussa un sourcil.
— Il est hors de question que la fille d'Aspignan sorte d'ici. Et je ne suis pas certain que ta petite humaine t'apprécie toujours autant.
Arthur lui jeta un regard surpris.
— Pourquoi donc ?
— Tu verras bien. Décris-nous précisément où se trouve ce passage.
— Non, déclara fermement le jeune homme. Il est très difficile à détecter si on ne connaît pas son emplacement exact. Et j’exige de participer à l'opération. Ce n’est pas négociable.
— Ne sois pas idiot, s’irrita l’elfe. Tu sais à peine de battre et tu es notre pièce maîtresse. Nous ne pouvons pas prendre le risque de te perdre.
— C'est moi qui irai, insista fermement Arthur. En je pense savoir exactement où se trouve cachée la fiole.
Il jugea bien évidemment contre-productif de préciser qu'elle se trouvait bien en vue dans la salle principale du château.
Le jeune homme échangea un regard noir avec Tassilon, campant sur sa position.
— Très bien, finit par accepter le Prince Noir de très mauvaise grâce. Je t’accompagnerai.
— Nous ne pouvons pas non plus prendre le risque de te perdre toi, protesta Katsuo. Qu’est-ce nous ferons si vous êtes tous les deux capturés ou tués ?
— Je tiens à avoir personnellement Athanasios à l’œil, siffla Tassilon entre ses dents.
Arthur comprenait pourquoi. L'elfe estimait à juste titre qu’il y avait un risque non négligeable qu’il les trahisse en rejoignant les Aspignan. Ce n’était cependant pas pour cela qu’il souhaitait être présent. Il avait trop peur des représailles qui ne manqueraient pas de se répercuter sur Charlotte. Non, il voulait néanmoins veiller à ce qu’aucun habitant du château ne soit blessé. C’était des gens qu’il avait fréquentés et appréciés, qui lui avaient offert l’hospitalité. Il ne pouvait pas les laisser tuer par des elfes noirs qui n’hésiteraient pas un seul instant à faire couler du sang. L’idée de s’introduire de nuit dans les lieux pour commettre une sorte de cambriolage était déjà suffisamment dérangeante en soi. Enfin, il ne s’agissait pas vraiment d’un vol. Il n’allait que récupérer ce qui lui appartenait de droit. Restait à savoir comment éviter d'avoir à boire ses souvenirs.
— Je vais aller interroger cette fille pour récupérer sa clef, déclara soudain Tassilon en se levant.
Arthur en fit précipitamment de même.
— Je vais le faire. Je ne veux pas que tu la brutalises !
Tassilon eut un sourire amusé que le jeune homme ne comprit pas.
— Tu seras incapable de la faire parler ! Tu n’as qu’à venir avec moi. J'ai bien envie d'assister à cela. Ça devrait être drôle.
— Assister à quoi ? Et qu'est-ce que tu veux dire par « drôle » ?
Le Prince Noir tourna des talons sans même vérifier s’il était bien suivi. Arthur soupira avant de se lancer à sa suite.
— Ces Aspignan, s'enquit l’elfe tout en traversant la cour d’un pas vif, comment t’es-tu retrouvé à habiter chez ceux qui détenaient tes souvenirs ? C’est étrange, non ?
— Tout cela est arrivé par hasard, déclara Arthur.
— Je ne crois pas beaucoup au hasard…
— Tu penses qu'Absalom ne m'aurait en réalité pas perdu ? Qu'il aurait demandé aux Aspignan de me surveiller ? Cela me semble tiré par les cheveux. Ils ont eu l’air très surpris d’apprendre qui j’étais. Et ils m’ont aidé dans mes recherches d’identité.
— Hm…
Arthur était presque certain que la colère de Robert en apprenant qu’il était en réalité Athanasios n’était pas feinte. Son ancien ami n’avait visiblement été au courant de rien. Il ne pouvait cependant s’empêcher de se sentir troublé par l’insinuation du Prince Noir…
Tassilon s’engagea dans le long couloir des cellules, ouvrant la porte de la mienne sans prendre la peine de frapper. Je lui jetai un regard méfiant en reculant tout au fond, ne voyant pas tout de suite Arthur derrière lui.
— Que me voulez-vous ? demandai-je d’un ton sec.
Le prince ne prit pas la peine de m'adresser la parole. Me prenant par le bras, il m'attira vers lui sans sa moindre douceur et attrapa la chaînette en or que je portai autour du cou.
— Lâchez-moi, espèce de grosse brute ! protestai-je en lui donnant des coups sur la poitrine pour essayer de le repousser.
— C’est ça ? demanda Tassilon en montrant à Arthur la clef que je portais comme un pendentif.
J’aperçus alors ce dernier.
— Toi, m'exclamai-je en mettant dans le ton de ma voix toute la colère et le mépris que je ressentais pour lui. Tu t'es bien moqué de moi, n'est-ce-pas ?
Le jeune homme me regarda avec de grands yeux.
— Que veux tu dire ? me demanda-t-il prudemment.
— Ne fais pas l’hypocrite, traître! Je sais qui tu es réellement, Athanasios !
— Oh.
Je lui lançai mon regard le plus féroce et remarquai que le sien était traversé par un éclair de honte mêlée de tristesse.
— Je…, commença-t-il maladroitement. Je ne voulais pas te blesser, je… Comment l'as-tu appris d'ailleurs ?
Je pointai du menton le Prince Noir qui continuait à me maintenir malgré les coups que je lui assénai toujours.
— Demande à ton cher ami.
Le jeune homme se tourna aussitôt vers Tassilon, absolument indigné. Les meilleurs amis n'étaient-ils pas censés se soutenir ?
— Tu lui as dit ? l'accusa-t-il d'un ton trahi.
L'elfe haussa les épaules, guère contrit.
— Pas fais exprès. Il faudra que tu me fasses part de tes techniques de drague, la prochaine fois.
Arthur s'empourpra.
— Ce n'était pas une technique de drague !
— La question du comment n'est pas importante, remarquai-je d'un ton glacial.
Arthur s'intéressa à nouveau à moi, penaud.
— Charlotte, je...
— Vous réglerez plus tard votre querelle d'amoureux, l'interrompit Tassilon avec impatience. Nous avons beaucoup à faire.
— QUELS AMOUREUX ? m'époumonai-je en me débattant comme une forcenée. OU VOIS-TU DES AMOUREUX, CRETIN D'ELFE ?!
Sans plus de cérémonie, le prince tira à nouveau sur ma chaîne et la brisa. Il prit la clef, me repoussa et sortit de la cellule.
— Qu’est-ce que vous allez faire ? demandai-je avec angoisse.
Je savais qu’Arthur avait séjourné dans mon château familial. Il était visiblement au courant pour le passage secret.
— Arthur, insistai-je. Est-ce que tu vas les laisser pénétrer dans le château ? Qui que tu sois, ne le laisse pas faire cela ! Je t’en prie !
Le jeune homme se contenta cependant de me jeter un regard d’excuse et suivit le Prince Noir.
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