29. L'erreur du mage blanc
Arthur resta un long moment bouchée bée, totalement abasourdi. Il observa Robert le contempler avec mépris, tremblant de rage. Les paroles de celui qui était encore son ami quelques heures auparavant ne parvenaient cependant pas à faire sens dans son esprit. Comment pourrait-il donc être Athanasios ? Cette idée était tout à fait inconcevable. Il n'avait jamais eu la moindre envie de capturer d'innocentes personnes, d'en tuer d'autres ou de semer le chaos et la désolation. Il n'était pas un monstre. Et puis, de toutes façons, cela n'était pas possible puisque...
-Athanasios est mort, termina le jeune homme à voix haute, soulagé d'être arrivé à cette conclusion.
Son instant de stupeur passé, il se sentait curieusement détaché de la situation. Il ne pouvait s'agir que d'une méprise, d'une horrible méprise qui ne pourrait se résoudre que rapidement.
La main de Robert se resserra davantage sur un barreau.
-Il n'est pas mort, puisque c'est toi et que tu es vivant, répondit-il, non sans une certaine logique.
Arthur secoua vigoureusement la tête.
-Je ne suis pas Athanasios. Je ne peux pas être Athanasios. Robert...Fais-moi donc confiance.
-Confiance ? s'indigna le chevalier. Tu as enlevé ma sœur ! Tu t'es servi de moi pour t'introduire dans ma famille. Nous t'avons accueilli et traité comme l'un des nôtres tandis que tu manigançais tes sombres stratagèmes. Grippeminaud! Traître! Bandit ! Pendard ! Maudit ! Truand ! Couard ! Mécréant !
-Quels sombres stratagèmes ? répéta Arthur en fronçant les sourcils. Je n'ai rien fait du tout !
Robert était cependant trop occupé à puiser dans son répertoire d'insultes pour l'écouter.
-Fourbe ! Enflure ! Détritus ! Dépravé ! Traître! - ah, je l'ai déjà dit - euh...crapule ! Gibier de potence !
-Robert ? intervint une voix grave. Pourriez-vous me laisser lui parler seul à seul ?
Absalom venait de les rejoindre.
Le chevalier sembla hésiter un instant à poursuivre sa litanie mais, peut-être à cours d'idée, finit par refermer la bouche. Il lança un dernier regard haineux à Arthur avant de tourner les talons avec raideur. Le jeune homme le regarda partir, ressentant un cuisant sentiment d'abandon. Comment Robert pouvait-il le lâcher dans une situation pareille ? Comment pouvait-il ne serait-ce qu'envisager qu'il puisse être Athanasios ? Après tous les moments qu'ils avaient vécus ensemble...
Un léger toussotement se fit entendre et Arthur leva alors les yeux vers le mage blanc.
-Je te dois quelques explications, commença Absalom. J'ai cru comprendre que Robert t'avais mis au courant ?
Arthur hocha sèchement la tête sans rien ajouter d'autre. Le mage tira une chaise et s'assit en face de lui, de l'autre côté des barreaux. Il le regardait attentivement, comme s'il cherchait à lire dans son esprit. Le jeune homme s'agita, mal à l'aise, mais n'osa pas prendre la parole.
-Tu es bien Athanasios, finit par dire Absalom. Il est inutile d'en douter.
Arthur fronça les sourcils.
-Ce n'est pas vrai, protesta-t-il. Cela n'est pas possible. Ce n'est pas... ce n'est pas ce que je veux... Je croyais...je croyais que vous aviez tué Athanasios.
Il leva vers le mage un regard accusateur. Ce dernier pencha légèrement la tête sur le côté.
-C'est en effet ce que j'ai prétendu à tout le monde. Mais je ne l'ai pas fait. J'en avais au départ l'intention, c'est vrai. Nous avons mené un combat acharné et je savais à quel point tu t'étais montré nuisible pour le monde des humains. Mais lorsque je t'ai vaincu et que je t'ai vu étendu sur le sol sans connaissance j'ai été frappé par ta jeunesse Arthur. Je te pensais beaucoup plus âgé, alors que tu es presque encore un enfant. Je ne pouvais pas te tuer. Je suis issu d'un peuple qui respecte la vie plus que tout. Nous évitons autant que possible de semer la mort.
Il s'interrompit un moment comme si il attendait que son interlocuteur dise quelque chose, mais Arthur l'écoutait en silence sans manifester la moindre émotion.
-J'ai donc choisi de t'épargner, continua le mage. Je ne pouvais pas te livrer au roi. Il t'aurait fait immédiatement exécuter, ce qui aurait réduit mes efforts à néant. J'ai alors décidé de t'effacer la mémoire et de bloquer ta magie. Je me suis dit que tu deviendrais ainsi probablement inoffensif. J'ai utilisé le sort complexe d'amnesia pour faire sortir entièrement tes souvenirs de ton esprit. A la place j'y ai introduit quelques notions de base que possède un adolescent de base sur Terre où je t'ai envoyé. J'avais l'intention de te munir d'une fausse mémoire, celle d'une vie heureuse auprès de personnes aimantes. Je t'aurais introduit dans une famille et t'aurais surveillé de loin. Tu ne te serais normalement jamais rendu compte de la vérité. J'étais cependant anxieux de mettre tes souvenirs hors de ta portée. Je t'ai laissé dans une clairière, emprisonné par un sort d'immobilisation, et ai regagné brièvement Mundus. Lorsque je suis revenu, quelques heures après, tu avais disparu.
-J'ai rencontré Robert, commenta le jeune homme d'une voix distante.
Absalom hocha la tête.
-L'usage de la pierre de blocage que le jeune Aspignan utilise pour écarter les curieux semble avoir brisé mon ordre magique d'attente. J'ai immédiatement lancé sur toi un sort de localisation, mais il ne t'a pas trouvé, ce qui est normal puisque tu étais dans la maison de Philippe d'Aspignan qui est protégée par des murailles anti-magie. Je suis alors retourné sur Mundus, mais là encore tu n'étais nulle part. J'étais assez penaud, comme tu peux t'en douter. J'étais persuadé que mon sort d'amnésie n'avait pas marché et que tu t'étais enfui.
-Vous n'en avez pas averti le roi ?
-Non. J'avais l'intention de régler mon erreur tout seul sans provoquer la panique. Pendant tout ce temps je t'ai cherché sans relâche à travers les deux mondes. Jusqu'à te voir brusquement en face de moi au palais.
Arthur resta silencieux un moment. Les explications d'Absalom étaient vaguement crédibles. Pourtant, il était persuadé que le mage ne lui avait pas tout dit sur ses motivations à le maintenir en vie. Que cherchait-il à lui cacher ?
-Je suis bien amnésique, assura finalement le jeune homme, même si Robert pense que non. Pourtant, je... je croyais que nous étions amis...
Absalom eut un sourire compatissant.
-Il faut le comprendre. Laisse-lui un peu de temps pour réfléchir. Il s'inquiète pour sa sœur et se sent extrêmement blessé d'apprendre qu'une personne avec qui il avait noué des liens étroits est en réalité celui qui a fait tant de mal à sa famille. Nous sommes incapables de localiser ton repaire. J'ai essayé d'analyser les souvenirs que je t'ai arraché, mais pour le moment je dois t'avouer que cela ne donne pas grand-chose...Tu as un esprit très compliqué, tu sais ?
Arthur ne le savait pas. Il restait d'ailleurs toujours persuadé que tout cela n'était qu'une erreur. Les arguments du mage blanc se tenaient à peine. Il voulait bien croire que l'on souhaite préserver la vie, mais tout de même, un enfant aurait pu prédire que quelque chose ne fonctionnerait pas dans son plan absurde.
-Comment pouvez-vous être bien sûr que je suis Athanasios, Je n'ai pas l'impression d'être un méchant...
Le mage l'interrompit.
-Je ne sais pas si tu es foncièrement un méchant ou non, Arthur. J'ai souvent remarqué que la malveillance est en grande partie liée au passé. Avec tes souvenirs tu es un monstre. Mais sans, peut-être pas...
-Cela veut-il dire que je vais pouvoir sortir de cette cellule ?
Absalom soupira.
-Ce n'est pas si simple, Arthur. Avec ou sans tes souvenirs tu restes quelqu'un de potentiellement dangereux, même avec le blocage de ta magie. Et puis je ne pense pas que le roi donnerait son accord. Robert d'Aspignan n'est pas le seul à penser que tu fais juste semblant d'être amnésique. Beaucoup de gens ont de très bonnes raisons de te craindre et détester.
Arthur sentit un grand vide se former en lui. Tout cela lui semblait tellement...tellement injuste ! Il n'avait rien fait ! Du moins il ne se souvenait pas d'avoir fait quelque chose, ce qui était presque pareil à son sens.
-Que va-t-il m'arriver, s'inquiéta-t-il. Je ne veux pas passer toute ma vie enfermé ici !
Il se rappela soudain qu'Absalom avait mentionné une potentielle exécution.
-Je ne sais pas encore Arthur, répondit le mage d'une voix douce. Le conseil royal n'a pas encore pris de décision à ton sujet. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour adoucir ta peine.
-Rendez-moi mes souvenirs alors, que je sache au moins pourquoi je suis là !
-C'est évidemment hors de question. Je ne te les ais pas enlevés pour rien. Tu es dangereux. Vraiment dangereux. Si un jour tu parviens à t'emparer de tes souvenirs je serais alors vraiment obligé de te tuer.
Arthur dégluti. L'attaque dont il avait été victime dans l'autre monde lui revint alors à l'esprit.
-C'était vous, s'exclama-t-il. Les ominosi ! C'est vous qui les avez envoyés !
Absalom le regarda avec un air d'incompréhension.
-De quoi parles-tu ? Quels ominosi?
-Vous étiez le seul à savoir qui j'étais, remarqua le jeune homme d'un air soupçonneux.
Le mage leva les mains.
-Je n'ai pas invoqué des ominosi contre toi. Je ne pratique pas la magie noire. Tu dois avec d'autres ennemis que moi.
Arthur se sentit soudain envahi par une colère noire.
-Je ne suis plus celui que j'étais! cria-t-il. Vous ne pouvez pas me garder prisonnier dans ces conditions !
Absalom ne sembla pas réagir et le regarda un long moment en silence.
-Je ne peux pas rester plus longtemps, Arthur, finit-il par dire alors que le jeune homme se laissait tomber sur le sol, vidé de toute énergie. Je suis désolé pour toi. Mais il n'y a pour le moment pas d'autre solution. Mais je reviendrais te voir, si cela peut être pour toi une quelconque consolation.
Il parti alors et Arthur se retrouva plus seul qu'il ne l'avait jamais été.
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Bonjour à tous !
Vous connaissez maintenant enfin l'identité d'Arthur. J'avais vraiment hâte de vous la révéler (sans compter que j'avais la vague impression que quelques lecteurs commençaient à s'impatienter) ! Un certain nombre d'entre vous se doutait de la vérité (et je dois encore féliciter la team « Arthur est un méchant »🐇🐑).
J'avais glissé toutes sortes d'indices plus ou moins gros (mais j'ai aussi machiavelement cherché à vous embobiner en tentant à vous faire croire à plusieurs reprises qu'Arthur était Absalom). Certains indices ne peuvent peut-être finalement être compris que par quelqu'un qui connaîtrait déjà l'histoire. Si vous relisez un jour le prologue du narrateur ou de la narratrice, notamment son dernier paragraphe, vous remarquerez qu'il était finalement possible de déduire dès la partie 1 qu'Arthur était quelqu'un de louche.
A propos, ce narrateur personnage met ses initiales à la fin de son introduction. A votre stade de lecture, vous devriez comprendre sans aucune difficulté de qui il s'agit ^^.
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