27. L'adoubement


     Adossé à une colonne aux côtés de Charles et Louis d’Aspignan, Arthur attendait avec une impatience grandissante le début de la cérémonie. Il était loin d’être le seul. La salle du trône, pourtant bien vaste, était noire de monde. La foule, surexcitée, bavardait et s'agitait dans tous les sens et le jeune homme ne put que se féliciter d’être venu suffisamment tôt pour disposer d’une bonne place d'où il pourrait suivre les événements.

Ils étaient arrivés à Tolone il y a maintenant près d'une semaine. La cité royale était de loin la ville la plus imposante qu'Arthur ait eu l'occasion de voir à Mundus jusqu'à présent.

Des maisons multicolores y avaient poussé dans l'anarchie la plus totale. Il n'existait pas une seule rue droite et la ville ressemblait à un gigantesque labyrinthe.

— Et pourtant la complexité de Tolone n'est rien à côté de la cité de Maraudy, avait observé Robert lorsqu'Arthur lui fit part de cette réflexion. Nous l'avons longée au cours de notre voyage sans pour autant nous y arrêter. On dit qu'une vie n'est pas suffisante pour apprendre à s'y repérer. Maraudy est également célèbre pour sa foire annuelle et pour être un repère de criminels en tout genre. A Tolone, au moins, les soldats du roi parviennent à maintenir assez bien l'ordre. On peut s'y promener sans trop de risque de se faire détrousser ou égorger.

— Voilà qui est rassurant, avait ironisé Arthur en jetant des regards inquiets autour de lui.

Les deux amis avaient passé plusieurs jours à explorer les rues de la capitale. Ils étaient entrés dans d'innombrables petites boutiques proposant des produits divers et variés, dont la plupart étaient totalement inconnus à Arthur. Ce dernier avait été particulièrement intéressé par une minuscule échoppe tenue par une jeune femme qui vendait de petits objets ensorcelés.

— Les mots qui vous y écrirez ne pourront être lus que par vous, avait-elle dit au jeune homme en lui montrant un carnet recouvert de cuir usé. A moins que vous ne préféreriez une potion d'amour pour séduire votre belle ?

— Euh, non merci, avait répondu Arthur, assez embarrassé.

Il n'avait de toute façon pas d'argent à dépenser.

Ce jour-là, nul temps n'était disponible pour vagabonder. La cérémonie d’adoubement de Robert et de dix autres jeunes gens allait enfin se dérouler. Lorsqu’il se coucherait ce soir, Robert serait devenu un vrai chevalier.

Arthur n’avait plus vu son ami depuis la veille. D’après ce qu’il avait compris, l'apprenti chevalier avait participé à une veillée d’armes qui consistait notamment en un bain rituel purificateur. Il avait ensuite passé la nuit à méditer pour se préparer à son changement d’état.

Des bruits de pas se firent entendre et les éclats de voix moururent progressivement. Le roi Jean II, souverain du royaume de Galva, fit son entrée, entouré par une garde composée de chevaliers en armures. Le trône en pierre grise sur lequel il s'assit se trouvait tout au fond de la salle, surélevé par une estrade recouverte d'un tapis rouge. La reine Mathilde prit place à ses côtés sur un fauteuil plus modeste.

Le haut mage de la cour, revêtu d’une robe blanche couverte de broderies en fils d’or, se plaça à la droite du roi. Il allait mener la cérémonie en compagnie du connétable du royaume qui se trouvait à la tête des hommes d’armes.

Dans un silence religieux, les onze apprentis chevaliers firent à leur tour leur apparition, en simple chemise. Robert menait la marche. Il semblait être le plus âgé de tous d'un ou deux ans.

Le connétable fit un pas en avant.

— Qui vient là ? demanda-t-il d’une voix forte.

Robert s'avança le premier et prit la parole :

— Moi, Robert d'Aspignan.

Il se plaça alors sur le côté tandis que la personne derrière lui déclinait son identité, suivie par tous les autres. Les apprentis chevaliers formèrent une ligne, en face du roi.

Le grand mage s’avança à son tour, une fiole à la main, et déposa une goutte de liquide brillant sur le front de chacun des jeunes hommes.

— Que cette huile magique soit le soutien de votre force et de votre courage, déclara-t-il.

Le liquide s'illumina d'une lueur orangée avant de retrouver sa teinte translucide.

Une petite troupe de pages portant chacun une épée apparut. Le premier tendit l’arme qu’il tenait au roi. Ce dernier s’en saisit, se leva et se dirigea vers Robert. Il souleva l’épée solennellement avant de la poser successivement sur les deux épaules de l’apprenti.

— Je te sacre chevalier, Robert d'Aspignan. Puisses-tu te montrer digne de ce titre.

Les chevaliers plus âgés rejoignirent alors leur nouveau confrère et lui enfilèrent une armure. Le connétable lui remit des éperons, un écu et une bannière portant les armoiries brisées de la famille d'Aspignan. Enfin, le jeune homme reçut des mains mêmes du souverain son épée. La posant à ses côtés, il s'agenouilla devant le roi et plaça ses mains dans les siennes.

— Moi, Robert d'Aspignan, vous promets soutien et fidélité jusqu’au jour de ma mort.

— J’accepte ton serment et t’offre en retour ma protection.

Le nouveau chevalier se releva alors et enfourna son épée dans son fourreau.

Il y avait quelque chose d’extraordinairement impressionnant dans ce solennel cérémonial. Arthur retenait son souffle en même temps que la foule attentive.

La cérémonie se poursuivit avec l’apprenti suivant.

L’adoubement des onze jeunes hommes prit toute la matinée. Lorsque le dernier chevalier eut achevé de prêter serment, le roi Jean annonça l’ouverture du grand festin qui allait suivre la cérémonie.

Robert put enfin rejoindre sa famille, un grand sourire lui traversant le visage.

— Bravo, mon fils, lui dit Charles. Je suis fier de toi.

Louis lui donna une virile accolade.

— Tu es officiellement un homme, à présent.

— Félicitation, lui dit à son tour Arthur, qui ne savait pas très bien ce qu’il convenait de dire après un adoubement.

Etait-ce comparable à une sorte de remise de diplôme terrienne ?

— Regarde mon épée ! C’est un cadeau du roi, lui dit Robert en sortant son arme de son fourreau pour la lui faire admirer.

L’épée était le seul équipement réellement neuf que le nouveau chevalier venait de recevoir. L’armure et l’écu qu’on lui avait remis à nouveau étaient ceux qu’il utilisait déjà depuis plusieurs années.

Arthur se rapprocha pour examiner l’arme de plus près. A sa grande surprise, il constata qu’il s’agissait d’un véritable objet d’art. La garde et la lame était finement taillées pour représenter un long dragon crachant des flammes. L’œil de la bête était visiblement une pierre précieuse.

— Vas-tu vraiment de battre avec cela ? demanda-t-il à son ami, trouvant très dérangeante l’idée qu’une chose aussi belle puisse servir à ôter la vie.

— Normalement non, avoua Robert. C’est surtout une arme de parade, même si elle est extrêmement affûtée et pourrait tout à fait être utilisée en combat. Je crois que je vais l’appeler « Cracheuse de feu ». Qu’en penses-tu ?

— Euh..., pourquoi pas ?

— Ah, dit Robert en se frappant le front. J’oubliais. J’ai deux bonnes nouvelles pour toi ! La première est qu’un elfe de la Montagne blanche est arrivé à Tolone hier soir. Il devrait être présent au banquet qui va commencer. Nous pourrons probablement lui parler pour lui montrer ta marque. La seconde est qu'Absalom est apparemment parmi nous ! L'un des chevaliers adoubé en même temps que moi l'a déjà rencontré et a dit l'avoir aperçu. Nous allons probablement bientôt faire sa connaissance !

— Parfait! s’exclama Arthur, ravi.

Il était également extrêmement curieux de rencontrer le fameux mage blanc. Peut-être pourrait-il d'ailleurs l'aider à retrouver ses souvenirs. Il devait connaître le sort d'amnesia.

Robert l’attrapa par le bras.

— Allons manger maintenant ! Je vais juste me débarrasser de cette armure. Tu vas voir, les festins de fête à la cour valent presque la peine à eux tout seuls d'avoir fait tout ce chemin !
      

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