24. Les mages de combat
Arthur suivit Robert qui avançait à grands pas en direction des voix.
Le jardin de l'Académie s'étendait à l'ombre de l'arbre gigantesque. Un océan de plantes et d'arbustes inondait le moindre espace dans un savant désordre. Certains présentaient un aspect traditionnel, d'autres étaient de formes plus surprenantes. Un buisson bleuté attira plus particulièrement l'attention d'Arthur en raison de ses fleurs métalliques en forme de clochettes qui tintinnabulaient doucement au grès du vent.
Les deux amis longèrent l'enceinte avant d'arriver en vue d'un amphithéâtre en bois assez vaste qui s'élevait en demi cercle autour d'une piste en terre battue. Ses gradins quasiment vides semblaient être prévus pour accueillir une centaine de spectateurs. Une dizaine de garçons de huit ou neuf ans se faisaient face deux par deux en son centre, armés d'épées d'entraînement. Des jeunes hommes qui devaient avoir le même âge que Robert et Arthur se tenaient sur le côté en les encourageant bruyamment. Tous étaient vêtus du même uniforme noir que le groupe qui était passé à côté d'eux au moment de leur arrivée.
— Allons nous trouver une place discrète, chuchota Robert en entreprenant d'escalader les hautes marches.
Arthur observa les gradins avec perplexité. Contrairement à ce qu'il avait pensé de prime abord, ils n'étaient pas composés de planches mais de sortes de longs serpents en bois entremêlés pour former des marches.
— Ce sont les racines de l'arbre géant, lui expliqua Robert en s'installant confortablement comme s'il était au cinéma.
— Ses racines ? répéta Arthur, stupéfait. Comment ont-elles pu s'agencer de manière aussi complexe ?
L'apprenti chevalier haussa les épaules.
— Aucune idée. Les elfes ont des liens bien plus étroits que nous avec le monde végétal. Les bâtisseurs de l'Académie devaient connaître des techniques qui nous sont totalement inconnues. Ou alors, si cet arbre est réellement un ancien dieu, peut-être s'est-il figé de cette façon-là pour pouvoir assister à de bonnes bagarres.
— Ou à des pièces de théâtre.
— Si tu veux... Enfin, puisqu'il s'agit d'une divinité elfique, je pencherais plutôt pour les combats.
Arthur s'assit à son tour à côté de son ami. L'une de ses mains effleura une racine. Une décharge électrique le secoua et tout devint noir.
Une femme aux oreilles pointues et aux longs cheveux d'un blond presque blanc le regardait d'un air dur, assise sur un trône de pierre.
— Vous avez un choix à faire, lui dit-elle. Vos souvenirs ou votre ami.
L'image se brouilla et Arthur retourna à l'instant présent. Il observa d'un œil absent les petits mages qui se tapaient dessus avec conviction. Une question importante le tourmentait. Ces visions de cet homme à la peau noire et de cette femme aux cheveux blonds, à supposer qu'elles soient réelles, montraient-elles le passé ou l'avenir ?
— Fulgor ! cria soudain l'un des enfants.
Un éclair éblouissant jaillit de ses mains pour s'écraser contre le bouclier de son adversaire qui alla rouler sur le sol.
Robert hocha la tête d'un air approbateur.
— Plutôt prometteur ce petit, commenta-t-il.
Les camarades du garçon lancèrent à leur tour des attaques magiques plus ou moins réussies. A partir de ce moment-là, le combat devint un mélange de force physique et de sortilèges. Arthur constata, un peu dépité, qu'ils étaient bien plus doués que lui à manier l'épée, malgré tous les efforts qu'il avait fournis ces derniers mois.
Les affrontements ne durèrent encore que deux à trois minutes avant qu'un mage adulte n'y mette fin en projetant des étincelles en l'air. Le professeur fit quelques commentaires qu'Arthur ne parvint pas à entendre de là où il était. Les enfants quittèrent ensuite la piste et allèrent s'asseoir sur les premières marches, hors d'haleine. Leurs aînés, qui s'étaient jusqu'à présent tenus sur le côté, se levèrent à leur tour. Ils s'étaient revêtus d'une armure légère et d'un casque ouvert, à l'exception d'un jeune homme roux qui avançait tête nue avec assurance.
Robert se redressa.
— C'est là que ça va devenir intéressant.
Arthur comprit très vite ce qu'il voulait dire. Les jeunes gens maniaient leurs forces avec bien plus d'habilité que les enfants. On avait l'impression en les regardant d'assister à une sorte de danse mortelle.
Robert les observait, fasciné.
— Lorsque j'étais petit, j'avais la ferme intention de devenir un mage de combat, avoua-t-il sans regarder son ami. Je me rendais bien compte que je n'étais pas très doué avec la magie, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'espérer que cela ne représenterait pas un très gros obstacle. J'avais même fini par m'en persuader. Mais mon rêve s'est brisé net dès mon arrivée ici. Lorsque je me suis rendu à l'Académie pour tester mes capacités, le mage professeur m'a dit que je n'avais guère plus de pouvoirs qu'une poule.
Arthur jeta un regard en biais à Robert qui pinçait les lèvres, encore terriblement vexé par cette ancienne remarque.
— Tu es tout de même sur le point de devenir chevalier, observa-t-il. Ce sont aussi des combattants d'élite, n'est-ce pas ?
— Oui, c'est vrai. Mais bon... Tout de même, les mages de combat ont une certaine classe. Et ils sont extrêmement recherchés par toutes les armées de Mundus.
Robert soupira profondément tandis que le jeune homme roux venait de mettre à terre l'un de ses adversaires.
— Tu as quand même quelques pouvoirs et tu sais extrêmement bien te battre, remarqua Arthur pour essayer de le consoler. Compare-toi à moi ! Je ne dispose d'aucune magie et je me ferais battre à plate couture dans un combat singulier contre n'importe lequel des enfants de tout à l'heure.
— Je ne suis pas d'accord avec toi, Arthur, protesta l'apprenti chevalier. Bon, pas pour dire que tu sais te battre. Je pense aussi que tu ne tiendrais pas une minute devant l'un de ces petits, mais c'est un autre problème. Non, je veux dire que tu n'es pas n'importe qui. Les signes gravés sur ta main en sont la preuve. Les elfes blancs ne se mêlent quasiment jamais aux affaires humaines. Pourtant ils t'ont apposé une marque. Tu dois être une personne vraiment spéciale. C'est une grande preuve d'honneur.
Arthur fronça les sourcils.
— Justement, cela n'a aucun sens ! Si je suis quelqu'un d'aussi important, pourquoi est-ce que personne ne semble me connaître ? C'est parfaitement absurde !
Robert haussa les épaules.
— Peut-être es-tu connu sous un autre nom ? Je suis persuadé que tu découvriras la vérité sur ton identité un jour ou l'autre.
— Je l'espère...
Arthur reporta son attention sur le combat qui s'achevait déjà. Le mage roux était de toute évidence en train de l'emporter. Il était le seul à être encore debout avec un adolescent en train de chanceler. Il faucha son adversaire d'un simple coup de pied.
Toutes les personnes présentes se mirent à applaudir avec enthousiasme. Arthur et Robert les imitèrent avec un moment de retard.
— Je pense que c'est fini. Allons dîner maintenant ! proposa l'apprenti chevalier en s'étirant.
Lorsqu'il arrivèrent en bas des marches des gradins, ils tombèrent sur le jeune homme roux qui était en train de retirer son plastron.
— Oh, bonjour Robert, dit ce dernier d'un ton surpris. Je ne savais pas que tu étais à l'Académie.
Robert lui adressa un sourire légèrement crispé.
— Bonjour Eudes. Je ne suis que de passage. Nous nous rendons à la cour, entre autres pour mon adoubement.
— Vraiment ? Il n'a toujours pas eu lieu ?
Le sourire de l'apprenti chevalier se fit encore plus mince.
— Avec les derniers événements, tout a été un peu...retardé.
— Je vois..., commenta le mage d'un air neutre.
Les deux jeunes hommes se mesurent du regard encore une fraction de seconde avant que Robert ne prenne congé avec un salut de la tête un peu sec, Arthur sur ses talons.
— Qui est-ce ? demanda ce dernier avec curiosité, un peu étonné par le ton inhabituellement brusque de son ami.
— Eudes de la Rigaudière, répondit Robert entre ses dents. C'est un ancien camarade. Enfin, disons plutôt que nous avons toujours été rivaux. Sa famille possède des terres non loin d'Aspignan. Nous avions le même professeur d'escrime. Nous étions tous les deux aussi forts et avions le même rêve de devenir des mages de combat. Nous nous sommes présentés à l'Académie le même jour. Eudes a été reçu immédiatement tandis que je recevais la réponse que tu connais.
L'apprenti chevalier continuait d'avancer rageusement.
— Et tout cela pour quelques formules que j'ai incantées de travers ! Alors que j'étais tout à fait capable de battre Eudes à l'épée quand je le voulais ! C'est très certainement toujours le cas ! Bien sûr, je ne regrette rien. L'état de chevalier est l'un des plus honorable qu'il soit ! Et puis ce costume noir porté par les mages de combat est juste ridicule et...
Robert s'arrêta et jeta un regard un peu penaud à son ami.
— A vrai dire, il est possible que je sois un peu jaloux d'Eudes de la Rigaudière...
— Il n'y a pas de quoi, lui assura aussitôt Arthur. Cet Eudes, je trouve qu'il a l'air assez prétentieux, d'ailleurs.
— Vraiment ? Oui, c'est très possible.
— Et il n'a pas ton énergie au combat.
— Tu exagères un peu. Il est tout de même très fort.
Robert paraissait cependant de bien meilleure humeur lorsqu'ils gagnèrent le bâtiment commun.
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