21. L'attaque des elfes noirs
Un premier elfe apparut au bout du chemin. Il montait à cru sur un destrier gris, protégé par une cuirasse légère et un simple casque à nasal. Ses cheveux dénoués volaient derrière son dos comme une longue cape brune. Ses doigts interminables s'enroulaient autour du manche d'une monstrueuse hache à double lame rendue étincelante par les rayons du soleil sur le déclin.
Ses compagnons le suivaient immédiatement. Ils étaient dix, huit hommes et deux femmes, la plupart tête nue. L'un d'entre eux avait recouvert son visage d'une peinture rouge sang.
Arthur les regarda avancer avec un intérêt tout scientifique. Il constata avec un certain enthousiasme que les histoires qui se racontaient sur Terre avaient au moins une part d'authenticité : le bout des oreilles des elfes était réellement pointu. Le jeune homme se trouvait trop éloigné d'eux pour pouvoir distinguer tous les détails de leur anatomie, mais il lui sembla que leurs yeux au regard cruel étaient également un peu plus allongés que ceux des humains. Il ne leur trouva pas à part cela de différences flagrantes avec les hommes. Peut-être étaient-ils légèrement plus grands.
Un léger bruit inattendu détourna Arthur de son examen. Il était persuadé d'avoir entendu comme un son de moteur. De quoi pouvait-il bien s'agir ? Le jeune homme crut voir à ce moment-là un objet volant passer au-dessus de lui avant de s'écraser dans un bosquet à une trentaine de mètres de là. Les elfes, cependant, étaient de plus en plus proches, et il lui sembla immédiatement plus urgent de se concentrer sur le combat qui n'allait pas tarder à éclater.
Charles d'Aspignan s'avança calmement. Son attitude posée ne trahissait pas la moindre crainte.
— Nous ne vous voulons aucun mal, lança-t-il d'une voix parfaitement maîtrisée. Nous sommes plus nombreux et mieux armés que vous. Passez votre chemin et nous vous laisserons partir en paix.
Le chef des elfes eut un ricanement de mépris et répondit quelque chose dans une langue gutturale qu'Arthur n'avait jamais entendue. Nulle traduction n'était cependant nécessaire pour comprendre que leurs adversaires refusaient l'offre.
Charles, Louis, Robert et leurs vassaux dénudèrent leurs épées d'un seul mouvement.
Les elfes chargèrent.
Arthur les observa dévaler le chemin avec un mélange de peur et de fascination. Il y avait quelque chose d'à la fois magnifique et terrifiant dans cette chevauchée débridée qui s'abattait sur eux.
Le choc frontal fut rude. Les armes tintèrent en se rencontrant. Aucun des deux camps ne sembla vouloir reculer.
La bataille se fit confuse. De multiples affrontements individuels s'engagèrent et Arthur dut tourner la tête dans tous les sens pour pouvoir en suivre le plus possible. Il observa Robert se battre avec un jeune elfe qui semblait partager son amour du combat. Ils échangeaient des coups d'épée plus enthousiastes que réellement efficaces, aussi contents l'un que l'autre. Son père luttait contre le chef ennemi, cherchant à le désarçonner. L'elfe brisa son écu d'un puissant coup de hache. Charles jeta à terre les débris de bois et para le nouvel assaut avec son épée. Il contre-attaqua et parvint à toucher son adversaire à la poitrine. Pendant ce temps-là, Louis avait mis à terre un autre elfe qu'il combattait avec un autre chevalier.
Les piétons s'approchèrent pour prêter main forte aux chevaliers. L'un des domestiques qui servait dans les cuisines du château d'Aspignan enfonça un coutelas dans la cuisse d'un cavalier et s'accrocha à sa jambe pour le faire tomber de sa monture. L'elfe poussa un feulement sauvage et se débattit férocement. Il assomma son adversaire d'un coup de poing à la tempe avant d'affronter deux autres serviteurs armés de solides bâtons.
Arthur entendit un cri étranglé et vit l'un des chevaliers s'écrouler, le cou percé d'une flèche. Un autre projectile se planta sur le rebord d'un chariot, à quelques centimètres de l'endroit où le jeune homme se trouvait.
Puis, aussi soudainement qu'ils étaient venus, les elfes se retirèrent, laissant l'un des leurs étendu sans vie sur le sol. Ils ne tardèrent pas à disparaître au détour du chemin et le calme revint.
Robert s'avança vers Arthur. Il ne paraissait pas blessé.
— Tu vas bien ? demanda l'apprenti chevalier à son ami.
— Oui. A vrai dire, je n'ai pas fait grand chose, répondit le jeune homme qui, à la réflexion, n'avait en réalité rien fait du tout.
Il tenait toujours son épée à la main sans l'avoir jamais levée une seule fois.
— Tu m'as vu face à cet elfe ? reprit Robert, les yeux brillants d'excitation. Je l'ai mis en fuite sans problème, alors qu'il était bien plus grand que moi ! J'ai même réussi à l'atteindre au bras tandis qu'il n'a pas pu me toucher une seule fois!
Arthur hocha distraitement la tête et regarda autour de lui. Le cuisinier assommé était en train de reprendre connaissance. Un autre serviteur avait une plaie ouverte tout au long du bras. La plupart des chevaliers, protégés par leur armure, étaient indemnes. Celui qui avait reçu une flèche dans le cou n'avait cependant pas survécu à sa blessure.
— La pointe s'est plantée juste à la jonction entre le heaume et le gorgerin, expliqua tristement Louis qui était agenouillé à ses côtés.
Arthur détourna les yeux. Il estimait avoir eu son quota de cadavres pour la journée. Sans doute même pour l'année.
— Pourquoi cette attaque ? demanda-t-il à l'apprenti chevalier. Que voulaient ces elfes ?
Robert haussa les épaules. Il essuyait consciencieusement son épée sans manifester le moindre dégoût devant le sang dont elle était recouverte.
— Ils souhaitaient se battre, tout simplement. Les elfes noirs sont ainsi. Ils n'ont besoin d'aucune raison particulière pour vouloir se confronter aux humains.
— Mais ils étaient beaucoup moins nombreux que nous ! Quelle chance avaient-ils de nous vaincre ? Ils avaient des arcs. Pourquoi ne pas nous tirer dessus à distance plutôt que de foncer droit sur nous ?
L'apprenti chevalier eut un petit rire.
— Les elfes sont d'excellents guerriers mais d'assez médiocres tacticiens. Ils ont de plus beaucoup de mal à combattre autrement que par petits groupes. Seuls Athanasios et le Prince noir étaient parvenus à les unifier suffisamment longtemps pour les rendre réellement dangereux.
Arthur, cependant, regardait en direction du bosquet le plus proche, se rappelant le bruit étrange qu'il avait entendu au début du combat. Posant son épée sur un chariot, il s'y dirigea et s'enfonça à travers les buissons. Il écarta les branches à mains nues avant de tomber sur un objet rond muni de quatre hélices qui gisait sur le sol. Il s'agissait... d'un drone ?
Le jeune homme fronça les sourcils, perplexe. La vision de cet objet au milieu de la campagne mundusienne était parfaitement incongrue. Que faisaient les elfes noirs avec de la technologie terrienne ? Ils étaient censés haïr les humains. Qui leur avait donc procuré un tel matériel ? Pour quelles raisons ?
Arthur s'apprêtait à s'approcher de plus près du petit engin lorsqu'il entendit un craquement sur sa gauche. Il tourna la tête et sentit son sang se figer. Un elfe noir s'avançait lentement vers lui en boitant, une dague à la main.
Le jeune homme chercha précipitamment son épée avant de se souvenir qu'il ne l'avait pas emportée. Comment avait-il pu se monter aussi stupide ? Il n'aurait jamais dû se séparer de son arme et du reste du groupe avant d'être certain que tout danger était écarté. Cet elfe devait être celui qui avait été jeté à bas de son cheval par le cuisinier. Profitant de la confusion des combats, il s'était probablement réfugié dans le bosquet, attendant de pouvoir fuir.
L'elfe avait un petit sourire cruel sur le lèvres, prenant tout ton temps. Il savait que son adversaire ne pouvait pas lui échapper. Il souleva sa dague et la fit tourner entre ses doigts, ressemblant à un félin s'apprêtant à jouer avec sa proie.
Dans un vain réflexe, le jeune homme leva le bras gauche pour se protéger le visage. Il sentit alors le dos de sa main le brûler. Il poussa un cri et rabaissa le bras pour l'examiner. Une marque incandescente représentant un cercle rempli de symboles géométriques venait de s'incruster sur sa peau. Arthur et son agresseur échangèrent un même regard étonné devant cette étrange manifestation. L'elfe, toutefois, sembla mieux identifier le phénomène. Il leva les yeux pour examiner les traits du visage du jeune homme avec davantage d'attention. Il perdit aussitôt toute couleur.
— Vous ? bredouilla-t-il dans le langage humain.
Puis il s'enfuit à toute vitesse, ne laissant qu'une traînée de sang qui coulait de sa jambe blessée.
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